Ancien rédacteur en chef du magazine Reverse, journaliste à 20 Minutes ou encore rédacteur pour l’UEFA, Julien Debove est aujourd’hui en charge de la communication du 3×3 à la FIBA. Basket Europe est allé à sa rencontre au siège de la Fédération Internationale à Genève pour en savoir plus sur cette discipline qui pourrait bien se retrouver aux Jeux Olympiques dans très peu de temps.
Comment en êtes-vous arrivé à vous occuper de la communication du 3×3 à la FIBA ?
Un jour, Nicolas Chapart, qui est en charge de la partie digitale à la FIBA m’a contacté. Il me connaissait parce que nous avions déjà travaillé ensemble. Je tenais un blog sur le site de la FIBA à l’époque où les blogs étaient à la mode. Du coup, il m’a appelé en me disant que la FIBA avait un boulot pour moi et qu’il pensait que ça allait me plaire. Il m’a dit que c’est « un nouveau projet, ce n’est pas encore très connu mais l’idée c’est d’amener ça aux Jeux Olympiques ». Je suis arrivé dans ce projet et c’est énorme. C’est énorme parce qu’on a rarement vu une fédération qui essaye de créer un nouveau sport ou, en tout cas, qui essaye de l’amener de la rue jusqu’aux JO en l’espace de dix ans, et c’est exactement ce qui se passe. Bon, bien sûr, pour le 3×3, les vieux comme moi le savent, il y avait avant des tournois Adidas, Converse ou Blacktop, et donc la FIBA ne dit pas non plus « ok, on a inventé ça de toutes pièces ». Ca existe depuis des années et des années. Aux Etats-Unis, les gens font du 3×3 peut-être depuis aussi longtemps que le basket a été inventé mais tous les gens jouaient différemment. Selon le pays ou selon le tournoi il y avait des règles différentes. Est-ce qu’on garde la possession après panier marqué ? Est-ce qu’on joue à l’américaine ? Est-ce qu’on ressort le ballon après une interception ? Est-ce qu’on joue 10 minutes, 20 minutes ou c’est le premier à 11, 21 ou 33 ? Un des premiers enjeux, ça a été de codifier des règles universelles, de mettre ensemble tous les organisateurs de tournois qui existaient, de les intégrer à un système de compétition international, de créer une Coupe du monde et de faire une candidature pour les Jeux Olympiques. Et c’est ce qu’on a fait. Le 28 février, c’était la date limite pour toutes les fédérations internationales de proposer des nouvelles disciplines. C’est quelque chose d’un peu technique mais juste pour expliquer: il y a deux façons d’amener un nouveau sport aux JO. La première, c’est une fédération qui n’est pas encore aux Jeux Olympiques et là, on propose un nouveau sport. C’est ce qui s’est passé en septembre avec le skate board ou le baseball par exemple. La deuxième, c’est une fédération qui est déjà aux JO et qui veut apporter une nouvelle discipline comme par exemple si l’athlétisme voulait ajouter le 60m. C’est ce qui se passe donc avec la FIBA, enn plus du basket, nous voudrions maintenant ajouter le 3×3. Nous aurons une réponse définitive vraisemblablement durant le mois de juillet. Il y a des sports qui se portent très bien sans être aux JO donc ce n’est pas non plus une fin en soi, mais c’est clair que ça apporterait une aura différente, ça apporterait plus d’intérêt aux sponsors, aux télés et peut-être aux médias. Ça apporterait évidemment des fonds supplémentaires également. Si le 3×3 devient un sport olympique, il est possible que certains comités olympiques aident financièrement des joueurs de 3×3, comme cela a été le cas avec l’équipe de France de rugby à 7 avant les Jeux de Rio. Ca a le potentiel pour injecter d’autres financements dans la machine.
« Yao Ming a dit que si cette discipline était aux JO, il payerait pour aller voir ça »
Comment en êtes-vous arrivé à la candidature pour les JO du 3×3 ?
Le 3×3 est déjà aux Jeux Olympiques de la Jeunesse qui est l’autre compétition importante du CIO qui a été lancée en 2010 pour avoir une première compétition pour les moins de 18 ans. En réalité le premier événement officiel du 3×3 c’était justement en 2010. Quand on regarde comment le 3×3 à été lancé, ça part aussi d’une demande du CIO qui est allé voir toutes les fédérations en présentant ce nouvel événement que sont les JO de la Jeunesse et ils voulaient en fait l’utiliser comme un laboratoire pour de nouvelles idées pour les Jeux Olympiques. Beaucoup de fédérations ont juste copié ce qu’elles faisaient avec les adultes mais nous, nous en avons profité pour lancer le 3×3. La première apparition officielle de cette discipline c’était donc en 2010 aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Singapour. Je n’y étais pas personnellement mais la FIBA a dit que c’était un des succès de l’événement. En 2014, il y a eu la deuxième édition des JO de la Jeunesse en Chine et le président du CIO a dit que c’était un succès retentissant et Yao Ming a également dit que si cette discipline était aux JO, il payerait pour aller voir ça.
