Avant d’être le coach du Hyères-Toulon Basket, Emmanuel Schmitt, 51 ans, fut le plus jeune joueur de la première division française, une demi-douzaine d’années avant la création de la ligue. Après une expérience avortée comme coach principal à Chalon, il a vécu une longue et belle aventure en Suisse, notamment à la tête de l’équipe nationale. De quoi réaliser une longue interview à lire en deux parties.
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Pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes retrouvé le plus jeune joueur de première division de l’histoire à 15 ans, 1 mois et 25 jours ? C’était donc avec Mulhouse à Monaco le 14 novembre 1981 ?
C’était Jean Galle le coach et dans l’équipe il y avait comme meneurs Christian Monschau et Jamel Benabid qui après a coaché Mulhouse. J’étais déjà entré en présaison. C’était dans l’ancienne salle de Monaco, je la visualise très bien. Il y avait eu quelques matches où je n’étais pas entré en jeu mais ce n’était pas une surprise, j’attendais ce moment. C’est quelque chose de marquant.
Comment ça s’était su à l’époque que vous étiez le plus jeune joueur de première division ?
Je ne l’ai pas su sur le moment mais bien plus tard. J’avais été intégré à l’équipe pro à la reprise de l’entraînement, j’étais dans mon truc, je ne me posais pas ce genre de question. C’est probablement un jour un de vos confrères qui m’a informé de ça.
Quand les médias ont assuré que le Chalonnais Victor Mopsus était le plus jeune joueur de Pro A (15 ans, 3 mois et 10 jours lors de la saison 2014-15 avec Chalon), il a fallu leur rafraîchir la mémoire ?
A partir du moment où l’on parle de ça, il faut que les choses soient justes. C’est une anecdote même si c’est une fierté. Pour moi ça n’a jamais été une fin en soi. Je préfèrerais avoir gagné dix titres de champion de France que d’avoir été le plus jeune joueur à être entré en jeu.
Vous étiez précoce physiquement et mentalement ?
J’étais assez mature, au-dessus de la moyenne. Ça m’a probablement aidé les premières années. Physiquement je n’ai pas beaucoup changé depuis cette époque-là. C’est clair que je n’ai pas fait ma carrière sur mon physique (sourire).
Dans les catégories de jeunes, en équipe de France, vous étiez un gros scoreur ?
Oui et je suis trop resté sur un aspect unidimensionnel. Si c’était à refaire, avec le recul, j’aurais cherché à plus diversifier mon jeu notamment en basculant un peu sur le poste 1. Comme j’étais un peu en avance en terme de maturité dans les équipes de jeunes jusqu’à vingt ans, ça m’a permis d’avoir un temps d’avance mais après ça été pour moi un peu limitant. Mes limites physiques ont rendu les choses plus compliquées.
Comme Nicolas Lang, qui est originaire aussi de Mulhouse, votre point de fort c’était le shoot ?
Il y a effectivement des similitudes dans le profil.
Vous avez été International A’, Espoirs, Juniors, Cadets, Militaire, Universitaire…
J’ai été présélectionné en A. Je crois qu’il y avait dix-sept joueurs mais malheureusement je me suis blessé assez sérieusement à la cheville trois jours avant le stage. C’était pour les pré-européens qui avaient lieu en Suisse en 1987. J’ai un peu galéré toute la saison, le train était passé.
Devenir assistant-coach à l’Elan Chalon où vous aviez terminé votre carrière de joueur, c’était logique ?
Au début de ma carrière, je ne m’étais pas questionné sur le fait de devenir coach ou pas mais j’ai passé mes diplômes quand j’étais joueur et au fur et à mesure des années, c’est devenu quelque chose d’assez évident. J’avais envie de transmettre, de construire les choses. Et là, la question ne s’est pas posée quand l’opportunité s’est présentée de reprendre le centre de formation et d’être assistant sur les pros. J’avais encore une année de contrat comme joueur mais l’équipe avait terminé 4e de Pro A… J’avais même eu une offre d’un autre club de bas de tableau pour continuer à jouer, mais j’avais fait un peu le tour de ce que je pouvais faire. C’est vrai que c’est le pied d’être joueur, c’est une vie incroyable, tu es payé pour jouer mais à ce moment-là c’était évident que je devais faire autre chose. J’avais 32 ans mais j’avais quand même fait 13 saisons de Pro A et 4 saisons de Pro B. Je terminais sur une saison magnifique avec Chalon, j’avais vécu la montée en puissance du club, toutes ces années étaient géniales.
Vous avez été élu coach espoir de l’année 2001 puis nommé coach mais ça n’a duré que huit matches et deux victoires. La succession de Philippe Hervé était dur à assumer ?
