Acteur important du triplé de l’Elan Chalon en 2012, Ilian Evtimov (2,01m, 38 ans) revient sur sa carrière, l’importance de son grand frère, Vasco, dans sa réussite mais aussi la place de son équipe par rapport au basket d’aujourd’hui. Entretien.
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Arrivé à Chalon en 2010, l’ailier franco-bulgare globe-trotter a su apporter pendant plus de 10 ans sa science du tir mais aussi sa culture de l’effort acquise auprès de son père Ilia et de son frère Vasco. Entre ses joutes universitaires américaines et sa volonté de jouer à Chalon où il a trouvé plus d’une famille, Ilian Evtimov s’est entretenu avec Basket Europe quelques semaines après son retrait de maillot par son club de cœur.
Comment allez-vous ?
Je vais bien merci. Je me suis un peu éloigné du basket en ce moment, même si je vais encore aux matchs de basket de mon frère qui est coach et quatrième du championnat bulgare. J’adore donner mon avis, mon opinion. Parfois, je fais quelques entraînements avec les joueurs quand il y a des blessés. Ça ne m’intéresse pas de jouer au niveau pro, c’est fait, c’est du passé. Aujourd’hui je vis en Bulgarie avec ma femme, mes 4 enfants et j’essaye de passer un maximum de temps avec eux. Quand on joue, on réalise qu’on n’a jamais le temps. A côté, je travaille pour une boîte de marketing américaine.
Les parquets ne vous manquent pas du tout ?
Ça me manque de faire le jeu, le match, l’adrénaline et de mettre des paniers et c’est pour ça que je le fais pour le fun. Je joue 3 fois par semaine. L’été, j’essaie de réunir des joueurs professionnels et je suis à l’aise avec eux, cette partie-là me manque. Ce qui ne me manque pas, c’est de ne pas être à la maison un week-end sur deux, de ne voir mes enfants qu’une heure par jour ou pendant mes petites vacances. Quand on joue 14-15 ans, ça fait beaucoup. Aujourd’hui j’ai la chance d’être à 100 % physiquement, ce qui n’arrive pas quand on est joueur avec des pépins à droite, à gauche. Me lever tous les matins sans avoir mal partout ça ne me manque pas !
A quel point êtes-vous impliqué dans le projet de votre frère ?
Mon frère a pris une équipe qui était avant-dernière et en une saison, il l’a fait terminer à la quatrième place, ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps. Cette année , ils sont de nouveau quatrièmes mais avec plus de victoires. Quand il était joueur, il criait beaucoup mais sur le terrain c’est pire (Rires). J’ai fait 2-3 matchs avec lui en pré-saison parce qu’il manquait des joueurs et j’ai adoré jouer pour lui. Il m’a même fait penser revenir au basket !
« Je joue 3 fois par semaine. L’été, j’essaie de réunir des joueurs professionnels et je suis à l’aise avec eux, cette partie-là me manque »
Quels liens avez-vous aujourd’hui avec votre père et votre frère ?
On est très proche, on parle souvent basket même si maintenant il n’y a plus que mon frère qui est dedans. Il adore que je lui donne mon point de vue sur des recrues. Parfois, je lui donne même des systèmes que j’utilisais avec Greg Beugnot, Philippe Hervé et Jean-Denys Choulet. On a beaucoup de conversations autour du basket, mais il comprend que tout ça c’est derrière moi. Avec mon père c’est pareil, on parle toujours de basket et des matchs de mon frère. Le basket reste un sujet assez vif dans la famille.
Comment se fait-il que votre frère et vous partiez dans des facs rivales aux Etats-Unis ? C’était un défi ?
Mon frère était dans une fac de New York et a été approché par de très belles universités. Il a choisi North Carolina entraîné par Dean Smith (NDLR : Coach de Michael Jordan) parce que c’était la seul fac qui ne lui garantissait pas de temps de jeu. Il a pris ça comme un défi. Il était top 10 au lycée dans la même cuvée que des Kobe Bryant, Stephen Jackson ou Jermaine O’Neal et a fait le choix de ne pas aller directement en NBA. Moi quand j’ai été scouté, c’était par des plus petites universités. Dans la dernière ligne droite, j’ai eu North Carolina State qui s’est intéressé à moi. Ça n’était pas une option mais le coach m’a vu sur un terrain et est tombé amoureux de mon jeu. Je suis allé là-bas pour être dans la même conférence que North Carolina. Pour l’anecdote, quand on les joue ma première année, Dean Smith, qui était à la retraite, a demandé à déjeuner avec moi. Il s’est excusé que North Carolina ne m’ait pas recruté, c’était un principe de famille. Du coup à ce match j’ai plutôt bien joué (8 points, 3 rebonds, 2 passes) et je me suis fait un prénom. Je pense qu’ils se sont dits qu’ils avaient fait une erreur. C’était un peu une vengeance pour moi.
