À bientôt 64 ans, Jean-Denys Choulet est le doyen des coachs de Betclic Élite. Plus de 25 ans après son arrivée dans la ligue, le double champion de France (Roanne en 2007 et Chalon en 2017) pose son regard sur l’évolution de la fonction de coach en Betclic Élite, son envie de continuer le coaching « tant que la passion est là » mais aussi son potentiel futur poste de directeur sportif. Deuxième partie.
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Quelle sensation ça fait d’être, à bientôt 64 ans, le doyen des coaches en Betclic Élite ?
« Je remarque juste que j’ai encore une incroyable pêche de venir bosser le matin et que j’ai toujours envie d’être là. Et je n’ai surtout pas envie que les joueurs me prennent au développé-couché (rires). Tant que j’aurai la passion de mon métier et l’envie de me lever le matin pour aller bosser, je le ferai. Quand je suis arrivé en 2020, l’assistant Maxime Boire me disait : « ce qui me surprend le plus avec toi, c’est ton état de fraîcheur ». Je ne comprenais pas pourquoi il me disait ça, mais c’est vrai que je vais avoir 64 ans et je me sens dans la tête comme un coach de 30-40 ans. Quand je ne sentirai plus ça, j’arrêterai. Mais je ne me sens pas sur le reculoir sur le terrain. »
Imaginez-vous encore à la barre à l’âge de Gregg Popovich ?
« Peut-être pas quand même (rires). J’ai 64 ans, je risque de prolonger de deux ans ici, ça fera 66 ans, c’est déjà pas mal. Mais ce n’est pas une question d’années. Si au bout d’un an, je n’ai plus la fibre, j’arrêterai. Après, j’aurai peut-être un rôle différent à l’avenir, toujours au sein du club mais dans l’organisation, pourquoi pas en tant que directeur sportif. On sait que dans les clubs comme les nôtres, c’est très important. Vous savez, il y a certaines équipes qui ont un staff de 7-8 personnes. À Roanne, on est deux pour faire la préparation physique, l’entraînement, la vidéo, les statistiques, tout : Jean-Denys Choulet et Guillaume Quintard. On fait tout à deux. C’est aussi ce qui reste des coachs de l’ancienne génération qui sont un peu des couteaux suisses. Maintenant, les nouveaux coachs, il leur faut tout. Pas leur Fauthoux, Frédéric, mais il leur faut tout : un préparateur physique, un préparateur mental, un assistant vidéo, un statisticien… Mais dans le temps, on n’avait pas tout ça et ça ne se passait pas trop mal. »
A l’inverse, quand vous vous êtes retrouvé sans club, avez-vous pensé que votre carrière de coach pouvait être derrière vous ? Qu’avez-vous fait durant cette période ?
« Déjà, ce n’était pas trop long. Je me suis occupé, j’ai coupé des arbres, j’ai fait des travaux chez moi car j’ai la chance d’avoir une belle propriété. J’ai emmerdé tout le monde à la maison aussi (rires). Mais bon, ça n’a pas trop traîné. Et j’ai décidé, quitte à faire quelque chose, de partir au Liban, ce qui n’était pas si facile car c’était compliqué sur place. Mais c’était une expérience intéressante, j’ai trouvé des gens extrêmement intelligents là-bas, en particulier mon président. Et les Libanais sont des gens exceptionnels, même si pour le basket c’est différent. Sinon, je n’ai jamais pensé que le coaching était derrière moi. Quand vous avez la passion, ça se réalise. »
« Je peux vous dire, au niveau de la formation, moi qui a travaillé beaucoup avec les Ricains, qu’on n’a absolument rien à leur envier aujourd’hui au niveau des fondamentaux chez les jeunes joueurs »
Quel regard portez-vous sur l’augmentation du nombre de coaches et de directeurs sportifs étrangers en Betclic Élite ?
« (Respiration) Pas forcément un très bon regard… Mais bon, je ne suis pas nationaliste, je juge plutôt les compétences que la nationalité. Tant que les gens qui viennent sont compétents et font progresser le basket français, je dirais que je suis content. »
Et manque-t-on de coachs compétents dans le basket français ?
« Si, il y en a quelques-uns, évidemment. Mais bon, vous ne pouvez pas toujours enlever l’étiquette d’entraîneur serbe, yougoslave, qui est soi-disant plus fort que nos entraîneurs français. Je pense qu’il y a de très bons entraîneurs français. Je pense aussi qu’il y a quelques fois un peu plus de rigueur chez les entraîneurs étrangers que les entraîneurs français. »
Pourquoi n’y a-t-il pas des coaches français dans une des grandes ligues étrangères selon vous ?