Avez-vous déjà eu un retour du CIO quant à l’intronisation du 3×3 aux Jeux Olympiques ?
[arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]Il y a un comité exécutif du CIO qui se réunit les 8 et 9 juillet et c’est à ce moment-là que nous en saurons plus. Pour l’instant, c’est difficile pour nous d’en dire plus. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’aux Jeux Olympiques de la Jeunesse ça marche bien et que pendant la Coupe du Monde (17-21 juin 2017) il y aura deux observateurs du CIO. Je ne pense pas que la décision sera prise uniquement par rapport à ce qui se passera à Nantes mais ça sera une raison du plus d’en faire un succès. Nous avons beaucoup de discussions avec le CIO et nous sommes confiants sur la qualité de notre candidature mais bien sûr sur la décision finale ne nous appartient pas.
Le parallèle que l’on peut faire entre le volley et le beach volley est-il justifié selon vous ?
C’est clairement un point de repère pour nous. C’est un exemple de réussite. Pour nous, c’est un bon exemple parce que c’est un moyen de faire une version plus rapide et aussi moins couteuse du sport. C’est aussi un exemple dans le sens où ils ont réussi à en faire un festival urbain et c’est vraiment ça aussi notre volonté, faire du 3×3 plus qu’un sport. En faire un festival de culture urbaine où le DJ, le MC et les danseurs sont aussi importants que les joueurs sur le terrain. A notre niveau, nous avons un concours de dunks à chacun de nos événements et pour certains d’entre eux, les dunkeurs génèrent parfois plus de vues sur les réseaux sociaux que les joueurs. Nous avons aussi pour projet de travailler avec d’autres fédérations. Typiquement, il y a une fédération de danse, ça a l’air un peu surprenant dis comme ça mais ils font aussi du hip-hop. Et pourquoi pas en faire une compétition annexe lors de nos événements, comme des battles de break dance ou autres?
Qu’en est-il des équipes mixtes ?
En 2012 à la première coupe du monde de 3×3, nous avions une compétition mixte aussi avec des équipes de deux femmes et deux hommes. Nous n’avons pas continué l’expérience mais c’est quelque que chose qui reste dans nos têtes et il y a plusieurs fédérations qui continuent à le faire. En France par exemple, il y a l’Open de France -qui qualifie d’ailleurs pour le World Tour qui fait partie des compétitions phares de la FIBA- qui est le tournoi majeur et qui continue à faire des compétitions mixtes. C’est une chose qui est assez rare au niveau des sports d’équipe. Conceptuellement, c’est hyper cool et c’est peut-être quelque chose que l’on remettra à l’ordre du jour en temps voulu. Mais il y a l’exemple du beach volley c’est vrai, et nous discutons beaucoup avec la FIVB (Fédération Internationale de Volley-Ball) là-dessus. Nous sommes allés à certains de leurs événements, donc c’est vraiment une source d’inspiration.
« Une de nos réussites a été justement d’avoir depuis l’an dernier notre première équipe de 3x3 professionnelle qui ne joue plus au basket, qui est vraiment dédiée à ça et qui doit déjà avoir gagné 300 000$ sur les 4 dernières années. »
Le 3×3 se développe de plus en plus, quelle est la stratégie de la FIBA pour ça ?
Il y a toute une partie institutionnelle, avec les JO. Ce que nous avons fait aussi c’est que pour toutes les compétitions un peu multisports, nous avons fait la proposition d’y amener le 3×3. Par exemple, en 2015, il y a eu les Jeux Européens en Azerbaïdjan et nous y avons amené le 3×3. Nous avons fait la même chose pour les Jeux Asiatiques et Méditerranéens. En plus de cette stratégie institutionnelle, le but est de créer une Elite de sportifs, des joueurs de 3x3 professionnels, et c’est pour ça que nous avons créé un autre type de compétition. Pour l’instant nous avons parlé des compétitions des équipes nationales mais à côté de ça nous avons aussi le World Tour, qui est un peu ce qu’est l’ATP Tour pour le tennis, dans lequel nous avons tout un réseau de compétitions. Nous organisons sept Masters, sept étapes qui mènent jusqu’à une finale. Pour accéder à ces Masters, pour simplifier, il faut gagner un tournoi qualificatif. En réalité, même s’il y a juste 8 événements principaux, derrière tout ça il y a une centaine d’événements dans le monde qui qualifient aux événements phares. Notre stratégie c’était d’augmenter au fur et à mesure le nombre d’événements, d’augmenter la somme d’argent qui est disponible pour les joueurs. Une de nos réussites a été justement d’avoir depuis l’an dernier notre première équipe de 3x3 professionnelle qui ne joue plus au basket, qui est vraiment dédiée à ça et qui doit déjà avoir gagné 300 000$ sur les 4 dernières années. Ils sont quatre et Serbes, et je pense que là-bas c’est suffisant pour pouvoir vivre de ça. Il y a également le sponsoring (ils sont sous contrat avec Red Bull et un groupe émirati) à côté de l’argent qu’ils remportent grâce au 3x3. Ça a été notre première équipe pro et nous avons maintenant deux autres équipes donc c’est quelque chose qui grandit, qui nous permet aussi d’avoir nos propres stars qui jouent au 3x3 toute l’année et qui nous permettent d’en faire la promotion.