D’ailleurs cette « rivalité » avec votre frère s’est poursuivi ensuite ?
Pendant notre première année pro, on était tous les deux en Italie à Bologne. Moi à la Virtus et lui à la Fortitudo. A l’époque, ces clubs étaient dans les 15 meilleurs d’Europe et, à part la rivalité entre l’Olympiakos et le Panathinaïkos, c’est l’une des plus grosses rivalités d’Europe. Moi j’allais à ses matchs sans problèmes mais lui quand il venait à mes matchs, il devait parfois se mettre tout en haut avec des gardes du corps.
Comment avez-vous atterri en France ? Était-ce une envie ?
Absolument. Après deux saisons à Francfort, je suis allé à Chypre parce que j’ai vu que l’équipe qui me proposait un contrat jouait contre Chalon en Eurochallenge. Mon but était de bien jouer contre Chalon et me faire remarquer. C’est exactement ce qui s’est passé. Au match aller j’ai mis 22 points (NDLR : 20 points) avec deux, trois paniers cruciaux à la fin. Après j’ai parlé avec Greg (NDL: Beugnot, le coach), il m’a dit : « T’as envie de revenir en France ? » J’ai dit oui et après le match retour ça s’est fait rapidement.
« Mon but était de bien jouer contre Chalon et me faire remarquer. C’est exactement ce qui s’est passé »
Vous aviez un joueur en tant que modèle ?
Pour moi, ça a été vraiment mon frère. Il me traitait comme un petit frère, comme un fils, toujours là pour me guider. L’été on s’entraînait ensemble en Caroline du Nord avec des coéquipiers, des joueurs NBA et des anciens pros. On a toujours fonctionné en binôme et il me poussait tellement en me disant : « J’ai fait les erreurs pour nous deux ».
Comment pourriez-vous décrire votre style de jeu ?
J’étais un 4 moderne mais à l’époque il n’y en avait pas beaucoup. A mon époque, on jouait encore beaucoup avec 2 intérieurs. J’étais plus petit que la majorité de mes adversaires mais je leur créais des gros problèmes en ouvrant de l’espace pour les postes 5. Lorsqu’on avait un grand poste 3 comme Blake Schilb à Chalon, il y avait beaucoup de post-ups. Et moi, j’attendais sur les extérieurs ce qui lui donnait beaucoup d’espace. C’est dans ces conditions que j’étais à mon meilleur niveau.
En parlant de Blake Schilb, quels sont vos souvenirs marquants de cette époque Chalon ?
C’est le triplé (NDLR : Championnat, Coupe de France, Semaine des As 2012) bien évidemment, mais c’est aussi là-bas que j’ai démarré une famille. Avec mon épouse, on a débarqué à Chalon et un an après, on a eu mon fils. En 6 ans, deux de mes enfants sont nés là-bas. Je garde un très bon souvenir des gens là-bas, très chaleureux, très humains. Eux aussi, nous ont accueilli comme une famille finalement. Quand je suis revenu pour mon retrait de maillot, ils nous ont accueilli de la même manière. Je retiens surtout l’humain de tout ça.
En dehors de votre retrait de maillot, est-ce que le club a prévu quelque chose pour honorer l’équipe ?
Alors pour fêter les 10 ans, ça va être dur parce que beaucoup de monde est encore joueur ou entraîneur comme Steed (Tchicamboud). Je ne sais pas s’ils ont prévu quelque chose mais je pense que tout le monde viendrait. Avec tous ces gars-là on a un lien spécial.
Vous êtes toujours en contact avec des coéquipiers ?
Je parle toujours avec Steed et Nicolas Lang mais aussi Jordan Aboudou. On parle aussi avec Greg de temps en temps surtout lors de mon retour d’il y a quelques semaines. Même avec les jeunes de l’époque comme David Michineau, que j’ai retrouvé à Cholet, ou Joffrey Lauvergne, on se parle mais pas tous les jours non plus.
Qu’est ce qui a fait la recette de votre succès ?
Ce qui était incroyable, c’est que Greg a réussi à réunir des gens qui avaient quelque chose à prouver. Soit des joueurs de Pro B qui voulaient monter qu’ils avaient le niveau pro A, soit qui revenaient de blessures ou qui voulaient montrer qu’ils avaient les épaules pour de plus grandes responsabilités. Il y a ajouté 2-3 jeunes futures stars et c’était la clé. Moi, je voulais prouver que j’avais le niveau pour la France, Steed qu’il pouvait être un meneur gestionnaire, JBAM voulait monter que c’était un joueur de Pro A, Blake voulait montrer qu’il pouvait mener une équipe vers un titre. Nicolas Lang et Joffrey Lauvergne voulaient se faire leur place malgré leur jeunesse.
