En 1996 naissait Comsport, une agence qui a commencé à faire parler d’elle en mettant en lumière la Slam Nation, une prestigieuse troupe de dunkers. Un quart de siècle plus tard, toujours avec à sa tête Bouna Ndiaye et Jeremy Medjana, Comsport a pignon sur rue en NBA avec la signature de quelques-uns des plus beaux fleurons du basket français à des sommes qui donnent le vertige. L’agence est aussi très présente en France avec notamment dans son écurie une large majorité des internationales.
Jeremy Medjana nous parle de son agence, du marché, et d’un métier à qui il consacre environ 180 jours par an à se déplacer.
L’interview est en trois parties. Voici la troisième.
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Cela vous arrive-t-il souvent que certains de vos joueurs ont des difficultés pour être payés par des clubs européens ?
Non car on évite de mettre des joueurs dans des clubs en difficulté ou du moins on essaye de prendre un maximum de précautions. Ça fait très longtemps que ça ne nous est plus arrivé. Même chez les filles, je ne les mets pas dans un club par défaut.
Ainsi, vous avez Valériane Ayayi, qui est dans l’un des meilleurs clubs d’Euroleague, Prague ?
C’est un club très solide où sont passées Elodie Godin et Sandra Le Dréan très longtemps qui y a fini sa carrière. Ça s’est toujours très bien passé. Ce sont des gens que je pratique depuis très longtemps donc je sais où je mets les pieds. A Ekaterinbourg, j’ai mis Sandrine (Gruda) neuf ans, Laurent Buffard, Jacky Moreau. Ekat c’est exceptionnel, un autre monde. Je ne sais même pas si un club masculin offre les mêmes conditions en Europe. Je crois qu’ils ont sept ou huit avions privés. C’est incroyable. Le président de la holding qui détient le club, c’est la 422e fortune au monde. C’est inouï qu’une personne comme ça soit à la tête d’un club féminin. C’est pour ça que j’ai peur que ça soit l’hégémonie pour très longtemps. Ça fait deux années de suite qu’ils gagnent, ils couraient après ça depuis très longtemps. Ils veulent tout gagner autant d’années qu’ils pourront. Il n’y a pas de limite, de problèmes d’argent. Breanna Stewart avait signé à Ekat. Comme elle ne jouera pas, je pense qu’ils vont garder la même équipe à laquelle ils vont rajouter (Jamierra) Falkner, une meneuse américaine avec un passeport russe qui était blessée, et (Jonquel) Jones, qui a un passeport européen. Ils étaient déjà intouchables et ils vont encore se renforcer sachant en plus qu’ils devaient avoir Stewart. Ils sont vraiment hors catégorie. On en rigolait avec Tony (Parker), qui me disait que comme ça ils avaient peut-être une chance de faire le Final Four voir peut-être même de jouer la finale, ce qui est vrai.
Ekaterinbourg appauvrit un peu les autres concurrents ?
Oui, même si ça reste solide. Prague est capable de payer des joueuses quasiment 500 000. Ce n’est pas anodin. Mais on sait bien que malgré tout l’argent n’a pas toujours été déterminant. La preuve, Prague a eu beaucoup moins de budget que d’autres clubs et ils ont réussi à gagner l’Euroleague (NDLR: en 2015). Mais, malgré tout, j’ai bien peur que Ekaterinbourg soit devenu intouchable. Les dés ne sont-ils pas pipés pour longtemps ?
De combien est leur budget ?
Peut-être une quinzaine de millions. C’est plus que le budget de l’ASVEL. Et les charges là-bas ne sont pas comparables. Quinze millions à Ekaterinbourg c’est peut-être vingt-cinq ici.
Combien de joueuses de l’équipe de France actuelle sont chez Comsport ?
En général, neuf-dix. Je ne travaille plus avec Sandrine (Gruda) depuis qu’elle n’est plus à Ekat. Elle a arrêté avec moi pour travailler avec son mari. Et j’ai arrêté de travailler avec Olivia Epoupa de mon propre chef.
Pourquoi les transferts en Ligue Féminine se font-ils dès le mois de janvier alors que chez les garçons c’est beaucoup plus tard ?
Parce qu’il y a des présidents qui sont impatients et qui veulent à tout prix faire leur équipe très rapidement. C’est un peu la panique, la course à la joueuse française (sourire). Je ne cache pas que c’est quelque chose qui n’est pas super car il y a trop d’inconnues à cette période-là au niveau des clubs pour prendre tout le temps les bonnes décisions. Villeneuve qui jouait l’Euroleague cette année est en train de jouer pour se maintenir (NDLR : les playdowns). Tu peux te trouver en difficulté si tu t’es engagée trop tôt. Après, ce sont les joueuses qui décident. Il faudrait qu’elles soient toutes à l’unisson en décidant de ne pas se lier aussitôt dans la saison.
