Les deux équipes de France de 3×3 vont devoir passer par un Tournoi de Qualification Olympique, programmé à Graz, en Autriche, du 26 au 30 mai, pour obtenir un billet pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Le processus de sélection des joueuses est toujours en cours pour entrer dans l’équipe puisqu’il y a encore 6 candidates pour 4 places. Toutes jouent habituellement en Ligue Féminine.
Mamignan Toure (1,83m, 26 ans) fait partie de celles-ci. Bardée de médailles en 5×5 en jeune avec l’équipe de France, vainqueur de la coupe de France 2021 avec Lattes-Montpellier, Migna est actuellement 2e au ranking mondial de 3×3 où l’on retrouve 4 Françaises dans le top 6. Les Jeux sont à portée de main mais il faudra se faufiler par le chas d’une aiguille pour arriver à Tokyo.
Demain, interview du Manceau Antoine Eito, qui fait partie des candidats à l’équipe masculine.
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Quelle a été votre première rencontre avec le 3×3 ?
Le 3×3, ça se joue sur les playgrounds et inconsciemment, j’y ai joué toute ma vie, depuis que j’ai un ballon de basket. Vis-à-vis de la pratique que nous connaissons aujourd’hui du 3×3, j’ai commencé par une initiation à l’INSEP lorsque j’étais encore pensionnaire. C’était un entraînement où l’on n’avait fait que du 3×3 et ça m’avait plu. Les années sont passées et quand je me suis retrouvée en Ligue 2 à Landerneau, j’avais été blessée et le seul moyen de reprendre la compétition, ça avait été avec la fac dans le cadre du championnat de France universitaire de 3×3, à Poitiers. J’appréhendais car c’était mon retour à la compétition après un an de blessure et aussi un bonheur car c’est trop cool de jouer. C’était vraiment chouette. C’était en 2015 et c’est là où j’ai été séduite. J’ai ensuite poursuivi avec l’Open de France à Clermont. J’ai fait une équipe avec ma sœur, on a fini 3e et c’est là où j’ai re-rencontré les sélectionneurs de l’équipe nationale, qui m’ont dit « Migna, le 3×3, c’est fait pour toi, on ne t’oublie pas », et l’été d’après, j’ai été appelée en équipe nationale.
Vous avez fait une bascule entre les sélections de jeune en 5×5 et celles en seniors de 3×3 ?
Il n’y a qu’une année où il n’y a rien eu, quand j’ai été blessée.
Qu’est-ce qui vous a plu en 3×3 comparativement au 5×5 ?
C’est pour moi une pratique qui demande à toutes les personnes d’être autonomes et investies. Ça se voit sur le terrain et aussi dans la manière d’être organisé, de participer à un événement. C’est une discipline qui offre une liberté d’expression totale. Tu as 12 secondes pour pouvoir marquer, pour pouvoir faire la différence avec ton adversaire, que ce soit en attaque et en défense. C’est une pratique qui responsabilise énormément.
« Les émotions au 3×3 sont décuplées. En plus, on n’est que quatre par équipe et tout est beaucoup plus partagé »
Il y a une solidarité entre joueurs/euses, qui est plus forte que dans le 5×5 avec, par exemple, des étreintes extrêmement marquées ?
En fait, les émotions au 3×3 sont décuplées. En plus, on n’est que quatre par équipe et tout est beaucoup plus partagé, tout le monde a aussi beaucoup plus de responsabilités au sein de l’équipe. Alors, oui, un panier qui donne la victoire, on le savoure pleinement. Une grosse défense qui est décisive, c’est la même chose. C’est ça aussi qui fait la beauté de la discipline.
Tire t-on encore davantage la langue à la fin d’un match de 3×3 que de 5×5 ?
Je pense ! Au 5×5, il y a 10 joueuses qui sont potentiellement capables de jouer, les temps de jeu sont répartis, je ne dis pas que c’est tranquille, loin de là, mais comme je le disais, au 3×3, on n’est que 4, les changements se font sur temps-mort, lorsqu’il y a une faute, une sortie de balle, une violation quelconque. C’est intense. C’est 12 secondes à fond pendant 10 minutes. C’est chaud ! A la fin du match, tu es vraiment bien ! C’est pour ça qu’il faut assumer la discipline, au niveau cardio, physique, dureté. Et on enchaîne plusieurs matches dans une journée.
Ça demande une préparation spéciale sur le plan physique ?
Oui. Pour ma part, c’est une préparation spécifique. Ce sont des efforts courts mais très intenses. Aussi, quand approche les compétitions de 3×3, il faut commencer à adapter les efforts pour pouvoir les gérer au mieux. C’est comme si on faisait de la boxe. On fait des petits rounds de deux minutes où tu n’arrêtes pas. Physiquement, il faut être capable de tenir dans la durée des efforts courts, intenses et répétés.
