La présidence de Pierre Fosset à la tête des Tango de Bourges épouse toute la période faste du club depuis la victoire en Ronchetti (1995) jusqu’à celle en Eurocup (2016) avec les trois titres de champions d’Europe (1997, 1998 et 2001). Pierre Fosset, 64 ans, répond dans cette interview en deux parties, sans langue de bois, aux questions à propos d’un nouveau Directeur Général, la santé financière du club, sa compétitivité en Europe, l’impact populaire, Céline Dumerc, Marine Johannes et Alexia Chartereau, la montée en puissance de l’ASVEL de Tony Parker, etc. L’avis d’un sage qui demeure très fougueux.
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L’arrivée d’un général manager à Bourges, Patrice Dumont, c’est l’annonce de la retraite prochaine de son président ou juste une nouvelle étape ?
C’est une nouvelle étape. Selon nos statuts, il y aura toujours un président même en embauchant un directeur général puisque c’est son titre. On a besoin de renforcer le club pour éviter que l’on s’endorme. Je fais beaucoup de boulot et j’aimerais en faire un peu moins et partir un plus souvent en vacances (sourire). J’ai des idées de chantier et je n’ai pas envie de les assumer car c’est beaucoup de boulot et je préfère avoir un DG qui le fasse. Et puis avec les neuf joueuses professionnelles, tout compris, je fais quand même vingt-quatre salaires dans le mois. C’est ce que j’ai dit aux équipes quand j’ai présenté Patrice ce matin (mardi), ça fait vingt-quatre ans que je suis président et au début, hormis les joueurs et le coach, je n’avais pas un salarié. On a bougé un peu !
Comment s’est fait le choix de Patrice Dumont ?
Ça fait un moment que je cherchais et des DG on n’en trouve pas facilement. J’avais regardé les sorties du CDES à Limoges et hormis Frédéric Weis, qui n’est pas très sport féminin, il n’y avait pas des gens du basket. A un moment j’ai pensé à Rémy Delpon (NDLR : Directeur Général de l’Elan Chalon qui fut journaliste notamment sur Pathé Sport et qui avait couvert Bourges au Final Four de 2000). Et comme je savais qu’il n’était plus à SFR, je me suis dit « tiens, je vais tenter Patrice ». Je l’ai eu au téléphone et c’est parti comme ça. On s’est vu et il a accepté le challenge.
Il va apprendre le métier dans vos pas ?
C’est ça. Je vais l’emmener avec moi pour le former sur des choses bien précises et s’il a besoin d’une autre formation ailleurs, il la fera. Mais il a des bases. Il a été directeur de la rédaction d’Eurosport pendant cinq ans.
Pierre Fosset.
« Par rapport à l’ancien Prado, on fait une moyenne de mille spectateurs en plus sauf que l’on ne remplit dans l’année que trois ou quatre fois »
Quel est votre regard sur le fait que vous participez à l’Euroleague sans discontinué depuis 1995, ce qui est un record européen alors qu’il y a eu beaucoup de club météoriques comme Valence qui a tout arrêté la saison d’après son titre de champion d’Europe ?
On est effectivement le plus vieux club dans l’Euroleague. On se bat tous les ans pour se qualifier car c’est la compétition la plus prestigieuse dans le basket féminin. On n’a pas le financement qui nous permettrait d’être au niveau où on était quand on a gagné nos trois titres, j’espère qu’un jour on le trouvera. On vit avec nos moyens et on n’a jamais dérapé et je pense que c’est pour ça que l’on est le plus vieux club européen dans cette compétition. On a été trois fois champion d’Europe mais on n’a jamais fait de coups. Actuellement, on se bat pour les quarts de finale, éventuellement un Final Four, j’aimerais bien que l’on puisse en organiser un (NDLR : Bourges a organisé ceux de 1998 et 2003). On ne fera pas de folies, on restera comme ça pour pérenniser le club.
L’environnement en interne a t-il changé durant cette période ? L’environnement économique, la concurrence des autres sports ?
L’environnement économique est un peu moins favorable. Des sociétés n’ont plus leurs sièges à Bourges et sont souvent maintenant dans la capitale régionale. Pour avoir des accords, il faut passer par Pierre, Paul, Jacques alors qu’avant les décisions se faisaient sur le terrain. Quand on a commencé le basket féminin on avait une véritable concurrence sur Bourges avec un club qui était en Ligue 2. Aujourd’hui il y a Châteauroux mais ce n’est pas une véritable concurrence. Déjà on essaye de travailler ensemble et puis ils sont à 65km. Même s’il y a des gens de Bourges qui vont au foot là-bas. On s’est toujours bien respecté. Le rugby est monté en Fédérale 2 mais ce n’est pas encore de la concurrence. Par contre, on va voir cette année car Nevers qui est à une soixantaine de kilomètres est monté en Pro D2 de rugby et il y a du monde qui y va. Pour l’instant au niveau du partenariat, certains vont aux deux. On fera un bilan en fin de saison pour voir si c’est de la concurrence ou pas. Je pense que l’on est bien ancré mais cet ancrage reste si on a des résultats, sinon on fera pareil qu’ailleurs.
