Hugues Blondeau est à la fois un Ultra du Limoges CSP et aussi le véritable historien du club et du basket dans le Limousin. Il est ainsi excellemment placé pour nous parler du passé et du présent de ce club où la passion n’a pas d’égale dans le basket en France.
L’interview est en deux parties.
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Depuis quand vous êtes-vous intéressé au CSP ?
Avec le titre européen, en 1993-94. Un de mes premiers souvenirs, c’était un poster apposé dans ma chambre avec écrit « Limoges CSP, champion d’Europe. » Je ne savais pas trop ce qu’était l’Europe à l’époque parce que je vivais à 10 000km, au Brésil. J’avais mon T-shirt du Limoges CSP à Rio-de-Janeiro qui faisait un peu contraste avec le football brésilien qui dominait par la Seleção,la sélection brésilienne. Je connaissais déjà les Michael Young, Willie Redden, Franck Butter mais je n’étais pas encore allé à Beaublanc que j’ai découvert en 1995 pour un Limoges-ASVEL. J’ai vraiment commencé avec la saison 2000 car là on allait régulièrement voir des matches à Beaublanc. La situation était catastrophique puisque le CSP était endetté avec toute une affaire autour du club avec l’agent de joueurs Didier Rose. Ça avait mis la ville en ébullition car Limoges sans son basket, c’est comme lui retirer la porcelaine. C’est une catastrophe. Je me rappelle de mon père donnant 5 000 francs pour sauver le club.
5 000 francs, c’était énorme*!
Oui et ça donne une bonne idée de l’investissement de chaque limougeaud envers ce club qui leur donne une fierté. Quand on dit qu’on est de Limoges, on nous répond que c’est la ville du basket. Il y a une marque déposée. De mémoire, certaines personnes avaient mis 30 000 francs pour sauver le CSP Limoges. Or ça n’a pas suffi puisqu’on connaît la suite de l’histoire.
Votre père a récupéré son don ?
Bien sûr puisque l’objectif était d’atteindre une grosse somme. C’était le club de supporters qui avait organisé cette quête en pensant qu’avec tous les supporters on pouvait sauver le club. Je crois qu’il y a eu à peine 500 000F mais ce qui est déjà énorme. On avait reçu un diplôme pour les 5 000F versés. Je m’en rappelle, ça trônait dans la cuisine (rires). Depuis j’ai chopé le virus.
Votre chemin, ce sont les clubs de supporters, les Eagles et puis les Ultras Green ?
C’est ça. Je suis revenu en 2008 à Limoges pour entrer à l’université puisqu’entre-temps j’étais retourné au Brésil. Je suivais les matches à la radio via Internet. On avait Radio Trouble-Fête, RTF et France Bleu Limousin, qui nous permettaient d’écouter les matches à 14h de l’après-midi. J’ai adhéré au deuxième club de supporters, les Eagles, qui était à l’époque le club de supporters le plus bouillant de Beaublanc.
« J’ai constitué mon premier socle d’archives avec le fond familial. Je l’ai ensuite élargi avec des recherches aux archives municipales et départementales et à la médiathèque de Limoges »
Vous étiez étudiant en Histoire, à partir de quand vous vous êtes penché sur celle du CSP ?
Un peu avant les études d’Histoire mais effectivement quand je suis entré à l’université, j’ai commencé immédiatement à aller dans les archives notamment en consultant tous les documents que mon père avait amassé car c’est lui aussi un collector d’archives. J’ai constitué mon premier socle d’archives avec le fond familial. Je l’ai ensuite élargi avec des recherches aux archives municipales et départementales et à la médiathèque de Limoges dans lesquelles on trouve énormément de documents mais il faut savoir les sélectionner.
Vous avez par exemple scanné tous les articles du Populaire qui traite du club depuis sa création ?
A l’origine, comme j’avais un certain nombre d’archives, j’avais décidé de les faire partager car j’avais constaté que sur Internet il n’y avait quasiment rien sur les archives du CSP. Un site avait été créé en 2006, Encyclocsp.com, qui avait comme projet de numériser tout ce qui était en rapport avec le CSP. Je leur ai dit que j’avais les archives et j’ai commencé comme ça. Je continue d’ailleurs encore aujourd’hui à numériser les articles sauf que le nombre de journaux à numériser c’est assez phénoménal. Il me reste en stock à numériser à peu près 5-6 000 articles.
Où avez-vous récupéré Le Populaire du Centre ?
