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Haley Peters (Asvel), la persévérance personnifiée

La Ligue Féminine a découvert une drôle de joueuse cette saison. Arrivée à l’Asvel cet été, la poste 3-4 de 25 ans possède déjà un CV bien rempli, une polyvalence époustouflante et un tempérament de feu. Meilleure scoreuse de LFB lors des premiers mois de compétition, la pétillante Haley Peters a ra

La Ligue Féminine a découvert une drôle de joueuse cette saison. Arrivée à l’Asvel cet été, la poste 3-4 de 25 ans possède déjà un CV bien rempli, une polyvalence époustouflante et un tempérament de feu. Meilleure scoreuse de LFB lors des premiers mois de compétition, la pétillante Haley Peters a rapidement trouvé sa place pour finir par se rendre indispensable au sein d’une équipe rhodanienne mieux équilibrée au fil des ajustements de la saison.

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Avec la Nantaise Nayo Raincock-Ekunwe qui rafle le titre de meilleure marqueuse de la division, la pépite lyonnaise aura été l’une des révélations de l’année, précieuse par sa capacité à pouvoir tout faire sur un parquet, scorer de loin, jouer au poste bas et défendre dur. Très dur. Un régal pour son coach, Valéry Demory, un cauchemar pour ses adversaires. Portrait d’une joueuse atypique, Haley « la persévérante » Peters.

Bleu Blanc Duke

C’est soir de victoire, samedi soir à Mado Bonnet. L’Asvel Féminin vient de boucler sa saison régulière par un succès sans trembler face à Villeneuve d’Ascq, champion de France en titre (65-55). Haley Peters vient de récupérer le bouquet de la MVP de la rencontre après une nouvelle prestation des plus complètes : 18 points à 5/10 au tir dont 2/3 à 3 points, 9 rebonds et 3 passes décisives pour 23 d’évaluation. A peine le temps de reprendre son souffle, elle se sait attendue par une énième sollicitation médiatique et se présente, rincée, dans tous les sens du terme, et presque sans voix. Comme à chaque match depuis le début de saison, l’Américaine, incroyablement mobile pour son gabarit (annoncée à 1,91m), a tout donné sur le parquet.

Longtemps, Haley Peters a flirté avec l’Hexagone avant de s’engager pour le club de Tony Parker en fin de saison dernière. Pendant les trois premières de ses quatre années au sein de la prestigieuse université de Duke (2010-2014), elle a côtoyé l’une des prospects françaises les plus prometteuses, l’intérieure Allison Vernerey, fille de Jacques, entraîneur émérite pendant plus de 15 ans (NF2, NF1, NM2 Insep, LFB à Aix-en-Provence, Pro A, Pro B…). Déjà à l’époque, Haley se distingue par ses qualités de basketteuses mais aussi par sa volonté, et la connexion se fait rapidement entre cette jeune joueuse en devenir et la famille Vernerey.

« J’avais pris l’habitude de le faire pour plusieurs joueuses. A Duke, toutes les filles voulaient jouer en WNBA, mais ce n’est pas toujours possible et ça ne dure pas toute l’année, se rappelle Allison, aujourd’hui loin du basket pro, étudiante en MBA (Master of Business Administration) à la Boston University Questrom School of Business les trois quarts du temps et directrice technique du « Summer Training Camp » basé à Grenoble pendant l’été. « Mon père avait dû l’aider à entrer en contacts avec quelques clubs français. Il me semble que des coachs français s’étaient aussi renseignés ».

Allison Vernerey et Haley Peters sous le maillot des Blue Devils

« Jacques venait de temps en temps à Duke avec des amis et des coachs français qui assistaient à nos entraînements », poursuit Haley. « On a aussi fait une tournée internationale avec Duke (en 2012 en Normandie et du côté de Gespolsheim dans le Grand-Est où Allison est née). C’est à cette occasion que je suis venue en France pour la première fois ».

