Depuis le 1er juin 2019, Agnès St Ges est la nouvelle Présidente Directrice Générale du Bourges Basket. Cette Directrice d’une entreprise de maisons individuelles succède à la référence du sport féminin français, Pierre Fosset, qui a tenu la barre pendant 26 ans et emmené le club sur les sommets européens avec notamment un triplé en Euroleague (1997, 98 et 2001). Elle gère un immense héritage dans un contexte sanitaire et économique épouvantable suite à la pandémie de Covid-19.
L’interview est en deux parties.
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Lorsque Pierre Fosset vous a proposé de lui succéder, avez-vous accepté de suite ou avez-vous pris le temps de la réflexion ?
J’ai pris la présidence en juin 2019 et deux ans auparavant, il m’avait sollicité en me demandant de prendre sa suite. J’étais à ce moment-là présidente du club des partenaires. Je lui répondu spontanément : « non ! » (Rires) J’ai deux entreprises et c’était pour moi important qu’il y ait une organisation du club qui soit restructurée. Pierre avait quand même depuis plus de 25 ans toute cette visibilité et ce savoir-faire et pour moi, il nous fallait un directeur général qui soit en place pour pouvoir prendre la suite. En décembre 2018, Pierre m’a mis devant le fait accompli en me disant « Agnès, je t’invite à déjeuner. » Et en général, quand Pierre dit ça, c’est qu’il y a des choses graves ! (rires). Il m’a dit qu’au prochain Conseil d’Administration, il allait présenter sa démission et présenter ma candidature. Ça m’a permis durant ces deux années dans l’ombre d’anticiper cette prise de fonction, de voir comment ça fonctionnait. Autant j’ai la connaissance du monde de l’entreprise alors que celle du basket était évidemment moins de ma partie.
C’est un homme du sérail, le bâtisseur de ce club qui est le plus titré du sport français. C’est un sacré héritage ?
Avec le Directeur Général (Valentin Cavelier), on est un vrai binôme et en plaisantant, je dis très souvent que l’on a remplacé Pierre Fosset par deux personnes. Le club de Bourges a un palmarès et une histoire qu’on ne retrouve pas dans le basket féminin, sur la durée du palmarès et la réussite du club.
Il vous conseille toujours ?
Au départ, je pense qu’il avait envie de couper. Je sais que si j’en ai besoin, je peux le solliciter. Je vais parfois échanger avec lui sur des sujets. On a chacun une façon complètement différente de faire les choses et lui avait besoin de tourner la page. Alors, aussi par respect, j’évite de le solliciter.
« Elles m’ont dit, le jeudi à 23h, à Paris, « Agnès, on ne rentrera pas sur le terrain. » J’ai répondu : « si c’est votre décision, je la soutiendrai et on l’expliquera demain au président de la fédé »
Vous avez commencé en vendant des fruits et légumes sur les marchés puis vous avez racheté une entreprise en bâtiment avec votre mari en 1997 ou vous avez été comptable avant d’en être la directrice générale. Vous avez découvert le basket à travers le club des partenaires dont vous avez été la présidente pendant huit ans. Comment avez-vous découvert le basket ?
Je suis native du département du Cher, de Vierzon. J’avais été invitée à un match comme cliente par des partenaires, qui étaient des négoces ou des organismes bancaires. J’ai découvert ainsi le basket en 1999.
C’est inévitable à Bourges de se retrouver un jour au basket ?
Il y a une culture basket à Bourges mais on s’aperçoit qu’il y a encore des gens qui ne le connaissent pas plus que ça. On a encore plein de travail à faire pour encore plus se faire connaître et avoir encore plus cette culture basket. Mais il est évident qu’il y a un très fort noyau, que ce soit les abonnés et les partenaires avec cette culture basket.
Vous formez un binôme avec Valentin Cavelier, lui s’occupant du sportif et vous de la partie business ?
