Amara Sy (2,02m, 38 ans) est non seulement l’intérieur du Paris Basketball et une figure de la Ligue Nationale de Basket, c’est aussi le président du Syndicat des Joueurs (SNB). A ce titre, il est dans cette interview le porte-parole de toute une communauté, celle des basketteurs professionnels, hommes et femmes.
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Etes-vous en contact avec les représentants du syndicat dans chaque club ?
Oui, on est pratiquement quotidiennement en contact que ce soit avec les joueurs et avec la ligue. Il y a des interrogations de la part des joueurs et on est là pour répondre à un maximum d’entre-elles.
Quel est leur état d’esprit ? Il se demande si leur championnat va reprendre ou pas ?
Qui n’est pas en questionnement aujourd’hui, à tous les niveaux, dans tous les domaines ? (sourire) On se pose des questions par rapport à la situation. On n’a pas trop de visions par rapport à notre futur. Ça provoque de l’angoisse à certains. C’est une situation exceptionnelle, unique pour tout le monde, et comme je le dis depuis quelques semaines maintenant, on doit tous faire notre part de travail, on peut tous contribuer à notre manière pour essayer d’endiguer cette pandémie.
Avez-vous l’impression de jouer vis-à-vis des joueurs un rôle de conseiller mais aussi de les rassurer ?
On les rassure avec les éléments que l’on a mais ça évolue pratiquement de semaine en semaine. Notre boulot au syndicat c’est d’être dans l’actualité, d’être au courant de tout ce qui se passe, que ce soit au niveau sanitaire, sportif, informer les joueurs au maximum pour qu’ils aient le plus d’armes possible.
Tout le monde est en contact par Whatsapp ou les réseaux sociaux ? Vous vous adressez aux représentants de chaque équipe et ensuite ceux-ci font circuler l’information à l’intérieur de celle-ci ?
Exactement. C’est plus facile comme ça. Ce sont Jesse (Delhomme) et Julie (Campassens) (NDLR : les deux salariés), qui au syndicat font un gros travail et ce sont eux qui sont en contact direct avec les joueurs et qui répondent à toutes les questions dans les différents groupes de référents que nous avons. Au syndicat, notre rôle est de répondre avec réactivité en donnant un maximum d’informations.
« Je pense que si on reprend, ça sera sans les étrangers qui sont partis »
Tous les joueurs essayent de se maintenir en forme physique mais ils n’ont pas tous les mêmes moyens à domicile, déjà entre ceux qui vivent en appartement et ceux qui ont un jardin ?
Que ce soit pour les sportifs ou les gens en général, on ne vit pas tous le confinement de la même manière. Pour les sportifs, on bricole. Au bout de trois semaines, on commence à tourner en rond et on manque un peu d’imagination (rires). Ce n’est pas du sport de haut niveau et à un moment on commence à sentir la différence. Le manque se fait sentir de plus en plus.
Vous êtes sur Paris ? Vous pouvez faire des joggings ?
En ce qui me concerne, mon cas est réglé puisque j’ai une aponévrose plantaire et il ne faut pas courir. Pour avoir échangé avec mes coéquipiers, certains sortent continuellement mais tôt le matin ou tard le soir et sinon ils font du sport chez eux. C’est vrai que le fait de pouvoir faire un footing tard le soir ou tôt le matin, prendre l’air, ça ne peut que faire du bien.
Il y a actuellement des débats sur le sujet : quel est pour vous le délai nécessaire entre une levée du confinement et la reprise de la compétition ?