Ça devrait être la même chose chez les garçons ? C’est le fait que la plupart des meilleures joueuses soient en France qui provoque ce phénomène ?
Ce n’est bizarrement pas le même mécanisme et je ne saurais pas l’expliquer. Il y a quelques présidents qui ne veulent pas s’embêter à recruter tard, ils veulent aller vite, et les autres emboîtent le pas. Il ne faut pas se mentir : ce sont les riches qui recrutent en premier. Bourges a quasiment toujours eu la primeur.
C’est quand même curieux : on parle des transferts alors que la saison régulière n’est même pas terminée. De plus, cette année, ils ont été rendus publics alors que d’habitude ça reste plus ou moins secret ?
Il y a aussi une petite émulation, une rivalité entre clubs qui ont des moyens conséquents. Il n’y a plus que Bourges. Il y a Bourges, Lyon et Montpellier. Basket Landes aussi est monté en budget, Charleville-Mézières. Il y a plusieurs clubs qui sont capables aujourd’hui de proposer des contrats importants. Je n’ai jamais eu autant de contrats à dépasser les 100 000 euros que cette année. J’en avais deux qui avaient dépassé les 100 000 euros sur les quinze dernières années et cette année, j’en ai fait sept ou huit. Etrangères et Françaises.
« Pour Marine Johannès à peu près la moitié des clubs WNBA nous ont contactés »
C’est vous qui avez mis en contact Marine Johannès avec le New York Liberty ?
On a été contacté par les clubs pour Marine. Je pars d’un principe simple : ce n’est pas nous qui décrétons d’aller dans les grands clubs étrangers ou en WNBA. Ce sont eux qui décident. Je dis toujours aux joueuses et aux joueurs, soyez les meilleurs possibles et les bonnes choses arriveront, à l’image d’une Marine ou d’un Vincent Poirier. Quand tu es bon, les choses viennent à toi.
Un club comme New York a des scouts en Europe qui le renseignent sur la valeur des meilleures joueuses ?
Forcément. Le recrutement se fait beaucoup via leurs propres joueuses.
Bria Hartley peut faire la pub de Marine Johannès ?
Enormément. En WNBA, elles sont beaucoup dans cet esprit-là. Ils ne sont pas aussi développés que chez les mecs au niveau du scouting (NDLR : Emmeline Ndongue avait été ainsi recommandée aux Los Angeles Sparks par Lisa Leslie suite à un face à face en Europe). Après, je suis partenaire avec Boris Lelchitski de l’agence Sigsports, qui est mon témoin de mariage, qui a embauché l’ancienne joueuse portugaise Tina Penichero, qui est agent. Ils ont une position très dominante en WNBA avec, je crois, quatre ou cinq joueuses par club. En fait, ce n’est pas facile pour une joueuse européenne d’aller en WNBA car il y a des frais qui sont importants notamment pour faire le visa alors que pour une joueuse sur place il n’y a pas le même coût pour le visa de travail. Ça veut dire que quand tu es étrangère, il faut vraiment être très forte. Emma Meesseman, Sandrine Gruda, Ann Wauters, ce sont les grosses joueuses qui ont fait carrière en WNBA et il n’y en a pas tant que ça.
Comme Marine Johannès va faire le championnat d’Europe, elle n’est pas libre de suite. C’est donc peut-être plus difficile de négocier un contrat ?
A peu près la moitié des clubs nous ont contactés mais je voulais aussi avoir une garantie même si je mets ça entre guillemets. Je crois que techniquement, Marine va être suspendue afin que son contrat ne rentre pas en ligne de compte au niveau de la masse salariale. On est tombé d’accord pour que Marine rejoigne le Liberty après l’équipe de France. Ça veut dire qu’elle ne va pas faire la préparation et qu’elle va arriver en cours. Il y a deux clubs qui avaient accepté ça, Phoenix et New York. On a choisi ensuite celui qui nous paraissait le plus enclin à son épanouissement. Après, il faut aller sur la place et être bon, c’est tout (sourire).
Faire trois saisons en une, n’est-ce pas trop ?
Je sais bien mais il n’y a pas trop le choix. Son rêve de toujours à Marine c’est de jouer en WNBA. On a essayé de trouver le meilleur compromis. C’est vrai que c’est problématique l’enchainement de toutes ces compétitions entre le club, l’équipe de France et la WNBA. C’est lourd. Après, je ne suis pas sûr qu’elle joue 40 minutes en WNBA. C’est la première fois qu’elle va le faire, on va voir ce que ça va donner. Elle avait une opportunité qui est concrète, ils ont accepté qu’elle arrive après, c’était difficile de demander mieux.
Est-elle bankable comme disent les Américains ? Son image peut-elle intéresser des sponsors ?
