Au cours du mois de mars, l’Euroleague a une décision importante à prendre. La C1 du basket européen est à la croisée des chemins.
Le projet de Jordi Bertomeu, poussé au départ à l’été dernier a échoué. Après vingt ans de fermeture et d’expansion progressives de la compétition reine d’Europe, le développement économique de l’Euroleague est un échec cuisant et c’est d’ailleurs pour cette raison que les 11 clubs alors détenteurs d’une licence A et propriétaires de l’Euroleague ont viré le patron. Pas assez de revenus. Des déficits abyssaux. « Une compétition d’ambitions de propriétaires », a bien résumé Andrei Vatoutine, le président du CSKA Moscou auprès de L’Equipe en avril 2020.
Une aberration économique qui s’est fait au détriment des intérêts du basket européen. L’Euroleague s’est mis tout le monde à dos, fédérations nationales et FIBA, ligues nationales et ULEB, en surchargeant le calendrier, étouffant les acteurs historiques. En 2012 le champion Olympiakos a joué 22 matches d’Euroleague. Moins de dix ans plus tard en 2021, Efes Istanbul en a joué 41. Plus de places pour les fenêtres internationales, des matches qui se rapprochent dangereusement du week-end, créneaux historiques des ligues nationales.
Il suffit de lire Pierre Rondeau, économiste du sport, spécialiste des ligues fermées, pour comprendre que le projet de fermeture de l’Euroleague est voué à l’échec. La réalité économique montre que ce modèle est un formidable accélérateur de business… pour la meilleure ligue de la planète. Au basket, la position préférentielle est déjà prise. La NBA et ses dizaines de milliards de dollars de revenus annuels appartiennent à une autre galaxie.
Les 13 clubs les plus riches d’Europe ont devant eux un choix clair.
La fuite en avant. Intégrer Dubaï pour 150 millions d’euros sur six ans. Belle somme ? Cela représente 25 millions par an, soit 2 millions par club détenteur de licence A en moyenne, soit 10% du déficit annuel du Barca ou du Real ces dernières années. Pur opportunisme. L’Euroleague ne serait pas la première à céder aux pétrodollars. Ici, pas de culture basket, pas de fans, pas d’équipe, pas de marché. Il s’agit d’un raccourci. Le cas à court terme mais aucune vision. Cet argent ne règlera aucun des problèmes qui ont mené l’Euroleague dans l’impasse où elle est aujourd’hui.
Et le prix à payer en retour est élevé. Un reniement total de la culture de la compétition reine d’Europe. Sans parler d’écologie -Dubaï est à plus de 5 000 kilomètres de Paris- ou de géopolitique -l’émirat est une autocratie-, il s’agit d’un non-sens total. Puisque le projet semblerait également s’accompagner d’une nouvelle extension avec deux franchises (comment les appeler autrement ?) à Paris et Londres, pour encore plus de matches sur la saison, le risque de séparatisme avec le reste de l’écosystème est grand. Alors qu’en décembre 2022 la Cour de justice de l’Union Européenne a rendu un avis consultatif contraire à la Super League de football et que 21 gouvernements européens se sont déjà exprimés contre le modèle de ligue fermée, un autre chemin semble possible.
Apparemment, les discussions entre ECA, l’entité qui gère l’Euroleague et la FIBA ont repris cette semaine. Au programme, harmonisation du calendrier autour des fenêtres internationales, et possible fusion de la BCL et de l’EuroCup. Enfin de l’espoir.
Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi, plutôt que la fuite en avant, ne pas miser sur le développement organique du basket européen ? La stratégie de l’Euroleague ces vingt dernières années a réduit le marché à quelques grandes villes dans quelques pays.
Le basket est en plein développement partout sur la planète et en Europe. Les fenêtres des équipes nationales montrent un engouement inédit dans de nombreux « petits pays ». L’EuroBasket a prouvé qu’il existe désormais, comme le disait Vincent Collet, 15 équipes très compétitives en Europe. Les ligues nationales continuent de progresser, à l’image de la LNB.
Seule, l’Euroleague n’est pas devenue « la NBA de l’Europe ». Il est temps pour la compétition reine d’Europe de réintégrer son écosystème naturel, de tenir son rôle de locomotive, aux côtés de équipes nationales, tout en se nourrissant de l’énergie que provoquerait à nouveau son ouverture et sa marche aux côtés des ligues nationales. Si le paysage du basket européen pouvait à nouveau offrir aux investisseurs un projet et une vision claire, la marche en avant d’un développement mesuré mais réel et solide serait alors à nouveau envisageable.
Il n’est pas normal que cette décision à l’impact si grand sur le basket européen ne soit prise que par 13 clubs. Mais c’est ainsi. Leur responsabilité est d’autant plus grande.