Allison Vernerey : « la définition de la persévérance »

Pour l’avoir vu débarquer à Duke et avoir joué à ses côtés pendant trois ans, Allison Vernerey connaît sans doute mieux que quiconque personnalité de Haley. Et confirme la réputation que s’est faite l’Américaine en moins d’un an passé en France, celle d’une joueuse polyvalente et talentueuse, certes, mais déterminée comme personne, surtout.

« Ça me fait vraiment plaisir qu’elle fasse une bonne saison en France car personne ne méritait plus qu’elle. C’est une battante, la définition même de la persévérance. Même si on travaillait déjà très dur, elle faisait toujours quelque chose en plus et ne se laissait aucun répit. Il y a une anecdote assez marrante qui résume bien son état d’esprit. Je ne sais plus exactement quelle année c’était, on jouait UNC (North Carolina, la fac’ de Michael Jordan) nos rivales historiques, à 20 minutes de chez nous. Le match était très intense avec beaucoup d’agressivité et à un moment, Haley prend un coup au visage et se met à pisser le sang. C’était impressionnant. On était mal embarqué dans le match et personne ne pensait qu’elle allait revenir. Et puis après la mi-temps, je ne sais pas si elle s’est faite recoudre, mais elle est revenue avec un énorme bandeau pour nous aider. C’est ce que je retiens de Haley, une battante qui ne lâche jamais. Elle a aussi un état d’esprit de leader, elle s’assure que tout le monde est OK et va donner le maximum. L’expérience de l’université lui a donné ce côté, car chacun a son rôle, tu es capitaine quand tu fais ta dernière année… On te responsabilise beaucoup tout au long de ton développement (…) En dehors de ça, c’est une fille qui est top, avec qui je m’entendais très bien. On se parle de temps en temps et maintenant je la vois poster des messages en Français sur les réseaux sociaux, c’est assez drôle ».

Fin de la saison 2014, Haley Peters n’est pas draftée en WNBA, et apparemment, aucun club français n’a pu exploiter le filon jusqu’au bout pour tenter de la récupérer. Qu’à cela ne tienne, après quatre belles années à Duke dont trois terminées aux portes du Final Four NCAA, Haley s’envole pour l’Espagne et découvre sa première expérience en pro, à l’Universitario de Ferrol, un club de Galice tout juste promu en première division (2014-2015). Là-bas, Haley casse la baraque : 15,8 points et 6,2 rebonds par match. Une belle ligne de stats pour une première année qui l’amène à jouer un cran au-dessus la saison suivante, au CB Conquero de Huelva, demi-finaliste des derniers Playoffs et finaliste de la Coupe de la Reine.

Le coup de pouce du couple Lawson-Wade

En Andalousie, Peters s’adapte sans accrocs, parvient à élever son niveau de jeu (15,5 points et 4,7 rebonds) et Huelva remporte la Coupe de la Reine. Ses performances, sa régularité, et déjà à l’époque, sa polyvalence, lui ouvrent enfin les portes de la WNBA. Et comme le hasard fait bien les choses, c’est aux San Antonio Stars qu’elle atterrit et croise la route de James Wade, mari d’Edwige Lawson-Wade et assistant coach de la franchise texane. L’expérience est concluante et son retour en Espagne pour la saison 2016-2017 l’est tout autant, du côté de Gérone avec une 2e place en championnat et un joli parcours en Eurocup conclu en 8e de finale (14,8 points et 5 rebonds en première division, et 13,1 points et 5,3 rebonds en Eurocup).

Qu’est ce qui a donc pu pousser Haley Peters a changer d’air alors que sa progression était continue depuis son arrivée trois ans plus tôt dans la péninsule ibérique ?