Dans les stocks familiaux puisque mon grand-père était archiviste à l’armée avant d’être proviseur. Il avait fait la censure pendant la guerre en 44 et je crois qu’il a conservé de cette expérience le fait d’archiver les documents. Chaque document a une valeur inestimable et je le vois car aujourd’hui énormément de gens me contactent pour avoir tel ou tel article. Les journalistes pour compléter leurs recherches car ce qui manque souvent c’est une base de données en ligne. Ces gens-là sont finalement très attachés à l’Histoire et au patrimoine du Limoges CSP. C’est un élément qui fait aussi que le CSP reste un club connu bien en dehors de la France puisque son histoire et son patrimoine sont très riches. Il faut le conserver pour que le CSP puisse tenir un certain standing français et européen voir mondial car aux Etats-Unis, par exemple, on peut dire de temps en temps qu’on connait le CSP Limoges car de nombreux joueurs universitaires y ont joué.
Vos recherches vous ont amené à découvrir que l’équipe d’URSS était venue à Limoges juste après la seconde guerre mondiale avec Anatoly Koniev qui sera élu meilleur joueur de l’Eurobasket 1947 ? Ce sont des événements qui avaient disparu de la mémoire collective ?
Tout à fait. Je commence à regarder plus large que le Limoges CSP car on se rend compte que le basket-ball en France dans ces périodes, les années 40, 50 voire 60, a été complètement oublié. Les Soviétiques avaient été invités par la ligue du Limousin à venir jouer à Limoges en 1946 soit un an seulement après la fin de la deuxième guerre mondiale dans un contexte où le Limousin se redresse alors que la guerre a laissé des plaies notamment Oradour-sur-Glane. Ces basketteurs étaient en majorité les futurs cadres de l’équipe nationale de l’URSS et les recevoir constituait un certain prestige. On se rend compte que dans cette période-là les comités locaux de basket-ball ont fait un travail extraordinaire en ramenant des équipes d’une certaine pointure. Il n’y a pas eu que l’URSS mais aussi l’Estudiantes Madrid, des équipes de Budapest qui étaient constituées des champions d’Europe que l’on verra plus tard dans les années cinquante et qui ont quand même battu l’URSS. Ces équipes ne jouaient pas contre le CSP mais une sélection de Limoges. A l’époque on avait deux clubs qui fournissaient le gros du bataillon des sélections régionales, la Martiale et le Capo Limoges. Le Club Athlétique du Paris Orléans.
Paris Orléans, PO, comme l’ASPO Tours. Un club de cheminots ?
Voilà. Une anecdote : le premier club sportif qui pratique le basket-ball à Limoges, c’est le CAPO à partir de février 1920. C’est la gare (des Bénédictins) qui a apporté à Limoges une image nouvelle et c’est à la gare où le basket-ball a été pratiqué le premier, dehors, au stade de la gare. Il n’en reste plus de traces aujourd’hui.
Les Harlem Globe Trotters sont venus à Limoges en 1951 alors qu’ils étaient au fait de leur gloire avec Goose Tatum et Marques Haynes ?
Je trouve ça étonnant car je ne pensais pas que les Harlem Globe Trotters étaient venus aussitôt. Ils ont fait un show à Beaublanc sur l’ancien terrain de basket-ball qui avait été créé en 1946 par la municipalité de (Georges) Guingouin. On pouvait mettre 2 500/3 000 spectateurs dans ce stade ouvert aux quatre vents alors que basket n’était pas développé à Limoges comme à Lyon ou Paris. En face, il y avait les six frères et j’ai retrouvé un article là-dessus.
En fait, vous avez créé un blog, monballonorange, pour mettre tout ceci en valeur ?
J’avais envie de parler d’autres sujets que le CSP Limoges ou sur le CSP mais de façon précise comme les saisons des années soixante-dix en donnant tous les détails possibles et imaginables sur une saison. J’ai écrit des articles sur le basket en général avec toujours la volonté de découvrir ou de redécouvrir certains points de l’histoire du basket-ball national mais surtout limousin qui est en déficit de patrimoine sportif. L’idée c’est de redonner une vitrine à ce basket local qui finalement n’a intéressé que très peu de personnes.
L’histoire du basket à Limoges n’a pas commencé avec la première victoire en Coupe Korac en 1982.
Oui mais c’est la Coupe Korac de 1982 qui permet aujourd’hui de faire des recherches sur ce sujet. Si le CSP n’avait pas existé, il n’y aurait pas eu Blondeau pour faire des recherches sur le basket-ball.
