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Entretien avec Irène Ottenhof – Où en est aujourd’hui la Ligue Féminine de Basket ?

Entretien avec Irène Ottenhof, qui est depuis cinq ans la Directrice de la Ligue féminine de Basket. Où l’on parle de salaires, de reconversion, de médiatisation, et bien sûr du vingtième anniversaire de la LFB. L’interview est en deux parties.

Entretien avec Irène Ottenhof, qui est depuis cinq ans la Directrice de la Ligue féminine de Basket. Où l’on parle de salaires, de reconversion, de médiatisation, et bien sûr du vingtième anniversaire de la LFB.

L’interview est en deux parties.

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On dit « LFB », « Ligue Féminine de Basket » ou plus simplement « La Ligue » comme le font souvent les joueuses ?

La LFB, c’est un peu une marque, un championnat, un service ici à la fédération, une commission avec les présidents de club, ce sont aussi les clubs. Pour en avoir parlé avec des clubs et des acteurs du basket féminin, je pense qu’il faut trouver un nom qui exprime le caractère professionnel ce qui n’est pas le cas du nom « Ligue Féminine de Basket ». Quand j’en parle à des gens qui ne connaissent pas le basket, des partenaires ou des gens lambda, la Nationale 1 féminine exprime plus le caractère de haut niveau que la Ligue Féminine. C’est quelque chose qu’il va falloir régler.

C’est important car il y a beaucoup de gens qui n’imaginent pas que l’on puisse être basketteuse professionnelle ?

On est d’accord. Il y a quelque chose à travailler sur ce que l’on veut véhiculer sur le niveau de compétition. Quand on dit Pro A, la messe est dite, il y a Pro. Quand on dit Ligue Féminine… Faites un sondage dans la rue, qui va savoir ce que c’est ? Alors, si en plus, on ne dit que La Ligue… Est-ce que ce sera moi qui m’occupera de ce dossier ou après, je ne sais pas, je ne maîtrise pas les timings.

A ce propos, les basketteuses de Ligue Féminine sont-elles toutes professionnelles et avec un salaire moyen net de 4 000€ les joueuses vivent-elles mieux qu’il y a vingt ans ?

Sur le plan juridique, la plupart des basketteuses en Ligue Féminine sont professionnelles (1). Il existe trois statuts : pros, amateurs et sous convention de formation. Sur l’aspect fonctionnel, elles sont encore plus que quasiment toutes pros puisque même quand elles sont amateurs, elles ont des indemnités. Il y en a quelques-unes qui poursuivent des études, qui arrivent à avoir des concours dans la fonction publique, de professeurs des écoles, d’EPS. Elles font leur année de stage pour être titularisées et se mettent en dispo pour pouvoir continuer leur activité professionnelle de joueuses de basket et ensuite elles intègrent un travail. Quand on joue l’Euroleague ou l’Eurocup et le championnat de France, soit deux matches par semaine, c’est impossible de travailler. Toutes les joueuses sont professionnelles car elles sont mobilisées au quotidien, elles travaillent le week-end. Oui, elles gagnent mieux leur vie qu’il y a deux décennies (2).

A propos de la Ligue 2 : avec un salaire net moyen de 1 882 euros, il n’y a pas de quoi faire des folies ? Les joueuses sont-elles pros, y a-t-il beaucoup d’étudiantes ?

Le décor est un peu différent par rapport à la Ligue Féminine. On a des joueuses sous contrats professionnels en nombre beaucoup plus réduit et d’autres qui sont amateurs. Des joueuses travaillent à côté. Pour beaucoup ce sont des choix, toujours dans l’idée de reconversion.

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Il y a eu quelques belles réussites de deuxième carrière après celle de basketteuse : Yannick Souvré est la directrice de la Ligue de Volley, Audrey Sauret est Général Manager du club masculin de Charleville, la Franco-Russe Ilona Korstine est Directrice Générale de la VTB League, Clarisse Costaz a fait Sciences Pro…

Clarisse, je la connais très bien. C’était une internationale en jeune, une bonne joueuse de Ligue Féminine, elle a fait le Ministère puis Paris 2024. Il y a de très belles reconversions sauf qu’il n’y a pas réellement de suivi et c’est difficile de fournir des statistiques, des éléments probants sur ce que font les filles aujourd’hui. J’ai un grand respect pour ces joueuses qui arrivent à mener des études pendant leur parcours de basketteuse et qui pour d’autres se mobilisent relativement vite en se préoccupant de leur reconversion. Anticiper, c’est ça la vraie solution intelligente tout comme vous ne vous préoccupez pas de votre préparation physique quand vous commencez à être crevée, mal en point avec des bobos. A la première signature d’un contrat pro, vous devriez déjà être en train de vous demander ce que vous avez envie de faire pour jalonner votre parcours de diplômes et aussi de rencontres, d’autres personnes, d’autres univers, que les huit, neuf partenaires, le staff technique et le président du club. Un univers qui sclérose psychologiquement. Pour en avoir parlé avec le SNB (Syndicat National des Basketteurs), ils ont la même analyse. Les filles s’occupent très bien de ça déjà parce qu’il y a moins d’argent, elles sont plus en éveil pour savoir ce qu’elles vont faire après le basket, elles se projettent davantage.