Oui, elle est bankable car elle a un style de jeu qui est hyper spectaculaire. En plus c’est une très belle fille. Elle a tous les arguments entre le jeu, son physique et sa personnalité pour faire quelque chose de bien. Au niveau marketing, New York c’est le plus gros marché au monde. Après, on parle de basket féminin, je ne m’emballe pas. On a même vu avec Tony (Parker), il n’a pas fait grand-chose en terme de marketing. Ce n’est pas si simple. J’en parlais avec un de mes jeunes joueurs : il y a (Giannis) Antetokounmpo mais lui il est passé dans la catégorie des superstars. C’est rare pour un étranger. Il y a eu Dirk Nowitzki mais ce n’était pas un joueur spectaculaire, en tous les cas pas comme le voit les jeunes. Ce n’est pas le plus flashy, le plus gros jumpeur. Quand tu vois Zion Williamson qui a déjà trois millions de followers sur Instagram, on voit que les gamins sont attirés par le côté spectaculaire, le dunk.
Toutes proportions gardées, Marine Johannès provoque en Europe un buzz qui est exceptionnel ?
C’est une joueuse hyper spectaculaire et pour un club comme Ekaterinbourg c’est important d’avoir une joueuse comme elle. Quand tu as 6 500 spectateurs pour les matches à domicile, c’est plus sympa d’avoir Marine Johannès. Tu vas avant tout pour voir un spectacle. Quand on voit Earvin Ngapeth au volley, c’est plus excitant de le voir que d’autres. On a besoin d’entertainment et Marine fait partie de cette catégorie rare qui est vraiment dans l’air du temps.
L’ASVEL pourra t-elle à court terme jouer un Final Four ?
Oui, je pense. Même Bourges. Peut-être Montpellier. Mais la marge est étroite. Tony et Nicolas (Batum) ont été clairs sur leurs ambitions. L’ASVEL a fait une équipe qui sur le papier peut aller très loin si elle est confirmée comme ça puisque Marine a l’opportunité d’aller dans un club européen avant le 30 juin. Si elle reste telle quelle c’est une équipe excitante et hyper talentueuse.
- Installée à Toulouse, la société gère les intérêts d’environ 65 personnalités du sport dont les basketteurs Rudy Gobert, Mickaël Gelabale, Céline Dumerc, Helena Ciak et les handballeurs Daniel Narcisse et Thierry Omeyer.
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Cela vous arrive-t-il souvent que certains de vos joueurs ont des difficultés pour être payés par des clubs européens ?
Non car on évite de mettre des joueurs dans des clubs en difficulté ou du moins on essaye de prendre un maximum de précaution. Ça fait très longtemps où ça ne nous est plus arrivé. Même chez les filles, je ne les mets pas dans un club par défaut.
Ainsi, vous avez Valériane Ayayi, qui est dans l’un des meilleurs clubs d’Euroleague, Prague ?
C’est un club très solide où sont passées Elodie Godin et Sandra Le Dréan très longtemps qui y a fini sa carrière. Ça s’est toujours très bien passé. Ce sont des gens que je pratique depuis très longtemps donc je sais où je mets les pieds. A Ekaterinbourg, j’ai mis Sandrine (Gruda) neuf ans, Laurent Buffard, Jacky Moreau, Caroline Aubert. Ekat c’est exceptionnel, un autre monde. Je ne sais même pas si un club masculin offre les mêmes conditions en Europe. Je crois qu’ils ont sept ou huit avions privés. C’est incroyable. Le président de la holding qui détient le club, c’est la 422e fortune au monde. C’est inouï qu’une personne comme ça soit à la tête d’un club féminin. C’est pour ça que j’ai peur que ça soit l’hégémonie pour très longtemps. Ça fait deux années de suite qu’ils gagnent, ils couraient après ça depuis très longtemps. Ils veulent tout gagner autant d’années qu’ils pourront. Il n’y a pas de limite, de problèmes d’argent. Breanna Stewart avait signé à Ekat. Comme elle ne jouera pas, je pense qu’ils vont garder la même équipe à laquelle ils vont rajouter (Jamierra) Falkner, une meneuse américaine avec un passeport russe qui était blessée, et (Brionna) Jones, qui a un passeport européen. Comme ça, ils étaient déjà intouchables et ils vont encore se renforcer sachant en plus qu’ils devaient avoir Stewart. Ils sont vraiment hors catégorie. On en rigolait avec Tony (Parker), qui me disait que comme ça ils avaient peut-être une chance de faire le Final Four voir peut-être même de jouer la finale, ce qui est vrai.
Ekaterinbourg appauvrit un peu les autres concurrents ?
Oui, même si ça reste solide. Prague est capable de payer des joueuses quasiment 500 000.
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Photos: Marine Johannès, Jeremy Medjana et Nicolas Batum (Comsport), Marine Johannès (FIBA)