« Big Fred Style » : la chronique de Frédéric Weis

Dans sa rubrique « Big Fred Style », Frédéric Weis, le consultant de SFR Sport revient sur des sujets d’actualité et pour sa première, l’ancien international donne son point de vue sur les playoffs de Pro A et notamment l’élimination rapide de Monaco en quart de finale, sur la situation du Limoges CSP et aussi sur le conflit Euroleague-FIBA.

L’élimination de Monaco :

« C’était prévisible, les mecs ont eu une pression folle. C’est l’équipe qui a archi-dominé le championnat et quand tu arrives sur des matchs couperet, tu as forcément la pression et franchement, pour moi, ça me paraissait logique qu’une équipe comme l’ASVEL, qui revenait de la mort, qui n’avait rien à perdre, allait battre une équipe comme Monaco, qui justement était obligée de gagner. Trop de pression pour Monaco, finalement trop de matchs gagnés et ce n’est pas toujours bon. Ils n’étaient pas dans une dynamique de souffrance, ils n’ont jamais souffert dans la saison et ils géraient même à la fin en faisant jouer un peu tout le monde. Il faisait tourner son banc le mec [Zvezdan Mitrovic, ndlr]. Un peu trop simple comme saison finalement et c’est curieux justement. C’est ce qui est paradoxal sur ces playoffs.

Franchement, la Pro A cette année c’était moyen, il y a des matchs qui étaient vraiment moyen mais quand je regarde les playoffs, je trouve ça super chouette donc je me dis qu’il y a vraiment une différence entre ce Top 8 et les autres équipes. Ce qui tend à prouver que ce n’est pas parce que tu es champion de la saison régulière que tu vas forcément être champion de France. Le BCM avait souvent terminé la saison à la première place mais sans être sacré champion de France.

Maintenant Monaco va devoir assumer son statut. Ce n’est pas forcément le plus simple d’assumer un statut et tout le monde les attend au tournant. Je crois qu’ils ont déjà été déçus de leur défaite en BCL et donc forcément ça a été super chaud pour eux dans la tête, ils ont dû se dire « ah! finalement on peut perdre ». Ils ont commencé à stresser, ils avaient le même comportement avec les arbitres sauf que les arbitres étaient plus durs avec eux. Ils ont été frustrés sauf qu’ils n’ont pas su gérer cette frustration vu qu’ils n’en ont pas eu de l’année, ou quasiment pas. Forcément sur des matchs de playoffs comme ça, t’es pas bien. A l’ASVEL, ils ont été frustrés toute l’année donc ce n’est pas eux qui venaient pleurer. Franchement, l’ASVEL toute l’année ils ont super mal joué, ils alternaient le mauvais et le très mauvais, et au final ils sont chauds quand il faut. C’est comme quand t’es bon à l’entrainement, ça sert à rien.

« Livio Jean-Charles, il est monstrueux, il est revenu d’une année durant laquelle il a progressé comme j’ai rarement vu un joueur de basket progresser »

Les playoffs de l’ASVEL :

Comme je l’ai dit, les mecs reviennent de l’enfer, ils n’ont plus rien à perdre !Ils jouent leur va-tout à chaque fois, le staff a eu l’intelligence de se séparer des mecs qui étaient un peu compliqués pour le groupe –pour ne pas dire des cancers. J’aime beaucoup Walter Hodge, j’ai été déçu quand il a été écarté mais force est de constater que finalement c’est peut-être une bonne chose. Ça a donné des responsabilités à DeMarcus Nelson, Casper Ware est complètement titulaire alors qu’avant, oui, il commençait les matchs mais il était pas mal en alternance avec Hodge. Maintenant, il est sur le terrain et ça a permis l’émergence des autres. Amine Noua, lui, le départ de Dragovic ça l’a complètement transcendé. Donc, entre Amine Noua et Livio Jean-Charles finalement tu t’en sors mieux qu’avec Nikola Dragovic parce que tu as plus de possibilités. Livio Jean-Charles, il est monstrueux, il est revenu d’une année durant laquelle il a progressé comme j’ai rarement vu un joueur de basket progresser, il est rassurant pour l’équipe, il est bon dans les moments chauds et il fait toujours les bons choix. Donc tu te dis que finalement ça cogite à l’ASVEL.