Aujourd’hui Directrice Générale de la VTB League, Ilona Korstine a joué en Ligue Féminine de 1998 à 2003 sous le maillot de Bourges.

« On programme pour la fin de saison, c’est une soirée de gala le 29 mai à Paris et qui aura pour but de célébrer à la fois ces Cinq Majeur et les championnes de France en titre »

La Ligue Féminine de Basket fête son 20e anniversaire. Quelles sont les actions qui sont actuellement menées ?

Avec mon équipe, on a mené un gros travail sur la mise en lumière des personnages qui ont marqué la Ligue Féminine, des dirigeants, des entraîneurs, des joueuses, des arbitres. Ça a donné lieu à de la publication tout au long de la saison de contenu rédactionnel. Pour moi la mémoire, c’est l’Histoire qui se transmet par la lecture, des anecdotes. On a eu aussi envie d’inviter les fans de basket féminin, le public, à vivre toute cette vingtième saison de l’Open jusqu’aux championnes de France qui vont être sacrées au mois de mai. Sur le plan de la communication, j’ai voulu insister sur le thème du voyage. C’est pour cela que l’Open parlait d’Embarquement immédiat. On va voler, naviguer au-dessus de ces 20 ans. A l’intérieur de ce voyage, on a eu la volonté de mettre à l’honneur les joueuses qui ont marqué la Ligue Féminine depuis 98 car ce sont elles qui incarnent la pratique. C’est pour cette raison que l’on a mobilisé le public pour lui faire dire qui est la meilleure joueuse française et la meilleure étrangère. On a mis en place un jeu via Internet. Ce sont donc Céline Dumerc et Ann Wauters qui ont été élues. La volonté c’était aussi de mettre en lumière un Cinq Majeur français et un Cinq Majeur étranger. On a réuni un jury composé d’experts pour composer ces Cinq. On a aussi voulu mettre en place un Cinq Majeur de joueuses françaises qui n’ont pas forcément marqué la Ligue Féminine en tant qu’entité, c’est-à-dire depuis 1998, soit parce que l’apogée de leur carrière était un peu avant, soit parce que l’on a des joueuses encore en activité qui ont peu joué en Ligue car elles ont fait carrière à l’étranger, et que l’on souhaitait aussi mettre en valeur. On a programmé une soirée de gala le 29 mai à Paris et qui aura pour but de célébrer à la fois ces Cinq Majeur et les championnes de France en titre. Ça sera au lendemain de la cinquième manche potentiel pour fermer cette parenthèse de la vingtième saison avec l’idée de transmission entre les championnes d’aujourd’hui et celles d’hier. Des dirigeants, des présidents emblématiques, des entraîneurs et des personnes qui ont porté la Ligue Féminine à la fédération seront également mis à l’honneur.

A propos de soirée, cette année, la Ligue Féminine s’associe avec la Ligue Nationale de Basket pour la remise des Trophées de la saison ?

Effectivement, dans les actions de promotion du basket féminin, on va co-organiser avec la LNB la Soirée des Trophées. On n’a pas encore défini le nom mais on se dirige vers quelque chose comme La Soirée du Basket Professionnel. C’est un vrai pas en avant car on ne va plus parler de basket masculin d’un côté et de basket féminin de l’autre, on va mettre à l’honneur les sportifs professionnels. C’est bien pour les sportifs et aussi pour les structures, LNB d’un côté et LFB de l’autre. Les femmes ont quelque chose à apporter au basket masculin et nous, Ligue Féminine, bien sûr que l’on a intérêt à se rapprocher de la LNB qui possède une force de frappe, un impact médiatique, plus important. On a toujours intérêt à se rapprocher de la lumière pour bénéficier d’un rayon. Ce n’est pas courber le dos, se sentir inférieures, c’est reconnaître la réalité des choses.

La WNBA bénéficie de l’aura de la NBA ?

