Si la retraite volontaire d’Isabelle Yacoubou ne s’est pas fait trop ressentir à l’EuroBasket, c’est que le 1,97m d’Helena Ciak est désormais le mur porteur dans le peinture de l’équipe de France.
On l’avait vu tristounette à Rio aux JO. 12e joueuse de l’équipe de France. Seulement 49 minutes d’activité en sept matches.
Pour la première fois la carrière de Helena Ciak -fille de Piotr, géant polonais de 2,18m, qui avait participé à l’Euro de 1979 en Italie mais qui avait loupé les Jeux de Moscou l’année suivante à cause d’une entorse, réfugié politique en France- avait marqué un temps d’arrêt.
Jusque-là, c’était une météorite, Helena. Elle n’avait pas suivi la filière classique et désormais quasi obligatoire pour réussir au plus haut niveau. Quand on pense que pour sortir de son cocon à Saran, en Nationale 2 où elle commençait à s’ennuyer, elle avait envoyé des mails à des clubs de LF2 et NF1 comme on jette des bouteilles à la mer. C’est ainsi que Matthieu Chauvet, le coach de La Roche-sur-Yon en avait repêché une, et lui a demandé de faire un essai. Concluant. C’est ensuite que tout s’est accéléré : le Perpignan de François Gomez, le Lattes-Montpellier de Valéry Demory et le Bourges et l’équipe de France de Valérie Garnier. Son corps XXXL, ses qualités athlétiques ont toujours suscité une sorte de fascination. A son palmarès, deux titres de champion de France, une victoire en Eurocup, une médaille d’argent avec les Bleues en 2015 et même une autre au Mondial 3×3 féminin en 2012.
Et puis là, donc, un coup de barre. Pour la revoir un été plus tard, à l’Euro à Prague, resplendissante. Pivot titulaire, quatrième temps de jeu de l’équipe. 6,8 points, 4,7 rebonds et 0,8 contre par match. Et une masse physique qui n’a jamais été aussi dissuasive. La raison de cette métamorphose ? Le Dynamo Koursk avec lequel Helena a remporté l’Euroleague sans perdre un seul match.[arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »] Le seul accro étant l’échec en finale des playoffs russes face à Ekaterinbourg, trois manches à deux. Helena s’y est imposée comme le centre des opérations avec 7,2 points et 4,2 rebonds en Euroleague au milieu d’une constellation d’étoiles dont les Américaines Angel McCoughtry et Nneka Ogwumike, la Russe Maria Vadeeva, la Russo-Américaine Epiphanny Prince et encore l’Espagnole Anna Cruz.
« En partant là bas, je ne savais pas où j’allais vraiment m’aventurer mais je voulais retrouver le plaisir de jouer que j’avais un peu perdu. Je ne sais pas pourquoi exactement. C’est peut-être dû à moi. C’était un peu compliqué pour moi l’été dernier, je me suis remise en question. Quand j’ai su que c’était le coach Lucas Mondelo qui était là-bas, je me suis dit que c’était un projet vraiment intéressant. Le rôle que je devais jouer m’intéressait beaucoup. J’ai sauté sur l’occasion. C’est un style de jeu qui est un peu plus libéré. Je ne me suis pas posée de question, j’ai déroulé. Au fur et à mesure des matches, j’ai pris plaisir et je me suis rendu compte que je jouais mieux comme ça. Je ne dirai pas que c’était pour moi une « délivrance » car ça serait un trop gros mot mais j’ai repris du plaisir à jouer. J’ai pris ça comme une expérience, j’ai tout lâché, j’ai profité. C’est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. »
Ses équipières à Koursk, des copines
Ce qui a permis à Helena de bien s’acclimater, c’est qu’elle n’est pas tombée dans une équipe froide et au contraire l’entourage a joué un rôle très positif. Elle a même profité du temps libre pour quelques excursions avec ses équipières.
« C’est la Russie, la barrière de la langue… C’était totalement différent de ce que j’avais eu avant mais ça s’est fait petit à petit, j’ai trouvé les ressources mentales nécessaires mais c’était vraiment un super groupe, un club très accueillant et ça m’a beaucoup aidé. On a fait pas mal de déplacements. On allait surtout à Moscou. Dans la capitale, il y a des gens qui parlent anglais et j’ai commencé à apprendre le russe. J’essaye de me débrouiller. »
Il suffit aussi de s’adapter aux us et coutumes forcément différents. Koursk, ce n’est pas Bourges où le rapport avec les entreprises partenaires est de tout temps exemplaire.
« En France, après les matches, on va en VIP vers les partenaires. Là-bas on l’a fait en début de saison avec le président qui a fixé les objectifs. On l’a revu quand on a gagné l’Euroleague mais c’est vrai qu’entre-temps on n’a pas de sollicitations comme en France. On va au match, on fait le tour d’honneur, c’est tout, on ne va pas au VIP. »
A l’inverse, Helena met l’accent sur le fait qu’il existe autour du Dynamo un noyau de supporters très fidèle.
