Depuis le 1er juin 2019, Agnès St Ges est la nouvelle Présidente Directrice Générale du Bourges Basket. Cette Directrice d’une entreprise de maisons individuelles succède à la référence du sport féminin français, Pierre Fosset, qui a tenu la barre pendant 26 ans et emmené le club sur les sommets européens avec notamment un triplé en Euroleague (1997, 98 et 2001). Elle gère un immense héritage dans un contexte sanitaire et économique épouvantable suite à la pandémie de Covid-19.
Voici la 2e partie de l’interview.
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Votre meilleur coup sur le marché à l’inter-saison, c’est d’avoir fait resigné Alexia Chartereau et Iliana Rupert ? C’est pour vous l’assurance de demeurer au sommet national ?
Lorsque j’ai pris la présidence avec Valentin (Cavelier), nous avons souhaité écrire notre programme « Tango 2024 ». Nous avons voulu nous inscrire dans une continuité avec différents axes. Il fallait impérativement continuer à renforcer le centre de formation car ce sont les pépites de demain. Il y avait l’aspect économique pur du club que l’on a complètement mis en parenthèses aujourd’hui à cause du covid. On avait l’ambition d’aller chercher des partenaires différents, être novateur dans certains domaines, et de faire monter notre budget. On voulait organiser le Final Four et le faire l’année dernière car on était plutôt bien parti. Pierre (Fosset) voulait le faire avant d’arrêter et je lui ai toujours dit que dès que l’on pourra, on le fera. Ça aussi c’est totalement arrêté. C’était aussi de nouveau écrire une histoire et dans la durée, que ce soit avec les gens du staff et l’équipe. Pour nous, il est important de continuer cet ADN. On entend souvent dire qu’à Bourges, on a trouvé des pépites sorties de l’INSEP ou du centre de formation mais qu’à chaque fois, elles s’en vont. A l’époque c’était à l’étranger, maintenant à Lyon, et c’est normal, c’est la concurrence. Quand on a discuté avec le coach, la priorité c’était effectivement de renouveler Alexia et Iliana. Et aujourd’hui Alexia est la joueuse la plus ancienne de l’équipe alors qu’elle n’a que 22 ans (NDLR : elle est arrivée dans le Cher en 2016). On a longuement échangé avec elle lors d’un déplacement à Prague. On a parlé de son avenir professionnel de sportive de haut niveau, de son avenir personnel. Ce sont des choses qui ne se faisaient pas forcément avant. Comme le dit Valentin, c’est la touch féminine. Pour moi c’est important d’être au contact des gens et même s’il y a des agents, j’ai parfois envie de casser les codes.
Vous croyez que c’est possible de motiver une joueuse pour qu’elle fasse une carrière dans un club de la longueur de celles de Yannick Souvré et Cathy Melain ?
Je ne pense pas, pas aujourd’hui. Il y aussi (Amel) Bouderra à Charleville mais je pense que ce genre d’expérience c’est fini. Les filles qui sont passées à Bourges, qui ont transpiré avec le maillot, et y ont fait leur carrière, aujourd’hui… j’aimerais bien… mais j’y crois moins.
« A Bourges, le budget est de 3,5M€ alors qu’à Ekaterinbourg c’est entre 12 et 15M€ »
Vous n’avez que deux étrangères, Elin Eldebrink et Marissa Coleman. C’est un choix stratégique, financier ? Lorsque l’on voit Prague ou Sopron ce sont souvent deux Américaines qui font la différence ?
A Sopron si vous prenez (Gabby) Williams et (Briann) January, c’est sûr. A elles deux, elles font le score.
Vous n’avez pas les moyens financiers d’avoir ce type de joueuses ?
Je ne dirai pas ça. C’est le coach qui fait le choix de son équipe, les orientations qui ont été faites cette année avec seulement le renouvellement de trois joueuses, alors que l’année d’avant c’était 50% de l’équipe. Si vous prenez comme exemple notre match contre Sopron, les gens ont tendance à occulter le fait que nous avions trois joueuses en moins dont nos deux étrangères. Elin Eldebrink est blessée alors que c’est notre meneuse principale. Marissa Coleman est aussi une joueuse majeure. C’est un impact énorme. On a remplacé Iliana (Rupert) au pied levé par Kristen Mann. Cette année, on a une équipe avec 10 joueuses pros et une du centre de formation, on avait tous les postes qui étaient doublés. C’est le coach qui pourrait mieux en parler que moi mais on est effectivement boiteux parce que notre équipe est loin d’être au complet, même si on ne veut pas se chercher des excuses. C’est Olivier (Lafargue) qui a fait ce choix avec beaucoup de Françaises. Est-ce que c’est le fait qu’il soit proche de l’équipe de France ? Mais on a pu voir sur les cinq premiers matches de Ligue Féminine que ce choix est bon. Et il y a un fort potentiel individuel sur chaque joueuse. On ne peut pas être plus au creux dans la vague que ce que l’on a vécu la semaine dernière.
