Le journaliste Thomas Berjoan est l’auteur d’un livre sur LeBron James intitulé « Le destin du King » qui sort aux Editions Marabout. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur les rapports entre la superstar des Los Angeles Lakers et l’équipe nationale des Etats-Unis.
Au niveau mondial, quel est le degré de popularité de LeBron James ?
LeBron est le basketteur le plus populaire du monde. Comme l’a dit Kareem-Abdul Jabbar il y a un mois, il est « le héros de sa génération ». D’après les recherches que j’ai pu effectuer, au niveau des sportifs, il n’y a que Christiano Ronaldo le footballeur qui soit plus populaire sur la planète. Aux Etats-Unis, Stephen Curry vend plus de maillots depuis quelques années, mais cela concerne surtout un jeune public, mais à l’échelle mondiale, LeBron est plus connu. Evidemment, cela s’explique par beaucoup de facteurs – c’est un des sujets principaux de mon livre d’ailleurs – mais son exceptionnelle longévité joue beaucoup. LeBron fait partie du paysage depuis 2002 et la fameuse couverture de Sports Illustrated qui fait de lui l’Elu, The Chosen One, l’héritier de Jordan alors qu’il n’a que 17 ans et qu’il n’a jamais joué que contre des lycéens. Cela fait presque vingt ans qu’il est en haut de l’affiche. Après, ce qui caractérise aussi sa popularité, c’est qu’elle est particulièrement clivante. On l’aime, on le déteste, il ne laisse personne indifférent et tout cela est très mouvant selon les contextes. A cet égard et à bien d’autres, l’histoire de LeBron est absolument fantastique parce qu’il y a vraiment plusieurs LeBron, plusieurs époques. C’est fascinant.
Lorsqu’il est venu à Paris a-t-il été accueilli en héros ?
Oui, mais il n’y a pas eu d’émeute comme on se rappelle celles qui avaient accompagné Jordan lors de ses premières visites en France une fois qu’il avait atteint un certain statut. Mais ce n’est pas ce que cherche non plus l’équipe qui travaille autour de lui. Et tout est très cadré, très pro. Lors de son passage avec le More than an athlete tour ce qui compte pour lui, ce n’est pas de montrer qu’il est connu et qu’il déplace les foules – tout cela est acquis depuis son année de Première au lycée où il remplit à lui seul des salles de 15 000 places payantes ! – mais de dégager une certaine image. Celle d’un mentor qui guide la jeunesse défavorisée, en France comme à Akron sa ville natale, parce qu’il a connu lui-même ces difficultés et son parcours peut servir d’exemple et d’inspiration à la nouvelle génération. LeBron est particulièrement impliqué dans cette démarche et l’ouverture de son école à Akron l’été dernier est quelque chose d’unique en la matière.
On le compare souvent à Michael Jordan quand on veut désigner « le meilleur joueur de tous les temps ». Le fait d’avoir été battu avec l’équipe des Etats-Unis aussi bien aux JO d’Athènes en 2004 qu’au championnat du monde 2006 peut-il lui nuire au moment de faire une comparaison avec Jordan qui a été invaincu aussi bien aux JO de Los Angeles en 1984 qu’à ceux de Barcelone en 1992 ?
Oui, bien entendu, vous avez raison. LeBron a beaucoup perdu, en FIBA mais aussi et surtout en NBA. Il a beaucoup gagné aussi. Jordan représente sans doute encore pour très longtemps le visage du winner ultime. NCAA, JO, NBA, il n’a jamais perdu une finale majeure. Et dans la culture sportive américaine, ce constat et cet héritage dominent le débat. Et je me range à cet avis d’ailleurs. Mais je crois surtout que ce débat du GOAT (NDLR : greatest of all-time, le meilleur de tous les temps) ne dit rien de la grandeur de James. Et quand LeBron entre lui-même dans le débat en prenant position comme il l’a fait à Noël dernier en disant que sa victoire de 2016 fait de lui le GOAT, il ne se rend pas service. La performance était sublime, mais on ne juge pas le plus grand sur une performance, aussi extraordinaire soit-elle. Alors, certes, il n’est pas le meilleur de tous les temps. Mais cela ne l’empêche pas d’être immense. Un monstre sacré.
A votre avis, y a-t-il une chance de le voir au championnat du monde en Chine ?
J’ai écrit un chapitre dans le livre sur sa carrière sous le maillot américain. Et j’envisage alors les pistes et les possibilités qui pourraient l’amener à revenir pour une dernière danse avec Team USA. Mais j’avais alors plutôt en tête les Jeux de Tokyo de l’été prochain en 2020. Parce qu’il s’agit, pour les Américains, de la compétition la plus prestigieuse – même si vus les moyens que la FIBA met sur la nouvelle formule de la Coupe du Monde, cela pourrait bien changer dans les années à venir. LeBron a énormément de kilomètres au compteur donc il a besoin de repos. L’été va être crucial pour les Lakers. Maintenant, la saison 2018-19 et la non-qualification pour les playoffs ont été très négatifs pour LeBron. Fin de sa série de finales consécutives, première absence des playoffs depuis 2006. Qui sait s’il ne voudra pas se refaire la cerise avec une médaille d’or supplémentaire à son palmarès ? Improbable mais pour la première fois depuis très longtemps, il sera en vacances très tôt.
Pour le reste, que contient votre livre ?
J’ai tenté modestement de donner, en racontant son enfance, sa carrière, son jeu, sa psychologie, ses réussites, ses échecs, mon interprétation et mon analyse de l’énigme LeBron. Le personnage est vraiment complexe, contradictoire, contrasté. La biographie que j’ai écrite l’année dernière sur Stephen Curry était le récit d’une trajectoire ascendante hallucinante mais finalement rectiligne. Une éclosion tardive et surprise mais suivie d’une accélération folle. Depuis, l’histoire n’est pas terminée mais Curry flotte toujours en apesanteur. Il retombera un jour vers sa fin de carrière. LeBron, c’est très différent. Il change plusieurs fois de visages au cours de sa carrière. Son jeu évolue, sa personnalité aussi, ses objectifs. Je me dis qu’il n’a pas fini de nous surprendre. Et tout le monde veut connaitre la prochaine étape. C’est un personnage unique. J’ai pris un plaisir fou à passer des mois avec lui !