Au niveau de l’arbitrage, y a-t-il davantage de tolérance dans les contacts ?
C’est un peu l’idée du street d’une pratique autonome. L’arbitrage est dans cette logique, cette dynamique, ça ne veut pas dire qu’ils sont passifs mais il faut laisser jouer. Le jeu est plus intense au point de vue basket et aussi de l’arbitrage. Il faut être capable d’accepter les contacts, d’être ceinturé, parfois de se manger des pains. Quand on joue sur un playground, il n’y a pas d’arbitres officiels, c’est de l’auto-arbitrage, et c’est un peu l’état d’esprit qui est véhiculé au sein du 3×3.
« Quand j’ai des jours off, des petites trêves et que je rentre chez moi, j’ai toujours mon ballon de 3×3 dans mon coffre »
Le fait d’enchaîner une saison de 3×3 après une saison de 5×5, n’est-ce pas très éprouvant physiquement et mentalement ?
C’est un challenge que nous relevons chaque année. En fait, on enchaîne deux saisons sportives. Celle avec notre club en 5×5 et celle de 3×3. La transition est très difficile. Cette année, c’est le plus gros challenge que je suis amené à vivre. Avec le club de Lattes-Montpellier, on est toujours en playoffs (NDLR : au moment de l’interview), on a des objectifs qui sont élevés, on est toujours dans cette dynamique là et depuis plusieurs années, je travaille aussi pour décrocher ce ticket pour Tokyo. Ça va être chaud, sachant que l’on commence la préparation le 16 pour ce qui est presque la plus grosse échéance d’une vie. Je prends le report des Jeux Olympiques et du TQO comme un mal pour un bien. Cela nous a permis d’avoir une année de plus pour se préparer à cette échéance. Malheureusement, la situation sanitaire n’a pas rendu les choses faciles, mais c’est une chance de pouvoir se dire que je travaille tous les jours pour des objectifs certes élevés mais magnifiques. Si le prix c’est d’enchaîner, je le paye deux fois s’il faut.
Avez-vous le temps de faire du 3×3 au cours de la saison ?
Quand j’ai des jours off, des petites trêves et que je rentre chez moi, j’ai toujours mon ballon de 3×3 dans mon coffre, et dès que j’ai un terrain, j’y vais ! Déjà, j’aime trop le basket, et on a eu ce report des échéances et toutes les opportunités sont bonnes à prendre pour travailler et rester en contact le plus possible avec la discipline. Comme je le disais, on enchaîne les saisons mais là ça va clairement se chevaucher.
Vous êtes actuellement 2e au ranking mondial 3×3 de la FIBA. Est-ce un classement que vous consultez souvent ? Est-ce un bon baromètre ?
Oui et non. Le ranking mondial bouge beaucoup et plus tu vas faire des events, plus tu vas faire des points et plus tu vas avoir un meilleur ranking. Une fille au fin fond de la Russie ou ailleurs va faire des points, ça bouge beaucoup. Ce que je veux c’est rester au top, dans les dix premières. Ça prouve que tu perdures, c’est ça qui est valorisant. Au-delà de ça, c’est une question d’héritage, de palmarès. Pour ma part, j’ai pas mal de distinctions individuelles que personne d’autre ne possède, c’est un honneur, une fierté. J’ai aussi pas mal de collègues qui sont avec moi en équipe nationale, qui touchent le sommet, ça veut dire que tu es entourée de top joueuses et que tu en fais partie. C’est gratifiant. Je vais dire que je vais au-delà du ranking. En plus de ça, ce ranking a été gelé pendant un an à cause des reports des événements.
En fonction de vos résultats, de la place de la France en tête du ranking FIBA, avez-vous été très déçue de ne pas être qualifié directement pour les Jeux Olympiques ? Aviez-vous compris en amont le système alambiqué de qualification ?
