Pierre Rondeau est professeur d’Economie à la Sport Management School de la Défense à Paris et à l’Université Paris 1 Sorbonne. Il intervient également dans de nombreux médias, notamment Slate.fr et le groupe RMC. Il est enfin co-directeur de l’Observatoire sport de société de la fondation Jean Jaurès. Interrogé en décembre dans l’émission Buzzer sur RMC sur la situation de l’ASVEL en Euroleague la saison prochaine, nous l’avons contacté pour prolonger la discussion.
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Comment faire pour un club français comme l’ASVEL, soumis au contrôle de gestion imposé par la Jeep Elite – 1 euro dépensé = 1 euro de recette – pour exister dans une Euroleague où une dizaine de clubs invités pour dix ans dépensent sans compter des sommes folles chaque année ?
C’est toute la question que devraient se poser les dirigeants de l’Asvel. L’Euroleague est une compétition extrêmement inégalitaire avec des écarts de masses salariales et de budget astronomiques, et avec des clubs étrangers, espagnols ou russes qui nourrissent saison après saison des endettements colossaux pour maintenir leur position de domination. C’est sûr qu’on se demande : mais que va bien faire l’ASVEL dans cette galère ? Je ne peux pas croire, malheureusement, que l’ASVEL ait des ambitions sportives. Le Final Four est absolument hors d’atteinte, mais juste une saison où le club serait correctement placé ne semble pas accessible.
Pourquoi accepter l’invitation dans ces conditions ?
Cela a été dit par Gaétan Muller, directeur général du club : ils sont là pour prendre de l’expérience, il s’agit quand même de la deuxième compétition continentale au monde, derrière la NBA. C’est un gain d’expérience sportive, c’est sûr. Après, le club entend développer les recettes de billetterie, et la billetterie est très importante dans l’économie du basket comme l’a montré le récent rapport en la matière de la Jeep Elite, présenté par Alain Béral. Les recettes de jour de match représentent 20% des budget des clubs, ce qui est important. Donc de bonnes recettes de jour de match pour les rencontres d’Euroleague, c’est effectivement intéressant avec des grosses affiches. Ça pourrait donc être porteur à plus ou moins long terme. Mais par contre, je surligne ça, vraiment je le répète, sportivement ça me semble très compliqué de vouloir exister dans cette compétition. En France, on est contraint financièrement au niveau des dépenses et des investissements et en face, les clubs s’autorisent à de l’endettement au-delà de toute raison. L’intérêt n’est absolument pas du tout d’ordre sportif. Après, je comprends l’argument de l’expérience, pour la billetterie et également aussi pour la visibilité que cela peut amener.
« Pour exister, un budget de 20, 25, 30 millions d’euros est le seul moyen de faire bonne figure »
Un scénario de petit poucet est-il envisageable ?
Malheureusement quand on étudie la corrélation entre masse salariale, budget et classement sportif, elle est très élevée. Même en Jeep Elite, la corrélation est de 82%. En Euroleague, vu les écarts, c’est encore plus important. Pas forcément proche des 100% mais un chiffre très élevé quand même. Pour exister, un budget de 20, 25, 30 millions d’euros est le seul moyen de faire bonne figure. L’intérêt sportif est très faible. Il y a toujours l’exception qui confirme la règle, évidemment, mais… même si le club atteint les 14 millions, mobjectif fixé par Tony Parker, vue la réglementation française, les impôts, on reste bien loin des ténors.
Comment comprendre la stratégie de l’Asvel alors ?
Il faut voir cette participation à l’Euroleague non pas comme un challenge sportif mais comme un intérêt économique. La visibilité, la notoriété, la réputation, plus de matches donc plus de recettes billetterie. Cela permet aussi de crédibiliser et de mettre la pression sur les partenaires pour le projet d’Arena qui, si elle sortait de terre mais cela a toujours l’air compliqué, permettrait effectivement de bonifier considérablement les recettes. Cela peut permettre aussi de renégocier des partenariats à la hausse. Mais le challenge n’est que financier.
Est-il possible, face aux difficultés sportives que vous annoncez, de tirer des bénéfices économiques avec une invitation pour deux saisons seulement ?
C’est tout le challenge ! Il va falloir que l’ASVEL tente de garantir une pérennisation de sa présence, que ces deux ans deviennent quatre ou huit ans, qui devrait permettre d’obtenir des bénéfices financiers tout en résistant au challenge sportif. Il y aura une corrélation, de la part des dirigeants de l’Euroleague, entre la performance sportive du club et la durée de l’invitation. Si le club ne fait pas bonne figure et enchaîne les défaites calamiteuses et piteuses, il est évident que les deux ans prendront fin. Il faut essayer de tirer son épingle du jeu, se maintenir en milieu de tableau, gagner en expérience, réaliser de bons matches, faire parler de soi en évitant la catastrophe industrielle. C’est très intéressant pour les dirigeants du club. On met de côté l’aspect sportif et on met en avant la stratégie financière. Ils vont dire : on a signé un contrat de deux ans, mais on espère, parce qu’on va avoir une nouvelle Arena, parce qu’on va enclencher une politique de développement économique assez ambitieuse, parce qu’on va essayer de devenir le plus grand club de basket en France, et à partir de tous ces points, essayer de s’installer en Euroleague. Leur pari va se jouer au niveau de la réputation. Les dirigeants de l’Euroleague pourraient également l’évaluer comme ça. Pour eux, c’est très intéressant d’avoir un club français qui amène un public et des consommateurs. Quand bien même le club perdrait tous ces matches, si ça fonctionne au niveau de l’audimat, de la billetterie, des recettes de jour de match, qu’il y a une ferveur nationale populaire, ils ne vont pas s’autoriser à retirer l’invitation à un club français parce que sportivement, ça ne passerait pas. Dans un système de ligue semi-fermée sur invitation, tout ça est très compliqué. L’intérêt économique prime sur l’intérêt sportif ou sur la défaite sportive. S’il y a des spectateurs, des recettes, de la billetterie, des annonceurs, des partenaires, ça compte aussi. Et la France est une grande puissance économique. L’intérêt est très très fort pour l’Euroleague.
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Comment faire pour un club français comme l’ASVEL, soumis au contrôle de gestion imposé par la Jeep Elite – 1 euro dépensé = 1 euro de recette – pour exister dans une Euroleague où une dizaine de clubs invités pour dix ans dépensent sans compter des sommes folles chaque année ?
C’est toute la question que devraient se poser les dirigeants de l’Asvel. L’Euroleague est une compétition extrêmement inégalitaire avec des écarts de masses salariales et de budget astronomiques, et avec des clubs étrangers, espagnols ou russes qui nourrissent saison après saison des endettements colossaux pour maintenir leur position de domination. C’est sûr qu’on se demande : mais que va bien faire l’ASVEL dans cette galère ? Je ne peux pas croire, malheureusement, que l’ASVEL ait des ambitions sportives. Le Final Four est absolument hors d’atteinte, mais juste une saison où le club serait correctement placé ne semble pas accessible.
Pourquoi accepter l’invitation dans ces conditions ?
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Photo: Eurocupbasketball