Pas du tout ! En fait, par mon tempérament, j’ai besoin de tout comprendre. On fait les choses ensemble. Tous les jours on se téléphone et je passe au club. Il a évidemment toute latitude pour les conversations directes mais pour moi c’est important d’avoir la visibilité globale. Le sportif c’est d’abord notre coach, Olivier Lafargue et on n’a pas à s’immiscer dans cette partie-là de toutes façons. Pour le recrutement et autre, il nous soumet le nom de joueuses et nous on gère toute la partie contrat avec les agents. C’est effectivement Valentin qui va gérer. Mais j’ai besoin d’avoir cette visibilité globale pour la décision finale. Avant même ma prise de fonction, j’avais participé avec Pierre Fosset à différentes transactions pour bien comprendre les choses mais Valentin possède une expérience qu’il a acquis dans les autres clubs, que ce soit à Villeneuve et à Roanne, et qui m’aide à acquérir encore plus vite les choses.
Vous êtes en lien constant avec la capitaine Elodie Godin par Whatsapp ?
Oui et même en face à face ! Pour la petite histoire, je suis partie en Hongrie avec l’équipe pendant les sept jours pour être avec elle sur ce premier hub européen. J’avais dit à Pierre que je voulais être acteur pour permettre de continuer tout ce que lui a pu entreprendre, avec mon expérience de chef d’entreprise.
Etes-vous du genre à entrer dans les vestiaires après une défaite et si oui quel genre de discours tenez-vous ?
Depuis ma prise de fonction, je rentre dans le vestiaire avant le match et après le match. Je n’avais pas pu le faire pour le premier match cette saison car je n’avais pas pu faire mon test Covid. Je veux participer au discours du coach. Je ne prends pas systématiquement la parole mais ce qui est dit dans le vestiaire est dit dans le vestiaire. Quand c’est une victoire, je ne peux que les féliciter et quand c’est une défaite je pense que c’est important d’être solidaire et qu’elles comprennent aussi certaines choses. Pour moi c’est important d’être proche de l’équipe, des filles proprement dit, et du staff.
Vous n’avez pas été gâtée pour vos débuts de présidente avec la pandémie de COVID 19. Comment avez-vous vécu la période où plusieurs de vos joueuses ont été testées positives ?
On peut dire que Bourges et Lyon, on n’a pas été épargnés. Si on remonte aux origines du COVID, en mars, on joue un match à Fenerbahçe. Avant même qu’elles prennent l’avion, je vois le stress monter de façon très importante. J’étais dans mon bureau au club et j’avais le coach et la capitaine en ligne. J’ai pris conscience de cette crise sanitaire, alors que la plupart des gens ne se sentaient pas concernés, de l’importance de ce qui allait nous arriver. Comme au niveau de mon entreprise, on a remonté les manches et j’ai fait surtout en sorte de ne pas montrer de stress, d’inquiétude. Mars, avril, mai, on a eu une vraie gestion de crise. Juillet, on est parti sur autre chose et septembre, nouveau coup de bambou avec cette situation sanitaire et on est pleinement concerné par des cas Covid. De toutes façons, ce sont des choses que l’on ne maitrise pas, c’est mondial, et ce n’est pas comme une erreur, une faute, de gestion ou sportive. Cette crise sanitaire, on l’a subi et c’est difficile à vivre pour l’ensemble des équipes, pour l’administratif, le staff et les joueuses. Ce que nos joueuses aiment avant tout c’est faire du sport, donner de l’émotion aux spectateurs. C’est presque par dépit que l’on fait ce choix de jouer à huis-clos, parce que l’on a des échéances à tenir. On savait que l’on avait ce premier hub européen et c’était indispensable de reprendre ce rythme et on a pu voir que l’on n’était pas encore dedans.
Les joueuses ont-elles eu peur pour elles ?
Avant de partir à la Coupe de France, je fais une réunion avec l’ensemble des filles où je pose ouvertement la situation en faisant venir le médecin afin qu’elles puissent poser toutes leurs questions. On avait trois joueuses qui étaient positives et qui étaient isolées depuis trois semaines. Il n’y avait plus de risques, toutes les autres joueuses avaient été testées et elles étaient négatives. On a toujours dit et c’est légitime que l’on met en priorité la santé de nos joueuses avant de parler de l’aspect économique. D’où cette décision qui a été prise et que j’ai soutenu quand elles m’ont dit, le jeudi à 23h, à Paris, « Agnès, on ne rentrera pas sur le terrain. » J’ai répondu : « si c’est votre décision, je la soutiendrai et on l’expliquera demain au président de la fédé.
