Nous avons demandé à trois coaches de nous apporter leur expertise sur quelques sujets concernant leur activité ou l’actualité.
Freddy Fauthoux, 46 ans, a eu une longue carrière de joueur à Pau-Orthez avant de prendre le coaching de Levallois en décembre 2015. Originaire du Monténégro, oncle de Nikola Vucevic (Orlando Magic), Savo Vucevic, 62 ans, est en France depuis bientôt trente ans et coache Bourg depuis 2016. Alexandre Ménard, 42 ans, est l’entraîneur de Rouen en Pro B après avoir été assistant plusieurs années au Mans et son coach principal à la fin de la saison 2016-17.
Il s’agit de la deuxième partie de l’interview.
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Pouvez-vous nous faire une comparaison entre Théo Maledon (Villeurbanne), Killian Hayes (Cholet) et aussi Frank Ntilikina (New York Knicks) ?
FF : Les deux premiers ont le même âge que ma fille ! (NDLR : sa fille Marie, meneuse de jeu à Tarbes, a eu 18 ans le 23 janvier). Frank est un joueur très intelligent, Hayes est un joueur flashy avec un talent brut et Maledon est, je pense, le plus complet des trois. Je connaissais bien le joueur pour l’avoir vu un an à l’INSEP mais je suis très surpris par sa maturité. Il a le physique, c’est un joueur qui est de plus en plus adroit, qui est très technique mais qui en plus est très mature par rapport à son âge et de la façon dont il a de conduire une équipe de Jeep Elite et d’Eurocup.
SV : A la différence de tout le monde, Maledon explose cette année. Il joue et bien. On voit tout chez lui. Il a un physique qui lui permet de jouer à ce niveau. Il connaît déjà le basket, il a le talent, il a un shoot et surtout du caractère. Mais il faut faire attention : ce n’est qu’un gamin à 17 ans. J’ai vu plein d’exemples différents notamment dans ma famille qui n’ont rien à voir. On est tous un peu différents. Certains sont mûrs plus tôt, physiquement, mentalement, techniquement. Il n’y a pas de règles et on compare. Non. A 17 ans mon neveu jouait avec les cadets et à ce moment-là, il n’y avait pas beaucoup de gens qui croyaient en lui sauf la famille. A 14 ans, il était grand mais il jouait comme 2-3. Heureusement, c’est son père qui était son coach (NDLR : Borislav Vucevic fut international yougoslave) et qui lui a sorti tous les secrets de ce métier. Parfois ça ne marche pas avec un parent. On ne peut pas comparer Théo Maledon avec par exemple mon neveu. A 17 ans, on ne le connaissait pas alors que Maledon tout le monde le connaît en Europe. Nous les coaches, on doit bien sûr être entraîneur, technicien, psychologue, et connaître aussi la physiologie, l’anatomie, et il faut faire attention avec les jeunes joueurs. Il y a parfois de mauvaises surprises. Il ne faut pas les surcharger. Patience, patience. Ceux qui sont prédestinés vont y arriver. Il vaut mieux faire des petits pas en avant que courir et parfois faire de grands pas en arrière.
AM : Killian Hayes, c’est du talent brut avec des choses qu’il n’a pas forcément travaillé. C’est la génétique qui a parlé en terme de toucher, de patte gauche, d’audace. Théo Maledon a un jeu plus orienté vers le demi-terrain et le côté QI basket. Killian Hayes est un talent brut plus individuel là où Théo Malédon est quelqu’un de plus exploitable pour une équipe. Ntilikina est un peu un mixte des deux avec du talent pur mais aussi cette faculté à penser pour cinq. Là où Killian Hayes est très fort à penser pour lui ou pour deux et où Théo Maledon va penser d’abord pour les autres avant de penser pour lui.
A propos de l’ASVEL, avez-vous des craintes ou des espoirs du fait qu’elle va disputer deux saisons au moins l’Euroleague ?
FF : J’ai beaucoup d’espoirs là-dessus. C’est hyper important pour le basket français et pour notre championnat d’avoir une tête d’affiche. Ça ne peut que stimuler, motiver tout le monde pour tenter d’accrocher ces équipes-là. Ils vont avoir une nouvelle salle… Il faut prendre ça comme une locomotive qui tire des wagons et il faut s’y accrocher.
