Pendant deux ans l’ASVEL Lyon-Villeurbanne va bénéficier d’une invitation en Euroleague avec l’ambition de décrocher ensuite une Licence A synonyme de participation assurée pour une longue durée. Voici comment. En trois épisodes.
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Le cahier des charges de l’Euroleague, en anglais, fait 416 pages, raison pour laquelle Alain Cloux, le conserve sur son ordinateur sans l’avoir imprimé. Après en avoir pris connaissance, il l’a transmis à chacun des collaborateurs du club avec pour mission d’étudier les chapitres qui les concernent spécifiquement. Le Directeur Général adjoint du club est confiant en ce qui concerne la capacité à présenter une Astroballe conforme aux exigences de la compétition numéro un d’Europe.
« L’Euroleague a fait évoluer les choses en matière technologique, tout ce qui concerne les échanges de données entre la prise de la feuille de marque et le tableau d’affichage, c’est assez élaboré. Et tout ce qui concerne le marketing, la communication, les réseaux sociaux, le digital. Il y a des contraintes au niveau de la salle par rapport à la charte du terrain. Ca correspond à ce qui va être fait en Jeep Elite et en FIBA avec des zones de couleurs plus ou moins claires ou foncées. La ville a prévu de faire des travaux pendant l’été. Pour le reste, la sono a été refaite il y a trois ans, et il y a deux ans, la ville a changé l’éclairage avec des LED. Il est suffisamment puissant pour correspondre aux normes modernes. L’Astroballe a 24 ans mais elle a été modernisée et on n’a pas énormément de choses à faire pour respecter le cahier des charges. Ils sont venus inspecter la salle la semaine dernière, on y a passé cinq heures, on a ouvert toutes les portes afin qu’ils connaissent tous les espaces de l’Astroballe. Ils ont tout mesuré, les superficies, les niveaux d’éclairage de toutes les pièces, de tous les vestiaires, de toutes les salles. On attend les conclusions de l’inspection mais je pense qu’on est plutôt pas mal. Ça nous conforte dans les efforts et les travaux qui ont été faits et ça nous oblige à nous améliorer sur certains points. »
Alain Cloux ayant œuvré plusieurs saisons à l’AS Monaco, qui a connu la Champions League de foot, il est intéressant de lui demander de comparer les deux organisations.
« Ce qui est impressionnant, c’est ce qu’ils mettent en œuvre les jours de match par rapport à la puissance de feu médiatique de la Champions League. Mais je trouve qu’au niveau de leurs structures, de l’exigence de leur cahier des charges, toutes proportions gardées, l’Euroleague s’en rapproche pas mal. La différence se fait vis-à-vis de la culture du basket et aussi au positionnement de l’Euroleague, qui est dans le sud de l’Europe, en Espagne, alors que l’UEFA est en Suisse. Il y a des choses qui sont différentes (sourire). Pour l’avoir vécu, l’UEFA est une énorme machine très structurée, mais aussi avec une forme de rigueur… pour ne pas dire de rigidité. Ça ne veut pas dire que l’on n’entretient pas de bonnes relations avec les représentants de l’UEFA, mais à l’Euroleague s’ils sont très rigoureux, il y a plus de culture latine, de chaleur dans la relation. Ça n’empêche pas qu’ils soient intransigeants sur l’application du cahier des charges. »
Puisque l’on évoque la Champions League, il faut savoir que le Paris Saint-Germain perçoit une somme de 26,6M€ pour ses performances historiques dans l’épreuve -il est classé au 9e rang sur ce critère d’après Ecofoot.fr- et s’il va loin dans la compétition, il pourrait recevoir une dotation globale supérieure à 100 M€ ! On est à des années-lumière de ces chiffres en Euroleague. Comme invitée, l’ASVEL se verra verser 200 000 euros en droits TV plus des primes à la victoire autour de 35 000 euros. Des bonus sont accordés aux équipes participant aux playoffs mais Villeurbanne n’a pas cette prétention à court terme.
L’an I en Euroleague va-t-elle modifier en profondeur les structures de l’ASVEL ? Pas vraiment.
