Lauriane Dolt est la pionnière en étant coach assistante d’une équipe professionnelle masculine française, à Strasbourg. Il y en a une deuxième depuis le début de saison, aux Sharks d’Antibes. En plus de Marc Berjoan et de l’Américano-Suédois Kenny Grant, Julien Espinosa a fait appel à une femme comme assistante, Jade Sage, qui est jeune, 25 ans. C’est son parcours et ses ambitions qu’elle révèle dans cette interview et il apparaît clairement qu’elles sont élevées.
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Vous êtes originaire de la Gironde et vous avez fait trois centres de formation ?
C’est ça. Nantes-Rezé, Arras et le Cavigal de Nice. A Nantes, le projet sportif pour la deuxième année cadette ne me convenait pas. J’ai cherché un autre club pour atteindre mes objectifs de joueuse dans le haut niveau que j’ai trouvé à Arras. Deux semaines après mon arrivée, je m’entrainais avec les pros sous la tutelle de Bruno Blier. Et quand il est parti, je suis parti avec lui car c’est grâce à lui que j’avais pu faire ces deux belles années. Je suis arrivée à Nice et en parallèle j’ai commencé un cursus universitaire. J’ai continué mon petit bonhomme de chemin jusqu’à mon arrivée ici.
Vous vous êtes blessée ?
A Arras, je me suis luxée l’épaule et comme c’était ma troisième récidive, j’ai dû me faire opérer. Ça m’a coûté une saison blanche. Cette blessure m’a freinée dans ma carrière de joueuse. J’ai fait le banc en Ligue 2 mais je ne suis pas rentrée.
Etes-vous frustrée de ne pas être allée un peu plus loin en tant que joueuse ?
Frustrée, ce n’est pas le mot. Bien sûr, j’aurais aimé aller plus loin dans ma carrière de joueuse mais je savais déjà que c’était une carrière assez éphémère surtout avec des blessures et j’en ai vécu l’expérience. Je voulais très vite savoir ce que j’allais faire après ma petite carrière de joueuse et en fait c’était d’être entraîneur. Je me suis tout de même demandé si je devais aller chercher de la Ligue 2, de la N1 où j’aurais pu continuer ma carrière de joueuse. C’est présenté à moi l’ancien assistant de l’équipe professionnelle de Nice, Grégory Muntzer, qui m’a proposée de me former en tant qu’assistante sur les minimes France. C’était une opportunité de coacher à haut niveau sachant que les places sont très restreintes. Non, ce n’est pas de la frustration. J’ai eu la chance de m’entraîner avec des joueuses qui jouent en équipe de France actuellement et je suis très contente de l’expérience que j’ai vécu. Et maintenant je me fixe d’autres objectifs dans un autre domaine de prédilection.
Vous-vous étiez fait la réflexion à l’époque qu’il y avait peu de femmes dans les clubs féminins ?
Quand j’étais joueuse, je ne m’en rendais pas compte. J’étais focus sur ma carrière, sur mon développement personnel. Bien sûr, on voyait qu’il n’y avait pas beaucoup d’entraîneurs féminines. Il y avait encore Corinne Benintendi, Valérie Garnier et Marina Maljkovic. Ce n’était pas beaucoup mais je ne m’en rendais pas compte à l’époque. Aujourd’hui, je sais que les places sont très restreintes pour les femmes.
Parallèlement, vous avez obtenu un Master en Préparation Physique et Réathlétisation ?
Ma blessure à l’épaule m’a beaucoup servi dans mon développement personnel, que ce soit sportif ou humain. Ça m’a permis de me recentrer sur moi-même. Je me suis dit qu’une blessure peut arrêter une carrière alors qu’on n’est pas forcément consciente que ça peut nous arriver à nous du jour au lendemain. Là, on se dit, que va-t-on faire quand il n’y aura plus le basket ? C’est un message que j’essaye de faire passer aux jeunes joueurs que j’entraîne en leur disant que le basket c’est une carrière très éphémère. Sinon les grandes stars, c’est compliqué pour beaucoup de joueurs et de joueuses, qui n’ont pas fait des études à côté, et qui se retrouvent sans rien à la fin de leur carrière et qui font des choses par défaut. Je me suis dit que je voulais un plan B au cas où la carrière que je voulais faire en tant que joueuse n’aboutissait pas. J’ai pu faire STAPS avec des horaires aménagés et la préparation physique, c’est quelque chose qui me branche beaucoup. J’ai passé mes diplômes afin d’avoir la double casquette, préparateur physique et entraîneur.