SV : Ni l’un, ni l’autre. Je pense qu’à l’ASVEL il y a des gens intelligents qui savent ce qu’ils veulent, qui ont un projet, et surtout une vision : comment ça doit se passer ? Ils savent où ils se lancent, ils ont du temps pour se préparer. Il y a des clubs qui gagnent le titre en mai ou juin et ils ont deux mois pour se préparer à l’Euroleague. J’ai le club de mon pays d’origine, le Monténégro (NDLR : Buducnost Podgoricia). Ils n’avaient même pas la salle qui était adaptée et ils ont du tout faire en deux mois, le budget qu’ils ont dû doubler, tripler… Aujourd’hui, ils ne sont pas ridicules. A Villeurbanne, il y a des hommes qui connaissent leur métier. Je pense que l’ASVEL fera de bonnes choses en Euroleague et nous on a besoin d’avoir une fenêtre plus grande pour le basket français. Je connais bien le basket européen et pour moi, à tort, on regarde le basket français un peu de haut alors que comme je le disais, on a un très bon championnat.
AM : J’espère vraiment que ça va permettre de booster un budget afin qu’il y ait une locomotive pour le basket français, un peu à l’exemple d’un Maccabi Tel-Aviv, d’un Partizan Belgrade à une époque, d’un Alba Berlin du temps où c’était le vrai club en Allemagne, il y a dix ans. J’espère que ça va amener un club au plus haut niveau durant plusieurs années sur un lieu constant. Je ne dis pas que je souhaite que l’ASVEL soit championne de France tous les ans mais j’espère que ça va lui donner les moyens, non seulement de ne pas être ridicule en Coupe d’Europe, mais de pouvoir rester au plus haut niveau français le plus longtemps possible. On a trop vu souvent où l’Euroleague rinçait…
« Je regarde beaucoup l’Euroleague, j’essaye de regarder un match d’Eurocup que ce soit l’ASVEL, Monaco, Limoges. Je ne regarde pas la Champions League, je n’ai pas la chaîne qu’il faut (rires) ». Freddy Fauthoux
Sur le plan national pensez-vous qu’ils vont être injouables ou au contraire que ça va leur être fatal de jouer autant de matches car ils seront rincés ?
FF : On verra. A nous aussi de travailler pour les accrocher sur le plan sportif. Perdront-ils beaucoup de forces en Euroleague ? Les équipes qui veulent réussir en Euroleague voire en haut de l’Eurocup doivent avoir un effectif pour réussir aussi en championnat. On n’y part pas avec neuf joueurs mais douze ou quatorze. Je ne suis pas inquiet par rapport à tout ça. Gran Canaria a des problèmes mais eux ont gagné leur place sportivement (NDLR : en parvenant en demi-finale des playoffs ACB en battant Valence, le champion en titre), comme Buducnost qui a gagné l’Adriatic League et Darussafaka qui a gagné l’Eurocup. Ces équipes-là avaient-elles vraiment le but d’aller en Euroleague ? L’ASVEL s’est fait inviter et je pense qu’ils ont des garanties pour survivre à tout ça. Pour moi, ils n’ont pas les mêmes effectifs à long terme.
SV : On va voir. Tout le monde joue deux compétitions. Le CSKA en joue trois : Euroleague, VTB League, Russie. Il faut s’armer pour ça.
AM : Milan a mal vécu ça en étant faible en Euroleague et ils étaient aussi cahin-caha par rapport à leur championnat domestique. Ça dépend de la structuration de leur équipe, de comment ils mettent l’argent. En Euroleague, toutes les équipes ont 15 joueurs et quand on en a 15, il faut les manager. S’ils ont des salaires très importants, ils vont accepter de partager les temps de jeu. Un Fabien Causeur joue moins de 20 minutes par match au Real Madrid. (Klemen) Prepelic ne joue pas du tout. Auront-ils les moyens d’avoir ce genre de joueurs pour garder une qualité à l’entraînement et les choisir pour un match ou l’autre. C’est là où est la vraie question. Monaco a 15 joueurs en prenant des joueurs sous-côtés ou pas du niveau par rapport à un club comme ça. Je me rappelle, quand on jouait les Lettons de Riga qui jouaient l’Eurocup, leur championnat plus la VTB League. On se rendait compte dans les statistiques que les joueurs domestiques jouaient beaucoup leur propre ligue, les joueurs étrangers beaucoup plus en VTB. Ils étaient capables d’avoir une équipe un peu polymorphe en fonction de la compétition et par rapport aussi aux intérêts des uns et des autres. C’est sans doute plus intéressant de s’exposer dans son championnat. C’est peut-être une des pistes à explorer pour l’ASVEL. Le Maccabi Tel-Aviv s’est posé la question la saison dernière de savoir s’ils n’allaient pas aligner deux équipes, l’une pour l’Euroleague et l’autre pour le championnat national. Peut-être que le joueur qui gagne un million de dollars et qui peut se servir de l’ASVEL pour aller ensuite dans une grosse équipe, le championnat de France ça ne le fait pas rêver. Et peut-être qu’un très bon joueur français, qui sait que sa place est de rester à l’ASVEL, sait qu’il faut qu’il soit bon dans le championnat de France. Il faut mettre en corrélation les motivations des uns et des autres par rapport à la compétition jouée.