On peut suggérer plein de choses mais la vérité c’est que l’on verra le temps qui nous sera donné… si le confinement s’arrête. L’idéal serait d’avoir le maximum de temps possible mais on sait qu’on ne l’aura pas. Vu comment s’est parti on n’est pas prêt de reprendre… demain. Donc forcément le calendrier sera très court et on n’aura pas vraiment le temps de se remettre en forme mais bon… Comme on échange tous les jours, on en a parlé ce matin, on a proposé des choses. Le minimum serait entre 20 et 30 jours. C’est vraiment le minimum. On sait que si reprise il y a, ce sera forcément sur un rythme effréné. Après un mois d’inactivité -entre guillemets car on fait tous du sport pour se maintenir en forme mais comme je le dis, ça reste du bricolage, pas du sport de haut niveau-, pour retrouver l’état de forme que l’on avait avant le confinement, ça va prendre du temps et on sait que le risque de blessures va être beaucoup plus élevé. Il y a tout ça à prendre en compte. C’est pour ça que de notre côté, il faut que l’on fasse les efforts pour essayer de faire des entraînements avec le maximum d’intensité possible pour nous permettre d’arriver dans une assez bonne condition au moment de recommencer avec nos partenaires et nos clubs et enchaîner sur des matches.
Une quarantaine d’Américains sont repartis aux Etats-Unis ? Le syndicat est-il en contact avec eux ?
Oui. Ça sera forcément beaucoup plus compliqué pour eux de rentrer. Je pense que si on reprend, ça sera sans les étrangers qui sont partis. Il faut se rendre à l’évidence que l’on ne pourra pas compter sur eux. Mais si on reprend ça sera une bonne nouvelle car ça voudra dire qu’il y a de l’évolution par rapport à la pandémie et la crise sanitaire, ce qui est le plus important, il ne faut pas l’oublier avant de parler basket. Ça sera une bonne nouvelle non seulement parce qu’on rejouera au basket mais surtout parce qu’il y aura une évolution par rapport au Covid-19. Donc si on reprend, on fera avec les moyens du bord avec les joueurs qu’il y aura. Pour avoir échangé avec pas mal de joueurs, la plupart voudrait reprendre parce que ce sont des passionnés avant tout et on a signé dans des clubs pour pouvoir s’exprimer et jouer une compétition. Si c’est pour rester chez nous, c’est forcément beaucoup moins drôle.
Quelle est la date maximale que vous vous êtes fixés au niveau de la ligue, des clubs, des joueurs, pour faire redémarrer les championnats ?
Il n’y a pas de dates. Plus on avance dans le temps et plus il y a des scénarios différents. En fait, c’est le Ministère des Sports qui va décider. On est dépendant d’eux. La volonté de la ligue, des clubs, des joueurs, c’est de finir la saison mais pas à n’importe quel prix. On sait très bien que la priorité c’est la crise sanitaire. Si on peut reprendre, on sera vraiment content mais ça va dépendre de la période à laquelle on pourra le faire et selon cette période-là, il y a des scénarios différents de formats de compétition. Playoffs ou pas, etc, etc.
La ligue voudrait que la compétition reprenne avec des spectateurs, pas à huis clos ?
Là aussi, ce n’est pas nous qui décidons. On parle de basket mais là encore, la priorité c’est la santé. Et si ce n’est pas possible de reprendre la compétition que ce soit à huis-clos ou avec des salles pleines ou à moitié pleines, on ne peut rien faire, nous.
« Tous les clubs ont opté pour le chômage partiel. C’était prévisible. Il y a des clubs qui font la compensation et d’autres pas »
Tous les joueurs ont été mis au chômage partiel ?
Oui, tous les clubs ont opté pour le chômage partiel. C’était prévisible. Il y a des clubs qui font la compensation et d’autres pas.
Si la saison ne reprend pas, ce chômage partiel sera appliqué jusqu’à la reprise des entraînements ?
Exactement.
Les joueurs sont-ils inquiets sur le devenir de leur profession ?
Oui, certains sont inquiets car là on parle de basket mais c’est toute l’économie qui va en prendre un coup, que ce soit dans le domaine du spectacle, industriel, il y aura des pertes de partout. Les clubs auront forcément moins de subventions, les sponsors auront peut-être moins d’argent, certains ne le mettront plus dans le domaine du sport. Il y aura donc moins d’argent pour les joueurs, moins de contrats. Ça fera boule de neige. C’est forcément prévisible. C’est surtout ceux qui sont en fin de contrat, et à juste titre, qui sont inquiets par rapport à ça. Mais encore une fois, on ne peut pas leur répondre puisqu’on ne sait pas si la saison va reprendre ou pas, combien d’argent les clubs vont perdre ou pas, tout ça ce sont des suppositions.