« Bien évidemment, aujourd’hui il y a un réel manque à gagner en ce qui concerne l’aspect billetterie et aussi l’aspect partenariat »
En Jeep Elite, les clubs acceptent de jouer un match à domicile à huis clos en décembre, rien de plus. En ligue féminine, vous poursuivez le championnat sans spectateurs. Vous n’avez pas non plus les recettes de l’Euroleague. Comment faites-vous économiquement ?
Quand on a recommencé notre campagne de renouvellement en juin, juillet, août et septembre, on était loin de s’imaginer que l’on n’aurait pas la possibilité d’offrir le spectacle à nos partenaires publics et privés, à nos abonnés. On avait renouvelé notre partenariat privé à hauteur grosso-modo de 80% et nos abonnés à peu près à la même hauteur. Il y avait donc déjà des pertes de 20% sur le budget. On a la chance d’être à Bourges, d’avoir une structure, un club, historiquement extrêmement sain et qui a toujours fait les économies pour pouvoir passer quoiqu’il arriverait à un moment donné. Aujourd’hui, bien sûr, on a des pertes importances d’autant plus que l’on a ré-attaqué la saison avec un seul match avec ouverture au public et une jauge limitée à 1 500 alors qu’en saison normale, on fait en moyenne 4 000 spectateurs. Bien évidemment, aujourd’hui il y a un réel manque à gagner en ce qui concerne l’aspect billetterie et aussi l’aspect partenariat. Il y a des gens qui n’ont pas renouvelé et c’est normal : ils sont dans des situations, suivant les domaines économiques, très difficiles, que ce soit la restauration, l’hôtellerie, l’aéronautique, l’automobile, etc. On savait dès le départ que l’on partait avec un budget complètement amputé. Arrive derrière ce huis-clos. On a fait le choix à Bourges en novembre d’accueillir des matches à huis clos. On faisait partie des quatre clubs d’accord pour ça. On savait qu’il fallait impérativement que l’équipe joue puisque l’on avait 7 matches en retard. Il faut aussi regarder plus loin et se dire que toutes les contraintes que l’on a, tous les efforts que l’on fait, avec les rentrées que l’on n’a pas, il est indispensable que l’on reste dans le paysage médiatique du sport, que l’on existe. Il fallait aussi répondre à tout ce qui est lisibilité auprès de nos partenaires. Ça ne remplacera jamais l’hospitalité, les rencontres, le spectacle, etc, mais pour nous il était important de faire au moins a minima cette partie-là. On s’aperçoit que les résultats sont là, les gens se connectent, on s’est réinventé, les équipes ont trouvé plein d’idées, on a fait des visio 2.0 avec nos partenaires avant et après match avec les filles. On essaye de trouver des choses qui nous permettent de continuer d’exister. On nous a annoncé toutes les aides qui allaient être mises en place, chômage partiel, exonérations des charges, compensation billetterie, mais on savait depuis le départ que tout ça ne permettrait pas de compenser nos pertes réelles. La chance que l’on a c’est d’être à Bourges et d’avoir un club qui est sain et avec des réserves qui permettent de pouvoir passer cette crise… mais il ne faudrait pas que ça dure. Quand on a candidaté pour l’organisation du hub au moins de janvier, c’est avec la perspective que les salles seront ouvertes avec bien sûr des jauges. Mais ni les uns ni les autres avons une visibilité sur ce qui va réellement se passer.
L’Euroleague se poursuit mais dans des bulles. Vous allez en organiser une au Prado du 17 au 22 janvier. Qui paye l’organisation ? La FIBA, le club recevant ? Vous réglez vos frais de voyages ?
On s’était porté candidat sur la première et c’est Sopron qui a été retenu dans notre poule. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle avec Valentin nous sommes allés la semaine dernière à Sopron pour voir l’organisation et notre capacité à gérer la partie logistique. Ça ne nous a que conforté dans le choix de le faire. Encore une fois, pour nous c’est important pour le respect de nos partenaires, de nos abonnés de continuer dans cette dynamique-là et par rapport à l’histoire du club. Le club organisateur a une part à sa charge, il y a une participation de la FIBA sur certaines choses notamment au niveau audiovisuel -ça ne représente pas grand-chose- et chaque club paye un forfait pour chaque personne dans la délégation.
En définitive, l’Euroleague ne représente que des frais pour vous, aussi qu’est-ce qui vous pousse à y participer en ces temps de crise économique ?
