Après six saisons couronnées de succès à Dijon où il s’est affirmé comme l’un des coachs français les plus en vogue, Laurent Legname a rejoint la JL Bourg pour disputer l’Eurocup et poursuivre sa progression personnelle. L’entraîneur de 44 ans se livre sur ses ambitions européennes, sa vision des coachs français dans l’Hexagone ou encore sa relation avec Axel Julien. Première partie (deuxième épisode ici).
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Vous avez choisi Bourg-en-Bresse pour un nouveau défi. Pourquoi Bourg plus que Dijon ?
« Mon choix a été très difficile à prendre. J’ai vécu tellement de choses avec Dijon pendant six ans, et particulièrement sur les quatre dernières années avec une progression constante. Quand Bourg m’a sollicité, son projet m’a été présenté. C’est vrai que c’était un choix très difficile à prendre parce qu’il y avait d’un côté le fait que je me sentais très bien dans la ville de Dijon et de l’autre un nouveau challenge à Bourg-en-Bresse. Il n’y avait pas beaucoup de clubs qui pouvaient entre guillemets me proposer un projet sportif supérieur ou égal à celui que j’avais. Bourg en faisait partie. À Dijon, on a toujours surperformé par rapport à la masse salariale qu’on avait, c’est une réalité. Et je n’avais pas envie de faire l’année de trop. Il y avait aussi le fait que Bourg, à travers ses structures, Ekinox, son centre d’entraînement, le label or de la LNB et son modèle économique innovant… C’est un club qui a la volonté d’aller très haut. Je me suis dit « pourquoi pas ». J’avais peut-être aussi envie professionnellement de me mettre en danger et d’aller voir ailleurs pour performer dans un club qui dispose d’un peu plus de moyens que Dijon. C’est un ensemble de choses. »
Avez-vous eu des propositions de la part de clubs étrangers ?
« Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas reçu d’offres au moment où j’ai signé ici, en mars. J’avais quelques touches. Si des clubs d’Euroleague s’étaient positionnés, la question ne se serait pas posée. Ce n’était pas le cas. Je pense qu’il faut encore que je continue à progresser. C’était un peu tôt pour moi pour partir à l’étranger, comme au niveau familial par rapport à mes filles. Je pense que j’aurais pu avoir une offre plus tard, vers mai-juin, mais pas dans un club supérieur à Bourg-en-Bresse au niveau Eurocup. Donc je suis satisfait de voir autre chose en France, dans un très bon club, pour éventuellement aller voir à l’étranger par la suite. Une carrière se construit, et je pense que Bourg est une très bonne étape dans la mienne. On ne sait jamais de quoi l’avenir est fait, ça peut très bien s’arrêter, j’en suis pleinement conscient. Mais il faut toujours avoir de l’ambition pour progresser. »
L’étranger est donc un objectif pour vous dans votre carrière ?
« Oui, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises. Je ne sais pas si ça va se faire. Après, aller à l’étranger juste pour y aller, ce n’est pas un objectif. C’est y aller pour aussi avoir une équipe compétitive. Les joueurs ont parfois l’ambition d’aller à l’étranger pour le challenge. Peut-être que ça n’arrivera jamais pour moi mais je travaille au quotidien pour avoir, un jour, cette opportunité, je l’espère. »
« Quand j’ai signé à Bourg, j’ai expliqué le projet à Axel. J’aurais totalement compris qu’il aille ailleurs et qu’il ne me suive pas. Il a réfléchi tranquillement, il a pesé tous les éléments et j’étais très content quand il m’a annoncé qu’il voulait me suivre »
Vous venez avec Axel Julien à Bourg, après Hyères-Toulon et Dijon. Une telle complicité et fidélité est rare dans le haut niveau. Comment vous l’expliquez ?