J’étais jeune coach, j’avais trente-six ans, ça faisait neuf ans que j’étais à Chalon, c’était une fierté que l’on me propose le coaching, je ne me voyais pas refuser même si je savais que ça serait excessivement compliqué pour des tas de raisons. Philippe a construit le club, c’était une icône. Il y avait d’énormes attentes. Le projet avait été mis en place par Philippe et ce n’était pas forcément prévu qu’il parte à ce moment-là. Il y avait des choses notamment hors terrain dont je n’avais pas forcément mesuré à l’époque l’importance. Je suis rentré là-dedans un peu naïvement. Il est clair qu’aujourd’hui avec mon parcours de vie professionnelle, mon expérience du management, dans la même situation, je n’aborderais pas les choses de la même façon. J’ai clairement fait des erreurs de management. C’est vrai que ça été très rapide. Quand je pars on est 10e au classement et deux mois après l’équipe était avant-dernière… Mais en même temps, je peux le comprendre. J’étais un jeune coach, il y avait beaucoup d’attente autour de l’équipe, beaucoup de pression, ils ont estimé à tort ou à raison que je n’étais pas suffisamment armé. A l’époque ça été très dur pour moi car Chalon ça été un club qui a marqué ma vie et pas seulement parce que mon fils y est né (NDLR : cette saison-là, l’Elan utilisa les services de trois autres coaches, Erik Lehmann, Philippe Sudre et Grégor Beugnot, qui avec 6 victoires en 9 matches permit au club de se maintenir en Pro A).
« J’ai trouvé ça très intéressant de me mettre dans la peau de l’émigré. C’est à toi de t’intégrer, de faire l’effort de savoir comment cela fonctionne »
Pour vous le Mulhousien, la Suisse c’était juste la porte à côté ?
J’ai des origines familiales assez lointaines, du côté de mon père, en Suisse. Après mon départ de Chalon à la mi-décembre j’ai été pratiquement immédiatement contacté par le club de Genève. Le feeling est passé avec le président et les dirigeants de l’époque. Ça été brutal avec Chalon aussi c’était nécessaire que je rebondisse. Même si encore une fois je peux comprendre leur décision, j’avais eu l’impression d’être un peu lâché à Chalon, même si le terme est fort. Mais probablement que si j’avais été président, j’aurais fait la même chose. La Suisse c’est à côté de la France mais c’est quand même l’étranger. J’avais besoin de me régénérer à ce moment-là. Lorsque tu viens de Pro A et que tu arrives en Suisse, c’est une autre organisation avec des clubs qui sont la plupart semi-professionnels. Tu partages souvent la salle avec des scolaires ou d’autres sports. Mais même si Genève est entourée par la France, quand tu es un coach français qui est dans le championnat suisse, tu es étranger. J’ai trouvé ça très intéressant de me mettre dans la peau de l’émigré. C’est à toi de t’intégrer, de faire l’effort de savoir comment cela fonctionne. Tu arrives avec ta personnalité, tes qualités et tes défauts mais en même temps tu dois te remettre en question et c’est intéressant.
Au bout du compte, vous ne seriez pas le coach français qui a passé le plus de saisons à l’étranger ?
J’y ai passé dix ans.
C’est probablement le record.
Je ne veux pas rentrer dans les records ! Damien Leyrolles a fait je crois sept ans à Fribourg. J’ai fait six ans à Genève et quatre ans à Neuchâtel et en plus quatre ans avec l’équipe nationale.
Les joueurs sont-ils tous pros en première division suisse ?
Dans les cinq meilleures équipes, il n’y a quasiment que des professionnels. Ailleurs les joueurs ont un travail à mi-temps ou à 30%. En Suisse, il y a beaucoup de temps partiel. Les gens ont souvent deux emplois, 70% là et 30% ailleurs. Il y a aussi des joueurs qui sont étudiants mais les meilleurs sont pros.
Le basket est-il un sport qui est bien traité médiatiquement en Suisse francophone ?
A l’échelle du pays, oui. Il faut savoir qu’en Suisse un sport écrase tout, c’est le hockey-sur-glace. La ligue est une des meilleures du monde. A vérifier mais à Berne le budget doit être de 40 millions de Francs Suisses (NDLR : environ 35M€). Ils font 16 000 spectateurs de moyenne dans leur patinoire. Il y a des joueurs qui sont payés entre 500 000 et un million par an. C’est la NBA. Après le hockey, il y a le foot avec une équipe Suisse qui est quand même performante depuis un certain temps. Le basket est très implanté en Suisse romande et a beaucoup plus de mal en Suisse alémanique, or c’est là où il y a le plus d’habitants. Le basket a un public de connaisseurs, de fans mais qui reste assez limité.
« Il y avait 6 500 spectateurs, un record pour un match de basket en Suisse. Il y avait du marché noir sur le parking car il y avait Thabo d’un côté et Tony Parker, même s’il était blessé et qu’il n’a pas joué, de l’autre »
Vous avez été coach de l’équipe nationale pendant six ans (2002 à 2008). C’était une consécration ?
