Sommes-nous en retard sur la préparation mentale comme nous l'étions il y a 20 ans sur la préparation physique ? Le constat est implacable : nous n’en sommes qu’à l’aube de ce qui peut se faire en matière de développement mental. Chronique.
Chaque mois, Basket Europe vous propose une chronique, une vraie Masterclass sur un aspect important mais souvent négligé : le mental dans le basket.
Alors que la mode est à la préoccupation de la santé mentale des athlètes, les clubs et les joueurs cherchent à trouver l’équilibre qui leur convient pour tirer le meilleur de leur groupe ou d’eux-mêmes. Comment s’organiser au sein d’un club ? Qui prendre dans son entourage en tant que joueur ? À qui faire confiance ? Comment le/la payer ?
Si chacun cherche la bonne formule, le constat est évident : le développement mental est un sujet qui intrigue, parfois divise, et encore très peu utilisé par les clubs. De Denver à Kaunas, De Dijon à Murcie en passant par Antibes, faisons le point sur l’organisation de chacun, grâce au retour de leurs présidents, directeurs sportifs, entraîneurs, joueurs et préparateurs mentaux.
Préparation physique/Préparation mentale, même combat ?
En 2010, seuls deux préparateurs physiques étaient en charge d’équipe de Pro A : Frank Kuhn à Strasbourg (ex-préparateur physique de l’équipe de France pendant dix ans, désormais assistant à la SIG) et Sébastien Morin à Cholet (aussi préparateur physique personnel de Rodrigue Beaubois, Adrien Moerman, Kévin Séraphin entre autres). En 2023, combien de préparateurs mentaux sont engagés à temps plein par un club de Betclic Élite ? Zéro !
Alors que l’on approche d’une période cruciale avec les phases finales et que les clubs se battent pour divers objectifs : le maintien, une place en playoffs ou l’avantage du terrain, beaucoup de ces matches-là se joueront sur des aspects comme la détermination, la capacité à performer sous la pression, à se concentrer, à garder le contrôle de ses émotions, à produire une intensité maximale au moment requis, mais aussi à prendre du plaisir dans le dépassement de soi, le tout en traversant des moments où l’adversité est à son comble.
On pense que les joueurs professionnels doivent être en mesure de répondre à ces attentes, mais alors qu’ils se préparent toute l’année tactiquement, physiquement et techniquement pour être au top à ce moment de la saison, le sont-ils vraiment mentalement ?
EuroLeague, G-League, LNB, Liga ACB, Pro B : Qui fait appel aux coachs mentaux ?
Quand deux des équipes du haut de tableau de l’Euroleague comme l’AS Monaco et Barcelone tirent la sonnette d’alarme à travers leur coach et directeur sportif en expliquant que leur équipe est fatiguée mentalement, c’est qu’il y a un réel besoin... mais aussi un vrai retard à l’allumage en termes de service proposé aux joueurs et aux staffs.
Erman Kunter était l’un de ces coachs qui a donné sa chance à Sébastien Morin lorsqu’il était en place à Cholet, car il considérait l’aspect physique comme un élément majeur, à une période où cela ne se faisait pas encore.
Dan Goethals a une vision similaire avec les Sharks d’Antibes et comprend que le travail mental est primordial pour que les joueurs développent leur plein potentiel et performent avec plus de consistance. C’est pourquoi il a convaincu son président d’investir dans deux préparateurs mentaux qui interviennent une fois par semaine avec les joueurs qui en ressentent le besoin.
« Nous ne faisons qu’effleurer la surface de ce qui est possible » - Dr Eddie O’Connor
À la JDA Dijon, le directeur sportif Fabien Romeyer expliquait comment ils travaillaient avec deux préparateurs mentaux (extérieurs au club) chez les pros mais aussi avec les Espoirs en termes de définition d’objectifs et d’apprentissage des fondamentaux pour la prévention de la santé mentale. Ancien coach, Fabien Romeyer est lui aussi ouvert d’esprit, extrêmement intéressé par toute forme de développement qui emmènerait des solutions et une évolution au sein de son club.
Sito Alonso, entraîneur de Murcia en Liga ACB, a une philosophie similaire à beaucoup d’entraîneurs avec un budget limité. Il a d’autres priorités et fait de son mieux avec ce qu’il a. Il se concentre sur ce qu’il connaît, même si l’aspect mental l’intrigue.
« Pas là pour en faire des robots »
Certains pensent que nous ne pouvons pas faire des joueurs des robots et que les erreurs commises par les joueurs dont celles commises par le manque de contrôle émotionnel font partie des raisons pour lesquelles nous aimons tant ce jeu.
Évidemment que la beauté du basket reste dans l’incertitude du résultat et dans les faits de jeu parfois exceptionnels. Mais ne pas vouloir développer les compétences mentales des joueurs s’apparente fortement au début des années 2000 quand les joueurs n’avaient pas besoin d’exploiter leur potentiel physique parce que soi-disant chacun avait des capacités athlétiques différentes… or nous avons la preuve, presque vingt ans plus tard, que tout le monde, quel que soit son potentiel, se doit de développer ses qualités physiques pour non seulement performer au mieux mais aussi prévenir des blessures.
Il en est de même quant au mental : développer des compétences mentales est bénéfique pour la santé psychologique du joueur mais aussi pour sa performance ultime.
Aujourd’hui, le psychologue du sport du Zalgiris Kaunas ne travaille avec le club que si on le contacte, Eddie O’Connor ne passe que 4 à 6 heures par semaine avec l’équipe des Grand Rapids Gold, équipe de G-League affiliée aux Denver Nuggets, les joueurs de Murcia n’ont accès à aucun professionnel mental, et les préparateurs mentaux en place à la JDA Dijon et à Antibes font de leur mieux mais sont souvent mis à contribution lorsque la situation est déjà critique, à savoir quand quelqu’un a un problème.
À découvrir chaque mois - notre chronique "le mental dans le basket"
Episode 1 - Les bases de la préparation mentale
Episode 2 - La méditation, l’outil mystique de la performance
Episode 3 - Le périlleux exercice du lancer-franc
Episode 4 - Fonda-mental
Episode 5 - Ces détails qui n'en sont pas
Episode 6 - L'importance de nos perceptions
Episode 7 - Dans la tête d'un arbitre d'Euroleague
Episode 8 - La positive gratitude
Un coup de pied dans la fourmilière
Il va désormais falloir que les clubs - mais aussi les joueurs - prennent leurs responsabilités. Travailler l’aspect mental se fait dans le tennis, le golf, le baseball, le ski et autres sports depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, on en est à confondre santé mentale et performance mentale alors que même si les deux sont importantes et influent l’une sur l’autre, elles restent malgré tout différentes l’une de l’autre.
Imaginez la marge de progression que les joueurs ont et comment leurs performances seront affectées positivement quand on prendra le temps de leur faire travailler le mental sur des situations spécifiques qu’ils vivent en match ?
Attention, ce temps-là n’est pas si lointain car même si on a du retard dans le basket, il est évident que le futur est en marche. De plus en plus de monde réalise qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure…
Nico BOURGADE
Coach en performance mentale - Auteur du guide mental, « 1 contre 1 avec toi-même » (disponible sur le site d’Amazon en format broché ou en e-book)
Mail : mentalperformancecoachnico@gmail.com
Photo : FIBA, montage Basket Europe