Ma question était plutôt dans le sens que les meilleures joueuses étrangères, qui sont essentiellement Américaines, sont à des salaires qui vont de 500 000€ à un million ?
Bien sûr, à Ekaterinbourg, il y a des salaires qui sont à ces sommes-là. On n’est pas dans la même cour. A Bourges, le budget est de 3,5M€ alors qu’à Ekaterinbourg c’est entre 12 et 15M€. Certains clubs français font le choix de miser sur une joueuse et de l’entourer de joueuses moyennes, nous on table sur différentes joueuses de qualité pour créer un bon collectif. Et on sait que le collectif est important dans l’hypothèse de la gagne future.
Avant la pandémie, vous avez fait des matches d’Euroleague et de Villeneuve d’Ascq devant 4 500 spectateurs. Votre objectif était alors de remplir le Prado ?
Le Prado fait 5 027. C’est ce que je disais : avant le Covid, on a fait 4 000 spectateurs en moyenne. Cela veut dire que pour un match à forte affiche comme lorsque l’on reçoit Ekateribourg, on est à 4 700, 4 800. Et pour des matches de bas de tableau, on est à 3 600, 3 400, quand ça tombe un dimanche, pendant les vacances scolaires, etc.
C’est une moyenne qui vous place dans le top 3 européen ?
Oui et on est extrêmement envié au niveau de notre salle. C’est tout le travail fait par Pierre (Fosset) et les anciennes municipalités d’avoir un outil exceptionnel qui est un véritable écrin. En féminin, il n’y a pas je pense de salle équivalente et en masculin, il y a des équipes qui n’ont pas un outil comme le nôtre (NDLR : avec cette moyenne, Bourges se situerait en affluences en 9e position en Jeep Elite et 1er en Pro B).
Le projet Tango Bourges Basket 2024 était de faire passer votre budget de 3,5M€ à 4M€. C’est quelque chose que vous avez toujours en tête mais en changeant l’appellation 2024 ?
Pour rien vous cacher, cette crise Covid a un impact à l’instant T. On sait que dans le milieu du sport, les entreprises partenaires nous aident quand leur entreprise va très bien, et que ce que l’on subit aujourd’hui va avoir un impact sur un, deux, trois ans. Il est donc fort possible que ce soit reporté. Pourquoi l’avait-on appelé « Tango 2024 » lorsque j’ai pris la présidence c’est parce qu’il y avait cette visibilité avec les Jeux Olympiques.
« Pour moi, ce n’est pas un combat, l’homme, la femme, l’égalité, etc »
Votre ambition c’est de jouer l’Euroleague sans discontinuer comme depuis 25 ans, de reconquérir le titre de champion de France, de gagner des trophées, de continuer à être la référence du basket féminin en France puisque la ville a aussi organisé le Tournoi de Qualification Olympique et un Euro U16 en 2017 ?
En prenant la présidence, j’ai dit que mon objectif était de continuer tout ce qui a été fait par l’ancien président au niveau du club. Donc il est évident que notre objectif est que notre club continue d’être au sommet national et international, au niveau le plus élevé, que l’on continue de développer l’image du sport féminin, à travers notre ville et notre département. Pour nous c’est indispensable.
Vous n’êtes toujours pas sur Bourges concurrencé par d’autres sports ?
On a effectivement cette chance à Bourges de ne pas être concurrencé et il n’y a que les Tango en sport professionnel. Maintenant, il y a deux clubs de N2 en foot et dans le 58 (Nièvre), qui jouxte, il y a du rugby. On peut être concurrencé et c’est pour cela qu’il est important de toujours exister et surtout de ne pas se dire, on traverse un tsunami, on fait le choix de se mettre entre parenthèses et on reviendra plus tard. Surtout pas car les gens ont vite fait d’oublier et de passer à autre chose. Il n’y a pas que des passionnés ! Lorsque l’on a fait le choix de faire de chaque match un véritable spectacle -même si on n’est pas aux Etats-Unis- c’est que l’on voulait que les gens arrivent une heure avant, prenne le temps de déambuler dans tout l’outil, qu’ils puissent consommer. On veut faire de chaque match un évènement. On était bien parti sur cette lancée. A travers le sport, mettre en interactivité avec tout ce qui se passe sur le territoire. On a de super pépites sur le territoire comme Signatec Alpine qui est champion du monde de LMP2. On les a fait venir avec le prototype. Les gens ne sont pas venus pour voir le match de basket mais pour faire une photo avec les pilotes. On a fait des interactions avec des clubs de foot. On a la possibilité que ce soit le sport, la culture ou l’associatif, de continuer à faire rayonner Bourges en tant que capitale du sport féminin.