« Ce n’est pas une relation classique joueur-entraîneur. Ça va au-delà de ça, tout le monde le sait maintenant. Je l’ai découvert en minimes pendant la fin de ma carrière, ensuite je l’ai toujours un peu suivi, j’ai été son entraîneur en Espoirs, en Pro B, en Pro A… On se connait par coeur. Il y a beaucoup de respect mutuel et de complicité. Il sait exactement ce que j’attends de mes équipes et de lui. Lui me connait parfaitement, connait mon caractère. Pour un coach, ça aide, parce qu’il facilite le message que je veux transmettre, c’est indéniable. Avec les Français comme les Américains. Il y a une progression mutuelle des deux côtés, ce n’est pas comme si on allait stagner. On s’est toujours nourri de cette relation pour progresser. C’est désormais un international français reconnu comme l’un des meilleurs JFL de l’Elite. »
Comment l’avez-vous convaincu de venir à Bourg ?
« Quand j’ai signé à Bourg, je lui ai expliqué le projet. J’aurais totalement compris qu’il aille ailleurs et qu’il ne me suive pas, ça aurait été normal et humain. Je lui ai dit « voilà le projet qu’il y a pour toi : l’Eurocup dans l’un des clubs majeurs en France, ça peut être excitant, mais il faut que tu sois heureux et épanoui ». Parce qu’Axel a besoin de se sentir bien là où il est pour être performant. Il a réfléchi tranquillement, il a pesé tous les éléments puis j’étais très content quand il m’a annoncé qu’il voulait me suivre. »
Lors du Final Four de Rouen, vous avez poussé un coup de gueule à propos du titre de l’année accordé à un coach étranger à votre dépens. Avec du recul, êtes-vous toujours touché par cette non-distinction ?
« Je ne dirais pas que j’ai été touché. Je trouve simplement que c’est ce qui nous fait mal et fait mal à notre corporation. Nous, coachs français, on n’est pas plus mauvais que les autres. Je pense qu’on a une image qui est ternie en termes de compétences, de performance, de tout. Alors que c’est faux. Ce que j’ai voulu dire au Final Four, c’est que ce n’est pas parce qu’un coach étranger vient en France qu’il est forcément meilleur qu’un coach français. Quand quelqu’un comme Vincent (Collet) performe en équipe de France, il faut être derrière lui parce que c’est normal. J’ai l’impression qu’en France, quand un coach réussit, ce n’est pas mis en avant autant que quand c’est un coach étranger. Avec ce que j’avais fait sur la durée à Dijon, et encore plus l’année dernière en terminant premier, ne pas avoir ce titre était tout simplement anormal. Je n’ai pas eu cette distinction mais ça ne m’a pas empêché de dormir, rassurez-vous, je ne fais pas ça pour ça. A un moment, je pense juste qu’il faut qu’on se soutienne entre coachs français quand quelqu’un réussit, comme par exemple pour élire le coach de l’année qui est élu à 50 % par les coachs eux-mêmes. Et il le faut même quand quelqu’un échoue, je suis conscient que pour l’instant, ça se passe bien dans ma carrière mais j’aurai sans doute des échecs, ça ne voudra pas dire que je suis meilleur ou moins bon, ce sont les carrières qui sont faites de hauts et de bas. On est tous au courant de ça dans ce métier. »
« Je m’aperçois aujourd’hui que la moitié des coachs de l’élite sont étrangers. Si ça continue comme ça, on va mourir, les coachs français. On a un déficit d’image. Je pense que ce constat est entretenu par les médias, qui autorisent beaucoup plus de choses aux coachs étrangers qu’aux coachs français. »
Qu’est-ce que cela révèle selon vous ?
« Malheureusement, je m’aperçois aujourd’hui que la moitié des coachs de l’élite sont étrangers. Ça arrive de plus en plus en Pro B également. Si ça continue comme ça, on va mourir, les coachs français. On a un déficit d’image. Je pense que ce constat est entretenu par les médias, qui autorisent beaucoup plus de choses aux coachs étrangers qu’aux coachs français. Je suis désolé, mais on n’est pas moins bons que les coachs étrangers. Il faut arrêter avec ces délires. Zvezdan (Mitrovic) est un très bon coach, je l’apprécie et je reconnais ses compétences, mais nous aussi nous en avons. Pour revenir à moi, quand un coach à du caractère, est un peu sanguin, extraverti, c’est un gueulard. Quand c’est un coach étranger, il faut ça, il a du charisme, il tient ses joueurs… Je ne sais pas d’où ça vient mais aujourd’hui, ce constat est partagé par beaucoup d’acteurs, notamment dirigeants et médias. C’est ça que j’ai voulu mettre en avant. »
Que faudrait-il faire pour souder davantage la corporation des coachs français ?
