Cathy Melain, 44 ans, n’était pas la saison dernière une rookie comme les autres en Ligue Féminine. Déjà parce qu’elle est la seule femme et d’autre part en raison de son immense palmarès avec deux titres de championnes d’Europe, trois Euroleague et huit titres de championnes de France. Et puis aussi parce qu’elle a comme meneuse à Basket Landes Céline Dumerc, une amie, avec qui elle a gagné plusieurs couronnes.
L’entretien est en deux parties.
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A quel moment avez-vous choisi de faire une carrière de coach professionnel ?
Je ne l’ai pas décidé ! (Sourire) Je n’avais aucun plan de carrière en tant qu’entraîneur. C’est l’occasion qui s’est présentée. Après ma carrière, Jean-Pierre De Vincenzi (NDLR : à l’époque DTN) m’avait conseillée de passer le concours de professerat de sport et d’intégrer la formation française au sein des équipes de France jeune et ensuite à l’INSEP. J’étais plus partie sur de la formation. Ça me plaît d’entraîner les jeunes et je ne voulais pas dès mon arrêt de carrière entraîner des pros direct.
De quels coaches avez-vous le plus appris ?
Il y a des choses qui nous plaisent et d’autres qui nous déplaisent de chaque coach. Tous m’ont inspirée et m’ont permis de me dire quel coach je veux être. C’est vrai que j’ai des sensibilités avec certains coaches que j’ai beaucoup apprécié mais je ne me suis pas dit telle personne fait ça, je dois faire ça car on a chacun notre personnalité et il faut que je sois en cohérence avec ce que je suis. C’est s’inspirer mais pas faire du copier/coller. Si je décide de faire comme quelqu’un d’autre, je m’y perds donc il faut rester soi-même.
Le stress est-il plus important que lorsqu’on est joueuse ?
Il est complètement différent. Quand on est joueuse, on est dans l’action alors que lorsqu’on est entraîneur, on se sent un peu en dehors de tout ça. On n’a pas la possibilité d’avoir la main sur quelque chose. On a le stress de ne pas avoir autant de maîtrise qu’en tant que joueuse.
Depuis que vous êtes coach, êtes-vous toujours une aussi grosse consommatrice de matchs à la télé et d’articles sur le basket ?
Oui même s’il y a beaucoup de vidéos qui sont liées au scouting. J’en regarde autant mais plus sur des équipes du championnat de France et d’Eurocup et ensuite pour recruter les gens. Et puis quand il me reste du temps, je regarde d’autres matchs.
Céline Dumerc disait qu’avant que vous preniez le coaching de l’équipe, vous vous demandiez si c’était possible d’être amies et d’avoir une relation professionnelle comme celle-ci. Alors quel est le bilan un an après ?
Oui c’est possible mais ça demande des ajustements. Quand on est amies, on peut partager le fin fond de sa pensée, avoir une forme de confidence importante. Mais il ne faut pas qu’elle fasse mon métier et que je fasse le sien. Pour certaines choses, il faut mettre un mur car ce ne sont pas des discussions qu’il faut avoir. C’est vrai que si elle n’était pas ma joueuse, je discuterais sur des aspects basket, du coaching, des choix, comment je ressens les choses. Mais c’est ma joueuse et il ne faut pas que je rentre sur ces choses-là. C’était le réglage qu’il a été nécessaire de faire. Après, il y a des choses qui sont très intéressantes. Pour ma première année, c’était un énorme avantage de l’avoir dans l’équipe car je la connais, je lui fais confiance, je sais ce qu’elle pense, quels sont les messages qu’elle va faire passer dans le vestiaire, du moins l’idée générale. Je savais très bien que je pouvais m’appuyer sur son leadership.
Cette saison, vous allez la décaler comme deuxième arrière. Elle qui pense aux autres avant de penser à elle-même et qui rechigne parfois à prendre des shoots, il va falloir qu’elle change cette mentalité-là ?
C’est le challenge qu’on lui donne et elle a adhéré totalement car elle se rend compte que comme elle est perfectionniste et que ça ne se passe pas exactement comme elle l’a imaginée, ça l’énerve. C’est sa grande qualité et c’est ce qui a fait cette joueuse-là car elle est hyper rigoureuse. Mais à un moment donné, elle se prenait plus la tête à savoir si le jeu était fait comme il le fallait plutôt qu’à mettre en place son jeu à elle. Comme ça, c’est lui libérer l’esprit.
Elle a 36 ans. Est-ce aussi l’économiser physiquement ?
Sur certaines choses mais il y en a d’autres où il va falloir qu’elle prenne l’habitude. Mine de rien, lorsque tu es extérieure, tu as beaucoup plus de courses, sur les contre-attaques, le jeu demi-terrain. Ce qu’elle va gagner en passant à l’aile, elle va le dépenser autrement. Elle ne va pas être sous des pressions tout terrain mais elle va prendre beaucoup d’écrans. Ça va être différent comme fatigue physique à part si elle la joue tranquille mais j’en doute (sourire). Ça va toujours être intense car elle est intense naturellement.
