Marie-Laure Lafargue est la Directrice administrative et financière de Basket Landes depuis 2011 et elle occupe aussi la fonction de manager général. Elle a donc été au cœur des tractations qui ont précédé la venue surprise de Céline Dumerc dans son club. Elle nous explique ici la genèse de l’histoire et aussi les retombées populaires et médiatiques.
Une deuxième partie évoquera la saison de Basket Landes, la grêle de pépins physiques qui entrave son fonctionnement, et aussi la participation au club d’Alain Béral, le président de la LNB.
Si on s’intéresse à sa venue de façon chronologique, quand avez vous eu les premiers contacts avec Céline Dumerc ?
A l’occasion de la venue de Bourges l’année dernière, le 17 octobre, un soir de quart de finale de Coupe du Monde de rugby. Céline était restée après le match car elle avait une invitation à passer le week-end chez son amie Julie Barennes. Elle avait demandé un ticket de sortie pour rester jusqu’au dimanche. On a eu l’occasion de passer un bout de soirée avec elle et de façon très informelle et sur un registre très humoristique, le président de l’époque, Pierre Dartiguelongue lui dit : « Céline, c’est super sympa de passer des soirées avec toi mais ça serait encore mieux de passer beaucoup plus de temps ensemble ». Et Céline répond sur ce que l’on croyait aussi une boutade : « Voyez président, je suis une fille polie. On m’a invité, j’ai répondu à l’invitation. Il suffit peut-être de m’inviter pour que je réponde à votre invitation. » Pierre s’est accroché à cette idée. « Attention ! Elle a dit ça. Il y a peut-être quelque chose à faire. » J’ai pris ma casquette de directrice et je lui ai répondu : « Prend ton téléphone, appelle son agent et tu verras qu’il règlera le sujet en deux temps, trois mouvements. Ce n’est pas notre prix. »
Les événements se sont ensuite enchaînés ?
Deux mois plus tard, il y avait un match de qualification pour le championnat d’Europe à Bourges auquel le président Dartiguelongue a été invité. Au VIP d’après-match Céline lui tape sur l’épaule et lui dit « je suis un peu déçue, j’attends toujours votre invitation. » Ça a réveillé l’entrain de Pierre sur le sujet. Céline est venue passer le Nouvel An à Mont-de-Marsan avec d’autres joueuses, Paoline Salagnac, Danielle Page… Toujours chez Julie Barennes qui appelle Pierre Dartiguelongue le 1er janvier pour ses bons vœux. Il lui demande ce qu’elle a fait la veille. Elle lui explique qu’elle avait Céline à la maison. Il lui demande si elle peut lui donner son numéro pour qu’il puisse lui souhaiter aussi ses bons vœux pour 2016 et qu’il fasse l’invitation promise deux mois auparavant. On était trois ici dans le secret de la discussion. On a beaucoup parlé de son avenir, de ses envies. Ce n’est qu’ensuite que l’on est rentré dans une relation plus classique avec les agents. Et ça s’est enchaîné assez vite après puisque sa venue a été officialisée début février. Céline ne voulait pas que ça parte dans la nature et officialiser ça très proprement avec Bourges et ses coéquipières. C’est plutôt atypique et sympa comme rencontre surtout que ça a abouti, un peu contre tout espoir. Quand elle nous a dit « je suis à 99% chez vous », on n’était pas certain d’avoir bien entendu.
« On est passé durant l’été de 580 abonnés à 890 au moment où l’on se parle. Et depuis notre début de saison, on est à 100% de remplissage à la salle. C’est certainement l’effet Céline Dumerc »
Y a t’il eu un engouement supplémentaire au niveau du public, des abonnements, des partenaires à l’annonce de sa venue ?
Au moment de sa signature, il y a eu comme un coup de tonnerre dans le basket français. Ça a quand même fait sacrément bouger les lignes. J’ai l’habitude de donner ce chiffre : notre page Facebook a 15 000 visites/semaine. Ce jour là, on a eu 280 000 visites sur le communiqué de l’arrivée de Céline. Le lundi et le mardi, j’ai passé mon temps sur les réseaux sociaux. C’était affolant. Les radios, les télés, des gens qui ne s’intéressaient pas à nous… C’est le premier effet Céline Dumerc. Après, on peut supposer que dans notre campagne d’abonnement ça n’a pas été neutre, le tout sur une dynamique du club déjà bien installée avec un beau parcours en Coupe d’Europe qui avait déjà fidélisé pas mal de monde. On est passé durant l’été de 580 abonnés à 890 au moment où l’on se parle. Et depuis notre début de saison, on est à 100% de remplissage à la salle. C’est certainement l’effet Céline Dumerc.
Quelle est la capacité de l’Espace Mitterrand ?
Cela oscille entre 1 600 et 2500 places pour la venue de Venise car on a une tribune qui est en partie amovible. On a fait le plein y compris sur des matches –sans faire injure à nos adversaires- qui étaient peut-être moins prestigieux. Un exemple: un Basket Landes-Mondeville qui ne soulevait plus les foules depuis quelques années a fait le plein il y a un mois, et d’ailleurs on a perdu.
