Seize ans après Munich, les Soviétiques firent tomber une deuxième et dernière fois le géant américain de son piedéstal. Serguei Tarakanov et Rimas Kourtinaitis témoignent de la fin d’une époque.
Ceci est le 6e chapitre d’une rétrospective sur les évènements, équipes et joueurs qui ont marqué l’Histoire des JO. A lire aussi :
JO Berlin’36 : Le régisseur, l’inventeur et le dictateur.
Helsinki’52, Melbourne’56, Rome’60 : Interview Jean-Paul Beugnot.
Mexico’68 : Spencer Haywood, un prodige de 20 ans
Munich’72 : Trois secondes, une éternité
Los Angeles’84 : Bobby Knight, le Général
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Une préparation made-in-NBA
A l’époque de l’Union Soviétique, l’équipe nationale se préparait six mois en amont des Jeux Olympiques. Les entraîneurs estimaient que des regroupements de longue durée et quantité de matches amicaux étaient nécessaires pour être en forme olympique. En fait, c’était une stratégie douteuse car les joueurs ressentaient inévitablement à la longue une fatigue physique et morale. Une fois, les Soviets se sont retrouvés une vingtaine de jours dans les montagnes bulgares et on leur imposa une discipline de fer. Il se disait dans le groupe que ça n’aurait pas été pire dans un camp de prisonniers.
Serguei Tarakanov : « Mon anniversaire est le 25 avril, et durant toute ma carrière, je ne l’ai probablement jamais fêté à la maison. Le championnat national se terminait au début du printemps et nous commençions à nous préparer pour les tournois internationaux, qui se tenaient chaque année en été. Pas comme aujourd’hui, lorsque les championnats du monde et d’Europe se déroulent principalement en septembre. Les Jeux olympiques de Séoul ont également eu lieu dans la seconde moitié de septembre, mais c’est une exception. »
En octobre 1987, l’Union Soviétique sans son joyau Arvidas Sabonis avait participé à la première édition de l’Open McDonald’s, à Milwaukee, en compagnie des Bucks et du Tracer Milan. L’équipe de NBA lui avait volé dans les plumes, menant d’une cinquantaine de points avant de relâcher la pression pour gagner 127-100. Mentalement, les Soviétiques n’étaient pas prêts.
Autre grande première : les Atlanta Hawks -c’est-à-dire une délégation d’une soixantaine de personnes avec les joueurs, le staff, des journalistes, et aussi des amis et la famille- se rendirent en URSS pour y affronter l’équipe nationale, à Tblissi, Vilnius et Moscou. « Il y avait Gorbatchev, la perestroïka, toutes ces choses, mais l’Union Soviétique était toujours l’Union Soviétique », se souvient Alexander Volkov. « Nous ne pouvions pas croire que cela était finalement arrivé. Nous étions tellement excités. »
Cette tournée avait été initiée par Ted Turner, patron de la chaîne TBS, qui prônait le rapprochement entre les peuples et qui avait organisé deux ans auparavant les Goodwill Games à Moscou. Elle fut très conviviale -Sarunas Marculionis prit sa guitare et joua quelques chansons du folklore lituanien- et elle provoqua une ferveur inimaginable : 500 000 demandes de places à Tbilissi, UN MILLION à Vilnius ! Les Hawks de Dominique Wilkins, Spudd Webb, et du néo-Manceau Larry Lawrence, invité pour l’occasion, gagnèrent le premier match d’un point, durent recourir aux prolongations pour s’imposer dans le deuxième et perdirent le troisième de huit points sous les coups de boutoir d’Alexandre Volkov survolté et auteur de 35 points. Il n’échappa pas à personne que les Américains étaient en virée, sans pratique collective depuis un trimestre, mais le coach soviétique, Alexandre Gomelski, ne put que se réjouir de ces résultats : « Voyez, c’est la preuve que les Soviétiques peuvent lutter et même battre certaines équipes pros. »