Ça fait maintenant six ans qu’elle a été exposée aux Jeux de Londres. Est-elle encore la chouchoute du public quand vous vous déplacez ?
C’est toujours le cas mais un peu moindre. Quoiqu’il arrive les gens la connaissent, viennent la voir. C’est effectivement moins important qu’à la sortie des JO où c’était monstrueux, inimaginables mais ça reste un centre d’intention.
Vous qui avez connu le succès mais dans un cercle plus fermé, avez-vous été surpris qu’une basketteuse puisse être adulée ainsi ?
Un choc, non, car c’est juste la preuve du « pouvoir » des JO. Les Jeux Olympiques ont un impact qui est incomparable avec n’importe quelle compétition. Dans l’esprit des gens, ce n’est pas du tout la même chose d’être champion du monde que d’être champion olympique parce qu’on va tabler sur un cercle beaucoup plus importants de spectateurs. Des spectateurs sportifs et pas uniquement basket.
C’était télévisé sur France Télévisions.
C’est pour ça que c’est l’impact des JO avec tout ce que ça comprend. Effectivement, ça passe sur la télé publique. Je n’aime pas l’expression « sport mineur » mais disons que sont exposés des sports qui ne passent pas souvent à la télé. Et si ces sports-là sont performants, les gens regardent. Moi la première, aux JO je regarde des sports que je ne regarde jamais.
« J’ai eu un seul entraîneur femme dans ma carrière de joueuse, Jacky Delachet, quand je suis entrée à l’INSEP. Ça remonte ! »
Est-ce une fierté pour Basket Landes et les deux intéressées, Marie-Laure Lafargue* et vous, d’être des femmes comme présidente et coach alors qu’il n’y a pas d’autres doublettes comme ça ?
On a même une assistante femme ! (NDLR : Julie Barennes). Il n’y a pas d’actions féministes, ce n’est pas fait pour que l’on parle de nous. Il y a un trio de dirigeants qui fonctionnent ensemble et pour amener toujours une dynamique, ils se passent la main. On a eu Pierre Dartiguelongue comme président, ensuite Didier Massy et maintenant c’est Marie-Laure, qui est redevenue salariée du club. Avoir une présidence tournante permet de rester en activité. On ne s’endort pas sur ses lauriers, ça stimule les uns et les autres. Je trouve ça hyper intéressant. J’ose espérer que l’on a choisi une coach et une président sans faire attention à leur sexe.
A l’inverse, vous êtes la seule femme coach en Ligue Féminine. A quoi attribuez ça ? Au manque de vocation ? A un certain sexisme ?
Il n’y a pas que moi, il y a aussi Valérie Garnier en équipe de France. Je pense qu’il y a peut-être un manque d’ambition des femmes et aussi des habitudes. C’est la réalité, il y a beaucoup, beaucoup plus d’entraîneurs hommes que de femmes à n’importe quel niveau. Nous, les femmes, sommes-nous un peu plus sages dans nos ambitions ? On a plus de mal à y croire donc à l’affirmer et donc à se vendre. Il y en a moins sur le marché donc il y en a moins en poste. J’ai eu un seul entraîneur femme dans ma carrière de joueuse, Jacky Delachet, quand je suis entrée à l’INSEP. Ça remonte ! C’est vrai que j’ai été habituée à des hommes. Est-ce cette habitude qui fait qu’il y en a toujours beaucoup plus ? Il faudrait demander à ceux qui décident (rires).
Pour vous, Valérie Garnier, qui a été internationale, qui a longtemps coaché en Ligue Féminine notamment à Bourges, en équipe de France, et maintenant en Turquie -c’est la première femme à l’étranger-, c’est un exemple à suivre ?
J’ai un grand respect pour ce qu’elle a réussi à faire. Elle a eu une progression constante dans la proposition des postes qu’elle a eu. Je ne dirais pas que c’est un exemple dans le sens où je n’en suis pas à me dire que je vais faire comme elle. En fait, je vie au jour le jour. Je ne me dis pas, si Valérie a réussi à faire ça, je vais faire ça. J’ai un grand respect pour ce qu’elle a fait mais je ne suis pas dans la comparaison.
A ce propos, que pensez-vous de la génération 2018 de l’équipe de France ? Elle est dans le top 8 des compétitions internationales depuis 1999. C’est votre génération qui a initié ça ?
Ça ne me rend pas fière de ce que j’ai pu faire mais d’être française en règle générale. Je suis super heureuse que l’on soit un pays qui soit toujours présent, qui soit capable de toujours évoluer quelque soit les générations, les gens qui passent. Ce n’est pas lié à une génération, à deux ou trois personnes, mais à un pays. Ça valorise tout le travail qui est fait, dès que les personnes commencent, tout au long de la formation, puis ensuite les mettre dans des conditions pour évoluer au plus haut niveau en pro pour qu’elles continuent à progresser et maintenir une sorte de statut de ce qu’est maintenant l’équipe de France. Le plus dur c’est d’avoir cette continuité. Certains pays tombent sur une génération dorée et vont être performants tant qu’ils sont là et le jour où ils s’en vont, il n’y a plus rien. Alors qu’en ayant fait le travail autour, on est présent quelque soit les individus qui composent l’équipe de France.