« Tout dépend de la manière dont on va faire avancer notre mutualisation. Si on prend en compte le nombre de matches des garçons et que l’on peut envisager que les filles fassent aussi l’Euroleague, ça va générer pas mal de matchs en plus. Sur l’organisation des matches, il va sans doute falloir y ajouter des moyens et certainement faire évoluer notre structure commerciale même si elle est déjà bien en place, notamment sur le ticketting et la vente de produits de sponsoring et d’hospitalité. »
En fait, le train de vie lui-même va peu varier puisque l’objectif est de réaliser aux alentours de 10M€ de budget. Une performance puisque c’est multiplier quasiment par deux celui de 2014 (5,2M) mais à l’échelle continentale, c’est peanuts puisque d’après une estimation de Basket Le Mag, le budget moyen cette saison en Euroleague est à peine inférieur à 22 millions d’euros alors que la masse salariale s’établit à 12,6M€ soit quatre fois plus que celle de l’ASVEL. Sachant que les charges sociales et fiscales sont autrement plus élevées en France que dans les autres pays d’Europe. La différence est donc encore plus abyssale. Et d’ajouter que la totalité de la masse salariale de l’ASVEL ne couvrirait pas le seul salaire du Gréco-Américain du Panathinaikos, Nick Calathès, aux émoluments annuels en net supérieurs à 2M€.
Faut-il rappeler que si le club français peut s’offrir cette saison le meneur international lituanien Mantas Kaltnietis, c’est que Olimpia Milan avec qui il est toujours sous contrat paye la moitié de son salaire annuel de 650 000 euros ? Et que si l’accord a été conclu c’est que l’ASVEL n’est pas cette saison un concurrent direct au club italien.
Première mission : remplir l’Astroballe
L’une des plus belles réussites de l’Euroleague, c’est son impact populaire dans les salles. Une toute autre dimension que la Basketball Champions League et l’Eurocup car si aucun chiffre officiel n’est communiqué pour ses deux compétitions, il suffit de jeter un œil sur les matches télévisés pour être convaincu qu’il y a rarement foule.
L’affluence moyenne pour la saison 2017-18 s’est établie à 8 780 spectateurs. Soit davantage que la capacité maximale du palais des sports de Pau, l’enceinte la plus vaste de Jeep Elite. Et seul Anadolu Efes avec 3 900 spectateurs en moyenne a présenté une affluence inférieure à la capacité de l’Astroballe ! Et cette saison, il n’y a que Darussafaka pour présenter une enceinte inférieure à 6 000 places assises.
Mathématiquement, l’ASVEL ne rentrera donc pas dans ces normes élevées mais avec un œil positif, on peut dire aussi que son enceinte devrait continuer à bien se remplir.
« Si on se projette avec les affluences actuelles sur les 34 matches de garantie de la saison prochaine, Jeep Elite et Euroleague, ça fait 180 000 personnes. Faut-il encore maintenir la même moyenne mais ici il y a une vraie attente », annonce Alain Cloux. « On écoute nos supporters, les gens qui viennent à la salle, nos partenaires et même s’il y a une difficulté de lisibilité du basket en Europe avec la FIBA et l’Euroleague, il y a le prestige de certains noms des équipes contre lesquelles tu joues qui parlent aux gens. Il y a les fers de lance en Europe comme notamment les clubs omnisports. Même le Bayern Munich, qui n’a pas d’histoire en Euroleague, ça fait parler les gens. C’est un club qui a une vraie notoriété partout en Europe ; on voit ça vis-à-vis des attentes, des réactions des gens. Je ne suis pas en mesure de l’évaluer aujourd’hui, on verra l’année prochaine mais c’est peut-être un nom plus fort que celui du Zalgiris Kaunas. On se rend compte aussi sur un match de coupe d’Europe quand on a une ville qui est connue, même si le club ne l’est pas, sachant que l’on est dans une métropole de 1,3 million de personnes et qu’il y a beaucoup de gens qui ne viennent pas à tous les matches, il y a beaucoup de turnovers. L’avantage avec l’Euroleague c’est qu’il y a de grandes villes et des noms connus de clubs. On sait que l’on va devoir travailler d’arrache-pied pour remplir à chaque fois sachant que l’on n’a pas une salle de 10 000 places. L’avantage c’est qu’on a 5 560 places à l’Astroballe. Par rapport au potentiel, et notamment sportif-basket, autour de nous, on va aller au taquet sur chacun des matches que l’on va jouer sachant qu’il y aura peut-être une ou deux affiches en retrait. Tout va dépendre aussi de la manière dont on se comporte. On est en train de constituer notre offre pour la saison prochaine entre les abonnements et le type de produit que l’on est capable de proposer à la fois au public et aux partenaires sur un mixte entre le championnat de France et l’Euroleague. L’idée c’est de rester sur une base solide sachant que l’on aura beaucoup plus de matches. 