Pour Bourges, samedi, ça sera à guichets fermés ?
On était parti sur une configuration à 2 200 qui est la plus pratique pour l’utilisation de la salle. On était plein depuis le 10 octobre et la semaine dernière, on a dû demander à la ville de nous monter 300 places de plus, ce qu’ils ont accepté de faire. Ça été rempli en une demi-heure. On aurait rempli 5 000 places d’autant que nous sommes assaillis de demandes venant de Bourges. Les gens veulent voir le premier match de Bourges contre Céline alors que d’habitude ça ne fait pas déplacer les Berrichons.
Et sur le plan des médias, avez-vous vécu un raz-de-marée ?
C’est le cas cette semaine ! On essaye de la protéger car il y a deux matches par semaine et c’est beaucoup. Lors de la semaine qui a précédé l’Open, on a tout vu. La première page de Sud-Ouest Région avec un face aux lecteurs, un reportage sur Stade 2, SFR Sport, RMC, tout le monde. On parle de Basket Landes et de Mont-de-Marsan plus qu’on en n’a jamais parlé car Céline est un personnage qui est exposé au plus haut niveau.
« Elle nous a dit aussi : « surtout, si je suis l’ombre de moi-même, je veux me réserver le droit d’arrêter après la première année ». A priori, à l’heure où on se parle, elle ne parle plus de ça ! »
Son image colle aussi avec celui de votre club ? Elle est du coin…
C’est l’histoire de cette rencontre. La discussion s’est engagée autour de valeurs communes. Céline est à un moment de sa carrière où elle peut donner de la place à ce genre d’envie, à une aventure un peu plus romantique même si on lui a promis de la compétitivité. Et le début de saison prouve que l’on n’est pas que dans l’aventure médiatique, dans un effet de manches. Elle a la culture du sud-ouest, elle avait envie de vivre autre chose, sa famille est tout prêt, elle a plaisir à la retrouver tous les samedis soirs à la salle.
Quelque chose est-il prévu dans son contrat sur sa reconversion ?
Elle est chez nous pour deux ans. Suite à la discussion que l’on a eu les yeux dans les yeux avec elle, on a choisi de l’accompagner sur le chemin de la reconversion. Elle ne sait pas ce qu’elle veut faire après. Elle a des potentialités tellement larges, elle a aussi tellement envie de jouer aujourd’hui… Il se trouve que l’on travaille dans le département avec un réseau d’entreprises dans le cadre d’une structure qui s’appelle Rebond 40 qui accompagne les sportifs professionnels des trois clubs pros du département, les deux clubs de rugby et nous. Céline est rentrée dans ce dispositif, elle va être coachée par des chefs d’entreprise qui vont l’aider à défricher le sujet. L’esprit c’est qu’elle ait, sous une forme à trouver qui n’est pas défini dans son contrat, un rôle dans le club. On espère qu’elle acceptera d’être à terme au minimum une ambassadrice de Basket Landes. Elle nous a dit aussi : « surtout, si je suis l’ombre de moi-même, je veux me réserver le droit d’arrêter après la première année ». A priori, à l’heure où on se parle, elle ne parle plus de ça !
Céline n’a jamais autant marqué de points de sa vie en club (13,6 pts) mais jouer 32 minutes par match, c’est beaucoup ?
Cela faisait longtemps qu’elle avait autant joué ! Ce n’est certainement pas le plan idéal. L’élimination en Coupe d’Europe va permettre à l’équipe de retrouver la fraîcheur qui a clairement manqué dans le dernier mois. Céline avec son envie, son leadership, a pris beaucoup de responsabilités dans le jeu. Le basket d’Olivier dès le début de saison a aussi peut-être permis à Céline de montrer des choses qu’elle montrait moins auparavant. Je crois que sur les cinq premiers matches aucune de nos joueuses du starting five mettait moins de quinze points par match. Je pense que Céline sera heureuse de retrouver Queralt (Casas) à partir de janvier. L’arrivée de Nevena (Jovanovic) va aussi la soulager, comme on l’espère le retour en forme d’Alexia (Plagnard). Mais si elle nous fait des matches comme hier soir contre Venise, on ne va pas bouder notre plaisir (26 pts, 6 rbds, 6 pds et 2 ints). Je crois que sa blessure aux JO lui a aussi donner une terrible envie de revanche. Elle est aussi arrivée plus fraîche.
Généralement, les joueurs/joueuses chutent après trente-deux ans. Ce n’est pas le cas pour elle*.
Elle défie les statistiques. Certains ont jugé qu’elle venait chez nous en pré-retraite or si c’est certainement l’une de ses dernières expériences professionnelles, elle se relance dans un challenge, un mode de vie, des responsabilités différentes et ça se voit sur le terrain.
*Après 9 matches, Céline Dumerc (34 ans) tourne à 13,7 pts (11e de LFB), 6,0 pds (2e), 3,8 rbds, 3,4 ints (1ère) pour 18,3 d’évaluation (6e).