L’ancien agent François Lamy est devenu à l’ASVEL le Conseiller du président Tony Parker. L’un des architectes de l’équipe qui connaît une réussite inattendue en Euroleague pour la première de ses deux années avec une wild card. Il nous révèle dans cette interview en trois parties et en dix thèmes quelques secrets de fabrication.
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LE RECRUTEMENT POUR LA SAISON 2019-20
Notre masse salariale nette joueurs se situe à 2,475 millions d’euros. Nous sommes la 18ème masse salariale, assez nettement éloignée des autres, hormis l’Alba qui doit flirter avec les 3 millions nets. Tout joueur qui performe en Euroleague devient inaccessible pour nous. Nous sommes « condamnés » à signer des joueurs avant qu’ils ne deviennent des joueurs confirmés à ce niveau. Je dirais que 80% des joueurs d’Euroleague sont inaccessibles pour nous, et sur les 20% qui restent, beaucoup ne présentent pas d’intérêt. Notre « marché » ce n’est pas l’Euroleague pour le moment, ce serait faire fausse route que de se lancer dans des courses à l’armement avec une concurrence qui ne connait pas les mêmes contraintes règlementaires et financières que nous.
Le fait que Tony (Parker) soit président change tout. Ce n’est pas un avantage, ça change tout. Lorsque vous présentez une stratégie de recrutement à un joueur et son agent et qu’au bout du compte, lorsqu’il faut mettre une touche finale, c’est Tony qui décroche son téléphone, c’est du pain bénit. Lyon est évidemment un facteur d’attractivité, mais c’est vraiment la présence et l’implication de Tony qui font toute la différence.
Tous les joueurs sont logés et ont un véhicule et des billets d’avion, mais c’est général et pas propre à l’Euroleague, c’est le cas même en ProB. Pour l’Euroleague nous avons juste fait attention à ce que les déplacements soient le moins éprouvants possibles, avec toujours une contrainte budgétaire importante. Nous avons passé un accord avec l’aéroport de Lyon pour des facilités d’embarquement, et nous offrons le même service aux clubs d’Euroleague que nous recevons, et c’est très apprécié. Les hôtels en déplacement Euroleague, c’est 4 étoiles minimum et chambres single, mais à 90 nuits dans l’année à l’hôtel, c’est un minimum nécessaire.
Le club a en effet la volonté d’avoir une ossature française sur le long terme. Nos dirigeants sont viscéralement attachés à la formation française et à l’équipe de France. C’est le résultat de leur volonté que d’avoir des joueurs de haut niveau comme Charles (Kahudi), Livio (Jean-Charles), Edwin (Jackson) et Antoine (Diot), et de jeunes joueurs qui vont suivre cette voie avec Amine (Noua), Théo (Maledon) et Matthew (Strazel). C’est aussi une volonté que de conserver Charles Galliou, un coéquipier exemplaire, et un joueur formé au club très performant sur le temps de jeu qui lui est proposé. La Tony Parker Adéquat Académy a la volonté d’accompagner cette politique, et d’être une filière vers le haut niveau international, complémentaire du Centre Fédéral.
Le recrutement de Tonye Jekiri est lié à l’activation de la clause par Miro Bilan le dernier jour de cette possibilité. Nous sentions que c’était une possibilité et nous avions donc conservé des pistes alternatives, Tonye étant une piste prioritaire puisqu’identifié comme étant prêt pour cette dernière marche vers le haut niveau international. Il avait eu quelques perfs détonantes en Turquie et ses 2,2 passes décisives par match étaient un marqueur important de la lecture de jeu que l’on souhaitait pour affronter la rigueur de l’Eurolieague. Ce qui a fait la différence avec lui, c’est qu’on lui a présenté notre spot comme étant la continuité de l’importance de Miro Bilan dans notre hiérarchie offensive. Ce ne sont pas les mêmes joueurs bien évidemment, mais nous avons approché Tonye en lui disant, tu ne seras pas ici un big body à la spécificité défensive, mais nous pensons que ton sens du jeu et la manière dont tu as développé ton jeu d’attaque autour de quelques points forts, te permettra d’être dominant chez nous, et d’ensuite grimper vers les sommets de l’Euroleague.