Serguei Tarakanov : « Ces rencontres ont été très utiles du point de vue de la psychologie. Après tout, avant cela, on jouait très souvent avec les Américains, on partait en tournée aux USA. Cela a toujours été un événement pour nous. Et en effet, pour un Soviétique, être en Amérique était quelque chose d’extraordinaire. Et j’ai joué aux États-Unis plus de 100 matchs, de la côte ouest à la côte est. J’ai été plusieurs fois dans plusieurs villes, et je connais le pays mieux que l’Américain moyen (sourire). Nous y avons rencontré principalement des équipes universitaires. J’ai joué contre Magic Johnson, contre Larry Bird et contre d’autres stars. Mais ils étaient toujours étudiants. Nous n’avons jamais rencontré de pros. Et en 1987-88, les contacts ont commencé grâce à (Alexandre) Gomelski (le coach de l’équipe soviétique), le patron de la FIBA, Borislav Stankovic, et le commisionner de la NBA, David Stern. Et ce fut un grand pas en avant. Pour moi, c’était très important. Nous battions des étudiants, mais là, c’était s’essayer contre des professionnels. Il y avait encore une sorte de complexe à cet égard. En moyenne, face aux Hawks, j’ai marqué 20 points, et dans le match gagnant 29. J’étais le plus productif de l’équipe, et c’était aussi très important pour moi. J’ai ensuite vu de nombreux matchs de NBA sur des cassettes vidéo, je les ai étudiés, j’ai pris un magnétoscope avec moi dans les camps d’entraînement. Nous nous sommes réunis et avons regardé des matchs, par exemple, les Lakers avec mon équipe bien-aimée Boston. J’ai essayé d’apprendre, de copier quelque chose. Et tout cela nous a donné une incitation, nous avons réalisé que quelques-uns jouaient mieux que nous, et que quelques autres étaient moins bons. Par conséquent, nous avons réalisé qu’il était tout à fait possible de jouer avec eux. Oui, il y avait des gens exceptionnels, par exemple la star d’Atlanta, Dominique Wilkins. Mais tout le monde peut être vaincu. Et cela nous a beaucoup aidés. La croyance en moi-même est apparue. Par exemple, je me demandais ce que je représentais. Et il en a été de même pour beaucoup. Il est clair qu’Atlanta était dans l’inter-saison, pas dans la meilleure condition. Mais même lors de ces matches, nous avons fait sans notre centre principal, Arvidas Sabonis qui était blessé. Rimas Kurtinaitis était toujours absent, la composition de l’équipe était donc loin d’être optimale. Cependant, pour nous, ce fut un très bon test. »
La revanche
Cela faisait douze ans et les Jeux Olympiques de Montréal – USA en or, URSS en bronze – que les deux superpuissances ne s’étaient pas affrontées. Les Américains avaient boycotté les JO de Moscou en 1980 et les Soviétiques leur avaient rendu la pareille quatre ans plus tard à Los Angeles.
Serguei Tarakanov : « Il est clair qu’en 1984, nous avons tous connu une grande déception lorsque nous ne sommes pas allés à Los Angeles. Mais rien ne dépendait de nous. Nous nous préparions également à l’époque avec brio. Nous avons remporté le tournoi pré-olympique à Paris. Lors de la finale, nous avons vaincu l’Espagne, qui est devenue plus tard la médaillée d’argent des Jeux de 1984. Par conséquent, je suis convaincu qu’aux Jeux olympiques, nous aurions également atteint la finale. Je sais qu’une victoire sur Michael Jordan et son équipe sur leur terrain aurait été probablement très difficile. Mais je souligne toujours qu’en 1984 nous avions une équipe pas moins bonne que quatre ans plus tard. Ou peut-être encore meilleure, car alors l’équipe était, comme on dit, un alliage de jeunesse et d’expérience. Disons qu’en 1988, il existait déjà une expérience réussie en jouant avec une équipe NBA, une confiance intérieure, plus de jeunesse, d’enthousiasme. Mais au niveau du talent, de la sélection des joueurs, ces deux équipes nationales sont comparables. »
Arvidas Sabonis, le miraculé
L’immense surprise qui attendait adversaires et observateurs à Séoul était la présence dans l’équipe d’URSS du géant Arvidas Sabonis, 2,20m, et 24 ans à cette époque. Le Lituanien avait été victime d’une rupture du tendon d’Achille et sa carrière paraissait fichue. Les Portland Traiblazers, qui avaient ses droits, demandèrent aux Soviétiques l’autorisation de le soigner, ce qu’ils acceptèrent. Ce fut l’opération de la dernière chance. Les toubibs avaient toutefois insisté sur le fait que ce serait insensé de l’aligner aux JO alors qu’il n’était pas complètement guéri et qu’il n’avait pas joué depuis… 18 mois !
