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JO’1952, 56, 60 – Interview Jean-Paul Beugnot, le premier pivot d’excellence du basket français : « On venait me voir comme au cirque »

Beugnot, c’est Eric et Greg. C’était aussi Jean-Paul. Le père. 204 cm. Celui-ci fut dans les années 50 le premier véritable pivot français. Certains observateurs estimèrent même qu’il fut le meilleur centre européen de sa génération. A une époque où l’équipe de France était au top, où elle montait r

Beugnot, c’est Eric et Greg. C’était aussi Jean-Paul. Le père. 204 cm. Celui-ci fut dans les années 50 le premier véritable pivot français. Certains observateurs estimèrent même qu’il fut le meilleur centre européen de sa génération. A une époque où l’équipe de France était au top, où elle montait régulièrement sur les podiums. Un référendum organisé par le mensuel Maxi-Basket auprès de spécialistes (joueurs, entraîneurs, dirigeants, journalistes), l’avait consacré «deuxième meilleur joueur français du XXe siècle» derrière Alain Gilles

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Il participa à trois Jeux Olympiques (1952, 56 et 60), un record national partagé avec Robert Monclar. Jean-Paul Beugnot fut aussi le leader de Charleville, deux fois champion de France, qui élimina en 1959 le Real Madrid de la Coupe des Champions (C1). Un exploit monumental.

Beugnot fut ensuite coach à Châlons-sur-Marne, tout en œuvrant à la Fédération. Il fut vice-président de la FFBB et délégué fédéral permanent auprès de l’équipe de France.

Jean-Paul Beugnot est décédé en 2001 à l’âge de 69 ans. Cette interview date de 1989.

Ceci est le 2e chapitre d’une rétrospective sur les évènements, équipes et joueurs qui ont marqué l’Histoire des JO. A lire aussi :

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Vous m’aviez fait part de votre surprise d’être élu «deuxième meilleur joueur français de tous les temps». Pourquoi?

Quand tu es quelque chose, tu ne le sais que par rapport à toi-même. Les gens autour de toi ont beau dire ce qu’ils veulent, tu ne peux pas te comparer aux autres. J’ai joué face à des pivots tels les Soviétiques Zubkov, Krouminch, l’Italien (Giuseppe) Stefanini, ou les Américains Clyde Lovelette et Bob Kurland. Dans la mesure où tu es moins performant que ceux- là, tu t’étonnes que 25 ans après on puisse faire de toi le 2ème meilleur Français de tous les temps. J’ai eu la chance de bénéficier d’un contexte européen dans lequel on assista à la prolifération de pivots de grande taille. Aussi, j’ai eu en face de moi beaucoup d’interlocuteurs valables qui m’ont forcé à progresser. La productivité du pivot dépend également de la façon dont on joue avec lui. Actuellement, pour beaucoup d’équipes, le pivot, c’est la solution ultime quand on ne sait plus quoi faire. Même si il y a des exceptions, comme l’URSS avec (Arvidas) Sabonis. A mon époque, le pivot faisait partie intégrante des systèmes. On l’appelait d’ailleurs pivot car c’était la plaque tournante de l’équipe. Si l’on reconnaît a posteriori la valeur d’un joueur quelqu’il soit, on se doit, dans un sport collectif, de ne pas oublier ceux qui furent les-faire valoir.

L’arrivée d’un grand en équipe de France a dû révolutionner les conceptions tactiques?

C’est vrai. La mise au point a duré de nombreuses années. Ma pleine efficacité, je ne l’ai obtenue que vers l’âge de 26-27 ans. C’est d’ailleurs une règle chez les pivots. Ils évoluent dans un espace très restreint, d’un mètre de diamètre maximum. Il faut être très efficace dans ce volume réduit, posséder la rapidité d’éxécution, de très bons appuis. L’acquisition de ces gestes, l’adaptation avec les arrières et les ailiers est très longue à mettre au point.

Photo: Musée du Basket
« J’ai été doté d’une capacité physique me permettant de solliciter ma musculature à générer de la vitesse »

Vous étiez plutôt un pivot qui aimait le jeu rapide, ou le genre, popom-popom, attendez j’arrive…?