Pour Rihards Lomasz, nous avions ciblé la nécessité de disposer d’un shooteur spécifique. C’est encore le résultat de débats internes et de fournir des arguments qui vont dans le sens d’une logique, et que Tony valide ou non. Repérer des joueurs, c’est à la portée de tout le monde, faire en sorte qu’ils soient des apports importants dans un dispositif établi, selon un équilibre avec une hiérarchie identifiable, mais avec aussi la réalité que certains vont être en difficulté, et d’autres performer un peu mieux qu’attendu, c’est déjà moins évident. Pour Rihards nous aimions tous sa faculté à déclencher son tir rapidement, sa lecture de jeu sans ballon, mais aussi sur pick-and-roll, puisqu’on ne l’a pas encore beaucoup vu, mais il est pertinent et technique balle en main. C’est difficile de trouver des joueurs dans l’acceptation de leur rôle, dans l’équipe, et dans la progression de leur carrière. Rihards correspond parfaitement à ce qu’on recherchait. L’appel de Tony à Bertans a été déterminant, et nous avons pu le signer rapidement, alors qu’il y avait une forte concurrence, les shooteurs avec des volumes de production comme il avait eu en BCL, à son âge, ça ne court pas les rues.
Ce n’est pas frustrant d’être un petit poucet. Personnellement ce qui me frustre c’est la méconnaissance de ce que peut être la réalité de notre potentiel d’attractivité en France, avec nos contraintes fiscales énormes, avec un championnat qui a perdu de sa superbe en s’éloignant de l’Euroleague, et avec des orientations et des prises de position qui ont parfois pu faire perdre du terrain sur le plan purement sportif. C’est un excellent apprentissage que d’aborder une compétition avec l’impression que c’est potentiellement insurmontable, et la volonté de justement surmonter l’obstacle. Ça permet de développer des valeurs essentielles dans le sport de haut niveau que l’on ne retrouve pas forcément dans les effectifs qui n’ont pas les mêmes enjeux.
Nous souhaitons progresser, et notre partenariat avec l’OL entre dans cette logique de progression. L’amélioration de notre compétitivité passera en effet par une augmentation de masse salariale pour viser autour de 4 millions d’euros nets joueurs. Mais il ne faudra toujours pas perdre de vue que nous continuerons à être petits à cause de notre réalité fiscale. Mais encore une fois dans un contexte international c’est une réalité à affronter. Que nous ayons à affronter un déséquilibre de compétitivité lié à la fiscalité dans le championnat national est par contre un véritable souci. Malgré cette augmentation potentielle, il faudra conserver cette logique d’optimisation des moyens, et que l’on puisse continuer à dire comme cette année, qu’aucun joueur n’est venu pour faire un choix financier.
LES RESULTATS DE L’ASVEL
« Chaque joueur chez nous qui performera, on peut partir du principe qu’on ne pourra pas le garder, à moins qu’il fasse un choix affectif »
Pour ce qui est des résultats en Euroleague, nous sommes comme tout le monde agréablement surpris, mais plus par l’extrême cohésion qui règne dans cette équipe, où l’état d’esprit est tout simplement admirable. C’est une agréable surprise parce que n’est jamais gagné d’avance ce genre d’alchimie. C’est une véritable grosse satisfaction parce que c’était un vrai objectif, d’avoir des profils humains complémentaires et un calcul des équilibres qui permettait de viser une saison sans trop de remous, parce qu’on s’attendait à plus perdre, et que l’état d’esprit était une clé. Les résultats sont sans doute liés à ça, que nous pouvons respecter nos engagements vis-à-vis des joueurs que nous avons recrutés, en leur fournissant le terrain d’expression qu’ils sont venus chercher. Il y a un bel équilibre dans cette équipe. Mais c’est aussi la continuité de la construction des années précédentes, la vision de Tony d’avoir un socle de joueurs locaux de haut niveau. Charles Kahudi joue à un niveau ahurissant depuis environ un mois. David Lighty également. Et ce sont des joueurs qui sont là depuis longtemps, totalement inscrits dans le projet du club. C’est une combinaison de facteurs, mais qui tiennent aussi de la dynamique des années précédentes, et de celle de la saison dernière, avec le titre de champion de France. Il y a tout un staff technique en accompagnement du coach qui fait un travail remarquable pour que cette continuité ait abouti à cette atmosphère cette saison. Une autre très grande satisfaction est de n’avoir opéré aucun changement dans l’effectif, pour une équipe qui a été construite en juillet avec des premiers choix. C’est extrêmement rare et c’est un bon signal à donner à l’environnement extérieur. En parlant de méconnaissance plus tôt, lorsqu’on lit les réseaux sociaux, et on le fait tous, c’est aberrant de lire les commentaires réclamant tel ou tel changement dans une équipe qui gagne et qui vit bien. Il faut vraiment ne jamais avoir mis un pied dans la réalité d’un effectif professionnel de haut niveau, et de la gestion pointilleuse des objectifs individuels de chacun des joueurs qui composent un effectif, de manière tout à fait légitime, pour ne pas comprendre qu’une telle alchimie est rare et qu’il ne faut pas prendre le risque de la briser.