« Historiquement, on a subi les résultats « moyens » de l’équipe de France. Maintenant, je pense que ça a bien changé aujourd’hui. Et il y a aussi quelque chose à part, c’est que les agences de recrutement et recruteurs extrêmement puissants ne sont pas orientés France, et surtout, ne sont pas Français. Le jour où on aura des grosses agences qui représenteront des coachs français, ça changera peut-être. Après, les résultats de l’équipe nationale, de Vincent Collet et des équipes de jeunes dernièrement prouvent que les Français sont là, et que la formation française fait bien son travail. Je peux vous dire, au niveau de la formation, moi qui a travaillé beaucoup avec les Ricains, qu’on n’a absolument rien à leur envier aujourd’hui au niveau des fondamentaux chez les jeunes joueurs. »
Avez-vous été approché par d’autres clubs étrangers, notamment en Europe, dans votre carrière ?
« Oui, je l’ai été. J’ai eu quelques contacts avec un club allemand à une époque, avec des clubs turcs aussi. Mais sans plus. Je n’étais pas demandeur non plus, et il faut l’être si vous voulez coacher à l’étranger. J’ai fait le Liban pendant huit mois, et la sélection nationale du Cameroun pendant quelques temps, ça ne m’a pas laissé des souvenirs impérissables. Quand vous avez une étiquette en France… Frédéric Antonetti avait une étiquette en football, moi c’était presque pareil dans le monde du basket. »
« Mon seul regret, et j’en ai eu un, c’est de ne pas avoir pu travailler avec Fred Forte à Limoges »
Vous dites que cela vous correspond de représenter des petites villes, mais n’êtes-vous pas frustré de ne pas avoir eu à coacher l’une des équipes du championnat avec l’un des plus gros budgets ?
« Il y a un tout petit peu de frustration, c’est vrai, mais vraiment une toute petite part (rires). Bien sûr, j’aurais bien aimé avoir un jour une équipe comme celle de l’ASVEL ou Monaco cette année, juste pour voir ce que ça aurait donné au plus haut niveau, notamment pour voir ce que ça aurait pu donner sur la scène européenne. Après, j’ai réussi avec mes joueurs, et surtout eux d’ailleurs, à gagner deux titres de champions de France, ce n’est pas anodin. Certains ont eu des très grosses équipes avec de gros budgets et ne l’ont jamais été. En fait, j’aurais surtout bien aimé moins m’énerver aux entraînements pour que les choses soient comprises plus rapidement, parce que plus vous montez de niveau, plus vous avez des joueurs avec un QI basket élevé, et plus c’est facile d’expliquer les choses. Dans ma carrière, j’ai souvent eu à insister, c’est moins reposant. Mais c’est toujours plus gratifiant d’aller chercher des résultats avec une petite équipe et un petit budget que d’être champion avec le plus gros. »
Avez-vous des regrets ?
« Mon seul regret, et j’en ai eu un, c’est de ne pas avoir pu travailler avec Fred Forte à Limoges (NDLR : en 2012). Ça ne s’est pas fait. Je pense qu’il y aurait certainement eu moyen de faire quelque chose d’intéressant parce que le public de Limoges et le style de jeu que j’aurais pu proposer à l’époque, ça aurait parfaitement matché, et ça aurait pu faire des dégâts. Ça ne s’est pas fait pour X raisons. Je dis ça parce qu’avec une équipe comme Limoges, il y a toujours le potentiel de faire quelque chose sur le plan européen. Avec des équipes comme Roanne, et d’autres, c’est un peu plus compliqué. »
Auriez-vous été intéressé de prendre en mains l’équipe de France ?
« A une époque, bien avant l’arrivée de Vincent Collet, autour de 2007-2008, Jacques Monclar aurait pu être manager général et moi coach. Ça aurait pu être très intéressant. Après, je sais que je suis un petit peu particulier au niveau du fonctionnement. Honnêtement, l’équipe de France, j’aurais aimé en faire partie avec un assistant et de magnifiques joueurs, oui. Mais avec cinq ou six assistants autour, je ne m’y serais pas trop reconnu. Je ne sais pas si j’y serais arrivé. A force de multiplier les assistants, ça diminue les responsabilités et les échanges directs. Je ne suis pas pour qu’un coach fasse tout, mais je suis surtout pour que le coach principal prenne les décisions et maîtrise ce qu’il veut dire. Quand on multiplie les assistants et préparateurs, on ne contrôle plus rien. C’est ce qui me semble la dérive actuelle dans le coaching. C’est comme ça que je fonctionne, et je peux concevoir que certains fonctionnent autrement, mais pour moi, le coach doit être un couteau suisse. »
« Tout ce qui fait progresser le basket français est intéressant et, pour lutter contre les meilleures équipes européennes, il ne suffit pas d’être bon coach, il faut aussi avoir de bons joueurs. Et les bons joueurs, ça se paie »
Comment fonctionne votre binôme avec Emmanuel Brochot ? Fonctionne-t-il comme à vos débuts ?