Comme vous faites chaque année l’Euroleague, ça veut dire que vous n’avez jamais raté une saison ?
Parfois on ne gagne pas de titres… Ici à Bourges maintenant, les gens ne comprennent pas pourquoi on perd un match. On en a tellement gagné, on a un tel beau palmarès que les gens ne comprennent pas la défaite. Ils ne se rendent pas compte que c’est du sport et que l’on n’est pas tout seul à vouloir gagner.
Etes-vous satisfait du fonctionnement du nouveau Prado et notamment de ses affluences ?
C’est le quatrième Prado différent et on ne pourra pas faire mieux. On attaque notre troisième saison. On a fait un agrandissement avec la tribune des partenaires. On en a fait ensuite sur un autre avec une nouvelle tribune et un troisième en 1998 quand on fait le Final Four à Bourges. Et là, on a bouclé la boucle. Par rapport à l’ancien Prado, on fait une moyenne de mille spectateurs en plus sauf que l’on ne remplit dans l’année que trois ou quatre fois. Je pense qu’il faut que l’on travaille plus le fait de faire venir du public. On se maintient au même nombre de partenaires avec d’autres prestations, avec les VIP intégrés, ce que les gens apprécient. On est dans une ville de 60 000 habitants dans une agglo de 110 000 et un département de 300 000, c’est petit pour trouver des grandes entreprises. Notre tissu économique est assez réduit. Mais sur notre budget de 3,4M€, on a plus de 2 millions de partenariats privés. Ce n’est pas mal.
Ça vous fait une moyenne de combien de spectateurs ?
3 500, tout compris, Ligue Féminine et Euroleague. On a fait une opération pour la venue de Nice et on a fait 4 400. Et dans une salle de 5 000, on n’a pas l’impression qu’il manque beaucoup de monde.
Ce nouveau Prado vous permet de consolider votre position de place forte du basket féminin comme on l’a vu avec l‘organisation d’un match de qualification pour l’Eurobasket et celle de l’Euro U16 ?
Ça peut conforter. L’équipe de France va jouer à Villeneuve d’Ascq, ce qui est bien, mais quand on regarde les réseaux sociaux les gens disent « pourquoi ce n’est jamais à Lyon ? Ici ou là ? » Sauf qu’il faut avoir des structures pour recevoir l’équipe nationale. La fédé nous a proposé les U16 car c’est le Prado et même si c’est pour des gamines, ils ont de bonnes conditions pour travailler avec le CREPS qui n’est pas loin, un deuxième gymnase qui est accolé au Prado. Les U16 ont joué la finale devant 2 500/3 000 personnes. Je ne suis pas sûr qu’ailleurs il y aurait autant de monde que ça.
Sarah Michel.
« L’époque de la rivalité Bourges-Valenciennes me manque »
La cohorte des supporters en tango en déplacement est-elle toujours aussi nombreuse?
Oui, toujours autant. En règle générale, ils font un car. C’est moins qu’à l’époque de la rivalité Bourges-Valenciennes. Cette époque-là me manque. On n’était pas contents de perdre (rires) mais on avait de gros matches. Que ce soit à Bourges ou Valenciennes les supporters attendaient LE match. Même si sur le terrain c’était chaud avec Valenciennes, on avait de bons rapports sauf quand le président c’était (Francis) Decourrière où là c’était n’importe quoi. Les deux clubs se sont toujours respectés et les supporters encourageaient leur équipe, c’était sympa.
Cette saison, vous avez construit votre équipe autour d’internationales françaises. C’est donc toujours possible financièrement ?
Sauf au poste 5 ! Pour l’instant c’est inaccessible. Il vaut mieux qu’elles aillent jouer à l’étranger. On a eu Héléna Ciak qui n’est pas restée à Bourges pour x raisons. Avant d’aller à Fenerbahçe, Sandrine Gruda avait peut-être envie de revenir en France donc à Bourges et à un moment donné, on a été en discussion. Ça n’a pas été très loin car même si on pouvait faire un effort, ce qu’elles ont à l’étranger en net n’a rien à voir avec ce que l’on peut donner et pas en net. Et si on veut leur donner en net avec le brut c’est le double. Je sais qu’elle est en transit à Lyon mais on m’a donné des chiffres… Soit on me prend pour un con, soit il faut m’expliquer. A ce tarif-là, je la fais signer tout de suite (rires). Même en dixième joueuse ! Peut-être que c’est vrai ou pas, je n’en sais rien. A l’heure actuelle je n’ai pas le financement pour avoir le poste 5 et pourtant on est le plus gros budget en Ligue Féminine. Isabelle (Yacoubou), on a essayé de l’avoir quand elle était abordable, après elle a signé en Italie. Financièrement pour l’instant, je ne suis pas d’aplomb. Quand on regarde notre équipe cette année, il n’y a pas de poste 5 mais des postes 4. C’est une volonté du coach.
Les postes 5 que vous pourriez avoir ne sont pas suffisamment bonnes et les postes 5 que vous voudriez avoir sont trop chères ?