Vous touchez le point crucial de la fierté de l’individu. Je me suis toujours défendu d’être un géant ! Or, il y a 30 ans, pour Monsieur Lambda, je n’étais pas un basketteur, mais bien un géant. C’était un terme un peu péjoratif. Les expériences tentées en URSS avec (Janis) Krouminch, (Uvais) Akhtaev, et en France avec Jean-Claude Lefebvre ont renforcé la conviction de ces gens. Moi, j’ai eu la chance d’être favorisé par la nature. J’ai été doté d’une capacité physique me permettant de solliciter ma musculature à générer de la vitesse. Je n’ai jamais voulu me contenter d’être un pivot statique comme Krouminch même si lui aussi avait son efficacité. J’aimais être véloce, sauter plus haut que les autres.

Il fallait renverser les préjugés, car je suppose qu’à l’époque on estimait qu’un géant était forcément un infirme?

C’est le mot exact. Je me suis efforcé de changer ça. J’ai voulu être un champion autant dans ma vie sociale que dans mon activité sportive. Je pensais que les deux étaient forcément compatibles. Cela m’a d’ailleurs emmené à trente ans à faire des études d’ingénieur. J’ai vraiment eu la chance d’être dans un contexte où tout me poussait à m’améliorer: mon club, l’équipe de France, ma famille, etc. Tiens, imagine qu’arrive aujourd’hui en équipe de France un pivot de 2,25 m. Qu’est-ce qui se passerait ? Il y aurait forcément une longue période d’observation dubitative de la part du groupe, car ce pivot modifierait les habitudes. Et c’est ensuite que cette perplexité serait remplacée par un phénomène de confiance, au fur et à mesure du développement du gars. C’est exactement ce qui s’est passé avec moi. J’ai compris ça tout de suite: si ce n’est pas toi qui va vers eux, ce n’est pas eux qui feront le trajet. C’est pour cela que mon intégration s’est faite assez rapidement. Je dois dire aussi ceci: après avoir fait quelques mini-stages, j’ai reçu un jour une convocation de la Fédération. J’étais sélectionné par Robert Busnel pour faire Yougoslavie-France à Belgrade et le Tournoi d’Istanbul. Je n’avais pas de passeport. Or, les gens de la Fédération omirent purement et simplement de m’en faire faire un. Ils estimaient qu’un «peintre» comme moi ne méritait pas d’être sélectionné. Le seul qui croyait en moi, c’était Robert Busnel. Il a été obligé de faire un scandale, et de se démener pour me faire établir un passeport en deux jours. Ca tient à peu de chose, n’est-ce pas ?

A Charleville, lors de la saison 64-65, il existait un triangle de rebond constitué de Jean-Claude Lefebvre (2.18m), Robert Gallois (2.01 m) et vous-même. Je suppose que vous deviez essuyer des quolibets?

Non, car j’avais préparé le territoire pour les autres. J’étais au début des années 50 le plus grand pivot français par la taille. Ca s’est su tout de suite. J’étais un phénomène. Les gens venaient voir ce phénomène, non pas pour ses qualités de basketteur, mais parce que c’était un géant. Comme au cirque. Il a fallu que je m’en accommode. Sur le terrain, ça se traduisait par un certain nombre de remarques désobligeantes de la part des spectateurs mais aussi de certains joueurs. Il y avait une sorte de rejet permanent. Gagné ou perdu, bien joué ou pas, on me balançait des vannes. Il fallait assumer. J’ai pris conscience que je pouvais inverser le comportement de mes compatriotes à mon égard en devenant un grand basketteur, pas par la taille mais par la qualité de mon travail. Cela m’a poussé à m’améliorer. J’ai employé pour ça une méthode toute simple: je cherchais à prendre chez mes adversaires ce qu’ils avaient de mieux, à l’assimiler, puis à en faire à mon tour un élément de mon registre. Je me souviens de (Viktor) Zubkov, c’était un droitier. Un jour, il m’a mis ce que l’on appelait à l’époque un crochet, c’est à dire un tir de dégagement, main gauche. En rentrant chez moi, je me suis dis: s’il peut le faire, moi aussi. J’ai répété ça pendant des heures. Cela a multiplié par deux mon efficacité. Je m’entraînais beaucoup. Pas en fonction des programmes donnés par les entraîneurs, mais parce que je voulais être meilleur le lendemain que la veille. Le midi, à la sortie de l’usine, plutôt qu’aller déjeuner, je me rendais à la salle. Pour les matches, je parvenais toujours à me concentrer au maximum. J’avais une telle introspection que je m’imaginais tous les scénarios possibles. Comme ça, lorsque la situation se présentait en match, j’avais instantanément la solution adéquate.

