Mercredi 5 et 12 avril, le duo David Cozette - Isabelle Yacoubou commentera la finale de l’Eurocup féminine entre l’armada d’internationales françaises de l’ASVEL et les Turques de Galatasaray, emmenées par leurs stars américaines. Une double confrontation en format aller-retour, à l’Astroballe puis au Sinan Erdem Dome, qui sera à vivre gratuitement sur Skweek. Nous nous sommes entretenus avec le duo avant ce temps-fort de la saison.
Pour quelle raison allez-vous diffuser cette finale d'Eurocup en clair (aller mercredi à 20h, retour mercredi prochain à 19h) ?
David Cozette (DC) : « C’est une opération gagnant-gagnant parce que ça donne une fenêtre en clair au basket féminin, qui souffre par rapport au basket masculin dans son exposition. Ça permet de faire découvrir le basket féminin au plus grand nombre, et en plus sur un duel très sympa avec de l’enjeu. Pour Skweek, c’est aussi bien de montrer ce programme-là. Ça peut attirer des abonnés pour la suite qui pourraient se dire "waouh, c’est bien traité, je peux voir des compétitions de qualité, masculin comme féminin, je vais m’abonner".
Quel sera le dispositif sur cette finale ?
DC : Avec Isabelle (Yacoubou), on va commenter sur place, ce qui est une évidence à Lyon, mais on sera aussi à Istanbul, pour faire vivre au mieux cette finale. Ça aurait été ballot de ne pas faire ce match retour, et de ne pas avoir de réactions si elles venaient à être sacrées. C’est bien le signe que les dirigeants de Skweek ont mis le paquet pour mettre cette finale en valeur. Et puis il y aura comme d’habitude des sujets et reportages autour du match.
Quelle émotion cela vous procure de commenter un club français en finale d’une compétition européenne ?
DC : Personnellement, je suis absolument ravi de commenter les Lyonnaises car, entre l’Euroleague masculine et mon activité à côté, j’ai des journées bien remplies et je suis le basket féminin d’un peu plus loin depuis le début de la saison. Donc, avoir à commenter des visages que je connais depuis longtemps, ça me rend d’une part la préparation du match plus facile, et d’autre part ça m’enchante de commenter des joueuses emblématiques. Commenter un club français en finale de coupe d’Europe, c’est une émotion de dingue. Moi, je vibre pour ça. Hormis l’équipe de France en finale des Jeux Olympiques, d’une Coupe du monde ou d’un championnat d’Europe, il n’y a pas mieux.
« Galatasaray est une équipe construite financièrement pour gagner » - Isabelle Yacoubou
Quelles sont les forces et les faiblesses de Galatasaray ?
Isabelle Yacoubou (IY) : Comme la plupart des grosses équipes turques - et russes en leur temps -, Galatasaray est une construite autour d’Américaines. Certaines sont naturalisées, d’autres non. Elles sont dominantes sur le secteur intérieur, avec des filles qui sont beaucoup dans le scoring et le rebond. Je pense à Teaira McCowan et Azura Stevens. L’enjeu sera donc de verrouiller la raquette. Et puis il y a de l’expérience à la mène avec des internationales turques comme Isil Alben (NDLR : vainqueur de l’Euroleague en 2014 et l’Eurocup en 2009 et 2018), Pelin Bilgic, Merve Uygul… Ce sont des paires qui font rêver, tous les coachs en voudraient. C’est une équipe construite financièrement pour gagner, et qui n’a pas de vraie faiblesse, à l’image de l’ASVEL.
L’ASVEL a-t-elle les armes pour contrer la géante Teaira McCowan, 2,04 m, qui tourne à 30 d’évaluation moyenne, ce qui en fait la numéro 1 de la compétition ?
IY : Elle est évidemment très dominante. Quand on regarde le basket féminin aujourd’hui, on a de moins en moins de vraies postes 5, des vieilles comme moi peuvent en témoigner (rires). Il n’y a pas beaucoup de monde qui peut la tenir physiquement. Elle a aussi des mains extraordinaires, que ce soit en attaque ou en défense. Elle tourne à 21 points de moyenne mais c’est surtout au rebond qu’elle est extraordinaire (NDLR : 15,5 par match, 10 doubles doubles en 10 rencontres). Après, il faut aussi dire que l’Eurocup n’a pas les mêmes moyens que l’Euroleague. Elle n’a pas forcément joué contre les meilleures postes 5 du monde jusqu’à maintenant. Je pense que l’ASVEL a les moyens de la faire déjouer avec son secteur intérieur.