Vous faites également des recherches de vidéos rares et vous avez retrouvé un film de la Lituanie au championnat d’Europe à Kaunas en 1939 ou de l’Allemagne en préparation pour les Jeux de Berlin en 1936 ?
Ce sont des documents introuvables ! En fait, j’ai un réseau que je suis en train d’installer. Je travaille de temps en temps avec la cinémathèque du Limousin pour récupérer des vidéos auxquelles je n’ai pas accès. A la BFM, on a un accès limité à l’INA Pro bis qui est loin d’être suffisant et j’utilise tous les moyens. C’est simple : je tape « 1939 », « basket », dans par exemple quinze langues différentes et je regarde toutes les vidéos qui sont sorties. C’est un travail laborieux mais on tombe parfois sur des pépites comme cette vidéo où l’on voit la Lituanie remporter le championnat d’Europe.
La qualité d’images est très bonne et le jeu de certaines équipes était déjà organisé avec des systèmes américains ?
On peut vraiment visualiser le basket d’antan et c’est à mon avis ce qui manquait à notre patrimoine collectif, des images. On n’arrive pas à mettre par exemple des images sur un joueur comme (Etienne) Roland. Certes la finition sur les actions offensives n’étaient pas tip top mais c’est tout de même très intéressant. Ce qui est fabuleux pour la Lituanie c’est qu’après toutes ces années d’occupation soviétique, on arrive à sortir ces archives-là dont on pensait qu’elles avaient complètement disparues de la surface sachant que les Soviétiques ont eu la fâcheuse tendance à éliminer tout ce qui n’était pas soviétique. J’ai contacté plusieurs fédérations étrangères à la recherche de films et de photos et c’est assez inégal suivant les pays. La Russie communique très peu sur son patrimoine et a contrario les pays Baltes sont très fiers et fournissent de temps en temps des archives qu’on leur demande sur un événement avec une équipe française sur les années 30, 40, 50. Le seul problème c’est qu’il n’y a pas une véritable organisation du patrimoine créée par la FIBA qui mettrait en relation tous les acteurs. Il y a un travail sur le basket européen fondamental à faire.
*Environ 1 000 euros de 2018.
A suivre.
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Depuis quand vous êtes-vous intéressé au CSP ?
Avec le titre européen, en 1993-94. Un de mes premiers souvenirs, c’était un poster apposé dans ma chambre avec écrit « Limoges CSP, champion d’Europe. » Je ne savais pas trop ce qu’était l’Europe à l’époque parce que je vivais à 10 000km, au Brésil. J’avais mon T-shirt du Limoges CSP à Rio-de-Janeiro qui faisait un peu contraste avec le football brésilien qui dominait par la Seleção,la sélection brésilienne. Je connaissais déjà les Michael Young, Willie Redden, Franck Butter mais je n’étais pas encore allé à Beaublanc que j’ai découvert en 1995 pour un Limoges-ASVEL. J’ai vraiment commencé avec la saison 2000 car là on allait régulièrement voir des matches à Beaublanc. La situation était catastrophique puisque le CSP était endetté avec toute une affaire autour du club avec l’agent de joueurs Didier Rose. Ça avait mis la ville en ébullition car Limoges sans son basket, c’est comme lui retirer la porcelaine. C’est une catastrophe. Je me rappelle de mon père donnant 5 000 francs pour sauver le club.
5 000 francs, c’était énorme*!
Oui et ça donne une bonne idée de l’investissement de chaque limougeaud envers ce club qui leur donne une fierté. Quand on dit qu’on est de Limoges, on nous répond que c’est la ville du basket. Il y a une marque déposée. De mémoire, certaines personnes avaient mis 30 000 francs pour sauver le CSP Limoges. Or ça n’a pas suffi puisqu’on connaît la suite de l’histoire.
Votre père a récupéré son don ?
Bien sûr puisque l’objectif était d’atteindre une grosse somme. C’était le club de supporters qui avait organisé cette quête en pensant qu’avec tous les supporters on pouvait sauver le club. Je crois qu’il y a eu à peine 500 000F mais ce qui est déjà énorme. On avait reçu un diplôme pour les 5 000F versés. Je m’en rappelle, ça trônait dans la cuisine (rires). Depuis j’ai chopé le virus.
Votre chemin, ce sont les clubs de supporters, les Eagles et puis les Ultras Green ?
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