C’est grâce à un stage que vous êtes entrée aux Sharks ?
En fait, dans mon Master 1, je devais trouver un stage pour avoir mon diplôme dans la préparation physique. J’avais déjà fait un stage au Cavigal et la fac de Nice avait beaucoup de contacts avec les Sharks. Je me suis dit, je veux tenter ma chance ! J’ai rencontré Christian Corderas qui est l’actuel responsable du centre de formation et il m’a pris comme stagiaire. Je lui avais dit que j’aimerais rentrée dans une structure professionnelle, que ce soit masculine ou féminine. Il m’a aidée pour démarcher les autres clubs de Pro A, Pro B et Ligue Féminine. Je n’osais pas lui demander pour les Sharks. J’ai eu quelques propositions et lui m’a fait une offre. Il souhaitait m’avoir comme assistante sur les espoirs. J’ai eu un très bon feeling avec lui, il m’a beaucoup appris et je voulais apprendre davantage sur le basket que sur la préparation physique. J’ai accepté son offre et pendant deux ans j’ai été son assistante avant d’arriver à la place que j’occupe aujourd’hui.
« Il y a beaucoup de femmes politique, de femme d’affaires, des femmes à hautes responsabilités, qui arrivent à gérer leur vie perso et leur vie professionnelle, alors pourquoi pas des entraîneurs féminins de haut niveau »
Le basket masculin de haut niveau, c’est quelque chose qui vous intéressait avant ?
Comme j’y étais, je regardais davantage le basket féminin. Pour les garçons, je suivais les résultats de Strasbourg, de l’équipe de France, j’aime bien aussi deux ou trois équipes de NBA. Je m’y intéressais toutefois beaucoup moins que maintenant où je suis dedans. Je lis, je relis, je regarde beaucoup de matches d’Euroleague, de NBA, de Pro A, Pro B, du championnat espagnol, serbe, italien. J’ai délaissé un peu la Ligue Féminine mais en ayant toujours un œil dessus.
Aviez-vous une appréhension d’intégrer une équipe d’hommes ?
Non. Au contraire, c’était un challenge que je voulais réussir. Je n’ai pas eu peur sinon une petite appréhension sur les premiers entraînements, les premiers contacts avec les joueurs, c’est tout. Mais j’étais excitée à l’idée de commencer et de prouver que j’étais capable de le faire.
Les joueurs ont-ils été surpris d’avoir à faire à une femme qui plus est, une jeune femme ?
J’ai eu la chance d’être un peu sur les entraînements l’année dernière sur du travail individuel, ce qui fait que ceux qui étaient sous deux années de contrat ou qui ont re-signé me connaissaient déjà. Mais je n’ai pas ressenti ça chez les nouveaux et quand j’ai fait les parties d’entraînement, ils étaient très réceptifs, très respectueux, et ils demandaient pas mal de conseils. Pour eux, un entraîneur est un entraîneur, qu’il soit jeune, vieux, une femme ou un homme.
Comment se fait la répartition des taches avec les deux autres assistants, Marc Berjoan et Kenny Grant ? Vous êtes plus sur la préparation physique ?
Non car on a un préparateur physique. J’ai été embauchée dans le staff pour faire du scouting vidéo, de l’analyse statistiques et du développement individuel sur les joueurs. Kenny Grant est sur le développement individuel des joueurs notamment sur le travail du tir et Marc Berjoan a le rôle du premier assistant. Il travaille sur la vidéo, le développement des joueurs, c’est un peu notre référent à Kenny et moi, c’est la première personne à qui on doit rendre des comptes dans notre travail individuel et sur nos missions.
Vous vous occupez encore un peu des espoirs ?
Je suis un peu sur le banc pour faire la passerelle avec les jeunes, ça permet d’avoir du lien avec le centre de formation.
Les ajustements dans l’équipe avec le retour de Chris Otule, la venue de Taurean Green ont-ils modifié le mental de l’équipe ? (NDLR : l’interview a eu lieu avant la défaite à domicile face à Boulazac ?)