Quelques chiffres
15 : Le nombre de points inscrits en moyenne par l’équipe turque sur seconde chance. C’est la meilleure équipe de la compétition sur ce secteur.
40 : Le pourcentage à 3-points de l’ASVEL, numéro 1 dans ce secteur. Marine Johannès, tourne à 44,1 % derrière l’arc cette saison, son meilleur pourcentage en carrière
4 : en cas de victoire, Lyon deviendrait le quatrième club français à décrocher le titre en Eurocup après Bourges (2016 et 2022), ESBVA-LM (2015) et Aix en Provence (2003, saison inaugurale). L’ASVEL serait ainsi le 15e vainqueur différent en 19 éditions.
Quelles seront les clés de cette finale ?
IY : Ce qui sera important, ce sera de verrouiller les plus fortes joueuses défensivement. Car non seulement McCowan est très forte, mais le duo avec Azura Stevens est très dangereux car elle peut s’éloigner derrière la ligne à 3-points. Ce sont des athlètes avec la capacité à percuter balle en main et elles voudront sans doute vouloir faire sortir les grandes, Sandrine (Gruda) ou Héléna (Ciak), de la raquette car elles sont moins à l’aise sur la défense haute. Mais, avec de l’alternance et des filles comme Alexia Chartereau qui sont plus dans la périphérie, on devrait réussir à trouver des mismatchs où, si l’on n’est pas dominants, on sera au moins à parité avec elles.
En demi-finale, Galatasaray a tué tout suspens en passant 25 points à Venise à domicile. Est-ce une forteresse imprenable ?
IY : Ce sera vraiment le défi pour les joueuses : jouer le match sur le terrain et pas en tribunes. Chez elles, c’est une forteresse. Il faut aussi comprendre la particularité des supporters turcs, ce sont des supporters de tous les sports. Ils supportent leur club de foot, et ce sont les mêmes qu’on retrouve au basket masculin, au hand. Ils ont cette culture club. Et ils ont, disons, la même passion, pour rester polis (rires). Il faudra évidemment s’isoler et se concentrer sur le terrain car si on commence à se laisser impressionner par les 16 000 spectateurs, ça devient difficile de gagner là-bas. Cela dit, contre une équipe de leur niveau, les Turques ont été en difficulté à Venise. C’est un bon indicateur pour Lyon.
Le saviez-vous ?
Entre le match aller à l’Astroballe mercredi soir (20h) et mercredi prochain à Istanbul (20h), Lyon jouera en Ligue Féminine samedi à Montpellier et Galatasaray jouera la deuxième manche des quarts de finale de la ligue turc ce vendredi après-midi, contre Nesibe Aydin (victoire 76-69 au match aller).
Le match aller aura lieu à l’Astroballe et non Mado-Bonnet, l’antre habituel des Lyonnaises. Est-ce un avantage ou inconvénient ?
DC : Les deux. C’est forcément un plus d’avoir une grande et belle salle, un bel écrin. Ça fait un joli décorum pour une finale de coupe d’Europe. Il ne faut pas oublier qu’on cherche à toucher le grand public, c’est important pour tout le monde. Mais c’est aussi un inconvénient, Isabelle pourra sans doute en parler mieux que moi, mais les filles n’auront pas leurs repères. Et c’est primordial quand on joue un match aussi important. J’imagine qu’il y avait une sorte de dilemme à faire ce choix. L’état-major de l’ASVEL a choisi l’Astroballe - et ça nous convient bien - mais j’espère juste que les filles n’en souffriront pas et qu’elles réussiront à trouver leur repères.
IY : Au-delà de ça, même si Mado-Bonnet reste une petite salle, remplie, ça fait beaucoup de bruit. L’Astroballe, il faut quand même la remplir (NDLR : il restait environ 1 000 places à pourvoir à 48 heures de l’entre-deux). Et, si le match n’est pas à guichets fermés, ça peut provoquer l’effet contraire de ce que peut être un gros match, où tout le monde doit pousser, où le public doit vraiment jouer son rôle de sixième homme.
DC : On peut tout de même espérer que, comme sur les plus gros matches d’Euroleague masculine de cette saison, ça pousse. Les amateurs de sport lyonnais vont sans doute remplir l’Astroballe, avec peut-être un titre au bout… même s’il ne sera pas donné ce mercredi.