Avec tous ses objectifs différents, il n’y a pas eu des conflits d’intérêts ?
Je pense que tout le monde a compris que pour qu’on gagne tous quelque chose, il allait falloir respecter ce que le coach disait et on avait une confiance aveugle dans le coach. Lui, il savait exactement ce qu’il voulait faire. Au début quand Malcom Delaney est venu, il y a eu quelques soucis parce que c’était un américain jamais sorti de son pays et ça a pris un ou deux mois à coller. Chalon a même chercher à le remplacer. Finalement, on l’a gardé et on a bien fait. Il a appris à être un joueur d’Euroleague, c’est à dire ne pas toujours chercher à être le meilleur marqueur.
« Moi, je voulais prouver que j’avais le niveau pour la France »
Quelle était la force de cette équipe ?
C’était la compréhension du jeu. En un regard, on savait exactement qui devait donner la balle où et à quel moment. Ma mère me disait toujours : « Quand on vous regarde jouer, c’est comme une symphonie de Mozart. » D’ailleurs je me rappelle que les spectateurs nous applaudissaient non pas après un smash mais après une belle action collective car ils voyaient que c’était plus que du basket. Ça je ne m’en suis pas rendu compte sur le coup mais bien des années après.
Est-ce qu’aujourd’hui vous retrouvez le style de Chalon dans une équipe actuelle ?
Plus le temps passe, plus j’accorde de la valeur à ce qu’on a fait et plus les gens comprennent que c’est ultra difficile. Depuis qu’on l’a fait, personne ne s’est rapproché de nous. Surtout qu’à notre époque les budgets étaient assez similaires donc c’était encore plus compétitif. Lorsqu’on voit aujourd’hui des équipes avec des budgets faramineux, on peut se dire que ça va être plus facile mais on se rend compte que ça n’est pas le cas. Faire ce qu’on a fait, je pense que ça va rester très longtemps dans l’histoire. Parfois la nouvelle génération ne comprend pas trop parce qu’ils ne savent pas ce que ça veut dire de gagner un titre. Lutter pendant 5-10 ans pour décrocher un titre, seuls les anciens peuvent l’apprécier un peu plus.
C’était mieux avant en somme ?
Je pense qu’aujourd’hui le jeu a beaucoup évolué. On est beaucoup plus basé sur le talent, en tout cas c’est ce que je ressens ces dernières années. Nous en 2012, on était pile dans cette transition de basket collectif à basket de talents. Ça n’est pas une mauvaise chose mais c’est complètement différent. Je sais que si on reprenait notre équipe de l’époque et qu’on rejouait aujourd’hui , je pense qu’il y aurait de très beaux matchs. On ne gagnerait pas à chaque fois mais on donnerait certaines leçons de basket collectif. A l’époque, Greg nous faisait courir pendant 2 semaines à Thonon-les-Bains, c’était un enfer. Il y en a qui voyaient les anges. Aujourd’hui, il n’y a plus cette manière de faire old-school qu’a connu mon père par exemple.
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Arrivé à Chalon en 2010, l’ailier franco-bulgare globe-trotter a su apporter pendant plus de 10 ans sa science du tir mais aussi sa culture de l’effort acquise auprès de son père Ilia et de son frère Vasco. Entre ses joutes universitaires américaines et sa volonté de jouer à Chalon où il a trouvé plus d’une famille, Ilian Evtimov s’est entretenu avec Basket Europe quelques semaines après son retrait de maillot par son club de cœur.
Comment allez-vous ?
Je vais bien merci. Je me suis un peu éloigné du basket en ce moment, même si je vais encore aux matchs de basket de mon frère qui est coach et quatrième du championnat bulgare. J’adore donner mon avis, mon opinion. Parfois, je fais quelques entraînements avec les joueurs quand il y a des blessés. Ça ne m’intéresse pas de jouer au niveau pro, c’est fait, c’est du passé. Aujourd’hui je vis en Bulgarie avec ma femme, mes 4 enfants et j’essaye de passer un maximum de temps avec eux. Quand on joue, on réalise qu’on a jamais le temps. A côté, je travaille pour une boîte de marketing américaine.
Les parquets ne vous manquent pas du tout ?
Ça me manque de faire le jeu, le match, l’adrénaline et de mettre des paniers et c’est pour ça que je le fais pour le fun. Je joue 3 fois par semaine. L’été, j’essaie de réunir des joueurs professionnels et je suis à l’aise avec eux, cette partie-là me manque.
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Photos : Elan Chalon