Strasbourg et le Paris-Levallois

Strasbourg-Pau, je pensais que ça allait faire un 2-0. Ils ont été héroïques, les Palois. C’était impressionnant de les voir à ce niveau-là, empêcher la SIG de faire le 2-0 et gagner face à Strasbourg au Rhénus pour le premier match c’est chaud quand même. On avait tendance à se dire qu’il n’y avait que D.J. Cooper à Pau mais finalement, non, il y avait d’autres joueurs et ils ont tout donné jusqu’au bout. Taqwa Pinero et John Cox ont été très forts. Au niveau du recrutement, les Palois ont été très bons et finalement il n’y a pas eu que D.J. Cooper puisqu’Alain Koffi a été excellent aussi cette année –bien servi par D.J. Cooper encore une fois mais quand même-, il a répondu plus que présent. Pour le PL, c’est simplement qu’ils ont joué plus dur face à Nanterre, ils ont joué super dur. Dans le match 1 ils reviennent de l’enfer, les Parisiens. A un moment, je pensais qu’ils allaient se faire écraser par Nanterre et finalement ils sont là puis à la maison ils ont fait exactement comme ils ont fait dans le match 3 face à Chalon, ils ont mis un mur, ils ont dit « on défend et vous n’allez pas passer les gars ! ». Physiquement ils ont été impressionnants et Nanterre n’a pas su répondre.

« La seule chose qui m’ennuie c’est que Jim Bilba a été remercié. Pour moi, c’est un emblème du club, c’est quelqu’un d’adorable, qui se donne à fond pour le club et qui représente vraiment le Limoges CSP »

Le CSP Limoges :

Limoges a fait une saison décevante et c’est un doux euphémisme… Ils ont fait une saison de merde ! Ils avaient misé sur un coach sur lequel personnellement j’aurais [arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »] misé aussi et c’est normal parce que c’est un grand nom. Mais il n’a pas réussi à s’adapter au championnat de France, il n’a pas su s’adapter à la défense sur pick and roll donc je pense que Limoges avait besoin de faire table rase du passé. Après, ça fait mal ! Quand tu vois un mec comme Frejus Zerbo -un peu moins Mathieu Wojciechowski- qui est un peu l’emblème du CSP depuis plusieurs années, tu te dis que ça fait mal. Mais, peut-être qu’il fallait passer par là, arriver avec un nouveau coach et des nouveaux joueurs. Des nouveaux joueurs qui sont pas mal entre William Howard, Axel Bouteille ou encore Darrin Dorsey, moi je trouve ça plutôt sérieux. Je me dis qu’ils vont faire un truc à leur sauce mais, au moins, si le coach se plante, il ne pourra pas dire que c’est parce qu’il avait des anciens joueurs qui l’embêtaient. Là, Kyle Milling gère à peu près son recrutement avec le General Manager (Olivier Bourgain, ndlr) donc je me dis que repartir de zéro, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose. En tout cas, le recrutement n’est pas ridicule. La seule chose qui m’ennuie c’est que Jim Bilba a été remercié. Pour moi, c’est un emblème du club, c’est quelqu’un d’adorable, qui se donne à fond pour le club et qui représente vraiment le Limoges CSP. C’est vrai que ça, ça me fait un peu de peine parce que, lui, il méritait d’être là. Le club veut tout recommencer à zéro et on ne peut pas lui en vouloir, les mecs jouent leur poste. Kyle Milling joue son poste donc c’est normal qu’il veuille faire comme il a envie de faire.

Le conflit FIBA/Euroleague :

C’est vraiment une histoire compliquée. Honnêtement, la meilleure compétition européenne c’est l’Euroleague, ça ce n’est pas un secret. Ensuite, pour moi, la deuxième c’est l’Eurocup. Comment tu veux empêcher des mecs de jouer les plus grandes compétitions européennes ? Nanterre a connu l’Euroleague donc ils se disent « peut-être que l’Eurocup sera un tremplin pour nous pour retrouver l’Euroleague. Si on se montre bien en Eurocup, on ira en Euroleague ou si on est champion ». Ils font des calculs, forcément, et on ne peut pas leur en vouloir.

