À son arrivée à la présidence de l’ASVEL en 2017, Tony Parker a investi dans sa propre boite de production, Infinity Nine Media, dans le but de raconter des histoires autour du basket. Chargée notamment de la communication du club villeurbannais mais aussi de projets audiovisuels comme le documentaire Netflix « Tony Parker : The Final Shot », c’est la seule entreprise externalisée d’un club de basket français.
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« Ce n’est que le début ». A chaque nouvelle réussite, à chaque nouveau trophée depuis l’arrivée de Tony Parker à la tête de l’ASVEL en 2017, le président n’a de cesse de répéter le même crédo, celui de la patience et du triomphe. Une vision de businessman à court, moyen et long terme, qui le rend unique à plus d’un titre. Un exemple ? L’ancien numéro 9 des Spurs a choisi d’investir dans sa propre boite de production : Infinity Nine Media. Au départ afin d’assurer, entre autres, la communication de la section masculine et féminine, puis celle son académie de basket fonctionnelle depuis 2019, la Tony Parker Adéquat Academy, mais pas uniquement. « Quand Tony a repris l’entité ASVEL, il était intéressé par la partie communication et animation, mais il a amené la partie production audiovisuelle. L’idée de Tony, c’était de raconter des histoires et de faire parler du basket. Et le meilleur moyen pour le faire, c’était de produire nous-mêmes des reportages », explique le président d’Infinity Nine Media, Éric Garcia.
C’est ainsi que lorsque Tony Parker est devenu actionnaire majoritaire, il a repris, avec Nicolas Batum, la boîte d’Éric Garcia créée en 2006 sous le nom d’Equinoxe Création, qui fournissait à l’origine les attachés de presse de l’ASVEL, pour lancer Infinity Nine Media. Celle-ci est à ce jour constituée de six salariés à plein temps, tous chefs de projets et polyvalents en interne. Ce qui permet d’avoir un référent par domaine mais aussi plusieurs personnes sur le pont selon l’ampleur de l’événement. « Il est difficile pour les clubs de mobiliser cinq personnes le même soir. L’avantage qu’on a, c’est d’avoir une puissance de frappe sur les matches mais aussi en dehors car chacun peut apporter un renfort sur un instant très précis, avec une vision à 360° sur les compétences : chacun est capable d’évoluer pour les différentes structures », détaille le président de la boîte.
Un fonctionnement aussi rendu possible par la force des choses : l’association des sections masculine et féminine, rejointes par l’académie. Des entités différentes mais « une même famille », ce qui n’est pas le cas des autres structures de l’Hexagone. Il s’agit même de la seule boite externalisée d’un club en France. L’AS Monaco travaille avec le service de communication de l’Etat monégasque, certains clubs de Betclic Élite ont plusieurs salariés en charge de la communication avec parfois un pôle vidéo mais ils sont généralement salariés du club. Ce qui rend l’entreprise de TP unique en son genre.
« Quand des observateurs nous voient à plusieurs sur un match, avec beaucoup de matériel, ils se disent : « C’est facile parce que vous êtes le club de Tony Parker ». Mais ce n’est pas du tout comme ça qu’on fonctionne »
De premier abord, ce fonctionnement a pu étonner certains suiveurs, voire susciter des jalousies car les ressources humaines sont importantes mais aussi les ressources matérielles. Une réalité qui est en fait la résultante d’un modèle économique qui vise à être rentable, à diversifier les sources de revenus en dehors des ressources sportives pour les réinjecter dans le basket. Dans la même lignée par exemple que celle du voisin de l’Olympique Lyonnais – entré dans le capital de l’ASVEL en 2019 – et du club villeurbannais en lui-même, qui vont construire, ensemble, une nouvelle Arena capable d’accueillir une multitude d’événements parmi les matches d’Euroleague (livraison prévue fin 2023).
« Quand des observateurs nous voient à quatre ou cinq sur un match, avec beaucoup de matériel, ils se disent : « C’est facile parce que vous êtes le club de Tony Parker ». Mais ce n’est pas du tout comme ça qu’on fonctionne. On a aussi des notions de rentabilité au sein de notre entreprise. La rentabilité, on va la chercher sur des projets parallèles au basket : des soirées partenaires, des vidéos d’entreprise qui n’ont parfois rien à voir avec le basket… On contribue à apporter des moyens à ce sport, à valoriser le club par ces valeurs externes. Ce qui nous permet d’avoir deux caméras, un réalisateur sur des matches des féminines par exemple », soutient Éric Garcia.
« C’est aussi leur capacité d’écoute et d’observation qui fait que Tony et Nico sont forts. Quand ils mettent en place des choses. Ils ont une forme d’humilité, cette volonté de faire confiance et cette vision »
Alexia Leduc, manager opérationnelle, en charge notamment de la communication de l’académie et Bastien Giffon, responsable de communication et des relations presse de la section masculine de l’ASVEL, font partie des six salariés d’Infinity Nine Media. Ils sont arrivés en 2012 dans l’ancienne structure, cinq ans avant Tony Parker, et ont vécu le changement de l’intérieur, sans que cela ne bouleverse leurs habitudes. « L’arrivée de Tony a clairement donné une nouvelle impulsion, une portée complètement différente. Le documentaire Netflix (lire ci-dessous) par exemple, ce sont des portes qui s’ouvrent notamment grâce à Tony. Ça nous a ouvert à d’autres opportunités mais nous avons gardé notre âme et notre état d’esprit », explique Alexia Leduc.