« J’ai vraiment aimé l’Espagne, mais après trois ans, je voulais découvrir quelque chose de différent, un autre pays, un autre championnat. Quand j’étais à San Antonio, James Wade et Edwige Lawson-Wade, qui avait joué pour Valéry Demory à Lattes-Montpellier, m’ont pas mal parlé. Edwige me disait que ce serait une superbe occasion, de la façon dont il utilisait ses joueuses et comment ça pourrait coller entre nous…. Il y avait aussi la perspective d’un gros projet avec Tony Parker qui venait de reprendre le club qui était très intéressante. Toutes ces choses ont fait que lorsque le club m’a contacté, ça me semblait être une super opportunité. Ça l’a été et je peux le confirmer aujourd’hui, j’ai vraiment passé une super année ici ».

La polyvalence, son autre atout majeur

Dès ses premières minutes sous le maillot de l’Asvel, au sein d’une jeune équipe, Haley Peters trouve rapidement sa place. En occupant d’abord un rôle de poste 4 fuyant avec succès, elle claque 17,8 points de moyenne lors des 7 premiers matchs de LFB et dévient meilleure scoreuse de la division.

« Je n’espérais rien de particulier avant la saison », confie l’intéressée, dont la ligne de stats reste impressionnante à l’issue de la saison régulière (15,2pts par match, 6rbds, 2,2pds pour 14,6 d’évaluation). « C’était ma première année en France donc je ne m’étais pas fixée d’objectif si ce n’est de donner le meilleur à chaque minute. J’ai travaillé très dur cet été, donc je suis arrivée en forme, ça par contre ce n’était pas une surprise. J’ai aussi beaucoup aimé la façon dont Valéry appréhende le jeu, ses systèmes de jeu et sa vision du basket. Il m’a donné beaucoup de responsabilités, assez vite. C’est ce que toutes les joueuses veulent, et pour moi, c’est arrivé très vite. On est aussi une équipe assez jeune, donc il demande à certaines joueuses d’affirmer leur comportement de leader. Je ne suis pas si vieille mais j’ai un peu plus d’expérience que certaines et je parle aussi plus facilement donc il me demande ça aussi en particulier ».

Au début du mois de novembre, l’Asvel crée la sensation en parvenant à faire revenir Sandrine Gruda en France, l’une des meilleures intérieures de la planète. Sa venue a forcément un peu diminué l’impact de la #2 lyonnaise, même si la native de Summit City (New Jersey) a continué à être dans l’efficacité.

« C’est une grande joueuse qui a été au top niveau mondial pendant tellement d’années. J’imagine que c’était aussi une super opportunité pour le club d’avoir une joueuse de ce calibre pour nous aider durant quelques semaines. Et ça a été le cas. On a appris de son passage. A chaque fois que tu es entouré de joueuses qui ont été professionnelles aussi longtemps, tu apprends de la façon dont elles s’entraînent, leur comportement au quotidien… »

Le club rhodanien est ambitieux, mais le championnat français est toujours plus relevé chaque année et contraint l’Asvel à modifier à nouveau son roster qui se renforce alors en réussissant un joli coup. Approchée lors des précédents « mercatos », la capitaine niçoise Géraldine Robert devient lyonnaise à partir de mi-février. Une vraie poste 4 d’expérience qui replace cette fois définitivement Haley au poste 3, avec toujours autant de succès.

« A Duke, j’ai beaucoup joué en 4. Mais vu que j’ai toujours aimé faire ce que font les arrières, j’ai toujours développé mon dribble et ces aspects du jeu, en bossant de mon côté », ajoute-t-elle. « Les coachs à Duke sont réputés pour leur approche défensive. J’ai beaucoup appris durant ces années là-dessus. Et depuis que j’ai commencé en pro, j’ai aussi eu la chance de jouer à un niveau assez élevé. En Espagne, en WNBA dans des styles de jeu différents, ça a été très formateur. C’est à ce moment là que j’ai davantage jonglé entre les deux postes, du 4 au 3, et parfois les deux comme aujourd’hui. J’ai beaucoup joué en 4 en début de saison, mais maintenant que Géraldine est là, je joue essentiellement sur le poste 3 et Rebecca Allen en 2 ».

