Après une première étape forte en émotion, avec la découverte d’une nouvelle ville et la visite d’un club de légende, je vous emmène cette fois-ci dans la bouillonnante Barcelone. Cosmopolite, surprenante et surtout fief du grand Barça, la cité comtale va vous régaler, venez, je vous emmène.
Il est 13 heures lorsque j’arrive à la gare de Barcelona Sants, il fait beau et chaud comme souvent ici. Une fois mon ticket de métro pris et mon itinéraire planifié je décide de m’enfoncer dans la bouche souterraine. Et c’est seulement 20 minutes après que je me retrouve à l’auberge de jeunesse que j’avais réservée. Le temps de laisser mes affaires, prendre les informations importantes et me voilà en route pour la gare.
La gare, oui, oui, la gare, j’en viens mais c’est ici que se trouve le meilleur terrain de basket de Barcelone. Le terrain de Barcelona Sants. En effet, j’avais au préalable contacté toutes les communautés de basketteurs de Barcelone. Ils ont été unanimes, le terrain de Barcelona Sants est le plus iconique.
A peine arrivé je suis surpris par le nombre de personnes, une fête de quartier entoure le terrain, la bière locale coule à flot et de la musique électronique parachève le tout. Il y a plusieurs terrains avec un central mieux entretenu et plus grand. Le terrain n’est pas très fourni en joueurs pour l’instant, il est encore tôt, mais on peut déjà apercevoir un grand brassage culturel : Dominicains, Espagnols, Italiens, Sénégalais, Camerounais et Etasuniens s’échauffent avant de commencer les hostilités. A peine assis sur le banc qui se trouve autour du terrain, je discute avec Nelson, un des cinq cofondateurs de l’association Barcelona Sants Streetball. Association créée en 2012 se voulant vecteur lien social et point d’ancrage pour les fanatiques de la balle orange qui visitent la ville, l’association Barcelona Sants Streetball a su au fur et à mesure des années créer un lien fort avec la mairie, un équipementier et les basketteurs professionnels. En témoigne notamment le passage la veille de Thomas Heurtel sur le playground où les tournois de trois contre trois sont organisés par l’association.
Soudain, Nelson est appelé pour jouer et je reste avec Luis, membre actif de l’association et fan de NBA. A peine le temps de discuter de l’effectif du FC Barcelone basket pour la saison à venir que le match a déjà commencé, je m’empresse de sortir ma caméra et nous assistons à un match sur demi terrain d’assez bonne qualité. Puis les matchs s’enchaînent ! Très vite je comprends que c’est un terrain où les habitués, essentiellement des Dominicains, parlent beaucoup. Les matchs sont longs et âpres, il vaut mieux ne pas perdre car on risque de ne plus pouvoir jouer de l’après-midi. Un flot continu de joueurs approvisionne le terrain et les matchs deviennent de plus en plus intenses. On demande beaucoup de fautes et les joueurs restés sur le côté s’impatientent, ainsi un match sur deux s’arrêtent pendant quinze minutes à cause de fautes réelles ou fantasmées.
Rencontre avec Torrell Martin, un ancien joueur américain de France
Parmi les plus bruyants un joueur accompagné de son acolyte attire mon attention. Je les laisse terminer leur match et je décide d’aller lui parler. C’est une incarnation du joueur de playground nord-américain, élégant balle en main, il pratique le trash talk et l’isolation avec aisance. Il s’agit de Torrell Martin ancien joueur professionnel notamment passé par Nancy, Antibes ou Orchies. Son histoire est particulièrement intéressante. Originaire de Caroline du Sud, il a fait plusieurs training camp avec des équipes NBA et a rejoint l’Europe ensuite pour faire carrière. Il se confie :
« j’adore le basket je joue partout où je vais. Mon histoire est plutôt intéressante, j’ai été trois fois d’affilée champion de ma conférence puis j’ai été choisi par les Orlando Magic en 2007 pour disputer un training camp. Il y avait à l’époque Trevor Ariza, Dwight Howard, JJ Redick, j’ai joué avec eux quatre mois avant d’être coupé. Du coup j’ai été joué à l’étranger, le basket là-bas était top ! J’ai joué en Turquie, puis en Grèce à Kavala et en France à Nancy, Orléans, Orchies, Antibes et Roanne ! Depuis j’ai pris ma retraite sportive en 2015 et j’ai monté mon entreprise. Je suis coach sportif et j’entraine des gens partout autour de la planète. C’est pour ça que je suis ici à Barcelone».