Exactement. Comme le foot féminin bénéficie de l’aura et de la lumière du foot masculin. A partir du moment où vous donnez du sens, vous savez pourquoi vous faites les choses, et quand vous le faites avec l’idée que, vous, vous apportez aussi quelque chose, c’est positif. On apporte la féminité, la haute performance des basketteuses qui sont vice-championnes olympiques, qui sont tous les ans sur ou proches du podium européen voire mondial. Il y a un espace gagnant-gagnant qui est à exploiter pour les deux entités. La LNB l’entend aussi de cette oreille. Nous sommes ravies de voir que l’on aura le leadership grâce à cette action au niveau de la mixité. On est le sport féminin numéro un en termes de licenciés, on est la première ligue créée. Je veux que l’on conserve cette position de leadership et il faut le faire avec les hommes.

Dans le but d’unifier vous allez donc reprendre la nouvelle formule de la LNB avec une MVP sans distinction de nationalité ?

Cette action mixte n’a pas impacté négativement la formule mais elle a demandé une réflexion d’adaptation. L’intérêt quand on fait une action commune, c’est qu’elle soit compréhensible et c’est pourquoi on a décidé de faire tomber la notion de nationalité sur la MVP. Il n’y aura plus de MVP française et de MVP étrangère, on aura la meilleure joueuse du championnat LNB. En revanche, nous aurons en plus le meilleur Cinq de la Ligue Féminine de Basket. Il y aura toujours un trophée pour les espoirs et un autre pour les entraîneurs.

Charleville-Mersin en Eurocup, à la Caisse d’Epargne Arena.

« C’est que les budgets moyens sont en forte hausse depuis trois ans avec des gestions qui sont saines. On est à 1,659M€ de budget moyen. C’est une vraie satisfaction. »

Etes-vous satisfaite aujourd’hui des structures des clubs : salles, staffs technique et médicaux, conditions de déplacement, etc ?

Je suis satisfaite de la progression dans la structuration qui est indéniable. Je suis satisfaite de voir que les clubs un peu moins équipés financièrement ont la volonté dans la gouvernance politique de se structurer dans les ressources humaines, d’offrir de meilleures conditions de transport aux joueuses. Je suis très satisfaite de deux points sur l’aspect économique : 1- la capacité des clubs à avoir répondu présent à ce qu’avait imposé la fédération il y a quatre ans, à savoir la mise en place d’un fond de réserve. Ce fut très douloureux, très compliqué à faire passer aux clubs surtout à ceux qui avaient une très bonne gestion financière. Ce fond de réserve est l’équivalent de 10% du budget. 4% la première année, puis 6, 8 et 10%. C’est une somme d’argent qui est bloquée au niveau du club et qui a pour but de pallier la fuite d’un partenaire en cours de saison qu’il soit public ou privé et qui surtout permet d’éviter que des clubs explosent en cours de saison, ce qui provoque une image déplorable. Le deuxième objectif, la carotte, une fois ce fond de réserve constitué, c’est d’avoir une masse salariale libre. On vous fait confiance pour embaucher telle ou telle joueuse, vous n’êtes plus encadré par la fédération. Presque tous les clubs ont atteint ce fond de réserve. Le deuxième point, c’est que les budgets moyens sont en forte hausse depuis trois ans avec des gestions qui sont saines. On est à 1,659M€ de budget moyen. C’est une vraie satisfaction.

C’est plutôt une augmentation due aux partenaires privés ?

C’est le troisième point. Un virage très important a été pris par les clubs. Il y a trois, quatre ans, on anticipait la raréfaction de l’argent public avec la réforme territoriale. Les clubs ont été prévenus, un discours très fort leur a été transmis, on les a incités à mener tous les efforts possibles et imaginables pour essayer d’inverser la tendance entre la proportion d’argent public et les partenariats. On sait que le sport féminin, et pas que le basket, vit davantage d’argent public que le sport masculin. On assiste aujourd’hui à une inversion de tendance, c’est-à-dire que tous les clubs ont augmenté leurs partenariats. Soit il y a eu une baisse de l’argent public et le partenariat a augmenté, ce qui fait que vous vous retrouvez sur un modèle équivalent, soit l’argent public n’a pas ou pas encore baissé, et du coup, vous vous retrouvez avec des augmentations de budget. Sur le plan économique, c’est un immense bravo à ce qui a été mené.

C’est la peur du gendarme qui a amené à cette hausse des partenariats ou la Ligue a –t-elle montré la direction ou encore les clubs se sont-ils transmis des recettes pour les augmenter ?