Oui… Déçue, ce n’est pas le mot par rapport au sentiment que nous avons eu et que nous continuons d’avoir. Mais on a toujours cette chance d’obtenir ce ticket, ça va passer par le TQO. Mais effectivement, on a été… Je ne sais même pas quel est le mot qui peut illustrer ce sentiment, mais ça a été très difficile de rebondir après ça. Bien sûr, on était au courant des modalités de qualification. Le but de cette discipline est d’être universelle. Il suffit d’un panier de basket et d’un ballon pour pouvoir y jouer, il n’y a pas besoin de 10 000 infrastructures. Donc, plus les équipes jouent et plus elles ont un meilleur ranking. Ça permet à beaucoup de personnes d’avoir des points. Nous, en France, on a été plutôt dans une démarche de champion. On a pratiquement gagné tout ce qu’il fallait gagner, on a tout défoncé, on fait partie des meilleures équipes, mais du point de vue de la démocratisation de la discipline, on n’a pas répondu à cet objectif-là. C’est pour ça que l’on n’a pas été qualifié directement. C’était plus quantitatif que qualificatif. Après, quand on regarde la Russie et la Serbie, ce sont des nations qui ont fortement développé le 3×3 et ils sont présents en terme de quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif. Elles dominent, elles ont des titres. Mais ne pas se qualifier directement, ça a été chaud, chaud, surtout que sur tout l’été (2019), on n’avait eu qu’un week-end de libre. On s’est sacrifié et derrière ça n’a pas payé. Ça a été vraiment douloureux.
Vous êtes six joueuses pré-sélectionnées pour le stage avant le TQO. C’est une concurrence féroce pour être dans les quatre ?
Franchement, oui. On est plusieurs à faire partie du top 10, on est un groupe compétitif. L’objectif c’est clairement d’envoyer la meilleure équipe pour cette échéance pré-olympique. Ça va être d’autant plus dur que sur le terrain, ça va être une grosse concurrence, mais aussi par rapport au contexte. On va avoir à peine dix jours pour préparer le plus gros rendez-vous.
« Avec la situation sanitaire actuelle, il va falloir prendre en compte davantage de facteurs. Il va falloir être performant au basket et aussi être chanceux »
La sélection se fait-elle un peu comme dans le 5×5 avec une meneuse, une extérieure et une intérieure ou peu importe les postes ?
C’est plutôt des profils moins classifiés qu’en 5×5. Il y a des joueuses disons petites, mobiles, plutôt polyvalentes, et en général une grande. Avec la situation sanitaire actuelle, il va falloir prendre en compte davantage de facteurs. Il va falloir être performant au basket et aussi être chanceux (rire) car il ne faut pas attraper le Covid, être en bonne santé, être prêt. Et pour moi, l’élément le plus important, c’est que l’alchimie se créé au sein de l’équipe. Comme je le disais tout à l’heure, on part à quatre et les émotions sont décuplées et fortement partagées. Il faut construire un groupe solide à tous les niveaux.
Connaissez vos adversaires du TQO (Etats-Unis, Allemagne, Uruguay et Indonésie) ?
Moi, je regarde tout ce que je peux et c’est aussi un moyen de se préparer à ces échéances de commencer à scouter, de connaître nos adversaires. Chaque nation a un style de jeu et il faut connaître les joueuses contre qui nous allons jouer. Là, on a eu un an pour se préparer. Les équipes commencent à annoncer leurs rosters. Je connais les joueuses qui seront là. Les Etats-Unis, c’est comme pour tous les sports, ce sont des champions. Il y a beaucoup de joueuses de WNBA, et certaines font partie du groupe de l’équipe nationale de 5×5. Ça va être dur. Après, le 3×3, c’est une pratique différente. Il faut prendre de l’expérience. Mais ces joueuses-là s’entraînent depuis plusieurs mois. Au-delà d’être de bonnes joueuses de 5×5, pour moi pas de doute que ce sont de bonnes joueuses de 3×3. L’Allemagne a annoncé aussi une très belle équipe. L’Uruguay, c’est une nation de basket. Je me souviens qu’elles ont battu nos U23 à la Coupe du monde. L’Indonésie, c’est un basket atypique. Il va falloir être prêt !
Il y a trois billets pour Tokyo. Il faut avoir les nerfs solides pour jouer sa qualification aux Jeux Olympiques sur un ou deux matches ?
Il y a trois billets pour vingt équipes. C’est à l’image du 3×3, tout est décuplé, plus intense, plus à risque. Bien sûr, il va falloir être solide dans la tête et dans le corps, croire fort dans ses objectifs. Ça passe par des sacrifices, des efforts, du travail. En plus, avec le contexte sanitaire, nous-mêmes en tant que joueuse, que femme, ce n’est pas facile.
Beaucoup de joueuses ont été touchées en Ligue Féminine par le Covid, notamment à Montpellier ?
Oui. A Montpellier, c’était juste avant que j’arrive, elles sortaient tout juste de la crise (NDLR : Migna a fait le début de saison aux Castors de Braine, en Belgique). Personnellement, je n’ai pas été contaminée. La contamination a marqué le club, ça a été une période très difficile mais on a pu aller de l’avant. On reste quand même des privilégiées car on a pu continuer à s’entraîner, à remplir le frigo.
Les Jeux Olympiques, c’est un rêve de gosse ?