Serguei Tarakanov : « Il ne s’est pas préparé avec nous, Sabonis était tout le temps en Amérique, car en 1986, il avait été drafté par Portland au premier tour. Soit dit en passant, à l’époque, c’était également une étape impensable de la part de cette équipe NBA, car personne ne pouvait savoir que bientôt les temps changeraient. Et drafter un joueur soviétique qui pourrait ne jamais venir, c’était une décision audacieuse du club. Mais ils ont décidé cela et ont eu le sens des responsabilités. Par conséquent, ils ont soigné Sabonis. Il est allé à Portland, ce qui à l’époque était absolument incroyable. À cette époque, nous nous préparions pour les Jeux olympiques. Camps d’entraînement, tournois, tout a duré plusieurs mois. Une autre chose est que sans Sabonis, nous n’aurions probablement pas gagné contre les Américains. Il n’avait pas eu une seule séance d’entraînement avec nous avant les Jeux. Arvidas est apparu à la base de Novogorsk quelques jours avant de partir pour Séoul, et là le génie de Gomelski avait déjà œuvré. Il a persuadé Sabonis d’aller aux Jeux olympiques avec nous en tant que touriste. Mais au final, ce n’était pas un touriste, mais un joueur. L’un des créateurs de notre victoire.»
Arvidas Sabonis était en surpoids. Il devait peser pas loin de 130 kg et il avait même un petit bidon. Plus question à jamais de courir comme un cabri, mais il avait toujours son immense force de bras et d’épaule, son immense QI basket, sa vision du jeu, et sa présence donnait le moral à toute l’équipe. « C’est un garçon très intelligent, et il profite non seulement de sa force, il est aussi mon deuxième meneur de jeu sur le terrain. C’est lui qui indique aux autres où se placer », analysa Gomelski. Il fut d’abord économisé avant de monter peu à peu en puissance.
La résurrection de Sabonis eut le don de mettre en colère le coach américain, John Thompson, qui avant même la demi-finale fatidique avait tonné : « Sabonis est l’exemple même de la prédiction de Lénine qui disait que les capitalistes vendraient un jour aux communistes la corde qui servirait ensuite à les pendre. Je pense que nos adversaires directs nous exploitent. Il ne faut pas préparer Sabonis à jouer contre nous. »
Rimas Kourtinaitis sort du bois
Le parcours des Soviets ne fut pas une promenade de santé. Ils se prirent, le premier jour, les pieds dans le tapis yougoslave, 79-92, et ne gagnèrent que de cinq points (110-105) face au Brésil. Un match où Oscar Schmidt inscrivit 46 points. A l’inverse, les Américains avaient remporté tous leurs matches et passé 37 points à Porto-Rico en quart. Alexandre Gomelski et ses hommes arrivaient donc masqués en demi-finale.
Serguei Tarakanov : « Il n’a jamais été un grand stratège. Gomelski était un excellent motivateur, manager. L’équipe était alors si talentueuse que sa tâche principale était d’établir des liens en son sein et d’établir une discipline. En cela, Alexander Yakovlevich était un as. Par conséquent, avant le match avec les États-Unis, il a dit que nous pouvions tous le faire. »
Du côté américain, ce match était vu comme la revanche de la finale de Munich en 1972 et de ses fameuses trois dernières secondes.