« Pourquoi ne pas dire : priorité aux coachs français ? Pourquoi pas faire passer le message à la ligue, à la fédération. On est connus pour former de très bons joueurs, on a un réservoir et un potentiel dans les équipes de jeunes. Il y a aussi ce réservoir de jeunes coachs en Pro B, Nationale 1, Nationale 2… Ils travaillent bien et sont tout aussi présents. Pourquoi ne pas valoriser ça à travers les institutions, faire des séminaires, des clinic pour exposer nos atouts, et le transférer aux dirigeants. Parce que ce sont les dirigeants qui décident quel est le coach. Parfois, les dirigeants sont frileux à l’idée de prendre un coach français. Alors qu’il y en a des très bons sur le marché, ils préfèrent prendre un coach étranger parce qu’indirectement, inconsciemment, ça les rassure. Il y a un gros travail à faire et il en va de la survie de notre corporation. »
Vous parliez de Vincent Collet, vous l’avez d’ailleurs côtoyé lors de l’Ain Star Game. Quel regard portez-vous sur son retour dans le championnat de France ?
« On ne va pas le présenter, Vincent est reconnu comme un des meilleurs, voir le meilleur technicien français depuis un certain temps. Ses résultats parlent pour lui. On lui reproche souvent, à tort, le fait de perdre en finale. Mais il faut déjà y aller, en finale ! Ce que je regarde surtout de lui, c’est le contenu de ses matches. Ce qu’il propose est riche, que ça soit offensivement ou défensivement. On l’a encore vu cet été avec l’équipe de France donc c’est une très bonne chose qu’il soit de retour dans le championnat de France. »
« David Holston reste six ans avec moi, Alex Chassang reste quatre ans, Jacques Alingué revient entre guillemets pour moi, Abdou Loum me suit pendant quatre ans, Axel Julien me suit… Si j’étais vraiment fou et gueulard, les joueurs voudraient changer. S’ils restent avec moi et qu’ils développent ce lien avec moi, c’est que je ne dois pas être une si mauvaise personne que ça au quotidien. »
A votre avis, quel regard les gens ont de vous en tant que coach et en tant que personne ?
« Ce que les gens pensent de moi, je m’en fous quelque part (rires)… Mais on sait aussi que c’est important parce qu’on est jugés sur le regard des autres dans ce métier. La majorité des gens ne me connaissent pas en tant que personne et me jugent en tant que coach. Je ne sais pas ce que les gens pensent de moi, je ne suis pas adepte des réseaux sociaux. J’ose espérer qu’ils pensent que, même si je crie pendant les temps-morts, je suis un travailleur, un passionné qui se lance à 200% dans ce qu’il fait. En tant que personne, la meilleure réponse que je peux vous donner, c’est le nombre de joueurs qui continuent à me suivre. David Holston reste six ans avec moi, Alex Chassang reste quatre ans, Jacques Alingué revient entre guillemets pour moi, Abdou Loum me suit pendant quatre ans, Axel Julien me suit… Si j’étais vraiment fou et gueulard, les joueurs voudraient changer. S’ils restent avec moi et qu’ils développent ce lien avec moi, c’est que je ne dois pas être une si mauvaise personne que ça au quotidien. Après, dans la vie privée, les gens me connaissent et savent que j’adore rire, partager, faire la fête… J’aime les plaisirs de la vie. Je suis quelqu’un de très simple, mes amis sont hors basket. En tout cas, je sais que je reste moi-même tout le temps, je ne joue pas un personnage. Bien sûr, on ne peut pas plaire à tout le monde mais en restant moi-même, je progresse et j’entretiens une vraie relation avec mes joueurs. Je ne changerai pas, je suis entier. »
En quoi le coach Laurent Legname est-il différent du Laurent Legname joueur selon vous ?