Oui, oui ! Je regarde tout le temps les Jeux. C’est un Graal, un objectif de vie pour n’importe quel athlète. Et même si je n’avais pas été athlète, je suis animée par ça. Si ça avait été pour être bénévole et donner les bouteilles au marathon, je l’aurais fait. Aux Jeux, je regarde tout le basket mais pas que, je regarde la gym, l’athlétisme, le kayak, tout, tout. Je peux dire que je travaille pour être « olympienne » comme on dit en anglais. C’est un rêve qui peut devenir objectif. C’est clairement une chance.
Vous êtes l’égérie de la marque Wilson, qui est le ballon officiel en 3×3 ?
Je ne sais pas si égérie est le mot, mais je rejoins la team où il y a plusieurs athlètes, comme Dusan Bulut (NDLR : le Serbe est actuellement le 2e au ranking FIBA), Serena Williams au tennis. J’en suis d’autant plus honorée qu’ils m’ont dit « Migna, ça fait plusieurs années que l’on te suit et on est trop contente que tu rejoignes l’aventure et notre équipe. » Wilson, c’est le fournisseur officiel de la NBA, de la WNBA, de plusieurs fédérations, et forcément du 3×3. Ils ont l’ambition d’être le premier fournisseur de tous les sports en ballon. J’aime bien, ça m’anime, ça montre une dynamique de me dire que je fais partie de cette équipe.
Vous disiez que vous avez été à la fac. Quelles études aviez-vous suivi ?
Je suis prof d’EPS. J’ai fait STAPS, Master MEEF, j’ai validé, j’ai obtenu le CAPES. J’ai enseigné en 2018 en lycée pro, là je suis en dispo car je suis dans l’Académie de Lille, c’est compliqué… J’interviens de temps en temps avec le staff de Montpellier avec des licences et des masters. Je ne suis pas du tout fermée aux métiers de l’enseignement, ça me plaît et ça m’enrichit en tant que personne. On est trois dans l’équipe de France 3×3 à être prof d’EPS avec Laétitia Guapo et Marie-Eve Paget. C’est carrément une mission de pouvoir associer études et sport de haut niveau.
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Quelle a été votre première rencontre avec le 3×3 ?
Le 3×3, ça se joue sur les playgrounds et inconsciemment, j’y ai joué toute ma vie, depuis que j’ai un ballon de basket. Vis-à-vis de la pratique que nous connaissons aujourd’hui du 3×3, j’ai commencé par une initiation à l’INSEP lorsque j’étais encore pensionnaire. C’était un entraînement où l’on n’avait fait que du 3×3 et ça m’avait plu. Les années sont passées et quand je me suis retrouvée en Ligue 2 à Landerneau, j’avais été blessée et le seul moyen de reprendre la compétition, ça avait été avec la fac dans le cadre du championnat de France universitaire de 3×3, à Poitiers. J’appréhendais car c’était mon retour à la compétition après un an de blessure et aussi un bonheur car c’est trop cool de jouer. C’était vraiment chouette. C’était en 2015 et c’est là où j’ai été séduite. J’ai ensuite poursuivi avec l’Open de France à Clermont. J’ai fait une équipe avec ma sœur, on a fini 3e et c’est là où j’ai re-rencontré les sélectionneurs de l’équipe nationale, qui m’ont dit « Migna, le 3×3, c’est fait pour toi, on ne t’oublie pas », et l’été d’après, j’ai été appelée en équipe nationale.
Vous avez fait une bascule entre les sélections de jeune en 5×5 et celles en seniors de 3×3 ?
Il n’y a qu’une année où il n’y a rien eu, quand j’ai été blessée.
Qu’est-ce qui vous a plu en 3×3 comparativement au 5×5 ?
C’est pour moi une pratique qui demande à toutes les personnes d’être autonomes et investies. Ça se voit sur le terrain et aussi dans la manière d’être organisé, de participer à un événement. C’est une discipline qui offre une liberté d’expression totale. Tu as 12 secondes pour pouvoir marquer, pour pouvoir faire la différence avec ton adversaire, que ce soit en attaque et en défense. C’est une pratique qui responsabilise énormément.
« Les émotions au 3×3 sont décuplées. En plus, on n’est que quatre par équipe et tout est beaucoup plus partagé »
Il y a une solidarité entre joueurs/euses, qui est plus forte que dans le 5×5 avec, par exemple, des étreintes extrêmement marquées ?
En fait, les émotions au 3×3 sont décuplées. En plus, on n’est que quatre par équipe et tout est beaucoup plus partagé, tout le monde a aussi beaucoup plus de responsabilités au sein de l’équipe. Alors, oui, un panier qui donne la victoire, on le savoure pleinement. Une grosse défense qui est décisive, c’est
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Photo d’ouverture : FIBA