Il est depuis plusieurs décennies le « Monsieur Basket » de France Télévisions. Le journaliste Jean-Philippe Guillin s’est confié à Basket Europe en juin dernier.
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Depuis quand êtes-vous journaliste dans le basket ?
J’ai commencé à France Régions 3 Basse Nomandie, à Caen, en 1983, l’année où il y a eu un championnat d’Europe en France. Arvidas Sabonis était déjà en équipe nationale d’URSS et il avait cassé deux paniers de suite au palais des sports de Caen. Ils avaient prévu un premier panier de rechange, mais quand il a pété le deuxième, ça a pris un peu de temps d’aller en récupérer un autre ailleurs (rires). C’était l’angoisse dans la salle, mais il y avait une histoire à raconter le soir à FR3. C’était Henri Sannier le présentateur et c’est lui qui m’a fait venir après à Paris, en 85, après avoir fait différentes stations régionales de FR3 pendant deux ou trois ans. C’est Michel Drey, qui était le patron des sports à FR3, qui m’a permis de faire mes débuts de commentateur. C’était lors du premier Final Four où il y a Limoges, en 1990, à Saragosse. Ils perdent en demi-finale contre Split (NDLR : le CSP termina troisième suite à sa victoire sur l’Aris Salonique). C’est le deuxième titre de suite de Split, et ils en gagneront un autre l’année suivante. Malheureusement, c’était du commentaire enregistré en direct. On n’avait pas eu la case de FR3. Pour des raisons de droits, on avait dû attendre la fin du match en temps réel pour recaler la K7, et rediffuser ça au national, à 22h30.
Quels sont vos souvenirs d’enfant et d’adolescent sur le basket à la télévision ?
J’ai joué dans un petit club, à Argentan, dans l’Orne, qui s’appelait le Patronage Laïque Argentan. Il y avait un autre club à Argentan, qui s’appelait la Bayard, qui était fourni par les élèves de l’école privée. Je pense que depuis les rapports sont moins conflictuels qu’à l’époque. J’ai joué en Promotion Excellence. Comme téléspectateur, j’ai le souvenir de la finale à Grenoble entre le Bosna Sarejevo et Varèse en 1979, avec des tireurs fous (NDLR : 45 points pour Zarko Varajic, 30 pour Mirza Delibasic, et victoire de Sarajevo, 96-93). Et comme spectateur, c’était les matches Caen-Le Mans, avec des sponsors comme Mammouth, Carrefour, Suma. J’ai joué jusqu’à mes vingt ans et mes études de journalisme, et j’ai vu à Caen le CBC en demi-finale de Coupe d’Europe contre Rome, avec Ansley Truitt, Bob Riley, Yves-Marie Vérove, Didier Dobbels, Victor Boistol. Il y avait une énorme ambiance derrière l’équipe.
« C’est surtout moi qui avais eu l’excellente idée (sourire) de proposer à mes supérieurs hiérarchiques d’aller chercher Yannick Souvré comme consultante »
Quelles compétitions importantes avez-vous couvertes comme journaliste ?
J’ai eu la chance dans ma carrière de ne pas faire que du sport. J’ai, par exemple, suivi la chute du communisme à Prague comme envoyé spécial. C’est gravé dans ma tête, la joie de toute une ville, les gens qui s’embrassent, qui pleurent, qui t’offre du champagne dans la rue. Je l’ai vécu sur la place Venceslas à Prague. Comme commentateur de basket, avec Richard Dacoury, c’est bien entendu les Jeux Olympiques de Sydney en 2000. La France a eu la chance de tomber dans un groupe pas trop difficile. On commence par des défaites contre l’Italie et la Lituanie, on s’en sort grâce à Antoine Rigaudeau qui met une série à trois-points dingue contre la Chine. On croise les Canadiens en demi-finale, par un hasard incroyable, alors que l’on aurait dû prendre les Serbes et cela aurait été peut-être une autre histoire. Mais les Serbes se sont engueulés entre eux dans l’autre poule, un ballon envoyé dans la figure d’un équipier, ça n’allait plus du tout. Les Serbes en n’avaient plus rien à faire de ce tournoi olympique comme ça arrive parfois dans ce genre d’équipe avec des stars. On croise les Canadiens et Makan Dioumassi éteint Steve Nash. A partir de là, c’est dingue. En France, tout le monde se met à parler de basket, et tout le monde se lève à 3h du matin pour voir la demi-finale contre l’Australie. J’avoue qu’à la fin du match, je m’arrête pendant une minute, je ne commente plus tellement ça devient fort émotionnellement. Je sens qu’ils vont aller en finale, qu’ils vont avoir une médaille d’argent. J’ai côtoyé ces mecs-là quand ils étaient absolument inconnus. J’ai interviewé pour la première fois Antoine Rigaudeau quand il devait avoir 16 ans, à Cholet. Et là, ils allaient en finale contre les Ricains, un truc de malade. Pendant une minute, je ne suis plus là, il n’y a que Richard qui continue à parler. Ça, c’est phénoménal. Et avant la finale, les uns après les autres, les journalistes américains sont venus nous voir, Richard et moi, en position commentateurs pour nous demander, avec la feuille de match, comment on prononce le nom des Français. Ces types, qui nous regardaient de haut, qui ne nous avaient pas adressés la parole de tout le tournoi, ces mecs de CBS, ABC, de radios et même de presse écrite, qui viennent nous demander, « comment vous prononcez Ri-gau-deau ? » Là, avec Richard, on était contents !