L’arrivée de Taurean Green et Chris Otule a apporté un plus mais malgré le 0-9 que l’on a subi, il n’y a jamais eu de péril en la demeure. On savait que le début de championnat ne serait pas simple. On a eu des pépins physiques qui nous ont privés de certains joueurs sur deux ou trois matches et l’équilibre était compliqué à avoir. Depuis qu’ils sont là, l’équilibre est rétabli, ça a apporté un nouveau souffle, de l’enthousiasme à l’entraînement mais il n’y a jamais eu de soucis avant ça et bien sûr qu’avoir ces deux victoires d’affilée, ça fait du bien au moral. On sait le chemin qu’il nous reste à parcourir, on va faire en sorte de sortir de cette zone rouge et je pense qu’on le fera.
Avez-vous eu l’occasion de parler avec Lauriane Dolt ?
Un petit peu. On s’est connu quand elle était encore coach des espoirs. Christian Corderas nous avait présenté. On se parle de temps en temps par message même si on n’a pas eu encore vraiment eu le temps de discuter de son parcours. Ça a été une des premières à me féliciter pour mon nouveau poste et je ne m’y attendais pas. Je pense que si elle n’avait pas été là, je ne serais pas aujourd’hui à la place que j’occupe.
En vous écoutant, on se dit que vous n’avez pas de barrière psychologique ?
Non. Le ressenti que j’ai c’est qu’il y a encore des anciennes mentalités qui pensent qu’une femme ne peut pas coacher des hommes…
Vous avez des réflexions à ce sujet ?
On ne m’en a jamais faites mais je sais qu’il y a des coaches qui sont encore réfractaires au fait qu’il y ait des femmes qui coachent des hommes. Ça peut se comprendre mais pour moi ce n’est pas une barrière, au contraire. Je veux montrer qu’une femme est capable de coacher des hommes et que l’on parle de compétence basket et pas de genre masculin ou féminin. Le basket c’est le basket, ça n’a pas de genre. J’ai zéro barrière et j’ai zéro limite. Je suis très ambitieuse comme personne et je jouerai la carte que j’ai à jouer dans le monde masculin. J’ai envie de la jouer très, très forte.
Vous pensez que votre destinée est de rester chez les garçons ?
Je ne ferme pas la porte au basket féminin, c’est là d’où je viens mais si j’ai une carte à jouer dans le basket masculin, je la jouerai. J’ai un pied dedans et je veux y mettre les deux, je veux m’imposer dans le basket masculin. J’ai le temps, je suis jeune mais je suis très enthousiaste, très heureuse de mon début de parcours et je remercie Julien Espinosa de m’avoir donné cette chance. Tous les jours j’apprends et j’adore mon boulot, je m’y épanouie énormément.
Etes-vous attentive à la féminisation en NBA, au parcours de Becky Hammon aux Spurs ou le fait que Sue Bird intègre le staff des Nuggets ?
Bien sûr car je me dis que si la NBA ouvre ses portes à des grandes joueuses -il y a aussi Kristi Toliver qui a intégré le staff de Washington- c’est très bien car on sait que les Américains sont les pionniers de tout. Ça peut nous ouvrir des portes sur la scène européenne. En plus ce sont des joueuses que j’admire et j’ai eu la chance d’en voir quelques-unes sur le parquet et les voir sur les terrains avec la casquette de coach, c’est encore mieux. C’est tout bénéf pour nous. On ne donne pas un poste de coach en NBA pour ses beaux yeux. On lui donne parce qu’elle a des connaissances fortes. Je suis très attentive, très admirative à ça et j’espère un jour pouvoir les rencontrer, ces joueuses-entraîneurs.
Il n’y a pas encore beaucoup de femmes dans le coaching en Europe, y compris dans le basket féminin ?
Non. Je pense que ça va s’ouvrir de plus en plus, la société actuelle veut ça aussi. Il y a pas mal de femmes qui veulent maintenant coacher. Peut-être qu’avant on ne leur ouvrait pas les portes. Il va y en avoir de plus en plus dans les années qui vont suivre. Encore une fois, le basket ne se limite pas à un genre. Tant que l’on apporte les connaissances aux joueurs, la stratégie, les tactiques, peu importe que l’on soit un homme ou une femme, le joueur n’attend qu’une chose : gagner et pouvoir se développer.