« Ça aurait été tellement facile pour Tony et Nico d’arriver et de dire : « Je ne vous connais pas, merci au revoir ». Et au contraire, ils sont arrivés et nous ont dit « vous êtes en place depuis plus longtemps que nous ». Ils en ont sûrement conclu que ça marchait », note Bastien Giffon. Éric Garcia voit en ceci un signe que « tout a changé avec l’arrivée de Tony, mais rien n’a changé ». « Les compétences étaient déjà là et elles ont été mises au service du basket. C’est aussi leur capacité d’écoute et d’observation qui fait que Tony et Nico sont forts. Quand ils mettent en place des choses, ils ont une forme d’humilité, cette volonté de faire confiance et cette vision. »
« Tony Parker : The Final Shot », l’ouverture du champ des possibles
Infinity Nine Media est une entité à trois pôles : communication (sections masculine, féminine, TP Academy), animation d’épreuves sportives (speakers, organisation de la SaintéLyon par exemple), et production audiovisuelle (documentaires notamment). Le dernier du triptyque a d’ailleurs été introduit dans l’entreprise par le président de l’ASVEL en lui-même. C’est à cet effet qu’Infinity Nine Media a notamment co-produit plusieurs documentaires sur son actionnaire, notamment « Tony Parker : The Final Shot » disponible sur Netflix. Un projet long de quatre ans, dont trois années de tournage.
Si d’autres projets sont en cours, en rapport direct ou indirect avec la balle orange, la boite de production est aussi connue dans le milieu pour sa série-documentaire « We Are ASVEL », diffusée lors de la saison 2019-2020 sur RMC Sport (qui détenait les droits des coupes d’Europe) puis reprise par OL TV (qui diffusait des matches d’Euroleague féminine) la saison dernière. Quid de son futur ? « La série « We are ASVEL » est fortement liée au diffuseur du basket mais aujourd’hui, on a tous le même questionnement. Cette série, c’est un vrai produit complémentaire au diffuseur, comme ça avait été le cas ces deux saisons. Quid des droits TV du basket ? On est dans l’attente mais en même temps, il faudra peut-être qu’on soit générateurs d’initiatives pour faire parler du basket en France car c’est quand même notre mission principale », précise Éric Garcia.
De Théo Maledon à Victor Wembanyama
En attendant, l’ASVEL a d’autres cordes à son arc pour faire parler d’elle. Le club villeurbannais a officialisé sa licence permanente en Euroleague en fin de saison dernière puis recruté à l’intersaison deux joueurs à l’aura de superstars : Kostas Antetokounmpo, champion NBA et frère du double MVP de NBA Giannis, et Victor Wembanyama, potentiel futur n°1 de draft NBA. « Il faut les mettre sur le devant de la scène mais il ne faut pas les brûler non plus, estime Bastien Giffon. Victor a 17 ans, il demande encore l’avis de ses parents pour beaucoup de choses, c’est normal. Il y a un équilibre à trouver entre faire parler de lui, parce que l’objectif est de l’emmener au sommet de la draft NBA, et le fait qu’il soit bon au prochain match. On en discute entre nous, avec lui et son entourage. Il est très bien entouré. »
Le responsable des relations presse de l’ASVEL a déjà reçu plus d’une trentaine de demandes depuis l’arrivée de Victor Wembanyama il y a tout juste quelques semaines : JT de M6, ESPN, L’Équipe Magazine… « Ce sont des choses qui ne sont jamais arrivées, reprend Bastien Giffon. Habituellement, au Media Day de la LNB, il y a une trentaine de journalistes. Là il y en avait le double, et la plupart ne venaient que pour lui. » Idem pour Kostas Antetokounmpo. « L’idée d’Infinity Nine Media, c’est aussi d’exposer les joueurs à des médias que d’autres clubs ne pourraient pas exposer. L’Euroleague nous a apporté cette audience. A nous de cultiver cela et de le développer. Tony nous a apporté de la lumière lors du rachat, on a eu Théo Maledon ensuite. Cette année, on a Kostas Antetokounmpo et Victor Wembanyama, il faut vraiment surfer là-dessus. Ce sont des opportunités qu’il faut saisir. »
« Notre leitmotiv, c’est celui que Tony impulse à l’ensemble de ses équipes : tenter de nouvelles choses, se remettre en question, travailler et apprendre de ses échecs »
La boite de production a vocation à poursuivre son développement, comme celui du basket, et ainsi continuer à faire parler de balle orange tout en s’adressant à une communauté plurielle, notamment avec l’ouverture de l’Olympique Lyonnais vers l’ASVEL. « Pour nous, OL TV est par exemple une super opportunité de parler de basket. Notre volonté est de poursuivre le développement et nous adresser notamment à la communauté football, qui est avant tout une communauté de fans de sports », détaille le président d’Infinity Nine Media, qui collabore par ailleurs avec BFM Lyon pour proposer chaque semaine un magazine de sport, avec le LOU Rugby et l’ASVEL, et qui commente les matches villeurbannais sur la radio locale Tonic Radio.
Pour ces six employés, dont la plupart viennent aux matches de l’équipe de T.J. Parker même les soirs où ils ne travaillent pas, c’est la passion qui fait la différence, et qui continuera à le faire. « On apprend tous les jours, Tony nous le rappelle mais c’était aussi nos valeurs avant qu’il arrive, conclut Éric Garcia. Notre leitmotiv, c’est celui que Tony impulse à l’ensemble de ses équipes : tenter de nouvelles choses, se remettre en question, travailler et apprendre de ses échecs. Ce qui motive Tony, c’est de gagner des titres, c’est écrit ici sur les murs de l’Astroballe. Nous, ce qui nous motive à Infinity Nine Media, c’est de gagner des titres dans notre cour à nous. » Avec toujours au coeur du projet l’idée qu’une histoire n’existe pas si elle n’est pas racontée.
Photo : Tony Parker / David Lighty (Infinity Nine Media)