Pour les joueurs qui seront encore sous contrat la saison prochaine, en principe ceux-ci ne pourront pas être remis en question ? C’est pour ceux qui vont devoir en négocier un nouveau que ça va être plus problématique dans un marché mondial en crise ?
C’est en tous cas ce qui se dessine. On verra comment ça va se terminer mais c’est vrai que si la ligue et les clubs perdent de l’argent, les joueurs aussi, automatiquement. C’est logique.
Ces considérations touchent également les joueurs de N1, les joueuses de Ligue Féminine et de Ligue 2 ?
Tout le monde est logé à la même enseigne. Tout le monde est « otage ». On a aussi des représentantes avec qui on échange pour que ça se passe au mieux.
Votre priorité est de rejouer en toute sécurité ?
C’est logique !
Dans certaines ligues en Europe, à un moment ça ne paraissait pas forcément la priorité ?
C’est ça la priorité, jouer mais pas sous n’importe quelles conditions. C’est de toute manière, l’Etat, le Ministère des Sports, qui jugeront si on peut reprendre ou pas. On leur fait confiance par rapport à ça pour prendre la bonne décision. Si la décision est que l’on ne reprenne pas parce que c’est trop risqué, on ne va pas crier au scandale. Le Ministère de la Santé est mieux qualifié que nous pour dire si l’on peut reprendre ou pas avec un risque ou pas. Forcément, on sera déçu de ne pas reprendre mais on le comprendra car la priorité c’est la santé.
L’Académie de Médecine préconise quand l’heure sera venue un déconfinement par région…
J’en ai entendu parler ce matin lors d’échanges que j’ai eu. Ça aussi, ça peut poser des problèmes car on est forcément amené à se déplacer. C’est compliqué !
En définitive, vous ne pourrez rejouer avec du public que quand tout sera assaini, quand les regroupements en l’occurrence de spectateurs dans les salles seront autorisés ? C’est un sport de contacts aussi pas question de respecter une distance de deux mètres entre deux joueurs ?
Oui, ce n’est pas comme si c’était du tennis (rires). Nous, on joue au basket et il y a du contact, je confirme !
« J’aurais préféré que ça soit vraiment strict et que l’on en finisse une bonne fois pour toutes plutôt qu’il y ait des écarts à droite, à gauche »
Avant la fin de la période des entraînements, vous faisiez encore du hand-checking ?
Non. Deux ou trois semaines avant le confinement, j’avais déjà arrêté. Je présentais mon poing à tout le monde. Je n’ai pas pris ça à la rigolade.
Vous pensez avoir arrêté dans le bon timing ?
Je pense que l’on aurait dû arrêter plus tôt. Je ne parle pas par rapport au sport mais par rapport aux écoles et on n’est pas assez sévères par rapport aux incivilités. J’ai vu, à Vincennes, ils se baladaient normalement. On n’est pas assez stricts, assez disciplinés en France en général. Ça peut poser beaucoup de problèmes, ça peut retarder les choses. J’aurais préféré que ça soit vraiment strict et que l’on en finisse une bonne fois pour toutes plutôt qu’il y ait des écarts à droite, à gauche. On n’en finira jamais, ce confinement va être interminable ! On a tous notre part de responsabilités. Bien sûr, on n’est pas tous dans les mêmes conditions. Je peux comprendre qu’une famille qui vit dans une pièce à sept -c’était mon cas quand j’étais petit- ne puisse pas restée enfermer pendant trois semaines. On peut sortir en bas quinze ou vingt minutes. Ce que je ne peux pas admettre, ce sont ceux qui vont se promener à dix kilomètres de chez eux, qui vont au parc lire des livres, bronzer ! Ce n’est pas responsable et on n’y arrivera pas. Il faut comprendre que plus on sera discipliné et plus vite on sortira de ça.
