Hugues Blondeau est à la fois un Ultra du Limoges CSP et aussi le véritable historien du club et du basket dans le Limousin. Il est ainsi excellemment placé pour nous parler du passé et du présent de ce club où la passion n’a pas d’égale dans le basket en France.
Deuxième partie de l’interview.
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C’est vous qui avez créé ou enrichi la page Wikipedia du CSP ?
Oui. Elle est énorme vis-à-vis de ses homologues français, que ce soit l’ASVEL, Nancy… Quel club possède une page Wikipedia de cette taille-là ? J’ai passé trois ou quatre ans pour la rédiger. Je l’ai laissée un peu en jachère car c’est un boulot énorme. Quand j’étais étudiant, je pouvais y consacrer mon temps libre. C’est une fierté de l’avoir construite en apportant une rigueur, en sourçant un maximum de passages, en trouvant les bonnes informations. Le problème de cette encyclopédie numérique c’est que l’on peut se retrouver du jour au lendemain avec une phrase totalement différente et des informations erronées. Par contre c’est là où on trouve le maximum d’informations et où on va jeter un premier coup d’œil. On s’aperçoit que la première passion des Wikipédiens qui s’intéressent au basket-ball, c’est la NBA.
C’est aussi parce qu’il est plus facile d’avoir de l’information en anglais sur la NBA puis de la traduire que d’aller chercher de l’info sur le basket français à la source !
C’est pour sa rareté que je m’intéresse au basket français !
Vous êtes aussi chroniqueur à la radio ?
Je suis chroniqueur sur la radio Beaub’FM pour l’émission « Le Cercle ». C’est généralement le mardi entre 18h et 19h. J’anime cette émission avec des personnalités locales d’un groupe musical assez connu « Gala et les Hooligans Dissidents ». C’est une émission qui a un côté davantage supporter que professionnel, très sérieux qu’il y a dans les autres émissions de radio. Nos interventions sont libres. Ces deux dernières saisons quand le CSP avait de très mauvais résultat avec de nombreux problèmes en interne, c’est plus facile de s’exprimer sur une radio libre que sur France Bleu. Sachant que le CSP Limoges, c’est Dallas, il y a énormément de choses à raconter et forcément dans ce type d’émission, on a une position partisane.
Combien avez-vous d’auditeurs ?
Modestement, à peu près 300. Les gens qui sortent du boulot et qui branchent leur radio sur Bob FM. On ne vise pas le chiffre, on est vraiment entre fidèles, passionnés du CSP. Le contenu n’est pas là pour attirer du grand public.
« Depuis cette saison on voyait que le CSP prenait le bon train car le défi de Limoges, c’est de se moderniser et survivre »
Comme supporter du CSP, avez-vous vécu la disparition de Frédéric Forte comme une tragédie ?
Personnellement, oui. Comme supporter et animateur radio, j’ai toujours eu des mots critiques envers Forte et sa gestion mais c’est quand même quelqu’un d’innovant qui a marqué le club. Sans lui, aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a un grand vide, il n’y a plus vraiment de direction (NDLR: l’interview a eu lieu avant la nomination de trois membres au Directoire). On sentait que c’était quelqu’un qui adorait le club. Sa mort m’a beaucoup affecté. J’en ai parlé avec un certain nombre de joueurs, on en revenait pas. Dans les coulisses, on parlait de sa mort en se demandant si ce n’était pas un suicide, un meurtre ! Ça a provoqué de nombreuses histoires. Je pense que son projet CSP 3.0 allait dans le bon sens même si je n’ai pas toujours été d’accord avec la façon dont il voulait le mettre en place, mais les objectifs étaient très sains. Depuis cette saison on voyait que le CSP prenait le bon train car le défi de Limoges, c’est de se moderniser et survivre. On parle de grands clubs depuis de nombreuses années mais Limoges est encore là mais qui sait si l’ASVEL avec Tony Parker aura un jour un club beaucoup plus fort que le reste de la France et si le CSP ne prend pas le bon train, il sera peut-être définitivement largué. On peut considérer que Frédéric Forte a mis le CSP dans le bon sillon. A savoir si le successeur sera meilleur que Frédéric Forte. Ça sera difficile. Frédéric Forte était critiqué mais le prochain le sera certainement encore davantage (rires).
