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Chronique - L'équipe de France aux Jeux Olympiques de Paris : une claque avant la fessée ?

Alors qu'elle va défier le Canada à Paris ce mardi en quarts de finale des JO, les interrogations au sujet de l'équipe de France n'ont sans doute jamais été aussi nombreuses. Notre coach mental et chroniqueur Nico Bourgade analyse la situation des Bleus avant cette rencontre cruciale.

Rudy Gobert © FIBA

Malgré la loi introduite le 2 juillet 2019 interdisant son usage, la fessée risque de faire son grand retour en France, lors d’un événement mondial, à savoir le prochain quart de finale des Jeux Olympiques de Paris entre la France et le Canada. Ça serait le deuxième châtiment après la claque reçue par l’équipe de France lors de son humiliation contre l’Allemagne pour son dernier match de poules.

Les quatre défaites de rang pour clôturer la préparation des Jeux Olympiques nous donnaient des indications sur le niveau de jeu des Bleus par rapport à ses concurrents pour une médaille. Pour autant, le discours au sein du groupe se voulait rassurant, une fois de plus. Après l’improbable réussite à l'Euro 2022 (la France sauvée miraculeusement par deux fois), et le fiasco des Mondiaux de Jakarta l’été dernier, où l’incapacité à performer dans l’adversité, traduit par un niveau affligeant de l’équipe sautait aux yeux de tous, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Sommes-nous en droit d’affirmer qu’il n’y a eu aucune remise en cause, qu’il n’y a aucune identité de jeu, et que les joueurs balbutient leur basket sans connaître leur rôle au sein de cette équipe ?

“On a un super groupe” Nando De Colo

Quant à la cohésion de groupe, si les joueurs et le staff en font la propagande, elle est bien meilleure en dehors des terrains que sur le parquet.

“C’est un manque de respect envers notre public” Nicolas Batum

C’est ce que ressentent beaucoup d’amoureux de basket qui supportent nos Bleus. Ce manque de respect se traduit par un manque de lucidité criant quant aux responsabilités à prendre, joueurs et staffs inclus. Prenons l’exemple de l’Espagne, qui fanfaronnait après avoir triomphé en finale face à nos Bleus à l’Euro 2022. L’école de basket espagnole était encensée, alors que la recrue américaine Lorenzo Brown, qui venait d’obtenir son passeport un mois avant la compétition, avait enchaîné les performances de haut vol et les double-doubles.

Aujourd’hui, les Espagnols sont toujours avec Lorenzo Brown, mais éliminés au premier tour des JO. Tout le basket espagnol reconnaît qu’ils sont en reconstruction après les belles années de l’ère Gasol (entre autres), et qu’il y a un fossé entre avoir de bons joueurs et avoir une équipe bâtie pour devenir championne, car la concurrence est rude. Côté français, l’habitude du haut de tableau lors des compétitions internationales nous a également fait croire que c’était éventuellement un acquis, alors que nous sommes nous aussi en période de transition.

© FIBA

Savoir se regarder dans le miroir VS Faire abstraction des critiques extérieures

68 millions de Français, plus de 725 000 licenciés en France, combien y a-t-il eu de sélectionneurs de l’équipe de France de Basket après la défaite des Bleus contre l’Allemagne ? La critique est donc à son apogée, et on peut comprendre pourquoi. Mais un joueur de haut niveau doit avoir la capacité à faire abstraction de ces critiques faites par le monde extérieur. D’un autre côté, il est primordial d’avoir la capacité à s’auto-juger avec la plus grande exactitude possible et c’est là que le bât blesse.

“On n’est pas au niveau. Quand tu vois les Canadiens, même les Américains ou les Allemands mettre de l’intensité, tu vois la différence tout de suite” Andrew Albicy

Un excès de pression inutile à cause d’objectifs incohérents

Reconnaître que l’équipe de France n’est pas au niveau qui était le sien il y a quelques années, admettre que l’objectif n’est pas d’obtenir une médaille mais plutôt de reconstruire une équipe, alliant l’expérience de certains à la fougue et au talent des nouveaux arrivants. Voilà un discours qui aurait enlevé une pression inutile à nos Bleus, qui au lieu de prendre ces JO à domicile comme une aventure humaine extraordinaire, se retrouvent confrontés à une situation incontrôlable, dans laquelle ils se savent en-dessous du niveau des équipes jouant le titre. Tout en espérant malgré tout que “sur un malentendu", ils pourraient faire un miracle et aller chercher une médaille...