Serguei Tarakanov : « Nous ne l’avons découvert que lorsque nous sommes sortis dans le hall et avons vu une énorme banderole qui avait été accrochée par les fans de l’équipe américaine: « Nous attendons cela depuis 16 ans. » Nous essayions de conserver une concentration maximale, mais ma pensée a glissé là-dessus : que s’est-il passé il y a 16 ans ? Avant cela, je n’avais même pas établi de parallèle dans ma tête. Il est clair qu’une génération entière a grandi avec la finale de Munich. Pour nous, c’était une histoire similaire à un conte de fées. Par exemple, en 1972, j’avais 14 ans et je commençais tout juste à m’engager sérieusement dans le basket-ball. Et pour moi, c’était comme un film. Pas étonnant que cette histoire soit vraiment devenue un film. Bien que ce soit complètement réel, j’ai réussi à jouer avec la plupart des participants à ce match en tant que membre de l’équipe nationale de l’URSS. Et pour les Américains, c’était une gifle, car le basket-ball est l’un des sports les plus importants pour eux. Et puis à la vue de l’affiche, toute la chronologie m’a tout de suite traversé la tête: en 1976 nos équipes ne se sont pas rencontrées aux Jeux, en 1980 elles n’y sont pas allées. Mais d’un autre côté, à 30 ans, j’étais le deuxième vétéran de l’équipe après Viktor Pankrashkine, et nos jeunes étaient déjà d’une autre époque.»
Le héros de la demi-finale fut un autre Lituanien, Rimas Kourtinaitis. Il marqua 28 points avec des tirs lointains. Alexandre Gomelski n’avait pas voulu exploiter jusque-là les qualités de son sniper afin que les scouts américains ne sachent pas qu’il allait demander à ses joueurs de multiplier les écrans pour le mettre dans les meilleures dispositions.
Rimas Kourtinaitis : « Nous sommes tous allés au match contre les Américains, sachant qu’une telle chance ne devait pas être manquée. Est-ce que ce sentiment nous a stressés ? Vous savez, bien au contraire. La haute responsabilité m’a inspiré. L’équipe a ensuite montré son meilleur visage. Il me semble que les Américains n’étaient pas assez prêts physiquement pour tout le match. Au cours des jours précédents, ils ont dépensé beaucoup d’énergie, mettant de la pression à chaque rencontre pendant presque toutes les 40 minutes, même si cela n’était parfois pas nécessaire. Notre équipe s’est avérée plus compétente sur le plan tactique. En seconde période, nous avons souvent marqué après des contre-attaques rapides qui se sont terminées par des tirs directement sous le panier. Quant à moi, c’est le mérite de toute l’équipe. Les gars ont créé toutes les conditions pour que je shoote et que je fasse parfaitement mon travail. Je dis toujours qu’une bonne passe équivaut à 70% d’un tir précis.»
L’URSS vint à bout des Etats-Unis, 82-76. Coach John Thompson en prit pour son grade. Il lui fut reproché de s’être conduit comme un dictateur, brimant la créativité de ses joueurs, et refusant une évidence : le jeu international recommande d’utiliser avec abondance le shoot à trois-points (à 6,25m à l’époque) et pas seulement ceux près du cercle. Avec sa défense harassante, il crama ses joueurs pour le Jour J et Alexandre Gomelski lui balança une pique en conférence de presse : « ma méthode, c’est que j’aime gagner le dernier match, pas le premier. Vous avez vu mes boys (sic) ont été chaque jour meilleurs, meilleurs, meilleurs. C’est ma tactique. »
L’URSS ne laissa pas passer sa chance en finale face à la Yougoslavie de Drazen Petrovic, Vlade Divac et Zeljko Obradovic. 76-63. Avec 20 points et 15 rebonds du miraculé Arvidas Sabonis.
Une fiesta XXXL
Les Soviétiques firent les 400 coups dans le Village Olympique. Cela, bien sûr, ne fut rendu public que bien des années plus tard. Les Soviets avaient cette réputation d’aimer s’enivrer et ils furent fidèles à leur réputation. Rimas Kourtinaitis raconta qu’il avait promis à sa femme de ne plus boire après la naissance de leur fils mais qu’avec Sabonis, il a célébré cette naissance pendant trois jours et qu’ils ont zappé l’entraînement. S’ils devenaient champions olympique, Valdemaras Chomichius avait promis de se raser la moustache, Serguei Tarakanov la tête, et Rimas Kourtinaitis de se saouler jusqu’à l’évanouissement. Il a tenu parole.
