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Didier Primault, directeur du Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges: « Des tickets garantis en Euroleague, une atteinte gravissime à l’intégrité sportive »

Dans le magazine Basket numéro 24 de novembre, actuellement en vente, a été publié une interview passionnante de Didier Primaut, économiste du sport, sur l’économie du basket européen, les dérives du système de fonctionnement par mécénat des plus grands clubs du Continent, et les chances

Dans le magazine Basket numéro 24 de novembre, actuellement en vente, a été publié une interview passionnante de Didier Primaut, économiste du sport, sur l’économie du basket européen, les dérives du système de fonctionnement par mécénat des plus grands clubs du Continent, et les chances des clubs français de se mêler à la compétition et de se développer dans ce contexte. Nous avons décidé de pousser la discussion avec lui, notamment sur la question plus actuelle que jamais des ligues d’élite européennes fermées ou semi-fermées, telles que l’Euroleague en basket ou la Super League qu’envisagent actuellement les plus grands clubs de football. Sa réflexion sur l’affaiblissement de la ligue espagnole par rapport à la façon de qualifier ses équipes pour l’Euroleague est notamment très intéressante. Voici la première partie de l’interview.

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Un assainissement de la situation financière en Euroleague est-elle possible ?

Oui, parce qu’il y a une prise de conscience des risques que fait peser sur ce modèle qui n’est pas fondé sur la capacité des clubs à générer des revenus provenant de leur activité basket. L’Euroleague n’est pas étrangère à ces questions-là. Je sais qu’ils réfléchissent pour avoir des clubs plus pérennes et plus solides. On a vu il y a quelques années les difficultés des clubs grecs, on voit aujourd’hui l’Italie, un bastion du basket dans les années 70-80 qui s’est carrément écroulée, dans l’Europe de l’Est aussi. C’est un problème pour un championnat. Ça porte atteinte à l’équité de la compétition et à sa crédibilité. Dans une période où l’économie est un peu moins florissante, ce qui est le cas de quelques années en Europe, si avant des gens mettaient de l’argent sans trop regarder, aujourd’hui, ils sont plus enclins à resserrer la vis. La question de la pérennité du modèle économique des clubs est forcément en question.

Alain Béral, président de la Jeep Elite française, critiquait la position de l’Euroleague, qui pour dégager plus de revenus, se dirige vers une saison régulière plus longue et qui lorgne sur le créneau du week-end pour obtenir de meilleurs revenus de droits télés, créneau qui est d’ordinaire l’apanage des ligues nationales. L’Euroleague représente-t-elle un danger pour les championnats nationaux ?

Je ne suis pas sûr que l’Euroleague fait ça pour pallier au modèle économique de ses clubs. Le modèle des mécènes, quelques soient les revenus que vous générez, l’argent tombe quoi qu’il arrive. Je ne suis pas sûr que ce soit qui pousse cette réflexion. Sans doute que c’est fait pour renforcer les modèles économiques des clubs d’Euroleague qui veulent réellement générer des revenus mais je ne suis pas sûr que le CSKA Moscou, ça leur changera la vie si les matches d’Euroleague se jouent le week-end et que la ligue génère plus de droits télévisuels. En revanche, effectivement on constate que tous les organisateurs de compétitions aujourd’hui sont en concurrence sur la question des dates. Et au sein d’une même discipline la compétition est encore plus farouche. Mais on le voit en football aussi entre l’UEFA, la Champions League et la FIFA. En basket, en rugby, c’est la même chose. L’Euroleague essaye de trouver les meilleures dates pour ses compétitions. Une des concurrences les plus farouches dans le sport d’aujourd’hui, c’est l’accès aux dates, notamment pour vendre les droits. En général, c’est celui qui a le plus de pouvoir qui capte les meilleures dates. En basket, c’est actuellement le rapport de force.

Dans votre interview pour le magazine Basket, vous sembliez lier la stagnation et les problèmes du championnat espagnol au fait que quatre clubs espagnols bénéficiaient de tickets garantis pour l’Euroleague. Pouvez-vous développer ?

Là où ça pose un problème, c’est que ça porte une atteinte très très forte à la crédibilité du championnat, à sa légitimité. Dans nos systèmes de montées et de descentes, il y a un enjeu fort qui est de terminer dans les 3-4 premiers d’un championnat pour accéder à la compétition européenne, mais grâce à vos résultats dans le championnat national. Dans le cas de l’Espagne où quatre places sont déjà acquises à un certain nombre de clubs, quelque soit leur classement en championnat à la fin de la saison, ça veut dire que tous les autres concurrents ne sont pas dans une situation d’équité totale. Même en étant dans les tous premiers, vous n’aurez pas accès à l’Euroleague. On pourrait même aller très loin si on pousse ce système. Un club pourrait même vendre ses matches ! Une fois que vous êtes dans les trois premiers, que vous savez que vous n’aurez accès à rien du tout, vous pouvez commencer à lâcher des matches, il n’y a plus d’intérêt sportif. Pour moi, c’est une atteinte gravissime à l’intégrité sportive. Et le public, les partenaires sont sensibles à ça. Vous enlevez une partie de l’enjeu de votre compétition. Je pense que si le championnat est moins fort – bon, ce n’est pas la situation qu’on a connu en Italie ou en Grèce – mais si le championnat espagnol est aujourd’hui moins fort qu’il ne l’était il y a dix ans, pour moi, c’est notamment lié à cette question de la fermeture de l’accès à l’Euroleague. Le championnat a perdu en crédibilité tout simplement. Quand on porte atteinte à la crédibilité sportive de la compétition, il y a toujours un moment ou à un autre où il y a des conséquences économiques. A court terme, pour le club qui est invité pour plusieurs années, il y a des avantages à faire partie d’une ligue semi-fermée comme ça. Sauf que quand c’est mauvais pour tout un championnat national, cela finira aussi par être mauvais pour les clubs concernés. Après, en Espagne, le Barca et le Real, c’est compliqué, ils ne vivent pas sur les revenus générés du basket, eux non plus. Ils vivent aux crochets du football. Et si leur économie n’était pas artificielle, peut être qu’eux aussi subiraient les conséquences de cette moins bonne santé du championnat national espagnol. Voilà le problème majeur : décrédibiliser le championnat national impacte la capacité à générer des revenus et au final touche tout le monde. Ce que disent au contraire les Américains, c’est que la maximisation du profit ne se fait pas au niveau d’un club, elle se fait collectivement sur un championnat.

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Un assainissement de la situation financière en Euroleague est-elle possible ?

Oui, parce qu’il y a une prise de conscience des risques que fait peser sur ce modèle qui n’est pas fondé sur la capacité des clubs à générer des revenus provenant de leur activité basket. L’Euroleague n’est pas étrangère à ces questions-là. Je sais qu’ils réfléchissent pour avoir des clubs plus pérennes et plus solides. On a vu il y a quelques années les difficultés des clubs grecs, on voit aujourd’hui l’Italie, un bastion du basket dans les années 70-80 qui s’est carrément écroulée, dans l’Europe de l’Est aussi. C’est un problème pour un championnat. Ça porte atteinte à l’équité de la compétition et à sa crédibilité.

A suivre

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Photo: Sergio Llull (Real Madrid)

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