Pays organisateur des Jeux Olympiques de Tokyo (23 juillet – 8 août), le Japon a désigné le basketteur Rui Hachimura et la lutteuse Yui Susaki comme porte-drapeau lors de la cérémonie d’ouverture. Né d’une mère japonaise et d’une père béninois, l’ailier des Washington Wizards (2,03 m, 23 ans), connu notamment pour ses prises de position contre le racisme, entend profiter de l’occasion pour faire bouger les lignes dans son pays natal.
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Tout un symbole. Le Comité International Olympique (CIO) avait encouragé les délégations à nommer un homme et une femme porte-drapeau pour les Jeux Olympiques de Tokyo. A domicile, le Japon a donc opté pour une mixité de genre mais aussi une mixité raciale jusque-là jamais entrevue au Pays du Soleil Levant. Une représentation olympique lourde de sens pour le pays-hôte et un pas en avant pour la reconnaissance des athlètes noirs au Japon. « C’est un immense honneur, déclarait sobrement le nouveau porte-drapeau nippon aux Jeux Olympiques lors de sa désignation début juillet. J’aimerais que ce soit une opportunité pour les enfants et tout le monde au Japon de nous regarder, mes coéquipiers et moi-même, jouer aux Jeux Olympiques, et de s’intéresser encore plus au basket et au sport dans son ensemble. »
Né d’une mère japonaise et d’un père béninois*, Rui Hachimura est un basketteur accompli avec les Washington Wizards (13,8 points à 47,8 %, 5,5 rebonds, 1,4 passe décisive et 0,8 interception en 31 minutes pour sa saison de sophomore en NBA) mais aussi un personnage engagé dans la lutte contre le racisme au Japon. En mai dernier, le natif de Toyama avait appelé à une prise de conscience sur la question, confiant recevoir lui-même des messages d’insultes « presque tous les jours » sur les réseaux sociaux. Il a même commenté un message destiné à son frère Aren l’appelant à « mourir », et ce alors qu’un mouvement de mobilisation internationale avait été lancé contre les insultes à caractère raciste sur les réseaux sociaux. « Il y a des gens qui affirment qu’il n’y a pas de racisme au Japon. Je veux que les gens prennent conscience de la question du racisme même si je pense qu’exposer ce message ne va pas régler le problème », avait-il lancé, relayé par bon nombre de ses 200 000 abonnés sur Twitter.
Un combat mené de pair avec Naomi Osaka, l’autre étoile montante du sport japonais
Cette volonté de mettre la lutte contre le racisme en avant est également partagée par la superstar du tennis mondial Naomi Osaka. Née à… Osaka de mère japonaise et de père haïtien, la n°2 mondiale avait été ouvertement critiquée dans son pays natal pour avoir soutenu l’organisation de manifestations contre les discriminations au Japon. Le quotidien Mainichi écrivait à ce propos : « On continue à considérer comme une vertu pour les athlètes de se consacrer uniquement à la compétition et de ne pas s’immiscer dans les questions politiques. » Quelques mois plus tard, à l’automne 2020, la quadruple lauréate de tournois du Grand Chelem se retirait du tournoi de Cincinnati pour protester contre les tirs de la police sur l’Afro-Américain Jacob Blake, avant de porter un masque noir, avec le nom des victimes, de violences policières inscrit en blanc lors de l’US Open 2020, tournoi qu’elle a remporté. Avec la journaliste Shiori Ito, engagée contre les violences sexuelles, elle fait partie des deux Japonaises figurant dans le classement des 100 personnalités les plus influentes de l’année 2020 du magazine américain Time.