Un personnage incroyable et un discours touchant, c’était un plaisir de parler avec Torrell. Plus tard, ils perdront enfin un match ce qui me donnera l’occasion de discuter avec Jordi, un des coéquipiers de Torrell. Jordi est une mémoire vivante du streetball barcelonais et de la liga ACB mais c’est aussi un excellent joueur de basket. Rapide, efficace et avec un QI basket élevé il représente tout ce que j’aime dans le basketball espagnol. C’est également une encyclopédie du basket espagnol professionnel et de streetball. Jordi vient de Manresa, une ville de 75 000 habitants au nord de Barcelone. Manresa est une équipe cadre de la Liga ACB et du basket espagnol. Elle a notamment réussi à arracher une coupe de roi et un championnat d’Espagne aux géants du royaume dans les années 1990. Jordi m’évoque notamment les grands joueurs passés par son équipe de cœur : Serge Ibaka, Andrés Nocioni ou encore Sergio Llull. Il avoue aimer le basket européen où le collectif prime et avoir un faible pour Baskonia car « ils prennent des joueurs jeunes de talents et savent les faire évoluer ». Puis il évoque le régional de l’étape, Alex Llorca, né à Esplugues de Llobregat, il a grandi sur le terrain de Barcelona Sants et a côtoyé les habitués de celui-ci. Aujourd’hui joueur professionnel à Fuenlabrada il reste attaché à ce playground et y revient régulièrement.
Discuter avec ces joueurs de streetball fut un plaisir. Je suis resté jusque 22 heures sur ce terrain. J’ai pu profiter de la musique environnante et de discussion animée autour des effectifs des équipes de Liga ACB et d’Euroleague pour la saison à venir. Le temps de trouver une taverne basque et de déguster quelques pintxos accompagnés de patatas bravas et me voilà de retour à mon auberge de jeunesse.
Une assemblée de l’ONU
Il est 8 heures lorsque je me réveille encore émerveillé de mes rencontres de la veille, aujourd’hui c’est mon jour, je rentre enfin dans l’arène barcelonaise. Où ça ? A la Barceloneta ! Ancien quartier de marin et de pécheurs au bord de la mer, il abrite un terrain de basket rénové il y a quelques années par la NBA. C’est un quartier vivant, charmant et animé. Mais avant de faire chauffer les chaussures, un petit tour de la ville s’impose. Ramblas, plaza de Cataluña, statue de Christophe Colomb et me voilà en route pour le terrain du parc de la Barceloneta.
Une fois arrivé sur la promenade, je profite de la vue tout en m’approchant de mon objectif, les joueurs de volley s’affrontent sur les nombreux terrains de la plage et les touristes font bronzette. Autant dire que je fais assez tâche en tenue de basket. Arrivé du lieu indiqué par mon téléphone, je repère une coupole au loin. Il s’agit du terrain. Le cadre est magnifique pour jouer. Lorsque je m’approche je me rends compte que je ne suis pas le seul à avoir eu l’idée de profiter de la fin d’après midi pour jouer à la baballe. C’est une vraie assemblée de l’ONU. L’Espagne est bien sur représentée, comme l’Italie, le Vénézuela, Cuba, la République Dominicaine, la Turquie, la France et l’Argentine. Très vite je me rends compte qu’ici aussi on parle beaucoup et on demande beaucoup de fautes pour rien. C’est très compliqué de rentrer et de jouer. Ce sont les derniers arrivants qui rentrent les premiers. C’est ainsi que fraichement arrivé je me retrouve à jouer après 10 minutes d’attente. C’est un quatre contre quatre qui m’attend avec pour coéquipier deux Vénézuéliens et un Cubain. Le premier plutôt gaillard, 1,80m, agile et rapide et un deuxième, gaillard de 1,90m. Enfin, un élégant shooter cubain. Le match commence de façon très intense, l’équipe d’en face composée de deux garçons très véloces et d’une fille très adroite jouent particulièrement bien. Je prends ma mission très à cœur, la défense et malgré une équipe en face bien rodée, nous remportons le match. Il en va de même pour les trois suivants. Une belle après-midi de basket seulement entachée par quelques discussions interminables sur d’éventuelles fautes. Un terrain que je recommande donc ! Il me reste donc à rentrer prendre une bonne douche, m’étirer et me restaurer. Demain je vais rendre visite à l’Euroleague.