Avez-vous des contacts avec les syndicats des autres sports ? Partagez-vous les mêmes analyses ?
Juste avant là, j’étais avec d’autres syndicats, handball, rugby. Tout le monde est logé à la même enseigne. Tout le monde attend de savoir ce qui va se passer. Tout le monde veut reprendre mais pas dans n’importe quelles conditions. On est tous sur la même longueur d’onde ce qui est assez positif.
Ce qui peut sortir de positif de cette crise, c’est une conscience européenne que tout le monde est dans le même bateau et qu’avant de se tirer dessus, il faut tout d’abord sauver le bateau ?
C’est une situation exceptionnelle, inédite, et je pense qu’on est assez intelligent pour s’adapter. Il faut juste que l’on soit plus exigeant envers nous-mêmes pour essayer d’accélérer les choses et qu’il y ait le moins de catastrophes possible. Malgré les mesures qui ont été prises, le nombre de morts dû au Covid-19 augmente de jour en jour et c’est assez inquiétant. Il faut que les gens comprennent que ça touche tout le monde : Boris Johnson, le Prince Albert de Monaco ont été contaminés, peu importe la couleur, le statut social. Ça se propage à une vitesse incroyable et c’est pour cela qu’il faut faire vraiment attention, être responsable par rapport à ça.
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Etes-vous en contact avec les représentants du syndicat dans chaque club ?
Oui, on est pratiquement quotidiennement en contact que ce soit avec les joueurs et avec la ligue. Il y a des interrogations de la part des joueurs et on est là pour répondre à un maximum d’entre-elles.
Quel est leur état d’esprit ? Il se demande si leur championnat va reprendre ou pas ?
Qui n’est pas en questionnement aujourd’hui, à tous les niveaux, dans tous les domaines ? (sourire) On se pose des questions par rapport à la situation. On n’a pas trop de visions par rapport à notre futur. Ça provoque de l’angoisse à certains. C’est une situation exceptionnelle, unique pour tout le monde, et comme je le dis depuis quelques semaines maintenant, on doit tous faire notre part de travail, on peut tous contribuer à notre manière pour essayer d’endiguer cette pandémie.
Avez-vous l’impression de jouer vis-à-vis des joueurs un rôle de conseiller mais aussi de les rassurer ?
On les rassure avec les éléments que l’on a mais ça évolue pratiquement de semaine en semaine. Notre boulot au syndicat c’est d’être dans l’actualité, d’être au courant de tout ce qui se passe, que ce soit au niveau sanitaire, sportif, informer les joueurs au maximum pour qu’ils aient le plus d’armes possible.
Tout le monde est en contact par Whatsapp ou les réseaux sociaux ? Vous vous adressez aux représentants de chaque équipe et ensuite ceux-ci font circuler l’information à l’intérieur de celle-ci ?
Exactement. C’est plus facile comme ça. Ce sont Jesse (Delhomme) et Julie (Campassens) (NDLR : les deux salariés), qui au syndicat font un gros travail et ce sont eux qui sont en contact direct avec les joueurs et qui répondent à toutes les questions dans les différents groupes de référents que nous avons. Au syndicat, notre rôle est de répondre avec réactivité en donnant un maximum d’informations.
« Je pense que si on reprend, ça sera sans les étrangers qui sont partis »
Tous les joueurs essayent de se maintenir en forme physique mais ils n’ont pas tous les mêmes moyens à domicile, déjà entre ceux qui vivent en appartement et ceux qui ont un jardin ?
Que ce soit pour les sportifs ou les gens en général, on ne vit pas tous le confinement de la même manière. Pour les sportifs, on bricole. Au bout de trois semaines, on commence à tourner en rond et on manque un peu d’imagination (rires). Ce n’est pas du sport de haut niveau et à un moment on commence à sentir
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Photo d’ouverture: FIBA