C’est à cause de la télé américaine que la finale de Sydney avait été diffusée à 5h du matin, et c’est arrivé de nouveau aux JO de Tokyo où elle a été programmée plus tôt encore ?
Un truc de malades, avec en plus la concurrence du hand et du volley car on avait les sports collectifs qui marchaient du feu de Dieu. A mon sens, la médaille d’argent des basketteurs a coûté sportivement plus de sang et de larmes à Tokyo parce que les adversaires étaient plus forts. La Slovénie était plus forte que l’Australie en 2000. Et cette médaille est un peu dans la pénombre parce que d’autres sports collectifs ont fait mieux. C’est le seul regret que j’ai par rapport à cette campagne de Tokyo si on doit comparer à vingt ans d’intervalle.
De plus, les finales du hand et du volley ont été diffusé à de bons horaires en France. C’est un peu la malédiction du basket. A l’inverse, l’équipe de France féminine de Londres en 2012, avec Céline Dumerc, avait été télévisée à des heures de grande écoute ?
Exactement. Je peux en parler puisque c’est moi qui les ai commentées. C’est surtout moi qui avais eu l’excellente idée (sourire) de proposer à mes supérieurs hiérarchiques d’aller chercher Yannick Souvré comme consultante. C’était sa première fois avec France Télévisions. Je l’avais côtoyé comme joueuse, je l’avais interviewée en direct quand elle a gagné au Mans ce fameux titre de championne d’Europe devant un public de dingue (NDLR : en 2001), avec Lionel Jospin qui descend pour l’embrasser car il la connaissait depuis toute petite. Donc, Yannick et moi, on a formé un super duo. On a eu des audiences de malade à Londres. Il n’y avait pas en face le hand et le volley qui faisaient autant d’ombre. En plus, des scénarios incroyables, je crois, trois fois de suite, dans trois matches, la petite Dumerc qui nous met ses paniers à trois-points. Un truc de dingue.
Par ailleurs, vous avez été rédacteur en chef de Tout le Sport ?
J’ai arrêté Tout le Sport en 2017 lorsque Henri Sanier est parti. J’ai averti mes supérieurs hiérarchiques, Pascal Colomer, le directeur de la rédaction et Laurent Eric Le Lay, le patron des sports, que je souhaitais faire autre chose, ne plus être sur la quotidienne de Tout le Sport sur la 3. Ça ne m’empêche pas de faire des remplacements. Par exemple, cette semaine (NDLR : la semaine dernière), j’ai fait deux sujets sur la NBA dans Tout le Sport, mais ce n’est plus mon cœur de métier. Pascal Colomer m’a donné plusieurs dossiers à suivre. Par exemple, très longtemps, j’ai encadré le Dakar en Amérique du Sud, puis en Arabie Saoudite. J’étais sur Roland-Garros où j’encadre la mise en images du résumé du soir. Ça fait de grosses audiences. A l’heure où vous m’appelez, je suis bien sûr en train de préparer les matches que je vais commenter en juillet et en août, mais je vais aussi encadrer les championnats d’Europe de natation à Rome. Je gère aussi un programme court, qui s’appelle Destination 2024 qui est collé, chaque dimanche, à la fin de Stade 2, qui présente les chances de médailles françaises, hommes, femmes, valides et handisports. Je donne aussi de temps en temps des coups de main sur Stade 2, qui est maintenant sur France 3 depuis deux ans.