Le fonctionnement est le même que pour l’ATP, les joueurs gèrent leur carrière mais au lieu d’êtres seuls ils sont quatre ?
Exactement. C’est une aventure humaine pour ces joueurs, qui parcourent le monde avec leur bande de potes. C’est toutefois marrant de voir la professionnalisation, notre équipe phare qui est donc serbe apporte à chaque fois son staff qui se développe au fur et à mesure. La dernière fois ils avaient même des kinés avec eux.
Qu’en est-il de la somme que remportent les gagnants, est-elle publique ?
Tout est sur le site, FIBA.com/3x3WorldTour. Nous avions annoncé 300 000$ de récompense sur le World Tour je pense, cette année ça passe à 500 000$. Notre objectif c’est de l’augmenter au fur et à mesure et au final d’atteindre une somme d’argent qui est suffisamment importante pour que des gens puissent se spécialiser. Notre volonté n’est pas d’avoir des joueurs qui jouent au basket toute l’année et qui jouent au 3x3 que deux mois par an. On a besoin d’ambassadeurs du 3×3 toute l’année !
A la Coupe du monde des moins de 18 ans, la France est double championne chez les filles et les garçons sont champions d’Europe donc il y a eu beaucoup de succès et il y a beaucoup de potentiel.
La Coupe du Monde aura donc lieu à Nantes du 17 au 21 juin prochain, faites-vous de la France une place-forte du 3×3 ?
Complètement ! Il y a un énorme potentiel pour le 3×3 en France. Il y a aussi une culture urbaine pour les playgrounds depuis les années 90. Il y a aussi un terreau de joueurs, il y a du talent. On parle d’un sport qui est encore plus athlétique et encore plus rapide, et nous avons des potentiels à tous les niveaux en France. Nous l’avons vu aussi au niveau de résultats. En 2012 lors de la première Coupe du Monde en Grèce, la France fait trois médailles –deux d’argent et une en or. A la Coupe du Monde des moins de 18 ans, la France est double championne chez les filles et les garçons sont champions d’Europe donc il y a eu beaucoup de succès et il y a beaucoup de potentiel. Chez les seniors, il y a aussi des taffeurs comme Angelo Tsagarakis, Charles-Henri Bronchard ou Dominique Gentil.
Quels sont les retours des clubs et de la fédération française ?
Ils sont très enthousiastes par rapport au 3x3. Nous avons Richard Billant –qui a notamment entraîné Nicolas Batum- qui était le directeur de l’INSEP, qui est maintenant sélectionneur de l’équipe de France de 3x3, qui a une passion communicative pour la discipline. Il est à fond dans le projet et il est soutenu par la FFBB. L’Equipe de France a fait un stage de préparation à Voiron récemment et les gens de Voiron sont justement venus nous voir pour nous parler de leur intérêt pour le 3x3. Qui sait si un jour Voiron ne sera pas le Clairefontaine du 3×3 ? Il y une vraie volonté à la fédération française de faire des trucs et on le voit aussi avec le développement de leur évènement phare, l’Open de France dont la finale était énorme l’an dernier à Orléans. Cette année l’Open de France s’installe Place Bellecour à Lyon, l’une des plus belles places de France. C’est du lourd. Il faut savoir cependant que le 3x3 c’est un peu différent du basket dans le sens où on bosse directement avec des entreprises privées pour l’organisation de tournois, en plus des fédérations. En l’occurrence, la FFBB est l’organisatrice de cet événement mais le fait avec une association qui s’appelle The Bridge. C’est la célébration de l’anniversaire des 100 ans de l’amitié franco-américaine et donc il y a un énorme projet autour de trois compétitions phares. Il y a une course de voile entre Saint-Nazaire et New York, il y a un grand festival de jazz et puis il y a la Coupe du Monde de 3x3. Nous avons aussi Tony Parker qui est ambassadeur de tout le projet et qui a annoncé qu’il serait là le dernier jour de l’événement.
