Les Américains déclarent désormais que la venue de Victor Wembanyama en NBA, la saison prochaine, va révolutionner la ligue. Son détour par Las Vegas en pleine saison avec les Metropolitans est déjà un symptôme des profonds bouleversements qui agitent le basket mondial.
« L’intelligence, c’est la faculté de s’adapter au changement », disait l’astrophysicien Stephen Hawking. Le basket-ball du XXIe siècle requiert beaucoup d’intelligence…
Pendant des décennies, l’organisation mondiale de ce jeu reposait sur des principes assez simples. La NBA et le reste du monde se sont longtemps ignorés et le rapprochement s’est fait symboliquement avec la Dream Team des Jeux de Barcelone en 1992. Mais au fur et à mesure toutes les strates du basket mondial ont été imprégnées par les préceptes de la ligue américaine.
Un premier exemple frappant : la participation aux trois coupes européennes se faisait auparavant au mérite sportif, les champions nationaux disputant la Coupe des Champions devenue Euroleague. Et puis celle-ci s’est quasiment fermée avec des Licences A sur le principe des franchises américaines. L’ASVEL et l’AS Monaco auraient pu ne pas participer aux playoffs 2022 de la Betclic Elite qu’elles auraient été tout de même engagées cette saison en Euroleague.
D’autre part, ECA, la société qui gère l’Euroleague et aussi l’Eurocup, invite qui bon lui semble pour ces deux compétitions, et c’est pourquoi la JL Bourg (11e du championnat de France en 2020) et le Paris Basketball (15e) sont sur la ligne de départ de la saison 2022-23 de l’Eurocup. Ces passe-droits ont suscité l’incompréhension, si ce n’est la colère de clubs, de supporters, qui estiment, à l’ancienne, que seul le terrain doit être juge.
On a évité l’absurdité
La toute puissance financière de la NBA bouscule aussi les schémas aux Etats-Unis avec des ramifications partout sur la planète. Fut un temps où la NCAA rivalisait à bien des égards notamment sur le plan médiatico-populaire avec la ligue pro. Aujourd’hui, elle se fait elle-même attaquer dans le développement des talents par plusieurs organismes privés, notamment Overtime Elite et G-League Ignite, qui rémunèrent de jeunes joueurs, qui peuvent aussi signer des contrats publicitaires avec des marques, alors que la NCAA avait comme principe « l’amateurisme » pour ses athlètes.
Overtime et Ignite proposent un parcours totalement axé pour les joueurs sur la perspective d’être draftés le plus haut possible. Autrement dit, il faut maximaliser les possibilités de faire de l’argent.
Le choix de Victor Wembanyama de passer cet été de Villeurbanne à Boulogne-Levallois obéit à la même stratégie. Les principes sportifs – jouer l’Euroleague avec la meilleure équipe française – ont cédé la place à un « projet » personnel : mettre un maximum d’atouts de son côté pour conforter sa place de numéro 1 de la prochaine draft que lui accordent, depuis de nombreux mois déjà, les experts. Aussi, le géant aux talents phénoménaux, « l’extraterrestre » comme dit LeBron James, ne joue qu’un seul match par semaine et se concentre sur le développement de ses propres ressources.
Les temps ont tellement changé que cela est apparu presque normal que les Métropolitans bousculent – avec l’accord de leurs adversaires et de la ligue – leur calendrier de Betclic Elite afin de s’envoler pour les Etats-Unis et y jouer deux matches « amicaux », un showcase, afin que Victor Wembanyama puisse y démontrer sur place toute sa valeur. Et vous avez quoi ? Non seulement Wemby – son nouveau surnom – a déclenché une Wembamania mais c’est par ricochet tout son club, qui propose désormais son maillot à la vente, et la LNB qui se sont offerts une énorme publicité gratuite.
Dans ce texte, je n’ai pas l’intention – ni la prétention – de déclarer que ce phénomène est bien ou mal. Je fais mien le principe de Stephen Hawking, si on ne s’adapte pas, on disparait. J’avoue quand même que j’ai sursauté quand j’ai lu que l’on avait conseillé à Bouna Ndiaye, son agent, que Victor fasse l’impasse sur sa saison en club afin de ne pas mettre en péril sur une blessure l’énorme pactole – des centaines de millions d’euros sur l’ensemble de sa carrière – qui s’offre à lui. « Si nous allons le voir avec ce discours, il va nous regarder et répondre : ‘mais qu’est-ce que vous racontez ?’ Jamais il ne sera d’accord avec ça. Il veut de la compétition et progresser. Avec Victor, le basket passe en premier, et tout le reste est secondaire », a déclaré Bouna Ndiaye à ESPN.
Victor Wembanyama ne sera pas une toile de maître que l’on met sous coffre pour éviter qu’on ne la vole. Il se considère avant tout comme un basketteur et pas un placement financier. Ouf ! On veut bien s’adapter au changement, mais pas tomber dans l’absurdité.