J’en parlais avec des arbitres et les mecs me disaient « nous c’est encore pire parce qu’on n’a même pas le droit d’arbitrer dans les meilleures compétitions européennes ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que dans le championnat de France on ne progresse même pas au niveau de l’arbitrage parce que les meilleurs arbitres français n’arbitrent pas dans les meilleures compétitions européennes. On est qui, nous, dans le basket européen, dans les meilleures compétitions européennes ? On n’a ni les meilleures équipes ni les meilleurs arbitres qui y vont. A un moment, ça parait logique que, quand tu as de l’ambition, tu as envie de jouer dans les meilleures compétitions. Qui est-ce qui a le plus d’ambition en ce moment ? Je pense que c’est l’ASVEL. Tony Parker c’est celui qui a le plus d’ambition, et bah! il veut jouer l’Eurocup, il veut jouer l’Euroleague et c’est logique que les clubs qui sont les clubs importants du championnat de France comme Nanterre ne veuillent pas s’engager avant de savoir ce que fait l’Eurocup. En tout cas, c’est ce que je ferais. Après je peux comprendre qu’on participe à la BCL ou la FIBA Europe Cup et qu’on ait envie que les meilleures équipes françaises y jouent, sauf qu’à un moment, il faut privilégier la compétitivité des équipes plutôt qu’une compétition simple. Personnellement, je n’ai rien contre la FEC mais si j’ai envie de voir deux clubs français en finale, je regarde la Coupe de France. Après, je serais ravie qu’en Eurocup on ait deux clubs français en finale, ce n’est pas ce que je dis, mais je ne suis pas sûr que ce soit encore à notre niveau.

Quand tu as des villes qui ne sont même pas des capitales, ça fait un peu flipper, ce n’est pas très bon signe. Même au niveau des voyages et de la fatigue. Comme ce ne sont pas des capitales, t’imagines si tu as besoin de prendre plusieurs vols pour te rendre dans la ville où tu dois jouer, ce n’est pas cool. Tu as déjà le championnat, la fatigue du championnat et tu dois aller jouer contre le champion de Finlande ou le champion du Lichtenstein, ça fait moyennement triper. Malheureusement, il y a un gros problème, il faut qu’ils trouvent un accord, il y a moyen de faire quelque chose pour tout le monde et je pense que la FIBA a essayé de faire des choses parce que l’Euroleague avait trop hégémonie. Ok, sauf que maintenant il faut trouver un consensus et il faut que tout le monde soit content parce que c’est le basket qui va progresser et particulièrement le basket français. C’est celui qui a le plus souffert. Dans les autres championnats majeurs, ils ont joué l’Euroleague, ils ont joué l’Eurocup et qui est-ce qui était complètement loosé ? Le basket français. Donc c’est quand même dommage parce qu’on progresse. En équipe de France, on commence à avoir quelque chose de sérieux et on n’arrive pas à se montrer sur la scène européenne, dans les grosses compétitions.

« Moi, ça me fait mal au cœur de dire ça parce que je suis de l’ancienne école et on avait l’Euroleague justement parce qu’on avait mérité d’y aller mais je crois que l’avenir c’est les ligues fermées »

L’attribution des places en Coupes d’Europe :

J’aimerais qu’on attribue les places dans les plus grosses coupes d’Europe au mérite sauf que malheureusement, eux, ils misent sur des projets et sur des rentrées d’argent. Aujourd’hui, par exemple, le projet de Limoges, il est au point mort de chez point mort sauf qu’on sait qu’il peut y avoir un vrai potentiel à Limoges. Quand tu vas à Strasbourg, avec leur nouvelle salle, avec les envies qu’ils ont de progresser et avec les budgets qu’ils vont avoir, tu te dis qu’il y a un vrai projet. Et je termine par l’ASVEL, c’est mieux encore. L’ASVEL ne fait que de monter. Si les Villeurbannais vont en Euroleague demain ils auront 15 millions d’euros de budget. Par rapport au budget du CSKA, par exemple, ce n’est rien mais par rapport à un club moyen d’Euroleague finalement on se situerait quasiment au même niveau. L’ASVEL aurait pu terminer 9^e cette saison et si on donne les places au mérite, cette équipe n’aurait été qualifié nulle part et ça aurait dommage de ne pas voir l’ASVEL sur la scène européenne.