Il y a trois femmes présidentes en Ligue Féminine avec Marie-Laure Lafargue à Basket Landes et Sophie Obama à Lyon. Croyez-vous que ce soit un véritable changement dans les mœurs du mouvement sportif ?
On en sourit souvent avec Marie-Laure et Marie-Sophie. Je crois surtout que ça montre que ce qui pouvait exister, il y a 10, 15, 20 ans… Pour moi, ce n’est pas un combat, l’homme, la femme, l’égalité, etc. Lorsqu’une femme prend un poste quelque qu’il soit, dans l’entreprise, l’associatif, dans n’importe quel domaine, quand elle s’engage c’est qu’elle a les compétences pour, qu’elle est motivée. Je peine à entendre le combat homme-femmes. Il y a des femmes qui prennent des responsabilités à des postes de très, très haut niveau dans n’importe quel domaine, en politique, dans des entreprises du CAC 40. On a la possibilité de s’exprimer et de montrer nos compétences, d’être choisi pour ça et non pas pour le fait d’être une femme. Je pense que pour Pierre ça avait beaucoup de sens que ce soit une femme qui lui succède par rapport à une équipe féminine. Comme à l’époque quand il m’avait sollicitée pour prendre la présidence du club des partenaires, en tant que Berruyère et chef d’entreprise. Comme il le dit souvent, pour lui ça coulait dans le sens, c’était la continuité.
Sans parler de quota, c’était quand même absurde qu’il n’y ait pas à une époque de femmes présidentes en Ligue Féminine, sans parler des clubs masculins. Il n’y a pas non plus beaucoup de femmes coaches ?
Il y en a de plus en plus. Regardez à Nantes, à Basket Landes. On est, je pense, dans un changement, dans un virage. Ça a d’autant plus de sens que des femmes prennent la suite de grands hommes ! (Rires) J’ai toujours été très admiratives de Pierre, de l’homme, de ce qu’il a fait. Il était journaliste, passionné de basket bien sûr, mais c’est une aventure qui a commencé avec des copains autour d’une table en créant le club. Quand on voit où le club est arrivé c’est exceptionnel ! Ce qui est magnifique, c’est la durée, le palmarès.
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Votre meilleur coup sur le marché à l’inter-saison, c’est d’avoir fait resigné Alexia Chartereau et Iliana Rupert ? C’est pour vous l’assurance de demeurer au sommet national ?
Lorsque j’ai pris la présidence avec Valentin (Cavelier), nous avons souhaité écrire notre programme « Tango 2024 ». Nous avons voulu nous inscrire dans une continuité avec différents axes. Il fallait impérativement continuer à renforcer le centre de formation car ce sont les pépites de demain. Il y avait l’aspect économique pur du club que l’on a complètement mis en parenthèses aujourd’hui à cause du covid. On avait l’ambition d’aller chercher des partenaires différents, être novateur dans certains domaines, et de faire monter notre budget. On voulait organiser le Final Four et le faire l’année dernière car on était plutôt bien parti. Pierre (Fosset) voulait le faire avant d’arrêter et je lui ai toujours dit que dès que l’on pourra, on le fera. Ça aussi c’est totalement arrêté. C’était aussi de nouveau écrire une histoire et dans la durée, que ce soit avec les gens du staff et l’équipe. Pour nous, il est important de continuer cet ADN. On entend souvent dire qu’à Bourges, on a trouvé des pépites sorties de l’INSEP ou du centre de formation mais qu’à chaque fois, elles s’en vont. A l’époque c’était à l’étranger, maintenant à Lyon, et c’est normal, c’est la concurrence. Quand on a discuté avec le coach, la priorité c’était effectivement de renouveler Alexia et Iliana. Et aujourd’hui Alexia est la joueuse la plus ancienne de l’équipe alors qu’elle n’a que 22 ans (NDLR : elle est arrivée dans le Cher en 2016). On a longuement échangé avec elle lors d’un déplacement à Prague. On a parlé de son avenir professionnel de sportive de haut niveau, de son avenir personnel. Ce sont des choses qui ne se faisaient pas forcément avant. Comme le dit Valentin, c’est la touch féminine. Pour moi c’est important d’être au contact des gens et même s’il y a des agents, j’ai parfois envie de casser les codes.
Vous croyez que c’est possible de motiver une joueuse pour qu’elle fasse une carrière dans un club de la longueur de celles de Yannick Souvré et Cathy Melain ?
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Photo d’ouverture: Sarah Michel, Alix Duchet, Magali Mendy et Alexia Chartereau.