« Toutes les grosses entreprises de l’audiovisuel ont de gros soucis financiers et nous, pour faire des économies, pour les matches des équipes de France depuis novembre 2021, on ne va plus à l’étranger »
Qu’est-ce qui a amené France Télévisions à conclure ce deal avec la FIBA qui vous amène à diffuser dorénavant les compétitions des équipes de France ?
Premièrement, je n’ai pas du tout assisté aux négociations chez nous. Il y a des gens qui s’occupent des programmes, des achats de droits dont c’est le métier. Tout cela passe ensuite sous les fourches caudines du directeur des sports, qui est Laurent Eric Le Lay. Ce sont de gros chèques, je n’assiste pas à ces négociations-là. En revanche, je donne mon avis quand il y a des appels d’offre, quand on me le demande. « Attention, cette année, on a une très bonne équipe de France… Elle va le rester car ce n’est pas une fin de génération… » Elle est capable d’obtenir de très belles médailles, aux championnats du monde de 2023 comme aux Jeux Olympiques de 2024, de construire pour les Jeux quatre ans après une équipe avec de plus jeunes talents, que la France entière ne connaît pas encore, mais qui vont éclore, ça peut permettre au basket français d’aligner une série de médailles assez incroyable. En même temps, dans ce deal on a les matches de qualification à la Coupe du monde mais – c’est à vérifier avec les gens qui chez nous s’occupent des droits -, je pense que l’on n’a pas toute la phase finale des coupes du monde féminine de 2022 et masculine de 2023. On rentre dans la diffusion au moment des quarts-de-finale. Ça, ce n’est plus tout à fait le deal du siècle ! Comme vous le savez, les garçons ont de très bonnes chances d’aller en quart-de-finale, alors que pour les filles, vue l’importance de la poule, et la complexité d’en sortir, ce n’est pas du tout écrit que cette nouvelle équipe de France dans les mains de (Jean-Aimé) Toupane y arrive. C’est David Malarme qui commente chez nous le basket féminin, qui est associé normalement avec Céline Dumerc. Il a fait les trois matches à Belgrade pour les qualifications. On a essayé de prêcher tous les deux auprès de nos directions respectives le fait que les matches de poules fassent partie du deal – même si ce n’est pas le cas au départ, qu’il y ait un moyen de trouver une solution avec la FIBA -, mais il semble que la FIBA ait trouvé un preneur crypté, privé, pour diffuser le premier tour (NDLR : Selon les informations de L’Equipe, il s’agit de BeIN Sports).
De toutes façons, vous n’avez pas la diffusion de l’EuroBasket de cette année ?
Ça, c’est une queue de contrat comme on dit en télévision. C’est la dernière compétition de Canal. Lors de la Coupe du monde de 2019, la diffusion en clair à la fin, pour la demi-finale contre l’Argentine, ils avaient trouvé M6. Mais j’espère aller sur place en 2023, que ce soit au Japon, en Indonésie ou aux Philippines pour commenter. Toutes les grosses entreprises de l’audiovisuel ont de gros soucis financiers et nous, pour faire des économies, pour les matches des équipes de France depuis novembre 2021, on ne va plus à l’étranger pour les matches de qualification. Avec Richard Dacoury, on les commente depuis Paris pour faire des gains financiers. Je me déplace dans les salles uniquement en France, à Pau pour le France-Monténégro, à Dijon pour le France-Portugal, et je vais aller à Mouilleron-le-Captif pour le France-Hongrie. Quand on n’y est pas, il n’y a pas l’interview de fin de match, donc on se fait fracasser sur les réseaux sociaux car, quand tout va bien, c’est normal que France Télévisions le fasse puisque c’est le service public, on ne dit pas que c’est bien fait, en revanche, quand il y a un problème, on se prend des scuds.
Quand on est journaliste à France Télévisions où l’audience est décuplée vis-à-vis des chaînes à péage, et que le public n’est pas le même, on a davantage de pression, et aussi de critiques ?