A Limoges, ceux qui font le basket sont forcément sur le grill, que ce soit les joueurs, les coaches, les dirigeants ?
C’est très compliqué pour eux de survivre dans un univers qui est hostile en comparaison au reste de la France. Il y a beaucoup de passion derrière ce club et la difficulté c’est de pouvoir la gérer en travaillant dans une ambiance saine. Qui plus est c’est un club politique. La mairie a été remportée par Emile-Roger Lombertie en partie parce qu’il avait proposé une nouvelle salle. Et le meilleur hommage que l’on pourrait faire à Frédéric Forte c’est la création d’une nouvelle salle. C’est un débat, à mon avis, sans fin car la municipalité n’a pas envie de le faire et surtout pas les moyens financiers. Bref, on se rend compte que le président du CSP a une importance dans la ville, c’est en fait l’ambassadeur d’un territoire et on a perdu cet ambassadeur. C’est vraiment triste.
« Sociologiquement, le Limousin a toujours eu du mal à aimer la modernité. C’est pour ça que l’on n’a pas encore eu l’américanisation mais qui viendra un jour ou l’autre »
Comment expliquer que Beaublanc soit finalement le dernier vestige des années 60-70 quand les salles de basket en France étaient souvent brûlantes, quand le public était proche de son équipe, alors qu’aujourd’hui la Pro A tend vers l’entertainement comme la NBA ?
Je pense que l’on a une population qui est un peu insulaire. Le Limousin est très enclavé. Conséquence, toutes les activités qui ont rapport avec le Limousin provoquent d’une façon générale un certain engouement. Beaublanc est un des rares endroits à Limoges où on peut communier de façon collective. Par ailleurs, nous avons une population assez âgée qui transmet ses plaisirs aux jeunes générations. C’est pour ça que l’on n’a pas bougé d’époque au niveau de l’ambiance. L’autre fait c’est que l’on est un des rares clubs à avoir connu une ascension très fulgurante avec des coupes d’Europe qui ont émaillé son parcours qui font que l’on a toujours voulu imiter les Grecs, les Yougoslaves, les ambiances espagnoles et italiennes. Il y a un aspect filial, on parle de CSP Nation. C’est d’autant plus renforcé avec la disparition de notre région. Etre Limousin se vit à Beaublanc. Le fait d’appartenir à la famille du CSP c’est clairement revendiquer ses origines. Ça fait peut-être appel aux souvenirs donc les gens ne sont pas prêts de changer dans notre région. Sociologiquement, le Limousin a toujours eu du mal à aimer la modernité. C’est pour ça que l’on n’a pas encore eu l’américanisation mais qui viendra un jour ou l’autre. L’ambiance à Beaublanc a quand même changé quelque peu depuis une dizaine d’années notamment quand on regarde les tribunes basses VIP où il y a de moins en moins de gens qui gueulent après les arbitres et les joueurs de l’équipe adverse. Même si ça reste très bouillant vis-à-vis de la moyenne générale (rires) !
Cette ambiance survit grâce aux chants des Utras Green qui sont uniques en France et à la formidable caisse de résonnance que constitue le plafond de la salle ? Et s’il n’y avait pas ces deux éléments, l’ambiance serait peut-être comme ailleurs ?