34 matches garantis en Euroleague contre 26 cette année pour l’instant. Il va falloir trouver un nouveau public que l’on n’a peut-être pas attiré et surtout faire en sorte que les gens puissent revenir régulièrement. 34 matches, c’est déjà beaucoup si l’on compare avec du foot et du rugby en particulier. Pour des fondus ça va mais en revanche pour des gens qui apprécient mais qui ne sont pas des fans-fans, c’est beaucoup. On se donne les moyens d’aller chercher du nouveau public et de fidéliser. »
Les plus anciens se souviennent que du temps de la Maison des Sports, une grande affiche nationale -le derby face au SA Lyon, la venue de Limoges- ou européenne -un match légendaire face au Zalgiris Kaunas d’Arvidas Sabonis- pouvait remplir exceptionnellement le Palais des Sports de Gerland qui, à une époque où les conditions de sécurité étaient moins strictes, était à même d’accueillir plus de 10 000 personnes. Un match d’Euroleague surtout quand l’adversaire est prestigieux peut connaître un retentissement que n’aura jamais un match franco-français.
« Il y a vraiment un potentiel qui est présent. Il y a aussi la région qui va de l’Auvergne jusqu’aux Alpes. On peut toucher aussi la Bourgogne et le Nord de PACA. Avec ces noms-là, s’il y a une dynamique un peu positive, ça peut attirer du monde. Sachant que pour l’instant, on est à l’Astroballe et que le nombre de places à remplir reste raisonnable. On a deux ans pour s’installer dans la compet », résume Alain Cloux.
Les joueurs, les transports et la récupération
Une fois la découverte du produit, l’intérêt du public local et régional se confirmera à la condition que les résultats sportifs soient disons décents. Aucun public européen s’enthousiasme pour des défaites à répétition. C’est la quadrature du cercle pour l’ASVEL. Comment avoir une équipe compétitive quand on a moins d’argent que les autres à mettre sur les joueurs ? Le staff Villeurbanne a construit une alléchante ossature française avec deux jeunes très prometteurs, Théo Maledon et Amine Noua, mais aucun n’a la moindre expérience de l’Euroleague, de son jeu, de sa férocité, de son exigence dans la durée. Les joueurs vont être assignés aux travaux forcés. Entre le championnat national, les playoffs, la Coupe de France et l’Euroleague, et sans comptabiliser la préparation, la saison 2018-19 promet aux Villeurbannais plus de 80 matches ! L’ASVEL a utilisé à ce jour 15 joueurs sachant que la limite en Jeep Elite est de 16. Faut-il s’attendre à une augmentation du contingent quitte à ce que certains ne soient qualifiés que pour l’Euroleague ?
« En Euroleague, vous pouvez en avoir 20 dans l’année mais pas plus de 16 à la fois. Réglementairement, on ne peut prendre certains joueurs que pour l’Euroleague et c’est déjà le cas pour l’Eurocup. Ils peuvent être qualifiés pour l’Eurocup et pas la Jeep Elite contrairement à une compétition FIBA. Là, pour jouer, il suffit d’avoir une lettre de sortie ou une lettre de mutation s’il est dans le même pays et un contrat, » explique Alain Cloux. Cela pourrait être une vraie stratégie? « Oui. Après, il faut trouver l’équilibre entre le nombre de joueurs dont on a besoin, les moyens dont on peut disposer, et aussi l’équilibre sportif de l’équipe sur le partage du temps de jeu, faire souffler les joueurs, et remplacer les blessés s’il y en a. C’est une équation qu’il faut poser et c’est la réflexion que mène actuellement Yohann (Sangaré) avec Tony, Nicolas et le coach. Je ne pense pas que l’on ait les moyens de faire deux équipes comme l’envisageait le Maccabi ! Dès la première année, il va falloir prendre une option. Quelle sera-t-elle? Je ne sais pas, mais je ne suis pas certain que l’on ait plus de 16 joueurs. »
En fait, avec 15-16 joueurs, l’ASVEL ferait comme près de la moitié des seize équipes actuelles de l’Euroleague, sachant que si Buducnost a déjà fait appel à 20 joueurs, Barcelone, Efes et Olympiakos se sont contentés pour l’instant de 13.