Les retours de l’étranger sont excellents, tant et si bien, qu’à chaque victoire je vois à la fois la joie de tout le monde, mais je suis aussi à me demander ce qui va rester de cette belle épopée. Chaque joueur chez nous qui performera, on peut partir du principe qu’on ne pourra pas le garder, à moins qu’il fasse un choix affectif, ce qui peut très bien arriver, surtout avec Tony. Mais chaque année réussie voudra dire que l’on doit recommencer non pas d’une page blanche, mais avec un niveau d’incertitudes qui ne concourt pas à passer des étés paisibles au bord de la piscine. Ceci dit tous ces constats sont opérés à la moitié de la saison, et tout est extrêmement fragile. Nous serons assez tôt de tirer les enseignements définitifs en Juin.
Nous ne pouvons que progresser dans la logistique, et c’est à cet effet que ce secteur a été confié à Théo Gallois et Sambala Sissoko sur le plan opérationnel, avec une personne de confiance sur le plan administratif au club depuis 8 ans, Gwenola Magnaval. C’est une cellule opérationnelle importante et dorénavant il nous faut simplement l’optimiser et en effet réfléchir à utiliser des vols charters sur certains déplacements compliqués puisque moins bien desservis. L’aéroport de Lyon est cependant bien connecté et beaucoup d’équipes même prestigieuses sont venues en vol régulier cette année.
A suivre demain.
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LE RECRUTEMENT POUR LA SAISON 2019-20
Notre masse salariale nette joueurs se situe à 2,475 millions d’euros. Nous sommes la 18ème masse salariale, assez nettement éloignée des autres, hormis l’Alba qui doit flirter avec les 3 millions nets. Tout joueur qui performe en Euroleague devient inaccessible pour nous. Nous sommes « condamnés » à signer des joueurs avant qu’ils ne deviennent des joueurs confirmés à ce niveau. Je dirais que 80% des joueurs d’Euroleague sont inaccessibles pour nous, et sur les 20% qui restent, beaucoup ne présentent pas d’intérêt. Notre « marché » ce n’est pas l’Euroleague pour le moment, ce serait faire fausse route que de se lancer dans des courses à l’armement avec une concurrence qui ne connait pas les mêmes contraintes règlementaires et financières que nous.
Le fait que Tony (Parker) soit président change tout. Ce n’est pas un avantage, ça change tout. Lorsque vous présentez une stratégie de recrutement à un joueur et son agent et qu’au bout du compte, lorsqu’il faut mettre une touche finale, c’est Tony qui décroche son téléphone, c’est du pain bénit. Lyon est évidemment un facteur d’attractivité, mais c’est vraiment la présence et l’implication de Tony qui font toute la différence.
Tous les joueurs sont logés et ont un véhicule et des billets d’avion, mais c’est général et pas propre à l’Euroleague, c’est le cas même en ProB. Pour l’Euroleague nous avons juste fait attention à ce que les déplacements soient le moins éprouvants possibles, avec toujours une contrainte budgétaire importante. Nous avons passé un accord avec l’aéroport de Lyon pour des facilités d’embarquement, et nous offrons le même service aux clubs d’Euroleague que nous recevons, et c’est très apprécié. Les hôtels en déplacement Euroleague, c’est 4 étoiles minimum et chambres single, mais à 90 nuits dans l’année à l’hôtel, c’est un minimum nécessaire.
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Photo d’ouverture: Tonye Jekiri (Euroleague)