Je trouve que le plus important c’est la caisse de résonnance. C’est ce qui nous permet de rester dans une ambiance très bruyante. Peu importe où l’on est à Beaublanc, si l’on crie, on a une résonnance qui descend directement sur le terrain comme dans les amphithéâtres romains. C’est un côté magique qui fait que cette salle est indémodable au niveau du bruit. Ça nous permet de maintenir des ambiances qu’ont eu à une certaine époque Le Mans ou Tours ou Berck. La grande différence vis-à-vis des salles des années 60-70, c’est qu’il y a en effet des Ultras qui portent Beaublanc avec les autres clubs de supporters. Le nouveau public est mélangé dans Beaublanc avec les supporters traditionnels non encartés. Mais jusqu’à quand cette ambiance sera-t-elle maintenue ? Il y a de nombreux matches à Beaublanc qui sont assez tristes au niveau de l’ambiance en comparaison d’ambiances que l’on a connu récemment. En 2010, on se souvient tous de l’ambiance de Limoges/Pau-Orthez (NDLR : en Pro B). Tout le public portait l’équipe. Aujourd’hui, s’il y en a deux ou trois milles qui la portent, c’est énorme. Il y a quand même un changement dans ce club-là. C’est là-dessus que Forte a été critiqué en partie avec la politique des prix, la création de VIP, l’espace « Mini-Taux » où l’on peut boire son champagne. Ça influe sur l’ambiance mais pas trop non plus. Il faut être modéré dans le fait que ça aurait trop américanisé Beaublanc. Il y a des salles en Grèce où il y a des espaces VIP et ça n’a pas pour autant changé l’ambiance. D’aillelurs, parfois l’ambiance en Grèce, c’est un peu trop !
« C’est peut-être du modèle italien que la France devrait s’inspirer car l’Italie, ce n’est pas la Grèce et les clubs de supporters vont rarement au clash »
Regrettez-vous ainsi de ne pas avoir une vraie réplique des supporters béarnais ? Vous vous sentez un peu tout seul et on a l’impression que vous cherchez une adversité du côté de Strasbourg ?
Oui ! A Pau-Orthez, l’opposition est quasiment nulle, au niveau vocal, des groupes de supporters. Il y a un nouveau groupe de supporters à Pau qui se sont dissociés des Peonès et avec qui on a eu quelques histoires, une bâche a été volée, mais à part ça il n’y a pas vraiment de tension. En effet, avons-nous aujourd’hui un véritable rival au niveau du public ? Ça a évolué à Strasbourg dans un certain sens mais c’est encore loin de nous atteindre. Cela explique peut-être aussi le fait que l’ambiance baisse à Limoges, c’est qu’on n’a pas de véritables publics rivaux en face de nous. Le Portel, c’est le carnaval et ils ne sont pas au top niveau de la Pro A, ils n’ont pas encore remporté de titres majeurs. Alors comme on n’a pas véritablement de rival en France, on cherche plutôt au niveau européen. Et là les Ultras Green sont à la ramasse en comparaison de ce qui se passe en Grèce et j’aimerais bien qu’il y ait une ambiance à la grecque en France. Si les Ultras Green imposaient leur marque, on aurait un championnat très intéressant visuellement et au niveau de nos oreilles. Il y aurait tout l’intérêt de visiter de nouvelles salles, de rencontrer des supporters aussi fiers que les Limougeauds. Ça ferait un bien fou au basket français. Même si le basket italien est mal actuellement, il conserve sa base de supporters dans de nombreuses salles. Pour le match d’Eurocup, on a vu quarante à cinquante supporters de Reggio Emilia à Beaublanc. C’est peut-être du modèle italien que la France devrait s’inspirer car l’Italie, ce n’est pas la Grèce et les clubs de supporters vont rarement au clash. Il y a l’ambiance française un peu bouillonnante des années 60, 70, ajoutée au côté Ultras unique par leurs chants et leur façon d’accompagner l’équipe de Limoges… pardon locale. Le CSP a complètement contaminé mon cerveau à tel point que j’ai eu un entretien d’embauche, il y a dix ans de ça, et on m’avait dit « on cherche un CSP+ ». Et moi j’avais répondu, « je suis un CSP Limoges ». Je suis complètement fana de mon club à tel point que parfois j’essaye de couper avec le basket parce que ça me rend fou (rires).
Comment peut-on expliquer que sur les réseaux sociaux les supporters de Limoges sont dix fois plus présents que sur les autres clubs mais que Beaublanc ne soit pas plein à chaque match alors que la salle n’est pas si grande que ça ?