Il existe des recettes, que ce soit au niveau de nos partenaires privés et publiques avec les formules intégrales avec à la fois le championnat et l’Euroleague et avec à la fois de l’hospitalité et de la visibilité. Aujourd’hui c’est important de pouvoir rendre au moins la partie visibilité, notamment à nos partenaires majeurs qui sont sur le maillot. Il y aura d’autres questions à se poser à un moment donné : doit-on les rembourser ? Par rapport à la Jeep Elite et la Pro B qui font le choix d’un seul match, c’est un peu aussi ce qui se passe en Ligue Féminine. Simplement, on a été énormément touché par le Covid et beaucoup de clubs ont des matches en retard. Jusqu’au 30 janvier, on doit jouer tous les matches en retard de la phase aller.
Il y a aussi moins d’équipes…
Oui, on n’est que 12 ! Mais si vous prenez l’exemple de Basket Landes, ils n’ont qu’un seul match en retard, aussi au mois de décembre, ils ne jouent pas du tout. Le prochain, c’est le 9 janvier contre nous chez eux. Alors que Lyon est dans la même situation que nous et doit jouer le même nombre de matches, à domicile et à l’extérieur. Pour nous, il était indispensable de recommencer en novembre et on a accepté de faire du huis clos et de recevoir des équipes alors qu’on était censé aller chez eux. Je vous accorde que pour s’y retrouver cette année dans le classement ce n’est pas évident ! A un moment avec Lyon, on était les derniers du championnat car on avait joué zéro match. On est consulté, nous les clubs, mais derrière c’est la fédération qui prend la décision pour établir les nouveaux règlements.
C’était la dernière question en ce qui concerne la partie Covid…
C’est très anxiogène. Etre privé de sa liberté si c’est pour une bonne raison, on est capable de faire des efforts. On a pu le voir en avril mais ce qui est compliqué c’est ce que l’on peut appeler les éventuelles incohérences. C’est un autre débat… Quand en juin on nous disait que l’on allait faire la Coupe de France à Bercy en septembre, on était tous à se dire « chouette ! ». Même si on ne comprenait pas trop l’intérêt puisque ce n’était pas les mêmes équipes, on trouvait que c’était sympa pour lancer la saison et mettre en avant la Ligue Féminine. On était loin de s’imaginer que l’on parlerait encore du Covid au mois de septembre.
A suivre
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Lorsque Pierre Fosset vous a proposé de lui succéder, avez-vous accepté de suite ou avez-vous pris le temps de la réflexion ?
J’ai pris la présidence en juin 2019 et deux ans auparavant, il m’avait sollicité en me demandant de prendre sa suite. J’étais à ce moment-là présidente du club des partenaires. Je lui répondu spontanément : « non ! » (Rires) J’ai deux entreprises et c’était pour moi important qu’il y ait une organisation du club qui soit restructurée. Pierre avait quand même depuis plus de 25 ans toute cette visibilité et ce savoir-faire et pour moi, il nous fallait un directeur général qui soit en place pour pouvoir prendre la suite. En décembre 2018, Pierre m’a mis devant le fait accompli en me disant « Agnès, je t’invite à déjeuner. » Et en général, quand Pierre dit ça, c’est qu’il y a des choses graves ! (rires). Il m’a dit qu’au prochain Conseil d’Administration, il allait présenter sa démission et présenter ma candidature. Ça m’a permis durant ces deux années dans l’ombre d’anticiper cette prise de fonction, de voir comment ça fonctionnait. Autant j’ai la connaissance du monde de l’entreprise alors que celle du basket était évidemment moins de ma partie.
C’est un homme du sérail, le bâtisseur de ce club qui est le plus titré du sport français. C’est un sacré héritage ?
Avec le Directeur Général (Valentin Cavelier), on est un vrai binôme et en plaisantant, je dis très souvent que l’on a remplacé Pierre Fosset par deux personnes. Le club de Bourges a un palmarès et une histoire qu’on ne retrouve pas dans le basket féminin, sur la durée du palmarès et la réussite du club.
Il vous conseille toujours ?
Au départ, je pense qu’il avait envie de couper. Je sais que si j’en ai besoin, je peux le solliciter. Je vais parfois échanger avec lui sur des sujets. On a chacun une façon complètement différente de faire les choses et lui avait besoin de tourner la page. Alors,
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Photo d’ouverture: Agnes St Ges et Pierre Fosset (Tango Bourges Basket)