« Il n’y a rien à voir (rires). J’avais un caractère de merde quand je jouais, je l’ai gardé. J’ai toujours la même haine de la défaite. Après, ce sont deux professions totalement différentes, on ne peut pas être le même. Quand on est joueur, on est centré sur ses performances, sur soi-même. Alors qu’en tant que coach, il faut être vigilant et focus sur son groupe, et pas que sur le terrain. Il faut voir les à-côtés du basket, si les joueurs se sentent bien, comment ils réagissent, est-ce qu’on fait bien passer le message… C’est un métier de fou parce qu’on est en perpétuel éveil. On a toujours le basket dans un coin de notre tête, on n’a entre guillemets pas de vie à côté. Quand on est joueur, on rentre chez soi et on peut avoir une vie à côté, on pense forcément moins, on est moins impacté par le résultat. Alors que coach, même si on gagne, on pense de suite à l’après, ce qu’il faut encore travailler… On se remet perpétuellement en question. »
Retrouvez la deuxième partie de cette interview ci-dessous sur Basket Europe.
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Vous avez choisi Bourg-en-Bresse pour un nouveau défi. Pourquoi Bourg plus que Dijon ?
« Mon choix a été très difficile à prendre. J’ai vécu tellement de choses avec Dijon pendant six ans, et particulièrement sur les quatre dernières années avec une progression constante. Quand Bourg m’a sollicité, son projet m’a été présenté. C’est vrai que c’était un choix très difficile à prendre parce qu’il y avait d’un côté le fait que je me sentais très bien dans la ville de Dijon et de l’autre un nouveau challenge à Bourg-en-Bresse. Il n’y avait pas beaucoup de clubs qui pouvaient entre guillemets me proposer un projet sportif supérieur ou égal à celui que j’avais. Bourg en faisait partie. À Dijon, on a toujours surperformé par rapport à la masse salariale qu’on avait, c’est une réalité. Et je n’avais pas envie de faire l’année de trop. Il y avait aussi le fait que Bourg, à travers ses structures, Ekinox, son centre d’entraînement, le label or de la LNB et son modèle économique innovant… C’est un club qui a la volonté d’aller très haut. Je me suis dit « pourquoi pas ». J’avais peut-être aussi envie professionnellement de me mettre en danger et d’aller voir ailleurs pour performer dans un club qui dispose d’un peu plus de moyens que Dijon. C’est un ensemble de choses. »
Avez-vous eu des propositions de la part de clubs étrangers ?
« Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas reçu d’offres au moment où j’ai signé ici, en mars. J’avais quelques touches. Si des clubs d’Euroleague s’étaient positionnés, la question ne se serait pas posée. Ce n’était pas le cas. Je pense qu’il faut encore que je continue à progresser. C’était un peu tôt pour moi pour partir à l’étranger, comme au niveau familial par rapport à mes filles. Je pense que j’aurais pu avoir une offre plus tard, vers mai-juin, mais pas dans un club supérieur à Bourg-en-Bresse au niveau Eurocup. Donc je suis satisfait de voir autre chose en France, dans un très bon club, pour éventuellement aller voir à l’étranger par la suite. Une carrière se construit, et je pense que Bourg est une très bonne étape dans la mienne. On ne sait jamais de quoi l’avenir est fait, ça peut très bien s’arrêter, j’en suis pleinement conscient. Mais il faut toujours avoir de l’ambition pour progresser. »
L’étranger est donc un objectif pour vous dans votre carrière ?
« Oui, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises. Après, aller à l’étranger juste pour y aller, ce n’est pas un objectif. C’est y aller pour aussi avoir une équipe compétitive. Les joueurs ont parfois l’ambition d’aller à l’étranger pour le challenge…
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Photo : Laurent Legname (FIBA)