Il y a un moment, l’avantage de l’Euroleague c’est que pendant trois ans tu es garanti d’y être donc ça veut dire que tu peux avoir des hauts et bas en trois ans mais tu sais que tu auras l’Euroleague. Au niveau des annonceurs c’est important, pour la stabilité de l’équipe aussi c’est important et pour attirer des joueurs c’est plus facile. Les meilleurs joueurs veulent jouer les meilleures compétitions. Je préférerais que ce soit à la méritocratie sauf qu’on n’est plus là-dedans, on est dans du business et si tu fais des sous, tu fais venir les meilleurs joueurs. Par exemple, personnellement, je ne suis pas, mais vraiment pas, un grand fan de NBA. Je m’ennuie à cent sous de l’heure devant un match NBA, je préfère largement l’Euroleague mais le système américain est énorme ! Il n’y a jamais de descente, t’es tranquille, si tu fais une très mauvaise saison ce n’est pas grave et en plus tu peux te rattraper avec la draft. Tout est fait pour que sur une période il y ait une équipe qui soit au-dessus et après, ça prend du temps parfois, c’en est une autre. Pour l’instant on est sur une archi-domination de Golden State mais combien de temps ça va durer ? On ne sait pas parce que peut-être que dans trois ans Stephen Curry jouera dans une autre équipe. Finalement, tu te dis que c’est peut-être le meilleur système. Mais ça ne correspond pas à nos critères européens. Chez nous, si t’es champion, t’as la meilleure coupe d’Europe sauf que, comme tu ne sais pas qui va être champion, tu ne peux pas assurer à ton effectif que tu seras en coupe d’Europe. Donc, si c’est à la méritocratie, tu ne peux pas dire « ok je te signe trois ans parce que j’ai l’Euroleague pendant trois ans » et dans ce cas-là, comment tu fais pour faire venir les meilleurs joueurs ? Tu n’as pas de stabilité dans ton équipe, tu signes des mecs un an et c’est ce qui se passe en Pro A. Les bons joueurs on les signe un an. Si tu veux progresser, il faut que tu signes des mecs deux ou trois ans pour avancer tous ensemble. C’est, en tout cas, ce que je pense.

Le problème c’est qu’on ne peut même pas les faire venir ces mecs-là. Si tu as l’Euroleague garanti tu peux aller chercher des mecs. Je sais que si Tony Parker a l’Euroleague, il aura de l’argent, et s’il a de l’argent il aura des gros joueurs. Tony les fera venir, il trouvera une solution pour les faire venir et il les signera pour deux ans, tu as l’Euroleague pendant trois ans donc tu as deux ans de garantis et à la fin de ta première saison tu sais déjà quasiment l’équipe que tu auras. Maintenant, imagines toi à la place de Chalon, Moustapha Fall va rester ? Euh… non. Roberson va rester ? Euh… non. Cameron Clark va rester ? Euh… non. Il te reste que Lance Harris… A chaque fois tu recommences tout à zéro. Pour plus de stabilité, il faut une ligue quasiment fermée. Moi, ça me fait mal au cœur de dire ça parce que je suis de l’ancienne école et on avait l’Euroleague justement parce qu’on avait mérité d’y aller mais je crois que l’avenir c’est les ligues fermées.

A mon époque, il y avait une stabilité avec Limoges, Pau et l’ASVEL. Tu savais que si tu avais deux places en Euroleague –parce qu’à l’époque on en avait deux- tu avais deux de ces trois équipes qui y étaient et la troisième aurait eu ce qui ressemble à l’Eurocup d’aujourd’hui. Aussi, finalement, à chaque fois tu étais dans des bonnes compétitions européennes. Maintenant, tu ne sais jamais. Qui aurait misé sur Chalon ? Parce que tu regardes l’équipe, il y a cinq joueurs… Bon allez, six. Tu les vois jouer, ils sont monstrueux. Jean-Denys Choulet les fait jouer super bien, ils ont un talent incroyable. La seule solution pour faire progresser le basket français, c’est de revenir dans les meilleures compétitions. Je serai inquiet si on continue de jouer la BCL et la FEC. On a quand même un vivier et on pourrait avoir des équipes qui jouent ces compétitions mais pas les tops équipes françaises. Les tops équipes françaises doivent se confronter aux tops équipes européennes. Ok, on prendra des roustes sauf que rappelez-vous que la dernière fois qu’on était en Euroleague c’était via Strasbourg et la SIG s’est retrouvée en finale de l’Eurocup. Donc on n’est pas si ridicules que ça et on s’est confronté aux meilleurs. Sans faire injure à la FEC, c’est quand même plus valorisant d’être en finale de l’Eurocup que de la FEC. Bonn, par exemple, tout le monde dit que c’est une bonne équipe. Oui, c’est une bonne équipe mais personne ne les connaît. Sur la scène européenne ça ne représente rien même s’ils ont un gros budget et qu’en Allemagne ils font une bonne saison. La plupart de l’équipe ce sont des anciens joueurs de Pro B qui n’étaient pas dominants dans cette vision. Bon, après ils ont peut-être progressé aussi les mecs. C’est Le Portel quoi. Le Portel c’est impressionnant parce que c’est bien mais tu te dis que finalement tu prends un groupe de mercenaires de Pro B et en Pro A ils sont tops. C’est un peu inquiétant mais c’est notre Pro A, c’est notre réalité ».

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