« A Koursk, les matches étaient diffusés sur Internet sur le site du club mais la médiatisation était moindre qu’avec l’équipe de France. J’avais des gens qui m’interpellaient sur les réseaux sociaux mais je ne comprenais pas trop. On avait des supporters qui nous suivaient partout et parfois c’est super loin, y compris à Ekat (Ekaterinbourg), pour le Final Four de l’Euroleague. »
Le rôle du coach espagnol
Un homme a joué un rôle majeur dans la réussite du club, l’épanouissement d’Helena et… la défaite de l’équipe de France en finale de l’Euro : le coach espagnol, Lucas Mondelo, 50 ans, vieux renard du circuit européen, déjà vainqueur de l’Euroleague avec Salamanque et qui a permis à son pays de rafler quantité de médailles depuis 2013.
« Je le connaissais par ses résultats en équipe nationale. J’avais entendu de bonnes critiques sur lui. Je ne demandais que ça : voir autre chose, voir comment il fonctionnait. C’est un basket un peu différent, un peu plus relax. C’est ordonné mais moins rigide. »
En finale, la Française s’est contentée de quatre points et deux rebonds. La défense des Espagnoles fut un coffre-fort qu’Helena et ses équipières n’ont jamais pu percer alors qu’elle possède une force athlétique supérieure. La patte de Lucas Mondelo ?
« C’est sûr qu’il m’a scoutée, qu’il sait comment je joue, comment je défends. C’est un stratège. Il sent très bien les équipes, il arrive à percevoir les qualités et les défauts de chaque adversaire. »
Ce qui est visible aussi, c’est que les Espagnoles font preuve globalement de davantage de créativité que les Françaises avec quelques artistes comme Laia Palau, Alba Torrens, Anna Cruz et Marta Xargay.
« Oui, je pense que c’est le cas », constate également Helena. « Les systèmes sont fait pour. Sur chaque système il arrive à trouver des options comme par exemple jouer sur une joueuse en particulier. Et sur le même système sur une autre joueuse. C’est vraiment très varié. »
Petit bémol dans la progression de Helena Ciak, sa propension à commettre toujours un nombre important de fautes -2,3 en moyenne pour 19 minutes de jeu ; la rançon à sa taille hors norme.
« J’essaye de m’améliorer. Certains matches, ça passe bien. Je défends, je ne suis pas sifflé. Il y en a d’autres, je ne comprends pas trop. Je ne vais pas m’étaler là-dessus mais je reçois des coups… »
L’hommage aux supporters
Lundi, au siège de la fédération, les douze Bleues et leur coach étaient réunies face à la presse, regroupées dans un coin, l’air extrêmement las…
« On a une médaille d’argent et il y a beaucoup d’équipes qui nous envient pour ça. Là, je pense qu’il y a de la fatigue. On a fêté un peu la médaille de façon raisonnable. Il fallait un peu de temps de digestion. Hier soir, on n’a pas dormi tout de suite et on s’est levé très tôt ce matin. On est très fières de cette médaille même si on perd encore en finale. L’année dernière, c’était pour la troisième place. Ce qui fait mal aussi c’est l’écart, la manière dont on a perdu. On a été bousculées et on n’a pas trouvé le truc pour remonter. »
Helena profite de l’occasion pour remercier les quatre cents supporters tricolores qui ont fait le déplacement en République Tchèque et qui n’ont cessé de hurler, de chanter. Ils méritent la médaille d’or.
« On a eu la chance d’avoir beaucoup de supporters, de plus en plus nombreux et que l’on a entendu du début à la fin. On avait leurs chants dans la tête même encore après les matches. Il y a vraiment eu une communion avec eux. »
Et comme chacun, le pivot des Bleues se félicite de l’audience médiatique que son équipe peut avoir désormais en France à chacune de ses prestations. 1 397 000 téléspectateurs pour la finale au total de W9 et Canal+, c’est très bien.
« J’ai eu beaucoup de messages de personnes dont certains n’ont rien à voir avec le basket qui n’ont pas la chance d’avoir Canal+ et qui étaient hyper contents que ça passe en clair. Des personnes que je connais ou d’autres que je ne connais pas qui m’ont dit que c’était super ce que l’on a fait. Si les prochaines années on peut encore être sur les chaînes publiques c’est super. »
En attendant, après les vacances, Helena va repartir au Dynamo Koursk pour une saison ; c’est le club qui a souhaité cette durée. Pas certain qu’elle revienne de suite en Ligue Féminine.
« L’étranger, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu connaître même si parfois c’est dur, on est loin de sa famille mais j’ai vraiment vécu une expérience enrichissante sur tous les plans. »
A 27 ans, Helena Ciak n’est pas encore arrivée à son sommet.
[armelse][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]
Photos: FIBA Europe