Un peu de tout ça. La carotte et le bâton, c’est la CCG (Commission de Contrôle de Gestion), c’est une directive fédérale et on est forcément associé à ça. C’était difficile à admettre pour les clubs mais c’est une vraie réussite. Ça a joué pour beaucoup. Après, effectivement, il y a eu un travail d’accompagnement de la Ligue Féminine, y compris financier. Les clubs râlent parfois parce qu’il n’y a pas de droits TV, pas ceci ou cela mais la fédération abonde tout de même à hauteur de 500 000€. C’est de l’argent qui n’est pas prélevé aux clubs. Le dernier investissement, c’est Kmotion pour la diffusion des matches. Il y a une dotation dégressive sur quatre ans, qui est apportée à chaque club : 5 000, 4 000, 3 000 et 2 000€ la dernière année. Il faut multiplier cette aide par douze. OK, ils ne touchent pas 2 ou 3 000€ sur chaque match télévisé mais il y a des aides financières sur les acquisitions de matériel, des accompagnements sur tout ce qui est communication, il y a des mutualisations, un certain nombre de choses pilotées par la Ligue Féminine. On ne fait pas à la place de, mais on aide énormément, on accompagne les clubs. Mais c’est la volonté politique, la stratégie de différentes gouvernances des clubs qui réussit à mettre ça en oeuvre.

Le président Xavier Le Cerf-Galle justifie le départ de Géraldine Robert pour Lyon pour des raisons financières. Faut-il s’inquiéter pour le Cavigal de Nice ?

Je ne peux pas répondre sur l’aspect financier car c’est la CCG qui détient les chiffres et les différentes auditions. Je trouve ça très bien qu’il y ait une sorte de filtre, que les comptes ne soient pas déballés. En revanche, on peut d’ores et déjà s’inquiéter pour une chose pour le club de Nice, c’est pour son maintien dans la division. Ils prennent le chemin des playdowns avec une instabilité au niveau du staff technique (NDLR : le coach Jimmy Verove a quitté le club pour devenir assistant à Pau en Jeep Elite), il y a des mouvements de joueuses avec en l’occurrence Géraldine Robert. On peut donc s’inquiéter sur leur maintien en LFB sur le plan sportif. Ce ne sont pas des conditions parfaites pour affronter un mini-championnat à quatre hyper dur et où les confrontations directes en saison régulière seront prises en compte et dont un club va faire les frais.

(1) A ce jour en LFB, il y a 179 joueuses autorisées à participer au Championnat : 115 pros et 64 amateurs → 64% de pros. En LF2, il y a 201 joueuses : 73 pros et 128 amateurs → 36% de pros

(2) A titre de comparaison, lors de la saison 2005-2006, le salaire moyen brut en LFB était de 3 212€ pour une Française, 6 317€ pour une Européenne et 7 296€ pour une joueuse hors EEE.

A suivre.

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On dit « LFB », « Ligue Féminine de Basket » ou plus simplement « La Ligue » comme le font souvent les joueuses ?

La LFB, c’est un peu une marque, un championnat, un service ici à la fédération, une commission avec les présidents de club, ce sont aussi les clubs. Pour en avoir parlé avec des clubs et des acteurs du basket féminin, je pense qu’il faut trouver un nom qui exprime le caractère professionnel ce qui n’est pas le cas du nom « Ligue Féminine de Basket ». Quand j’en parle à des gens qui ne connaissent pas le basket, des partenaires ou des gens lambda, la Nationale 1 féminine exprime plus le caractère de haut niveau que la Ligue Féminine. C’est quelque chose qu’il va falloir régler.

C’est important car il y a beaucoup de gens qui n’imaginent pas que l’on puisse être basketteuse professionnelle ?

On est d’accord. Il y a quelque chose à travailler sur ce que l’on veut véhiculer sur le niveau de compétition. Quand on dit Pro A, la messe est dite, il y a Pro. Quand on dit Ligue Féminine… Faites un sondage dans la rue, qui va savoir ce que c’est ? Alors, si en plus, on ne dit que La Ligue… Est-ce que ce sera moi qui m’occupera de ce dossier ou après, je ne sais pas, je ne maîtrise pas les timings.

A ce propos, les basketteuses de Ligue Féminine sont-elles toutes professionnelles et avec un salaire moyen net de 3 700€ les joueuses vivent-elles mieux qu’il y a vingt ans ?

Sur le plan juridique, la plupart des basketteuses en Ligue Féminine sont professionnelles (1). Il existe trois statuts : pros, amateurs et sous convention de formation. Sur l’aspect fonctionnel, elles sont encore plus que quasiment toutes pros puisque même quand elles sont amateurs, elles ont des indemnités. Il y en a quelques-unes qui poursuivent des études, qui arrivent à avoir des concours dans la fonction publique, de professeurs des écoles, d’EPS. Elles font leur année de stage pour être titularisées et se mettent en dispo pour pouvoir continuer leur activité professionnelle de joueuses de basket et ensuite elles intègrent un travail. Quand on joue l’Euroleague ou l’Eurocup et le championnat de France, soit deux matches par semaine, c’est impossible de travailler.

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Photos: Jean-Patrick Lapeyrade et FIBA Europe

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