Zvezdan Mitrovic faisait remarquer que pour aller au Portel son équipe a fait deux heures de train puis trois heures de bus. Une sorte de déplacement à l’ancienne. Comme en NBA, la plupart des équipes d’Euroleague bénéficient d’avions privés. L’ASVEL utilisera-t-elle ce moyen de transport plus commode mais aussi plus couteux ?
« Pour l’instant ce ne sont que des avions de ligne. On a fait un déplacement en avion privé pour aller à Krasnodar le 2 janvier. Le matin pour rentrer le soir. Il y a eu quelques soucis par rapport à la météo, je crois que l’espace aérien russe a été fermé pendant un petit moment. Il a fallu patienter alors que l’on voulait voyager rapidement. L’Euroleague sera peut-être plus facile que l’Eurocup dans le sens où il n’y a que des grandes villes. C’est assez facile par rapport à Lyon et à Genève qui est aussi à côté de chez nous. Prendre des avions privés, je n’en suis pas certain, par contre il va falloir mettre des moyens supplémentaires sur la récup entre les matches. Aujourd’hui, il y a une réflexion générale sur la constitution de l’équipe et les moyens alloués au mode de déplacement et de récupération et on en revient au paramètre que constitue le nombre de joueurs. 10M€ c’est une somme importante pour un club de basket en France mais pas gigantesque pour un club d’Euroleague. Il faut équilibrer tout ça pour qu’à la fin on puisse respecter le budget. »
L’ASVEL a deux ans pour séduire. Son public, ses partenaires, la France du basket. Et l’Euroleague.
La suite demain.
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Le cahier des charges de l’Euroleague, en anglais, fait 416 pages, raison pour laquelle Alain Cloux, le conserve sur son ordinateur sans l’avoir imprimé. Après en avoir pris connaissance, il l’a transmis à chacun des collaborateurs du club avec pour mission d’étudier les chapitres qui les concernent spécifiquement. Le Directeur Général adjoint du club est confiant en ce qui concerne la capacité à présenter une Astroballe conforme aux exigences de la compétition numéro un d’Europe.
« L’Euroleague a fait évoluer les choses en matière technologique, tout ce qui concerne les échanges de données entre la prise de la feuille de marque et le tableau d’affichage, c’est assez élaboré. Et tout ce qui concerne le marketing, la communication, les réseaux sociaux, le digital. Il y a des contraintes au niveau de la salle par rapport à la charte du terrain. Ca correspond à ce qui va être fait en Jeep Elite et en FIBA avec des zones de couleurs plus ou moins claires ou foncées. La ville a prévu de faire des travaux pendant l’été. Pour le reste, la sono a été refaite il y a trois ans, et il y a deux ans, la ville a changé l’éclairage avec des LED. Il est suffisamment puissant pour correspondre aux normes modernes. L’Astroballe a 24 ans mais elle a été modernisée et on n’a pas énormément de choses à faire pour respecter le cahier des charges. Ils sont venus inspecter la salle la semaine dernière, on y a passé cinq heures, on a ouvert toutes les portes afin qu’ils connaissent tous les espaces de l’Astroballe. Ils ont tout mesuré, les superficies, les niveaux d’éclairage de toutes les pièces, de tous les vestiaires, de toutes les salles. On attend les conclusions de l’inspection mais je pense qu’on est plutôt pas mal. Ça nous conforte dans les efforts et les travaux qui ont été faits et ça nous oblige à nous améliorer sur certains points. »
Alain Cloux ayant œuvré plusieurs saisons à l’AS Monaco, qui a connu la Champions League de foot, il est intéressant de lui demander de comparer les deux organisations.
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Photos: Livio Jean-Charles (LNB, Hervé Bellenger), DeMarcus Nelson (Eurocupbasketball), Zvzedan Mitrovic (FIBA)