Bien sûr que l’on a davantage de critiques car le jeu maintenant, c’est de démonter la tête de tous les commentateurs et commentatrices, sur leur aspect physique parfois, et sur leurs commentaires, surtout en signant avec des pseudos, c’est la vraie maladie des réseaux sociaux. Il y a aussi des choses que même des éminents confrères ne comprennent pas, c’est que notre rôle à France Télévisions, c’est de faire comprendre un sport, quelque qu’il soit, au plus grand nombre, et donc de vulgariser au maximum. Pour parler du basket, on ne peut pas se permettre de parler systématiquement de step back, de draft, de pick and roll dans tout le commentaire puisque tu élargis ta population et que les gens qui regardent la télé, ce sont surtout les plus de 40 ans. Ces gens-là, si tu leur parles d’un franchise player, ils ne vont rien comprendre. Tu es obligé de rappeler que derrière la ligne, c’est à trois-points, que quand il y a cinq fautes, le joueur va être rappelé sur le banc. Parfois, tu es obligé de brider tes connaissances, et je sais qu’il y a certains confrères qui pensent qu’on n’y connaît rien, que l’on est des busards et que l’on fait ça par-dessus la jambe. Ce n’est pas grave, ça ne m’empêche pas de continuer. J’ai derrière moi une carrière agréable et plutôt bien remplie, notamment au niveau des directs de basket. Je pense qu’entre Patrick Chêne, Daniel Bilalian, Charles Biétry et maintenant Laurent Eric Le Lay, s’ils avaient voulu me remplacer par quelqu’un d’autre, trouver meilleur, ça serait arrivé assez rapidement. Il y a donc toujours cette tendance à faire vivre le moment, donner de l’émotion aux gens qui te regardent sans avoir un bouquin de statistiques ouvert sur les genoux, mais leur faire passer un bon moment, parfois en arrêtant de commenter. Il ne faut pas trop parler, et ça, ça s’apprend aussi. Après, j’ai une complémentarité avec Richard, on s’entend bien. Il est plus technique, plus sur les ralentis, je suis plus sur le descriptif. C’est une vraie amitié professionnelle, même si on ne se voit pas énormément en dehors des cabines de commentateurs. Mais c’est vingt ans d’émotions partagées.
A suivre demain.
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Depuis quand êtes-vous journaliste dans le basket ?
J’ai commencé à France Régions 3 Basse Nomandie, à Caen, en 1983, l’année où il y a eu un championnat d’Europe en France. Arvidas Sabonis était déjà en équipe nationale d’URSS et il avait cassé deux paniers de suite au palais des sports de Caen. Ils avaient prévu un premier panier de rechange, mais quand il a pété le deuxième, ça a pris un peu de temps d’aller en récupérer un autre ailleurs (rires). C’était l’angoisse dans la salle, mais il y avait une histoire à raconter le soir à FR3. C’était Henri Sannier le présentateur et c’est lui qui m’a fait venir après à Paris, en 85, après avoir fait différentes stations régionales de FR3 pendant deux ou trois ans. C’est Michel Drey, qui était le patron des sports à FR3, qui m’a permis de faire mes débuts de commentateur. C’était lors du premier Final Four où il y a Limoges, en 1990, à Saragosse. Ils perdent en demi-finale contre Split (NDLR : le CSP termina troisième suite à sa victoire sur l’Aris Salonique). C’est le deuxième titre de suite de Split, et ils en gagneront un autre l’année suivante. Malheureusement, c’était du commentaire enregistré en direct. On n’avait pas eu la case de FR3. Pour des raisons de droits, on avait dû attendre la fin du match en temps réel pour recaler la K7, et rediffuser ça au national, à 22h30.
Quels sont vos souvenirs d’enfant et d’adolescent sur le basket à la télévision ?
J’ai joué dans un petit club, à Argentan, dans l’Orne, qui s’appelait le Patronage Laïque Argentan. Il y avait un autre club à Argentan, qui s’appelait la Bayard, qui était fourni par les élèves de l’école privée. Je pense que depuis les rapports sont moins conflictuels qu’à l’époque. J’ai joué en Promotion Excellence. Comme téléspectateur, j’ai le souvenir de la finale à Grenoble entre le Bosna Sarejevo et Varèse en 1979, avec des tireurs fous (NDLR : 45 points pour Zarko Varajic, 30 pour Mirza Delibasic, et victoire de Sarajevo, 96-93). Et comme spectateur, c’était les matches Caen-Le Mans, avec des sponsors comme Mammouth, Carrefour, Suma. J’ai joué jusqu’à mes vingt ans et mes études de journalisme, et j’ai vu à Caen le CBC en demi-finale de Coupe d’Europe contre Rome, avec
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Photo d’ouverture : Jean-Philippe Guillin et Richard Dacoury