Complètement, j’en suis très fier. Ce qui est assez drôle c’est que ça m’a permis de retrouver Thabo Sefolosha. Lorsque j’étais au centre de formation de Chalon, je le suivais depuis deux ans et quand j’ai pris les pros c’est le premier joueur que j’ai signé. Je l’ai donc retrouvé avec l’équipe nationale de Suisse. C’est le moment où il a fait sa saison en Italie (Angelico Biella), qu’il a été drafté par les Bulls. Ça m’a permis de retravailler avec lui en équipe nationale, de vivre une super aventure car on a été aux portes de la montée en Division A, c’est-à-dire du top 24 européen. On a perdu en 2007 le match de barrages contre la Grande-Bretagne. Ils devaient absolument être en Division A pour se qualifier d’office aux JO de Londres, alors ils avaient mis l’équipe avec Luol Deng et compagnie. Ça m’a permis de mettre un pied en NBA, je suis allé une fois à Chicago pour travailler avec le staff des Bulls sur les programmes d’été de Thabo.
Combien de fois a-t-il joué avec la Suisse ?
J’ai coaché l’équipe quatre ans et il a été présent les quatre ans dans le groupe. La première année, il n’a pas pu jouer les matches car il était blessé. La deuxième année, il a joué. La troisième année, on s’était mis d’accord pour qu’il ne joue pas et la dernière année, il a joué. Il a été très fédérateur pour les gars. J’ai passé des moments extraordinaires avec cette équipe. J’ai le souvenir du match contre la France en 2007 à Genève. On a fait deux années de suite un match amical contre l’équipe de France. En 2007 on avait joué à la patinoire des Verney, il y avait 6 500 spectateurs, un record pour un match de basket en Suisse. Il y avait du marché noir sur le parking car il y avait Thabo d’un côté et Tony Parker, même s’il était blessé et qu’il n’a pas joué, de l’autre. C’était fabuleux. Faire vivre ça aux fans de basket en Suisse c’est mémorable comme souvenir. On avait un potentiel limité mais au final on perd de dix-huit points contre l’équipe de France (56-74), on était match nul à la mi-temps. On a un peu fait rêver les gens.
Vous-même avez été directeur opérationnel d’une filiale d’un groupe de distribution de pièces automobiles et consultant en management et performance ?
Le président du club de Genève était en fait le PDG d’un groupe de distribution de pièces automobiles en France et on avait pas mal d’affinités. Il m’a demandé de présenter à ses cadres dirigeants la façon de manager des équipes professionnelles, les problématiques que l’on peut rencontrer. J’ai fait quelques présentations et a priori ils les ont appréciés. Et puis ils m’ont proposé d’intégrer le groupe, ils pensaient que mon profil pouvait apporter quelque chose. Je suis entré dans le basket pro très jeune et j’ai toujours eu des activités parallèles. J’avais vécu pas mal de choses dans le basket et j’avais peut-être besoin d’un nouveau challenge, me remettre en question, en danger. J’ai dit OK et c’est pour ça que j’ai quitté l’équipe nationale suisse. C’était une décision assez difficile à prendre car les deux jobs n’étaient pas compatibles. Je suis donc parti en 2008 pour bosser dans une grosse société au Mans, Le Hello.
Vous alliez donc voir des matches à Antarès ?
Non seulement ça mais la boîte était sponsor ! C’était très intéressant mais aussi très perturbant avec une grosse remise en question personnelle. J’ai vécu pas tout à fait deux ans au Mans et ensuite j’ai été muté à Toulon pour reprendre la direction de l’une des filiales du groupe. C’est comme ça que je suis arrivé à Toulon.
A suivre
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Pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes retrouvé le plus jeune joueur de première division de l’histoire à 15 ans, 1 mois et 25 jours ? C’était donc avec Mulhouse à Monaco le 14 novembre 1981 ?
C’était Jean Galle le coach et dans l’équipe il y avait comme meneurs Christian Monschau et Jamel Benabid qui après a coaché Mulhouse. J’étais déjà entré en présaison. C’était dans l’ancienne salle de Monaco, je la visualise très bien. Il y avait eu quelques matches où je n’étais pas entré en jeu mais ce n’était pas une surprise, j’attendais ce moment. C’est quelque chose de marquant.
Comment ça s’était su à l’époque que vous étiez le plus jeune joueur de première division ?
Je ne l’ai pas su sur le moment mais bien plus tard. J’avais été intégré à l’équipe pro à la reprise de l’entraînement, j’étais dans mon truc, je ne me posais pas ce genre de question. C’est probablement un jour un de vos confrères qui m’a informé de ça.
Quand les médias ont assuré que le Chalonnais Victor Mopsus était le plus jeune joueur de Pro A (15 ans, 3 mois et 10 jours lors de la saison 2014-15 avec Chalon), il a fallu leur rafraîchir la mémoire ?
A partir du moment où l’on parle de ça, il faut que les choses soient justes. C’est une anecdote même si c’est une fierté. Pour moi ça n’a jamais été une fin en soi. Je préfèrerais avoir gagné dix titres de champion de France que d’avoir été le plus jeune joueur à être entré en jeu.
Vous étiez précoce physiquement et mentalement ?
J’étais assez mature, au-dessus de la moyenne. Ça m’a probablement aidé les premières années. Physiquement je n’ai pas beaucoup changé depuis cette époque-là. C’est clair que je n’ai pas fait ma carrière sur mon physique (sourire).
Dans les catégories de jeunes, en équipe de France, vous étiez un gros scoreur ?
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