L’équipe de France juniors a eu des médailles depuis 2008 jusqu’à l’année dernière. C’est l’assurance ensuite d’avoir de bons résultats à l’âge adulte ?
Je considère que la génération qui est la plus « importante », c’est U18. C’est là qu’on y voit l’effet de la formation française du plus jeune âge aux pôles, aux centres de formation et au Centre Fédéral. C’est vrai qu’avoir des performances en U18 ce sont de bons signes pour la suite. Ce n’est pas une vérité, on ne peut pas affirmer que si on est champion ou sur le podium en U18 pendant dix ans notre équipe senior va être performante. Mais il y a des effets. Chez les U20, les meilleures de la génération commencent déjà à intégrer l’équipe senior. On le voit dans l’équipe de France actuelle avec les générations 94 et 98 championnes d’Europe et d’autres qui ont fait des médailles. Il y a des jeunes sur qui on peut s’appuyer, qui ont toutes les qualités requises pour faire perdurer l’équipe de France au plus haut niveau.
PARCOURSJOUEUSE
1984-1989 Rennes (NF2)
1999-1993 Centre Fédéral (NF1)
1993-1994 Tarbes
1994-1995 Aix en Provence
1995-2003 Bourges
2003-2005 Venise
2005-2009 BourgesENTRAÎNEUR :
CLUBS
2011-2013 Bourges (centre de formation)
2013-2017 Centre Fédéral
Depuis 2017 Basket LandesEQUIPES NATIONALES
2008-2009 Équipe de France U16F (assistante)
2010 Équipe de France U17 (assistante)
2012 Équipe de France U18F (assistante)
2013 Équipe de France U19F (assistante)
2014-2015 Équipe de France U16F
2016 Équipe de France U17F
2017 Équipe de France U18F
*Lors de sa prise de présidence, Marie-Laure Lafargue a fourni quelques chiffres sur le club:
Basket Landes a le 7 ème budget de LFB avec 1.487 M€ en dessous de la moyenne des clubs de Ligue qui est à 1.716 M€ et Bourges est à 3.354 M€
23% de recettes spectateurs contre 7,5 % au plan national
30,8% de subventions publiques contre 47,5% au plan national
44,62% partenariat privé contre 38,6% au plan national
50 000 spectateurs en 2018 à Mitterrand et 88,7 % de remplissage sur la saison, probablement le plus important public de France en remplissage et en recettes sur 2017-2018
1 008 abonnés , 29% de l’agglomération montoise, 26% de Tursan/chalosse , 15% pays dacquois et côte sud , 12% du Gabardan/Armagnac , 6% du nord des Landes et 12% hors département.
468 partenaires de 150€ a 80000€ , contre 10 partenaires pour 150000€ en tout en 2008.
26% des partenaires sont issus de l’agglo montoise, 44% du reste du département, 12% de Nouvelle Aquitaine et 18% National.
29% de subventions publiques , soit l’un des plus faible taux de la LFB, réparties entre 310,5M€ du Conseil Départemental (dont 260M€ pour le centre de formation) , 70 M€ de la Région , et 30M€ de l’agglo.
A suivre demain.
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A quel moment avez-vous choisi de faire une carrière de coach professionnel ?
Je ne l’ai pas décidé ! (Sourire) Je n’avais aucun plan de carrière en tant qu’entraîneur. C’est l’occasion qui s’est présentée. Après ma carrière, Jean-Pierre De Vincenzi (NDLR : à l’époque DTN) m’avait conseillée de passer le concours de professerat de sport et d’intégrer la formation française au sein des équipes de France jeune et ensuite à l’INSEP. J’étais plus partie sur de la formation. Ça me plaît d’entraîner les jeunes et je ne voulais pas dès mon arrêt de carrière entraîner des pros direct.
De quels coaches avez-vous le plus appris ?
Il y a des choses qui nous plaisent et d’autres qui nous déplaisent de chaque coach. Tous m’ont inspirée et m’ont permis de me dire quel coach je veux être. C’est vrai que j’ai des sensibilités avec certains coaches que j’ai beaucoup apprécié mais je ne me suis pas dit telle personne fait ça, je dois faire ça car on a chacun notre personnalité et il faut que je sois en cohérence avec ce que je suis. C’est s’inspirer mais pas faire du copier/coller. Si je décide de faire comme quelqu’un d’autre, je m’y perds donc il faut rester soi-même.
Le stress est-il plus important que lorsqu’on est joueuse ?
Il est complètement différent. Quand on est joueuse, on est dans l’action alors que lorsqu’on est entraîneur, on se sent un peu en dehors de tout ça. On n’a pas la possibilité d’avoir la main sur quelque chose. On a le stress de ne pas avoir autant de maîtrise qu’en tant que joueuse.
Depuis que vous êtes coach, êtes-vous toujours une aussi grosse consommatrice de matchs à la télé et d’articles sur le basket ?
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Photos: Cathy Melain et Céline Dumerc (FIBA)