« Nous avons réussi à convaincre tous les organisateurs et tous les joueurs de s’inscrire sur play.fiba3x3.com »
Le Label FIBA 3×3 sert à tout uniformiser ?
Oui c’est ça. Le sport est révolutionnaire en lui-même parce que ça a été uniformisé en 2010 et donc en dix ans il y a eu cette aventure qui a permis de créer un truc qui sort de nulle part, qui sort de la rue pour en faire une discipline olympique. Mais c’est aussi révolutionnaire dans la plateforme digitale parce que nous avons réussi à convaincre tous les organisateurs et tous les joueurs de s’inscrire sur play.fiba3x3.com et d’y faire apparaitre les résultats de tous les tournois de 3×3, à tous les niveaux. Tous ces joueurs gagnent des points à chaque tournoi et sont classés dans un grand classement individuel mondial qui comprend plus de 100,000 joueurs actifs dans les 12 derniers mois. Au total près de 500,000 joueurs ont un compte sur play.fiba3x3.com. Un sport d’équipe avec un classement individuel, c’est quelque chose d’unique au monde.
Quel est le retour des Etats-Unis ?
Il est très bon. Depuis l’an dernier, nous avons des équipes très compétitives. Chez les filles, ils ont toujours envoyé de super équipes. Par exemple, Skylar Diggins a joué la Coupe du Monde en 2012. En 2014, nous avons eu des joueuses de WNBA et en 2016 nous avons eu Jewell Loyd qui avait été élue rookie de l’année l’an dernier. Les filles ont gagné deux coupes du monde. Chez les hommes, ils n’avaient jamais eu de succès et depuis l’an dernier ils ont envoyé de vrais joueurs. Aux Etats-Unis il y a un vrai engouement, ils envoient de vraies équipes. L’an dernier, il y avait une équipe qui est arrivée jusqu’à la médaille d’argent à la coupe du Monde et qui a perdu en finale contre les Serbes.
Et quel est le sentiment des joueurs par rapport au 3×3 ?
Ce que les joueurs vont dire c’est qu’avec le 3x3 ils ont un sentiment de liberté, la plupart du temps ils sont en extérieur, il y a une ambiance de malade avec de la musique tout le temps, il y a 5, 10, 15 ou 20 000 personnes autour d’eux, il n’y a pas de coach qui les sort s’ils ont zappé un système, il n’y a qu’un remplaçant, ils touchent le ballon régulièrement, ils gèrent eux-mêmes la stratégie du match, il n’y a presque pas de temps mort -un par équipe par match-, ils choisissent leurs coéquipiers et ne sont pas obligés de se contenter de faire des écrans pour les Américains ou se taper le fils du coach. Certains jouent avec leurs potes d’enfance, d’autres avec des membres de leur famille, tout de suite ça devient une vraie aventure humaine pour ces gars. Ca leur change la vie.
Y a-t-il des différences au niveau des règles de jeu entre le basket et le 3×3 ?
Le but reste de mettre le ballon dans le panier mais c’est pas le même jeu. Le 3×3, c’est un sprint de 10 minutes. Au niveau cardio, la transition est folle : 12 secondes par possession, pas de temps d’arrêt après panier marqué, juste 1 temps mort par équipe. Ça rend le jeu plus dynamique et même pour ceux qui ne sont pas intéressés par le basket, le jeu va tellement vite qu’ils restent scotchés. Juste le fait que la possession ne dure que 12 secondes ça veut dire qu’il y a pratiquement un buzzer beater toutes les 12 secondes, ça rend le truc hyper accrocheur. Le match ne dure que 10 minutes ou alors il s’arrête si une équipe arrive à 21 points avant les 10 minutes, ça rend aussi le jeu plus fou. Le ballon n’est pas tout à fait le même, les paniers valent 1 et 2 points. Pas facile de passer du basket au 3×3.
A un moment donné, il pouvait peut-être y avoir un malentendu sur le fait que le 3×3 pourrait remplacer le 5×5 aux Jeux Olympiques…
Pas de malentendu pour nous ! Le basket est l’un des évènements majeurs des Jeux Olympiques. Malgré tout ce que je dis sur le 3x3, je reste un vrai fan de basket aussi, même si ce n’est pas tous les jours faciles d’être un vieux fan des Sacramento Kings. Le but c’est de s’inspirer du volley par exemple où le volley et le beach-volley coexistent et cartonnent aux Jeux . Nous voulons créer une nouvelle discipline, qui complémente le succès du basket et attire tout un nouveau public au basket et aux JO.
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