Pour son coach, Valéry Demory, sa polyvalence représente un atout non-négligeable, même si la palette de sa protégée de 25 ans (seulement) reste naturellement perfectible à ses yeux.

« Elle est intelligente et capable de comprendre beaucoup de choses assez vite. Dans ces cas-là, il faut lui donner des responsabilités », souligne l’ancien meneur de jeu aux 85 sélections en Equipe de France. « Ce que j’aime bien chez Haley, c’est sa capacité à travailler, poursuit-il. Il faut juste qu’elle améliore sa vitesse de pénétration si elle veut passer un cap. C’est toujours intéressant d’avoir des joueuses polyvalentes de ce style, qui peuvent jouer sur deux postes. Lorsqu’elle joue en 3, on peut la faire poster, alors qu’en 4, on la fait plus shooter à 3 points, voire driver. C’est pour ça que j’aimerais qu’elle améliore son drive, pour percuter encore plus. Sur les feintes de tir, elle doit être capable de démarrer plus fort », ajoute le coach lyonnais.

Des options que Haley Peters semble apprécier, elle qui aime autant évoluer en ailière que dans la peinture.

« Ça dépend des systèmes. Par exemple avec Valéry, quand je jouais au poste 4, ça ne m’empêchait pas de driver, de prendre des tirs extérieurs, d’avoir la main sur la balle, de pouvoir créer, prendre des décisions, de faire ce qu’une arrière ou même une meneuse peut faire en fait. Et j’aime ça ».

« Je veux jouer l’Euroleague »

De ce début de carrière quasi-parfait, il lui manque toutefois un titre majeur. Et forcément, c’est avec l’appétit d’une diablesse bleue que l’ancienne étoile de San Antonio aborde la suite des festivités. La saison régulière a livré son verdict, et c’est à Basket Landes (4e) que l’Asvel (5e) devra réaliser un premier exploit (série au meilleur des trois manches) pour espérer continuer l’aventure.

« On ne s’y attendait pas forcément il y a encore quelques semaines, mais le destin en a décidé autrement après notre défaite à Lattes-Montpellier qui a accusé pas mal de blessures ensuite. Basket Landes est une très bonne équipe. Le match aller là-bas s’est déroulé très tôt dans la saison (4e journée NDLR). On a beaucoup grandi en tant qu’équipe depuis, mais on sait le talent qu’il y a en face à chaque poste et à quel point c’est difficile d’aller jouer là-bas. L’ambiance est chaude, mais c’est sympa aussi. A ce moment de l’année, on s’attend à jouer ce type de match ».

Si elles arrivent à passer l’obstacle landais même privées de l’avantage du terrain, il y a de fortes chances pour que Bourges, l’équipe qui a le plus impressionné Haley cette saison, se présente en travers du chemin des Lyonnaises.

« Je ne crois pas que nous avons joué notre meilleur basket lors de nos deux confrontations en saison régulière (défaites 59-53 et 41-63 à la maison) et en pré-saison. Si on devait les rencontrer à nouveau, j’espère qu’on montrera un meilleur visage. Mais elles aussi, ont des joueuses d’exception, à tous les postes ».

Avant de libérer l’une des révélations de la saison en LFB et de la laisser chauffer le dancefloor de l’espace VIP de Mado Bonnet, restait à évoquer l’avenir, et forcément, la perspective de jouer un jour la plus grande compétition européenne.

« Je veux jouer l’Euroleague. J’aime jouer au meilleur niveau, et j’aime jouer en LFB. C’est une ligue qui demande un haut niveau d’exigence et de QI Basket. J’ai beaucoup appris de Valéry et Guy (Prat, assistant-coach) cette année. L’objectif, c’est de continuer à progresser. Pourquoi ne pas le faire ici ? »

Crédit Infinity Nine Media / Alexia LEDUC

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