« Je peux assurer que dans les années 50, c’était déjà un sport très très dur. Pourtant, c’est vrai, on a continué à appeler le basket sport de fillettes »

J’ai lu que vous étiez tellement généreux dans l’effort que vous étiez tombé plusieurs fois inconscient. Vrai?

Non, c’est faux. Je me suis en fait évanoui à deux reprises après des chocs violents. La première fois, lors d’un France-Italie au Vel’d’Hiv’, où j’ai reçu un coup de coude de Stefanini sur un rebond. Souffle coupé. J’ai perdu connaissance aussitôt, or mes copains m’ont dit que je suis revenu en défense avant de m’écrouler. C’était bien l’exemple d’un réflexe programmé. La deuxième fois, c’était à Melbourne contre l’Uruguay. Un coup délibéré du pivot… Il y a d’ailleurs une tradition de bagarres entre ces deux équipes, un contentieux qui existe toujours… Un mec m’a dégelé. J’étais K.O.. Le toubib de l’équipe de France m’a sauvé la vie, car j’étais en train d’avaler ma langue, et je risquais l’étouffement. Cela prouve que le basket était déjà à l’époque un sport physique. Je n’étais pas quelqu’un de fragile. De toutes façons, tu ne vas jamais au bout de tes forces. Tu peux toujours aller plus loin. J’aimais ça. Contester en permanence la valeur d’un adversaire. Puiser dans mes ressources jusqu’à le pousser dans l’escalier de la cave…

C’est marrant, parce que le basket avait la réputation d’être un sport de fillettes à cette époque, et même encore à la fin des années 60?

Oui, je sais. C’était le cas dans les années 25-45. Je peux assurer que dans les années 50, c’était déjà un sport très très dur. Pourtant, c’est vrai, on a continué à appeler le basket sport de fillettes. C’est difficile de se séparer d’une mauvaise réputation… On parle de «mules» actuellement. Je peux te dire que l’équipe canadienne à Melbourne était constituée en partie de joueurs qui avaient un profil de bûcheron. Je me souviens de leur pivot, un grand rouquin. Il avait une musculature impressionnante.

A propos de Melbourne. On dit que la meilleure équipe de France de tous les temps fut celle de ces Jeux de 1956?

C’est sûrement vrai. Non pas par la qualité technique de notre jeu, mais en raison de l’enthousiasme qui existait au sein du groupe, de l’abnégation de chacun. Chaque joueur n’allait pas en équipe de France pour prendre quelque chose, mais pour amener quelque chose. L’inverse des stars. On a juste manqué un peu de réserves pour obtenir une médaille. Il faut dire aussi que suite à l’incident avec le pivot uruguayen, j’ai eu deux côtes cassées. C’était le match pour la médaille de bronze. J’ai pu rejouer avec un bande plâtrée et une piqûre, mais à 50% de mes moyens. Je suis sûr que sans cela, on finissait troisièmes. Ca tient à peu de choses. Mais 4ème, c’était quand même bien. On est revenu avec un diplôme…

On peut supposer que des JO en Australie en 1956, c’était une aventure extraordinaire?