Combien de matches regardez-vous chaque semaine, à la TV, en vrai, et lesquels ?
FF : Si je regarde les miens ça fait au moins six matches. Je regarde beaucoup l’Euroleague, j’essaye de regarder un match d’Eurocup que ce soit l’ASVEL, Monaco, Limoges. Je ne regarde pas la Champions League, je n’ai pas la chaîne qu’il faut (rires). Et trois matches de mes adversaires du prochain match. Plus les matches de ma fille sur lfbtv. Pas le temps d’en voir d’autres dans les salles.
SV : Beaucoup. Depuis des années, à l’époque il y avait des antennes paraboliques. Je regarde tous les matches d’Euroleague, Eurocup, Champions League, j’ai des chaînes yougos. J’en regarde une dizaine par semaine peut-être plus. Tous les matches d’Euroleague sont retransmis à la télé ; je n’ai pas envie de les regarder sur une tablette.
AM : Je regarde évidemment énormément de Pro B, au minimum cinq matches. Je regarde toute la Pro A à la télé. L’Euroleague quand on est en déplacement. De temps en temps de l’Eurocup. Je regarde en coupes d’Europe les clubs où jouent mes anciens joueurs comme Dijon avec Obi Emegano. Parfois je n’ai pas envie d’en regarder et c’est ma femme qui me dit, « tiens, il y a du basket à la télé, si tu le regardais ? » Parfois je me freine moi-même. Il y a peut-être un soir ou deux dans la semaine où je ne regarde pas de basket. Et je regarde beaucoup Le Mans !
Avez-vous beaucoup de sollicitations médiatiques dans une semaine ?
FF : Non. Un coup de fil quand c’est un match à domicile, deux quand on se déplace avec un journaliste de l’équipe adverse.
SV : Oui. Il y a des sollicitations des journalistes locaux mais c’est un club extrêmement bien organisé. C’est un phénomène pas seulement dans la ville mais aux alentours, dans tout le département. On joue tous les matches à guichets fermés. On est beaucoup sollicité et avec les joueurs on y répond avec plaisir.
AM : En Pro B, c’est beaucoup moins qu’en Pro A surtout à Rouen où il n’y a qu’un seul journal (NDLR : Paris Normandie) et je ne suis en relation qu’avec eux. Il y a quelques radios, NRJ, Tendance Ouest. Je suis souvent plus sollicité par les journalistes des clubs adverses que par les locaux comme Roanne où c’est vraiment super, Blois, Orléans, Nancy, des villes qui ont déjà connu la Pro A.
Que pense votre femme ou votre compagne du fait que vous êtes coach de basket ?
FF : Joker ! Elle pense que c’est un métier qui accapare…
SV : J’ai de la chance parce que ma femme est une grande sportive. Elle a été championne olympique dans son sport et c’est mon premier supporter (NDLR : Sa femme, Ljiljana, a été championne olympique de handball en 1984 à Los Angeles avec la Yougoslavie, ainsi que sa belle-sœur Svetlana). Les enfants ont tous été sportifs ou y sont toujours. On est une famille sportive et de ce côté-là, je n’ai que des encouragements.