Rimas Kourtinaitis : « C’était très pratique, car tous les champions olympiques devaient être ramenés à la maison dans le même avion et il nous restait quatre jours après la victoire jusqu’à la fin des Jeux olympiques. Nous avons bu du gin tonic. Notre médecin d’équipe Vasily Avramenko ne buvait pas, mais chaque jour il recevait une mission: je lui donnais une canette vide et à lui de ramener quelques cartons. Le salon est devenu un véritable quartier général. Nous avions une grande salle commune, et pendant trois jours, tous ceux qui ont remporté l’or y ont afflué: gymnastes, volleyeurs, haltérophiles. C’est arrivé au point que le président du CIO, Juan Antonio Samaranch, a été informé de notre présence et il a menacé de nous expulser du village olympique. Je me souviens aussi que les boxeurs soviétiques nous ont injuriés, car ils ne pouvaient pas gagner parce que nous ne les laissions pas dormir. Les célébrations se sont poursuivies nuit et jour… »
Serguei Tarakanov : « Je me souviens, dans l’avion, nous avons fraternisé avec les joueurs qui ont également remporté l’or. A Moscou, déjà à la sortie de l’avion à Chérémétiévo, des journalistes nous attendaient, ce qui était également incroyable, avant même le contrôle des passeports et les douaniers. Dans ma vie, j’ai donné deux fois une interview à cet endroit-là, en 1979 et après les Jeux olympiques de Séoul. Et trois jours plus tard, j’ai joué avec le CSKA dans le cadre d’un tournoi hors saison en Espagne. Et cela, après des mois de préparation, les Jeux olympiques et le retour de Séoul, vous êtes avec votre club et vous jouez de nouveau des matches.»
Un grand pas pour l’humanité
Les Jeux de Séoul ont marqué la fin d’une époque. Durant l’olympiade suivante, l’URSS et la Yougoslavie se sont désintégrées. Profitant de l’ouverture de la Fédération Internationale aux « professionnels », les Américains ont changé de stratégie. Plus question désomais d’envoyer au front des universitaires, place aux joueurs de NBA, et quatre ans plus tard, à Barcelone, c’est la Dream Team qui allait émerveiller le monde entier.
Serguei Tarakanov : « Je pense que d’une façon générale nous avons donné une grande impulsion au basket-ball mondial. Je le dis sans fausse modestie. Si les Américains avaient pris leur revanche de 1972, tout serait resté en place. Et nous avons changé le sport mondial. La Dream Team est apparue, la distance entre la NBA et le monde entier a diminué, et maintenant un grand nombre d’étrangers jouent dans la ligue. Et cette mondialisation du basket-ball s’est produite, tout d’abord, grâce à notre victoire. À mon avis, nous méritons des pourcentages sur les salaires de tous les basketteurs qui gagnent maintenant des millions en NBA (rires). L’attitude de la NBA envers le basket-ball mondial a changé. Auparavant, ils n’avaient pas prêté attention à ce qui se passait en dehors de leurs frontières, puis ils ont commencé à nous respecter. La jeune génération est entrée dans une nouvelle vague, bien que nous-mêmes ne la comprenions pas vraiment à l’époque. Pour nous, tout ce qui s’est passé était étrange. Mon ami Sasha Volkov, à qui j’ai appris à traverser correctement la route, est parti pour la NBA. Comme Marciulionis, à qui j’ai enseigné les premiers mots d’anglais, quand on ne parlait pas encore de transferts à l’étranger. J’étais le seul à parler anglais dans l’équipe, nous nous sommes assis à Las Vegas, et j’ai traduit toutes les conversations sur les transferts possibles, aidé Sarunas à communiquer avec le head coach de Golden State, Don Nelson, au sujet d’un éventuel contrat, et tout cela ressemblait à une sorte de fantasmagorie. Mais grâce aux Jeux olympiques, tout a changé. Et presque toute cette équipe nationale a eu un destin. Nous étions tous des leaders spirituels, il y avait de nombreuses fortes personnalités. »
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Une préparation made-in-NBA
A l’époque de l’Union Soviétique, l’équipe nationale se préparait six mois en amont des Jeux Olympiques. Les entraîneurs estimaient que des regroupements de longue durée et quantité de matches amicaux étaient nécessaires pour être en forme olympique. En fait, c’était une stratégie douteuse car les joueurs ressentaient inévitablement à la longue une fatigue physique et morale. Une fois, les Soviets se sont retrouvés une vingtaine de jours dans les montagnes bulgares et on leur imposa une discipline de fer. Il se disait dans le groupe que ça n’aurait pas été pire dans un camp de prisonniers.