Dans le sillage de la tenniswoman – qu’il a rencontrée à Washington en 2019 et dont on peut toujours aller plus loin en se demandant si l’occasion des Jeux n’était pas parfaite pour nommer ce duo porte-drapeau -, Rui Hachimura partage ce combat sur et en dehors des terrains de basket. Comme elle, le jeune homme est un hâfu, « un métis » qui, lycéen, a eu du mal à gérer sa différence et qui, maintenant qu’il a un pied en NBA – la plus grande ligue de basket du monde et ses principaux acteurs ne manquent jamais une occasion de se positionner en faveur de la lutte pour les droits civiques – compte bien devenir un exemple capable d’en inspirer d’autres. Devenu l’un des chouchous des médias outre-Atlantique, il est désormais considéré comme l’un des principaux ambassadeurs du Japon aux Etats-Unis, lui qui a toujours clamé sa fierté d’être né et d’avoir grandi au Pays du Soleil Levant. À quelques jours de représenter sa nation aux Jeux Olympiques, le poids qu’il porte sur ses épaules est d’ores et déjà immense.
Le premier Japonais de l’histoire à être drafté en NBA
D’autant plus que le sport est en train de devenir une affaire d’état au Japon. Rugby, foot, tennis… le temps où le Japon ne dominait qu’au judo est révolu. Il n’y a pas si longtemps encore, le basket semblait être exclu de ce renouveau, puisque seulement deux Nippons avaient brièvement foulé les parquets américains – Yuta Watanabe et Yuta Tabuse – dans un rôle limité. Surtout, ils étaient entrés dans la NBA par la petite porte en tant que joueurs non draftés. En 2019, tout a changé. Le Japon s’est vu subitement placé sur la carte du basket mondial via la draft de celui que l’on surnomme outre-Atlantique le « Black Samurai » (le Samourai noir), « Japanese Jumpman » (le Japonais bondissant) ou encore « le Slamourai », en 9e position par les Wizards. Premier joueur japonais drafté, qui plus est dans le top 10, il incarne donc le futur du basket dans son pays. « C’est énorme pour le pays parce qu’on n’a jamais vraiment eu un joueur comme moi au Japon qui joue en NBA, analysait le jeune homme après l’annonce de son nom à la draft. C’est un rêve qui va devenir réalité. Ça signifie beaucoup pour moi, ma famille, le basket japonais, tout le pays. »
Lors de la Coupe du Monde 2019 en Chine – sa première compétition internationale – l’ailier des Wizards a prouvé qu’il avait déjà les épaules pour être le leader d’une équipe dont il a fini meilleur marqueur, second rebondeur et troisième passeur (13,3 points, 5,7 rebonds et 2,3 passes en 30 minutes) malgré la dernière place du groupe. Un scénario qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la Coupe du Monde U17 à laquelle il avait participé en 2015 et dont il était revenu meilleur marqueur du tournoi (22,6 points, 6,6 rebonds) malgré le maigre bilan de son équipe (1-6). Pas mal pour quelqu’un qui a commencé le basket tardivement, à 13 ans. Une domination immédiate et suffisante pour attirer le regard des sélectionneurs universitaires américains et lui ouvrir les portes de l’université de Gonzaga, dans l’état de Washington. Il y a évolué pendant trois saisons, s’adaptant d’abord avec difficulté à un mode de vie nouveau et des entraînements dans une langue qu’il ne comprenait pas, puis trouvant ses marques pour devenir l’option offensive principale de son équipe (finale du championnat de NCAA en 2017 et meilleur joueur de la conférence Ouest en 2019).