Aucune identité de jeu

“Quel genre d’équipe on veut être ? Qu’est-ce qu’on veut ? Comment on le veut ?” Nicolas Batum

Alors que le Japon et le Soudan du Sud sont éliminés, nous avons découvert deux équipes valeureuses, jouant avec beaucoup de rythme et de brio, en première intention, ce qui leur a valu d’éventuellement avoir du déchet ou d’être brouillonnes par moments. Mais ces deux équipes avaient une identité affirmée, avec des leaders qui ont assumé leurs responsabilités et qui ont entraîné leurs coéquipiers dans leur sillage, chacun comprenant et acceptant le rôle de l’autre.

Côté Français, on nous parle d’un facteur X sur chaque match, de Nico Batum à Matthew Strazel, en passant par Isaia Cordinier. C’est top, mais qu’en est-il de nos leaders ? Qui sont-ils et que fait-on pour les mettre dans les meilleures dispositions pour qu’ils prennent leurs responsabilités ?

Le cas "Wemby"

On connaît l’importance que donne Vincent Collet au collectif. Qui de mieux que lui pour accompagner “l’Alien” Victor Wembanyama pour sa première compétition internationale avec les A, sachant qu’ils ont déjà collaboré avec succès avec les Mets 92 de Boulogne-Levallois ? Hors, "Wemby" n’est que l’ombre de lui-même dans cette compétition. Affecté par le naufrage collectif, il est loin de ses standards et de l’impact qu’il devrait avoir.

Les Bleus ne font plus peur et ne sont plus craints.

Dennis Schröder et Franz Wagner, eux, nous ont collé 26 points chacun. L’un avec le sourire, le deuxième en nous dunkant dessus à plusieurs reprises, alors que nous voulions nous affirmer en tant qu’équipe forte défensivement. LeBron James confirme de son côté : “Je n’ai pas été très impressionné par le dernier match des Français. Je pense qu’ils n’étaient pas prêts pour la dimension physique de l’Allemagne.”

Franz Wagner © FIBA

L’absence de fondations identitaires

“On a tous des idées différentes, clairement. [...] On va faire le maximum pour rester ensemble” Nando De Colo

Nous ne sommes pas là pour juger notre équipe de France, mais plutôt pour la soutenir dans les bons comme dans les mauvais moments. Mais dans ce cas précis, nous sommes également en droit de ressentir une certaine moquerie, comme si des politiciens nous avaient vendu un programme fantastique pour lequel ils n’auraient tenu aucun engagement.

“Pour moi, c’est juste une question de mentalité, il n’y a rien d’autre. On peut être un peu faible sur les systèmes tactiquement, mais on peut compenser tellement de choses sur l’intensité, sur l’énergie... Pour moi, c’est obligatoire de mettre ça sur le terrain à chaque fois” Andrew Albicy

Bien sûr que l’équipe de France a le droit de perdre un match, bien sûr qu’elle a le droit de ne pas atteindre le podium. Mais par Toutatis, perdez avec panache ! Ayez l’ambition d’avoir donné votre corps à la science sur chaque contestation en défense plutôt que de vous laisser dominer sur votre propre parquet sans fierté ! Soyez unis des deux côtés du terrain pendant 40 minutes plutôt que lors des discours d’après-match !

La France du basket n’ose plus espérer une médaille. La seule chose à laquelle elle rêve secrètement, c’est de pouvoir hurler ses encouragements et transmettre toute sa passion à une équipe au passé réputé, et à l’avenir ambitieux... Pour la voir se transcender, une nouvelle fois et transmettre des émotions aux millions de supporters qui la soutiennent. La victoire finale ne sera pas seulement définie par le score au tableau d’affichage, elle sera pour beaucoup d’entre nous dans les valeurs avec lesquelles nos Bleus se battront mardi pour mouiller ce maillot Bleu !


Nico BOURGADE
Nico Bourgade est le coach en performance mentale de l’académie du club d’Euroleague de Zalgiris, à Kaunas en Lituanie, et vient d’accompagner l’équipe de Juventus Utena dans sa saison exceptionnelle, coachée par Oliver Kostic, élu meilleur entraîneur du championnat lituanien et assistant de l’équipe nationale serbe. Il travaille également avec des joueurs/joueuses sur les cinq continents, de joueurs pros de très haut niveau aux meilleurs prospects européens. Il a aussi été sollicité par des programmes universitaires pour partager ses méthodes de travail à travers des colloques sur internet.

Mail : coachnico@themindgameofbasketball.com
Site : www.themindgameofbasketball.com


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