Ce n’est pas plein et pourtant les supporters du CSP sont partout… Quand on va sur les réseaux sociaux, on a l’impression que Limoges est une mégalopole de plus de dix millions d’habitants ! (Rires) D’ailleurs, sur twitter, au niveau national le #CSPNATION était dans le top 10 des hashtags pour les titres de 2014 et 2015. Je pourrais faire un parallèle osé avec l’Histoire. A une époque, à Limoges, il y avait quasiment deux habitants sur trois qui étaient attachés à la grande coopérative. On pourrait dire que le CSP fonctionne comme une coopérative : il y a à peu près deux habitants sur trois qui suivent le CSP intensément. Le meilleur moyen de comprendre que le CSP Limoges est suivi par ses habitants et toute une région, c’est de se déplacer dans les marchés, les bureaux de tabac, les bars. On y comprend l’engouement autour de ce club-là. A chaque fois que je rentre dans un bar, on parle du CSP au bout d’une demi-heure, on va dire. J’ai été prof contractuel dans des collèges et des lycées et on me disait « on va a vu plusieurs fois à la télé, monsieur. » C’est vous qui êtes un Ultra ! D’autres collègues qui sont aussi supporters se font également reconnaître par les élèves. Des élèves qui vont deux fois à Beaublanc dans l’année et qui regardent une fois le match à la télé. On se rend compte que le CSP Limoges occupe une place à part entière.
Et pourtant, la moyenne de spectateurs à Pau, Villeurbanne, à Nancy quand ils étaient en Pro A, est supérieur à celle de Limoges. C’est paradoxal ?
Il y a beaucoup de gens qui ne vont pas à Beaublanc parce qu’ils pensent que c’est plein. Il serait intéressant de recouper avec le nombre d’abonnés à SFR car je pense qu’il y a beaucoup de Limougeauds qui ont opté pour SFR Sports puisque quasiment tous les matches à Beaublanc sont retransmis. Il n’y a plus une nécessité de se déplacer. Mais c’est très difficile à expliquer pourquoi à Limoges la salle n’est pas pleine alors qu’ailleurs les clubs n’ont pas beaucoup de mal à remplir leurs salles.
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C’est vous qui avez créé ou enrichi la page Wikipedia du CSP ?
Oui. Elle est énorme vis-à-vis de ses homologues français, que ce soit l’ASVEL, Nancy… Quel club possède une page Wikipedia de cette taille-là ? J’ai passé trois ou quatre ans pour la rédiger. Je l’ai laissée un peu en jachère car c’est un boulot énorme. Quand j’étais étudiant, je pouvais y consacrer mon temps libre. C’est une fierté de l’avoir construite en apportant une rigueur, en sourçant un maximum de passages, en trouvant les bonnes informations. Le problème de cette encyclopédie numérique c’est que l’on peut se retrouver du jour au lendemain avec une phrase totalement différente et des informations erronées. Par contre c’est là où on trouve le maximum d’informations et où on va jeter un premier coup d’œil. On s’aperçoit que la première passion des Wikipédiens qui s’intéressent au basket-ball, c’est la NBA.
C’est aussi parce qu’il est plus facile d’avoir de l’information en anglais sur la NBA puis de la traduire que d’aller chercher de l’info sur le basket français à la source !
C’est pour sa rareté que je m’intéresse au basket français !
Vous êtes aussi chroniqueur à la radio ?
Je suis chroniqueur sur la radio Beaub’FM pour l’émission « Le Cercle ». C’est généralement le mardi entre 18h et 19h. J’anime cette émission avec des personnalités locales d’un groupe musical assez connu « Gala et les Hooligans Dissidents ». C’est une émission qui a un côté davantage supporter que professionnel, très sérieux qu’il y a dans les autres émissions de radio. Nos interventions sont libres. Ces deux dernières saisons quand le CSP avait de très mauvais résultat avec de nombreux problèmes en interne, c’est plus facile de s’exprimer sur une radio libre que sur France Bleu. Sachant que le CSP Limoges, c’est Dallas, il y a énormément de choses à raconter et forcément dans ce type d’émission, on a une position partisane.
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