Visite à l’Euroleague
Il est 10 heures lorsque grâce à mes diverses correspondances en bus, j’arrive au siège de l’Euroleague à Barcelone. Je suis accueilli par Diego qui me fait visiter la structure. Chaque pièce porte le nom d’une des légendes de la compétition. Et le tout est richement décoré par des photos de célébration de titre et d’images de jeu. Puis nous nous dirigeons vers la salle de réunion. Nous discutons tout d’abord de l’histoire de l’Euroleague.
Jusque dans les années 1990 il y avait la coupe des clubs champions. Les champions de chaque championnat s’affrontaient dans celle-ci. Puis lors de la saison 2000-2001, l’ULEB, Union des ligues européennes de basket-ball, créée une ligue indépendante de la fédération internationale : l’Euroleague. Puis au cours des années, la compétition a évolué pour maintenant se constituer d’une phase régulière où 16 équipes s’affrontent pour ensuite que les 8 premières accèdent aux Playoffs. Et les 4 dernières équipes se rerouvent lors du Final Four organisé dans une ville hôte sélectionnée à l’avance. Pour se donner les moyens de ses ambitions l’Euroleague a également réduit le nombre d’équipe passant de 24 à 16, fermée le reversement d’équipe d’Euroleague à destination de l’Eurocup pour se doter d’un calendrier plus facile à gérer.
Sur ces 16 équipes, 11 ont une licence et cinq se qualifient grâce à leurs résultats. Le champion d’Allemagne, la meilleure équipe espagnole sans licence, le champion de la ligue Adriatique, le champion de la VTB Ligue et le vainqueur de l’Eurocup. « Le but de l’Euroleague est la stabilité. Nous souhaitons porter un projet solide sur la durée ». L’année prochaine deux nouvelles équipes intégreront l’Euroleague. « Une équipe allemande devraient devenir semi-permanente. Il s’agira du Bayern Munich. Ainsi qu’une équipe française, l’ASVEL étant la mieux positionnée pour intégrer l’Euroleague, même s’il manque quelques détails pour finaliser l’opération ».
Nous avons ensuite discuté de sujets davantage orientés vers le marketing. En effet, j’ai interrogé Diego sur la possibilité de futurs global games avec des équipes NBA. En effet, il y a quelques années, des équipes NBA étaient venues jouer en Europe et vice versa. Cependant la chose semble compliquée de nos jours aux vues des calendriers des deux entités. Puis nous avons discuté du programme MBA qu’a développé l’Euroleague. Ce fut tout d’abord un master en collaboration avec l’université de Venise puis à partir de cette saison, avec l’université de Vytautas en Lituanie. Les étudiants de ce programme y reçoivent un enseignement complet pour comprendre les différentes problématiques du « Sport Business » actuel. Gouvernance, droit, communication ou encore marketing en font bien sur partie. « Le but est de donner aux clubs les meilleurs outils pour être performants et viables sur le long terme, » affirme Diego. Ce MBA permet également de pouvoir rencontrer des acteurs majeurs du milieu comme des équipementiers, d’autres ligues comme la NBA ou des clubs d’autres sports.
Nous avons ensuite discuté des différents sponsors de l’Euroleague. Celle-ci ayant divisée ses partenaires en différentes catégories. Il y a bien sur un partenariat de naming existant pour les deux compétitions. Turkish Airlines pour l’Euroleague et 7 days, marque alimentaire, pour l’Eurocup. Ensuite, elle a un deuxième niveau de partenariat, les partenaires premium. On y retrouve Adidas, Betfair, Nesine.com et fonbet. Enfin on retrouve les partenariats globaux avec des marques comme Spalding ou Kyocera ; des partenaires régionaux (Burger King, Endesa,…) et des partenaires globaux pour le Final Four (Efes, Vodavoda et Acibadem).
Enfin nous avons parlé du futur de l’Euroleague, j’ai notamment interrogé Diego sur l’évolution de l’Eurocup, qui, selon lui, ne devrait pas changer de format pour l’instant. Ensuite, j’ai voulu en savoir davantage sur la production audiovisuelle de l’Euroleague. Diego m’a sous-entendu que contrairement à la retraite d’ « El Manu », celle de Juan Carlos Navarro devrait être l’objet d’un petit documentaire. A la manière de celui réalisé sur Diamantidis. Ainsi ces excellents documentaires devraient continuer. Puis nous avons poursuivi notre discussion en évoquant les thématiques numériques et Diego m’a confié que l’Euroleague étudiait la possibilité de se lancer dans le e-sport pour pouvoir s’attaquer au marché des « milennials ».