AM: J’ai la chance d’avoir une épouse qui a joué au basket à très bon niveau, à l’époque en N2, ce qui correspond aujourd’hui à la NF1, du côté de La Rochelle. On s’est rencontré relativement tard et j’avais déjà eu des séparations dues au basket. Donc, dès le début ça a été très clair. Elle entraîne, mes trois enfants font du basket, de leur propre choix, ils regardent les matches avec moi. Ceux de 12-13 ans me disent, « tiens, tu as vu, eux , ils ont switché en défense ? » « C’est quoi switcher ? » « C’est quand ils changent de défenseur ! » Alors qu’il y a des coaches qui ne savent pas ce que c’est ! Pas en LNB, évidemment. Ils sont forcément baignés dans ce milieu-là. Et c’est donc ma femme qui me propose parfois de regarder des matches. Je ne suis pas sûr que ça lui fasse toujours plaisir mais elle sait que je suis heureux qu’elle me le propose… C’est arrivé tellement de fois où l’on regardait soit disant une série ensemble alors qu’en fait j’avais mon ordinateur à côté pour regarder un match ! Pour clôturer la question : je crois que la vie de coach de basket est difficilement compatible avec une personne qui ne comprend pas la situation et j’ai la chance de vivre avec quelqu’un qui a très bien mesurer ce que ça pouvait être et qui continue de le faire et je l’en remercie.
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Pouvez-vous nous faire une comparaison entre Théo Maledon (Villeurbanne), Killian Hayes (Cholet) et aussi Frank Ntilikina (New York Knicks) ?
FF : Les deux premiers ont le même âge que ma fille ! (NDLR : sa fille Marie, meneuse de jeu à Tarbes, a eu 18 ans le 23 janvier). Frank est un joueur très intelligent, Hayes est un joueur flashy avec un talent brut et Maledon est je pense le plus complet des trois. Je connaissais bien le joueur pour l’avoir vu un an à l’INSEP mais je suis très surpris par sa maturité. Il a le physique, c’est un joueur qui est de plus en plus adroit, qui est très technique mais qui en plus est très mature par rapport à son âge et de la façon dont il a de conduire une équipe de Jeep Elite et d’Eurocup.
SV : A la différence de tout le monde, Maledon explose cette année. Il joue et bien. On voit tout chez lui. Il a un physique qui lui permet de jouer à ce niveau. Il connaît déjà le basket, il a le talent, il a un shoot et surtout du caractère. Mais il faut faire attention : ce n’est qu’un gamin à 17 ans. J’ai vu plein d’exemples différents notamment dans ma famille qui n’ont rien à voir. On est tous un peu différents. Certains sont mûrs plus tôt, physiquement, mentalement, techniquement. Il n’y a pas de règles et on compare. Non. A 17 ans mon neveu jouait avec les cadets et à ce moment-là, il n’y avait pas beaucoup de gens qui croyaient en lui sauf la famille. A 14 ans, il était grand mais il jouait comme 2-3. Heureusement, c’est son père qui était son coach (NDLR : Borislav Vucevic fut international yougoslave) et qui lui a sorti tous les secrets de ce métier. Parfois ça ne marche pas avec un parent. On ne peut pas comparer Théo Maledon avec par exemple mon neveu. A 17 ans, on ne le connaissait pas alors que Maledon tout le monde le connaît en Europe. Nous les coaches, on doit bien sûr être entraîneur, technicien, psychologue, et connaître aussi la physiologie, l’anatomie, et il faut faire attention avec les jeunes joueurs. Il y a parfois de mauvaises surprises. Il ne faut pas les surcharger. Patience, patience. Ceux qui sont prédestinés vont y arriver. Il vaut mieux faire des petits pas en avant que courir et parfois faire de grands pas en arrière.
AM : Killian Hayes, c’est du talent brut avec des choses qu’il n’a pas forcément travaillé. C’est la génétique qui a parlé en terme de toucher, de patte gauche, d’audace. Théo Maledon a un jeu plus orienté vers le demi-terrain et le côté QI basket. Killian Hayes est un talent brut plus individuel là où Théo Malédon est quelqu’un de plus exploitable pour une équipe. Ntilikina est un peu un mixte des deux avec du talent pur mais aussi cette faculté à penser pour cinq. Là où Killian Hayes est très fort à penser pour lui ou pour deux et où Théo Maledon va penser d’abord pour les autres avant de penser pour lui.
A propos de l’ASVEL, avez-vous des craintes ou des espoirs du fait qu’elle va disputer deux saisons au moins l’Euroleague ?
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Photos: Savo Vucevic (JL Bourg), Freddy Fauthoux (Eurocup)