Vos anciennes équipières sont-elles étonnées par votre parcours ?
Je ne peux pas parler pour elles (sourire). Elles sont super contentes mais je ne sais pas si ça les étonne ou pas.
Les observateurs du basket féminin font le constat qu’il y a moins de jeunes filles passionnées par le basket que de jeunes garçons, donc qu’il y a moins de vocations. Ils disent aussi que ça demande davantage de sacrifices pour une femme d’être coach que pour un homme ?
Je ne peux pas répondre, je suis encore jeune. Bien sûr je pense à un projet de famille mais ce n’est pas aujourd’hui la première question que je me pose. Il n’y a pas encore eu ce « problème » sur le fait de savoir comment ça va se passer si une femme coach tombe enceinte. Pourra-t-elle entraîner ? Peut-être que dans trois ou quatre ans on en reparlera et je pourrai vous dire comment je gère ce type de situation. Aujourd’hui, je gère très bien ma vie perso mais parce que je n’ai pas encore le plan de fonder une famille. Il y a beaucoup de femmes politique, de femme d’affaires, des femmes à hautes responsabilités, qui arrivent à gérer leur vie perso et leur vie professionnelle, alors pourquoi pas des entraîneurs féminins de haut niveau.
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Vous êtes originaire de la Gironde et vous avez fait trois centres de formation ?
C’est ça. Nantes-Rezé, Arras et le Cavigal de Nice. A Nantes, le projet sportif pour la deuxième année cadette ne me convenait pas. J’ai cherché un autre club pour atteindre mes objectifs de joueuse dans le haut niveau que j’ai trouvé à Arras. Deux semaines après mon arrivée, je m’entrainais avec les pros sous la tutelle de Bruno Blier. Et quand il est parti, je suis parti avec lui car c’est grâce à lui que j’avais pu faire ces deux belles années. Je suis arrivée à Nice et en parallèle j’ai commencé un cursus universitaire. J’ai continué mon petit bonhomme de chemin jusqu’à mon arrivée ici.
Vous vous êtes blessée ?
A Arras, je me suis luxée l’épaule et comme c’était ma troisième récidive, j’ai dû me faire opérer. Ça m’a coûté une saison blanche. Cette blessure m’a freinée dans ma carrière de joueuse. J’ai fait le banc en Ligue 2 mais je ne suis pas rentrée.
Etes-vous frustrée de ne pas être allée un peu plus loin en tant que joueuse ?
Frustrée, ce n’est pas le mot. Bien sûr, j’aurais aimé aller plus loin dans ma carrière de joueuse mais je savais déjà que c’était une carrière assez éphémère surtout avec des blessures et j’en ai vécu l’expérience. Je voulais très vite savoir ce que j’allais faire après ma petite carrière de joueuse et en fait c’était d’être entraîneur. Je me suis tout de même demandé si je devais aller chercher de la Ligue 2, de la N1 où j’aurais pu continuer ma carrière de joueuse. C’est présenté à moi l’ancien assistant de l’équipe professionnelle de Nice, Grégory Muntzer, qui m’a proposée de me former en tant qu’assistante sur les minimes France. C’était une opportunité de coacher à haut niveau sachant que les places sont très restreintes. Non, ce n’est pas de la frustration. J’ai eu la chance de m’entraîner avec des joueuses qui jouent en équipe de France actuellement et je suis très contente de l’expérience que j’ai vécu. Et maintenant je me fixe d’autres objectifs dans un autre domaine de prédilection.
Vous-vous étiez fait la réflexion à l’époque qu’il y avait peu de femmes dans les clubs féminins ?
Quand j’étais joueuse, je ne m’en rendais pas compte. J’étais focus sur ma carrière, sur mon développement personnel. Bien sûr, on voyait qu’il n’y avait pas beaucoup d’entraîneurs féminines. Il y avait encore Corinne Benintendi, Valérie Garnier et Marina Maljkovic. Ce n’était pas beaucoup mais je ne m’en rendais pas compte à l’époque. Aujourd’hui, je sais que les places sont très restreintes pour les femmes.
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Photos: Sharks et FFBB