Sur le terrain, l’absence de la meneuse titulaire, Julie Allemand, touchée à l'ischio-jambier, est-elle préjudiciable ?
IY : Les Lyonnaises ont les cartes en main. Est-ce que l’absence de Julie est importante ? Oui et non. À l’ASVEL, on sait très bien qu’avec un effectif aussi dense, ce n’est pas une joueuse qui fait la différence. En revanche, il faudra retrouver des dynamiteurs. Il faudra une étincelle tout de suite, comme on a pu l’avoir sur la demi-finale contre Villeneuve-d’Ascq.
En demi-finale, l’étincelle est notamment venue de Marine Johannès. A-t-elle passé un cap ces dernières années ?
IY : Je n’aime pas trop ce mot car ça serait manquer d’estime pour ce qu’elle a déjà fait par le passé. Je trouve que c’est une joueuse à qui on a mis beaucoup de pression. On lui a fait endosser un rôle trop important trop tôt dans sa carrière, ce qui l’a plus handicapé qu’autre chose. Aujourd’hui, je pense qu’elle arrive à s’épanouir pleinement et ça se voit sur le terrain, elle est spectaculaire et décisive. J’ai plus envie de dire qu’elle continue dans ce qu’elle sait faire. Passer un cap, je ne sais pas. Le basket, ce n’est pas linéaire, ça oscille toujours. Mais c’est vrai qu’elle est sans doute plus régulière et plus présente dans les moments qui comptent. C’est là où sa progression est la plus importante, pour moi.
Son rôle va-t-il être redéfini avec l’absence de Julie Allemand sur la base arrière ?
IY : Je ne pense pas. Comme je le disais, la force de Lyon cette année, c’est son collectif. David Gautier a réussi à rassembler toutes les filles dans son projet. Et quand toutes les joueuses sont impliquées, y compris la joueuse du bout du banc qui est capable d’être propulsée dans le cinq majeur, c’est que le projet est fort. La jeune Joycte prouve qu’elle est capable d’apporter. À mon avis, le coach n’aura pas besoin de mettre plus de responsabilité sur Marine (Johannès). En faisant du ''Marine'', ça ira très bien.
« Tony Parker n’a pas monté une armada pareille pour ne pas remporter de titre » - David Cozette
Dans une finale, l’expérience compte toujours. Celle de Sandrine Gruda, même de Gabby Williams, peut notamment apporter dans ce secteur. Quelle équipe vous semble la plus expérimentée ?
DC : Il y a quand même de l’expérience côté turc avec des joueuses qui ont déjà beaucoup de titres à leur actif mais c’est vrai que l’expérience parle un peu plus du côté de l’ASVEL. Il y a énormément de joueuses qui ont disputé des championnats du monde, des Jeux Olympiques, et avec des rôles majeurs. Ça compte.
Selon vous, l’ASVEL est-elle favorite de cette finale ? Le format, avec un match retour à Istanbul, peut-il lui faire défaut ?
IY : Exactement. Sur le papier, l’ASVEL est favorite. La qualité des joueuses placerait les Lyonnaises au-dessus. Mais, en prenant en compte le contexte et l’ordre des matches, je pense que c’est du 50-50. Le retour, là-bas, dans un match couperet avec des émotions à gérer, ça peut parfois faire défaut même aux meilleurs joueurs et joueuses du monde. Il faut en être conscient.
DC : Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’ASVEL est exactement là où elle le souhaitait, dans la position de peut-être remporter un titre européen. Je pense que Tony Parker et ses dirigeants n’ont pas monté une armada pareille pour ne pas remporter de titre. Ce n’est pas neutre de faire revenir Gabby Williams, qui domine en Euroleague (NDLR : MVP du dernier Final Four avec Sopron), et Sandrine Gruda. C’est un geste fort. Maintenant, il faut concrétiser cela avec des titres. Quand on connait l’instinct de compétiteur de Tony Parker, je pense que les joueuses doivent valider ça par un titre européen. Je ne veux pas leur mettre plus de pression que ça mais elles « doivent » le valider. Ça légitimerait l’ensemble du projet, surtout quand on voit que les garçons sont un peu en galère cette saison en Euroleague (NDLR : derniers après 32 journées). Au moins, les filles vont pouvoir montrer l’exemple. »
https://www.basketeurope.com/livenews-fr/659679/skweek-lance-un-pass-a-prix-reduit-pour-les-deux-derniers-mois-des-coupes-deurope/
Photo : FIBA - montage Basket Europe