« Il fonctionne toujours un peu pareil. Vous savez, Emmanuel Brochot est quelqu’un qui a une très grosse base dans son boulot, il vient encore de racheter des boîtes dernièrement. Il est parti de pas grand chose et il est arrivé à transformer ce pas grand-chose en quelque chose d’exceptionnel. Il est toujours sur la brèche, et c’est quelqu’un qui a parfaitement réussi dans les affaires par le travail, et pas par l’héritage. Il se repose beaucoup sur moi en ce moment parce qu’on se connait, parce qu’il sait que je suis capable de m’occuper aussi bien des déplacements de bus que des systèmes de jeu, donc il sait que la maison est à peu près gardée. On ne se parle pas si souvent mais on se comprend assez bien. Quand j’ai besoin de lui, je sais qu’il est là, et inversement. Et Nicolas Reveret (NDLR : directeur général) fait très bien la transition entre nous, il nous donne un bon coup de main. »
Que pensez-vous de la montée en puissance de l’ASVEL et de Monaco, de l’investissements d’Américains à Paris et Pau ?
« C’est bien, tant que ça continue de faire progresser le basket français. Après, il faudra encore attendre un petit peu pour Paris parce que ça n’a pas encore porté ses fruits. Mais tout ce qui fait progresser le basket français est intéressant et, pour lutter contre les meilleures équipes européennes, il ne suffit pas d’être bon coach, d’avoir plein d’idées et de bons systèmes de jeu, il faut aussi avoir de bons joueurs. Et les bons joueurs, ça se paie. »
Quelle est l’image que vous aimeriez laisser dans le basket français ?
« Rien de spécial. Quelqu’un qui travaille pour développer son club. Le reste, vous savez, les gens vous font une image qui n’est pas toujours la réalité. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce n’est pas de courir après le cachet, c’est de développer mon club. En l’occurence, la Chorale de Roanne, où j’ai passé la majeure partie de mes années de coach. Et de faire en sorte que ce club reste dans l’Elite et que, dans la structure et la logistique, ce club soit capable de fonctionner comme un gros club, même s’il y a des petits moyens. Il faut que ça soit propre, qu’on trouve des appartements propres et des voitures correctes, qu’il y ait de la cryo, un jacuzzi, une bonne salle de musculation. De sorte à être exigeant avec les joueurs parce qu’on leur proposera quelque chose de sérieux au niveau de l’extra basket. Il y a encore du travail à faire à Roanne mais on est sur la bonne voie. »
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Quelle sensation ça fait d’être, à bientôt 64 ans, le doyen des coaches en Betclic Élite ?
« Je remarque juste que j’ai encore une incroyable pêche de venir bosser le matin et que j’ai toujours envie d’être là. Et je n’ai surtout pas envie que les joueurs me prennent au développé-couché (rires). Tant que j’aurai la passion de mon métier et l’envie de me lever le matin pour aller bosser, je le ferai. Quand je suis arrivé en 2020, l’assistant Maxime Boire me disait : « ce qui me surprend le plus avec toi, c’est ton état de fraîcheur ». Je ne comprenais pas pourquoi il me disait ça, mais c’est vrai que je vais avoir 64 ans et je me sens dans la tête comme un coach de 30-40 ans. Quand je ne sentirai plus ça, j’arrêterai. Mais je ne me sens pas sur le reculoir sur le terrain. »
Imaginez-vous encore à la barre à l’âge de Gregg Popovich ?
« Peut-être pas quand même (rires). J’ai 64 ans, je risque de prolonger de deux ans ici, ça fera 66 ans, c’est déjà pas mal. Mais ce n’est pas une question d’années. Si au bout d’un an, je n’ai plus la fibre, j’arrêterai. Après, j’aurai peut-être un rôle différent à l’avenir, toujours au sein du club mais dans l’organisation, pourquoi pas en tant que directeur sportif. On sait que dans les clubs comme les nôtres…
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Photo : Jean-Denys Choulet (Chorale Roanne)