Au musée du Barça
Ce fut un moment très enrichissant pour moi. J’ai pu mieux comprendre comment s’organisait l’Euroleague. Je remercie donc beaucoup Diego et son équipe qui ont été formidables avec moi. Une fois la porte de la ligue majeure européenne refermée, je me dirige vers le centre de Barcelone. En effet, je dois rentrer me changer, cette après-midi je me rends au terrain de basket situé à côté du métro Monumental. Alors j’enfile ma tenue, avale un sandwich et me voilà en route pour ce fameux terrain.
C’est un terrain assez charmant. En effet, il est situé non-loin de la Sagrada Familia et le cadre est assez sympathique. Niché entre les immeubles on y est protégé du vent, on y trouve une fontaine, des bancs et des graffitis colorés. A peine arrivé je me rends compte qu’on y joue tout terrain. Très fréquenté par la communauté chinoise c’est un terrain où les équipes se font aux lancers. Ceux qui veulent prendre « la gagne » doivent tirer un lancer. Les cinq premiers à marquer rentrent sur le terrain. Les autres attendront encore un peu. Malgré le manque de niveau athlétique sur ce terrain légèrement en pente, le rythme est assez soutenu les possessions durent peu longtemps. Les nombreux tirs ratés donnant lieu à des contre-attaques incessantes. Pas le plus beau spectacle qui soit donc mais soit, je rentre enfin et c’est avec regret que je ne peux que constater le manque de défense de mes coéquipiers qui préfèrent shooter depuis la ligne à trois points dans le meilleur des cas. Pour autant, je m’en sors bien en faisant le sale boulot en défense et au rebond et nous gagnons plusieurs matchs. A la fin de cette série de partie j’en profite pour discuter avec quelques Espagnols : « Ici, on joue tous les jours. C’est moins physique qu’au terrain de Sants et on joue tout terrain. Il y a toujours du monde avec un plutôt bon niveau. Par contre évite de venir avant cinq heures, il n’y a jamais personne à cause de la chaleur ».
C’est ainsi que plutôt enjoué de ma journée, je rentre à mon auberge de jeunesse. Le lendemain je dois aller au Palau Blaugrana, à la rencontre de l’équipe locale du FC Barcelone.
Il est 9 heures lorsque je vois l’email du club m’annonçant que l’entrainement ayant été déplacé, je ne pourrai ni visiter les infrastructures ni rencontrer les joueurs. Mais qu’un ticket pour la visite du musée m’attendait au Camp Nou. Très déçu je me dirige tout de même vers le métro pour visiter ce musée que je connais très bien puisque je l’avais déjà visité en 2010, année de la victoire du Barça en Euroleague. L’endroit a beaucoup changé depuis ma dernière visite. De plus en plus digitalisé et industrialisé, il est davantage séduisant et cela s’en ressent à la boutique et aux bornes photos ou d’immersion 3D. Nombreux sont les touristes qui cèdent à la tentation.
Le musée du club est bien évidemment principalement orienté vers le club de football. Pour autant, de nombreuses vidéos de la section basketball, ainsi que des trophées et des maillots sont disponibles. Fondée en 1926, l’équipe du FC Barcelone de Basketball a connu des premières années compliquées étant donné la densité d’équipe en Catalogne. Il faut attendre 1959 pour que le club « azulgrana » fasse son premier doublé coupe-championnat. Puis des années 1960 à 1970 le club a failli disparaître et dû redescendre en deuxième division puis est revenue au premier plan dans les années 1980. Les trophées exposés commencent à partir de cette époque : Copa del Rey, coupe Korać de 1987 et 1999, Supercoupe d’Espagne et Titre de Liga ACB. On peut également revivre quelques moments forts dans l’histoire du club comme les premiers points de Juan Carlos Navarro, la signature de Ricky Rubio ou encore la dernière victoire en Euroleague. Enfin, un large écran propose de nous expliquer le fonctionnement du club (actionnariat de socios) et le financement de projets via la fondation du club.
La visite fut fort enrichissante et c’est avec une pointe de regret que je vois disparaître le Palau Blaugrana sous mes pas. Heureux d’avoir vécu des moments inoubliables et rencontrés des personnes incroyables, je rentre préparer mes bagages pour m’attaquer à la troisième destination du Basket Europe Tour, Milan !