Serguei Tarakanov : « Mon anniversaire est le 25 avril, et durant toute ma carrière, je ne l’ai probablement jamais fêté à la maison. Le championnat national se terminait au début du printemps et nous commençions à nous préparer pour les tournois internationaux, qui se tenaient chaque année en été. Pas comme aujourd’hui, lorsque les championnats du monde et d’Europe se déroulent principalement en septembre. Les Jeux olympiques de Séoul ont également eu lieu dans la seconde moitié de septembre, mais c’est une exception. »
En octobre 1987, l’Union Soviétique sans son joyau Arvidas Sabonis avait participé à la première édition de l’Open McDonald’s, à Milwaukee, en compagnie des Bucks et du Tracer Milan. L’équipe de NBA lui avait volé dans les plumes, menant d’une cinquantaine de points avant de relâcher la pression pour gagner 127-100. Mentalement, les Soviétiques n’étaient pas prêts.
Autre grande première : les Atlanta Hawks – c’est-à-dire une délégation d’une soixantaine de personnes avec les joueurs, le staff, des journalistes, et aussi des amis et la famille – se rendirent en URSS pour y affronter l’équipe nationale, à Tblissi, Vilnius et Moscou. « Il y avait Gorbatchev, la perestroïka, toutes ces choses, mais l’Union Soviétique était toujours l’Union Soviétique », se souvient Alexander Volkov. « Nous ne pouvions pas croire que cela était finalement arrivé. Nous étions tellement excités. »
Cette tournée avait été initiée par Ted Turner, patron de la chaîne TBS, qui prônait le rapprochement entre les peuples et qui avait organisé deux ans auparavant les Goodwill Games à Moscou. Elle fut très conviviale – Sarunas Marculionis prit sa guitare et joua quelques chansons du folklore lituanien – et elle provoqua une ferveur inimaginable : 500 000 demandes de places à Tbilissi, UN MILLION à Vilnius ! Les Hawks de Dominique Wilkins, Spudd Webb, et du néo-Manceau Larry Lawrence, invité pour l’occasion, gagnèrent le premier match d’un point, durent recourir aux prolongations pour s’imposer dans le deuxième, et perdirent le troisième de huit points sous les coups de boutoir d’Alexandre Volkov survolté et auteur de 35 points. Il n’échappa pas à personne que les Américains étaient en virée, sans pratique collective depuis un trimestre, mais le coach soviétique, Alexandre Gomelski ne put que se réjouir de ces résultats : « Voyez, c’est la preuve que les Soviétiques peuvent lutter et même battre certaines équipes pros. »
Serguei Tarakanov : « Ces rencontres ont été très utiles du point de vue de la psychologie. Après tout, avant cela, on jouait très souvent avec les Américains, on partait en tournée aux USA. Cela a toujours été un événement pour nous. Et en effet, pour un Soviétique, être en Amérique était quelque chose d’extraordinaire. Et j’ai joué aux États-Unis plus de 100 matchs, de la côte ouest à la côte est. J’ai été plusieurs fois dans plusieurs villes, et je connais le pays mieux que l’Américain moyen (sourire). Nous y avons rencontré principalement des équipes universitaires. J’ai joué contre Magic Johnson, contre Larry Bird et contre d’autres stars. Mais ils étaient toujours étudiants. Nous n’avons jamais rencontré de pros. Et en 1987-88, les contacts ont commencé grâce à (Alexandre) Gomelski (le coach de l’équipe soviétique), le patron de la FIBA, Borislav Stankovic, et le commisionner de la NBA, David Stern. Et ce fut un grand pas en avant. Pour moi, c’était très important. Nous battions des étudiants, mais là s’était s’essayer contre des professionnels. Il y avait encore une sorte de complexe à cet égard. En moyenne, face aux Hawks, j’ai marqué 20 points, et dans le match gagnant 29. J’étais le plus productif de l’équipe, et c’était aussi très important pour moi. J’ai ensuite vu de nombreux matchs de NBA sur des cassettes vidéo, je les ai étudiés, j’ai pris un magnétoscope avec moi dans les camps d’entraînement. Nous nous sommes réunis et avons regardé des matchs, par exemple, les Lakers avec
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