Exactement. L’année dernière, on a eu une poste 5 avec (Kalya) Alexander et on était très content de sa saison mais elle voulait prendre des congés pour ne reprendre la saison qu’au mois de janvier. Cette saison, la plus grande c’est Katherine Plouffe (1,91m) et ce n’est pas une vraie poste 5 grande et physique.
Patrice Dumont.
« Je sais ce que Sandrine Gruda gagnait à Fenerbahçe, c’est impossible pour nous, ça boufferait les trois-quarts de la masse salariale »
Avec l’affaissement des clubs espagnols et russes sinon Ekaterinbourg, comment est le marché européen aujourd’hui ?
On n’arrive pas à connaître les budgets… Par exemple sur l’organisation d’un Final Four à Ekaterinbourg, ils te donnent des chiffres mais ça ne comprend pas les hôtels car ils appartiennent au président et ils ne les incluent pas dans les frais. On ne compte jamais les mêmes choses. Moi mon budget tout est compris dedans. Même un échange de marchandises avec un partenaire est valorisé. 3,4 millions, c’est 3,4 millions, tout est compris. Ce qui est sûr c’est que les masses salariales à l’étranger sont plus fortes que chez nous, c’est une évidence. En France, quand tu donnes 100 ça coûte 190, masculins comme chez les féminines. Je sais ce que Sandrine Gruda gagnait à Fenerbahçe, c’est impossible pour nous, ça boufferait les trois-quarts de la masse salariale.
Sur l’ensemble des clubs d’Euroleague, combien proposent des salaires supérieurs à ceux de Bourges ?
Les Russes, les Turcs, Prague… Dans notre poule, la seule exception c’est peut-être Braine. Peut-être que sur des postes 1-2-3 parfois on donne plus, et encore ! J’ai voulu avoir pour cette année la petite (Letitia) Romero (1,78m, 22 ans) qui remplace Palau à Prague. Prague a fait de la surenchère. J’estime que compte tenu de la valeur actuelle de cette petite jeune, ce qu’elle est capable de proposer, mettre au-dessus c’est des conneries. Elle les vaudra sûrement mais pas cette année. Je pense que je connais le basket et j’essaye de valoriser les salaires que l’on peut donner à Bourges.
Ce qui vous permet de résister à la concurrence européenne, c’est qu’il y a une excellente production de joueuses françaises ?
Oui et le club a aussi une très bonne réputation pour payer à l’heure –comme le disait Fred Forte l’autre fois- et aussi les conditions de travail. Chez nous il y a tout ce qu’il faut pour travailler, pour la récup, le gymnase elles l’ont quand elles veulent, on a maintenant un bus tout neuf aux couleurs du club où on peut se reposer. Tout le monde n’est pas capable de donner ça et depuis le temps qu’on y est, ça se sait en Europe. Elles savent qu’avec l’équipe que l’on a que l’on jouera les premiers rôles dans le championnat de France et que l’on ne sera pas aux dernières places en coupe d’Europe. On peut au moins essayer de faire les quarts-de-finale voir plus avec un peu de chance.
La suite demain.
[armelse]
L’arrivée d’un général manager à Bourges, Patrice Dumont, c’est l’annonce de la retraite prochaine de son président ou juste une nouvelle étape ?
C’est une nouvelle étape. Selon nos statuts, il y aura toujours un président même en embauchant un directeur général puisque c’est son titre. On a besoin de renforcer le club pour éviter que l’on s’endorme. Je fais beaucoup de boulot et j’aimerais en faire un peu moins et partir un plus souvent en vacances (sourire). J’ai des idées de chantier et je n’ai pas envie de les assumer car c’est beaucoup de boulot et je préfère avoir un DG qui le fasse. Et puis avec les neuf joueuses professionnelles, tout compris, je fais quand même vingt-quatre salaires dans le mois. C’est ce que j’ai dit aux équipes quand j’ai présenté Patrice ce matin (mardi), ça fait vingt-quatre ans que je suis président et au début, hormis les joueurs et le coach, je n’avais pas un salarié. On a bougé un peu !
Comment s’est fait le choix de Patrice Dumont ?
Ça fait un moment que je cherchais et des DG on n’en trouve pas facilement. J’avais regardé les sorties du CDES à Limoges et hormis Frédéric Weis, qui n’est pas très sport féminin, il n’y avait pas des gens du basket. A un moment j’ai pensé à Rémy Delpon (NDLR : Directeur Général de l’Elan Chalon qui fut journaliste notamment sur Pathé Sport et qui avait couvert Bourges au Final Four de 2000). Et comme je savais qu’il n’était plus à SFR, je me suis dit « tiens, je vais tenter Patrice ». Je l’ai eu au téléphone et c’est parti comme ça. On s’est vu et il a accepté le challenge.
Il va apprendre le métier dans vos pas ?
C’est ça. Je vais l’emmener avec moi pour le former sur des choses bien précises et s’il a besoin d’une autre formation ailleurs, il la fera. Mais il a des bases. Il a été directeur de la rédaction d’Eurosport pendant cinq ans.
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Photos: FIBA Europe, Bourges Basket, SFR