La star du Japon dans le groupe de la mort à Tokyo
Après des débuts NBA tonitruants – le jeune homme a atteint la barre symbolique des 100 points en seulement 8 matches, ce qui en fait le deuxième joueur le plus précoce de l’histoire des Wizards derrière John Wall -, le polyvalent 3/4 japonais a encore progressé cette saison, notamment en défense et à l’adresse. En attestent les louanges de Tommy Sheppard, le GM des Wizards, qui voit en lui un potentiel capable de se révéler cet été. « Les Jeux Olympiques, c’est une grande opportunité pour Rui. Une scène énorme, une tout autre pression pour lui, le monde entier qui le regarde et face à certaines des meilleures équipes du monde. C’était déjà une grande expérience de jouer cinq matches de playoffs. C’était un avant-goût de cet été où il va se concentrer sur ce qu’il doit faire pour s’améliorer. »
Un développement qui a de quoi impressionner. Mais sera-t-il suffisant pour assurer à son pays une place en quart de finale des Jeux Olympiques ? Le Japon est placé dans un groupe difficile (Espagne et Argentine, les deux finalistes de la Coupe du Monde 2019 mais aussi la Slovénie emmenée par le brillantissime Luka Doncic). Premiers éléments de réponse ce dimanche 18 juillet pour l’avant-dernier match de préparation où le Japon défiera l’équipe de France. Avec du public ou non, le porte-drapeau japonais tentera de briller aux Jeux Olympiques, et pas seulement du côté sportif. Il sait que les yeux de tout un pays seront rivés sur lui cet été et qu’il a entre les mains le ballon pour faire naître des vocations au Pays du Soleil Levant.
Le programme du Japon aux Jeux Olympiques
Japon – Espagne, 26 juillet (21 h)
Japon – Slovénie, 29 juillet (13 h 40)
Japon – Argentine, 1er août (13 h 40)
https://www.youtube.com/watch?v=QXvQrkTiTEk
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Tout un symbole. Le comité international olympique (CIO) avait encouragé les délégations à nommer un homme et une femme porte-drapeau pour les Jeux Olympiques de Tokyo. A domicile, le Japon a donc opté pour une mixité de genre mais aussi une mixité raciale jusque-là jamais entrevue au Pays du Soleil Levant. Une représentation olympique lourde de sens pour le pays-hôte et un pas en avant pour la reconnaissance des athlètes noirs au Japon. « C’est un immense honneur, déclarait sobrement le nouveau porte-drapeau nippon aux Jeux Olympiques lors de sa désignation début juillet. J’aimerais que ce soit une opportunité pour les enfants et tout le monde au Japon de nous regarder, mes coéquipiers et moi-même, jouer aux Jeux Olympiques, et de s’intéresser encore plus au basket et au sport dans son ensemble. »
Né d’une mère japonaise et d’un père béninois*, Rui Hachimura est un basketteur accompli avec les Washington Wizards (13,8 points à 47,8 %, 5,5 rebonds, 1,4 passe décisive et 0,8 interception en 31 minutes pour sa saison de sophomore en NBA) mais aussi un personnage engagé dans la lutte contre le racisme au Japon. En mai dernier, le natif de Toyama avait appelé à une prise de conscience sur la question, confiant recevoir lui-même des messages d’insultes « presque tous les jours » sur les réseaux sociaux. Il a même commenté un message destiné à son frère Aren l’appelant à « mourir », et ce alors qu’un mouvement de mobilisation internationale avait été lancé contre les insultes à caractère raciste sur les réseaux sociaux. « Il y a des gens qui affirment qu’il n’y a pas de racisme au Japon. Je veux que les gens prennent conscience de la question du racisme même si je pense qu’exposer ce message ne va pas régler le problème », avait-il lancé, relayé par bon nombre de ses 200 000 abonnés sur Twitter.
Un combat mené de pair avec Naomi Osaka, l’autre étoile montante du sport japonais
Cette volonté de mettre la lutte contre le racisme en avant est également partagée par la superstar du tennis mondial Naomi Osaka. Née de mère japonaise et de père haïtien, la n°2 mondiale avait été ouvertement critiquée dans son pays natal pour avoir soutenu l’organisation de manifestations contre les discriminations au Japon. Le quotidien Mainichi écrivait à ce propos : « On continue à considérer comme une vertu pour les athlètes de se consacrer uniquement à la compétition et de ne pas s’immiscer dans les questions politiques »…
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Photo : FIBA
*Dans une union « internationale » au Japon, seule l’époux ou épouse japonaise a un registre de famille où les enfants peuvent être enregistrés, ce pourquoi Rui Hachimura, de père béninois et de mère japonaise, porte le nom de sa mère.