C’était titanesque un déplacement comme ça. Quand je vois que certains sont impatients lorsqu’il reste encore deux heures de vol… Nous, on a mis 8 jours pour aller à Melbourne ! C’était aussi un avantage, dans la mesure où dans un avion l’environnement est restreint et il devient forcément convivial. Ca créé des liens entre les individus. Pour aller à Melbourne, on a fait escale à Lisbonne, Terre-Neuve, New York, Chicago, San Francisco, Honolulu, aux Fidji, aux îles Canton, à Sydney, puis Melbourne. Comme on traversait pratiquement quatre saisons, les spécialistes de l’INS avaient prévenu: si vous faites faire le voyage à vos joueurs en une seule traite, ils vont arriver là-bas complètement épuisés. C’est pourquoi la Fédé avait estimé que pour récupérer, il fallait rester 24 heures à New York, 8 heures à Chicago, 24 heures à San Francisco, etc.

Est-ce que vos matches étaient télévisés à l’époque?

En équipe de France ? Rarement. A la fin de ma carrière, je crois. En revanche, une journaliste de la télé luxembourgeoise vient de m’inviter à une table ronde, car elle a retrouvé des images d’archives d’un match avec Charleville en 58. Je me souviens aussi d’avoir été interviewé par Guy Lux, qui était alors journaliste sportif. Et par Thierry Roland, à Orly, au départ d’un championnat du Monde, je crois. Il avait des cheveux à l’époque. Il me semble aussi que la télévision française est venu une fois à Charleville pour un match de Coupe d’Europe contre le CSKA Moscou.

Pourquoi avez-vous arrêté de porter le maillot de l’équipe de France à 31 ans, un âge où le pivot arrive à maturité ?

J’ai été confronté à un problème social. Le basket ne me nourrissait pas. Je venais d’avoir mon diplôme d’ingénieur, et c’était le moment de le faire fructifier. L’entreprise qui m’embauchait ne pouvait pas se permettre de me libérer pour d’aussi longues périodes. Ce n’est pas plus mal. J’ai quitté la scène avant de décliner. Comme ça, on a pu me regretter (sourire). Cela dit, à 47 ans, je jouais encore en Nationale IV avec mon fils Gregor, à Vitry-le-François. Et puis, un jour, il m’a lançé: « eh!, l’ancien, au lieu de tirer au cul, tu pourrais aller au rebond comme les autres ». Aux vestiaires, j’ai dit: « les gars, j’arrête, ce n’est plus de mon âge ». C’était une expérience intéressante de jouer avec son fils, ça fait quelque chose…

Cela amène une question. Il est rare que le père et les deux fils deviennent internationaux. Cela prouve déjà qu’en basket la notion de taille est primordiale. Vous étiez programmés, les Beugnot, pour devenir des basketteurs?

Mon arrière-arrière-arrière grand-père s’était vu confier par Napoléon une responsabilité dans un petit comté en Allemagne. On a retrouvé à son propos, dans des documents sur nos ancêtres, cette phrase de Napoléon: « ce Beugnot est si grand que pour lui parler je suis obligé de baisser la tête ». Sous entendu bien sûr, que lui Napoléon, il était hors de question qu’il lève la tête. C’est vrai, les Beugnot sont grands. Même si Greg ne fait qu’1,91m…

Oui, mais il a hérité de la deuxième caractéristique familiale: la hargne.

Je suis content de leur avoir transmis la gnac. On doit ça à mon père, qui était lui aussi comme ça.

Votre frère Robert a joué aussi en Nationale 1 ?

Avec moi, à Charleville. Il fait 1,94 m. C’était le joueur le plus adroit que je n’ai jamais connu. Mais il était adroit quand il le voulait. Un cabochard. C’est quelqu’un qui n’avait pas besoin du basket pour satisfaire son existence.

Par contre, ce qui est étonnant pour des fils d’internationaux, c’est que lorsqu’il est arrivé au Mans, Eric n’avait pas de shoot, alors que Greg avait une technique très sommaire.

Cela vient du fait qu’ils se sont retrouvés tardivement entre les mains d’entraîneurs de haut niveau. André Buffière au Mans pour Eric, et Francis Jordane à Graffenstaden pour Gregor. J’ai fait ce que j’ai pu, je leur ai inculqué un certain nombre de fondamentaux, mais il fallait que quelqu’un prenne la relève. Je n’avais pas le temps de m’en occuper, et je n’étais pas un spécialiste. En ce qui concerne Eric, il avait un shoot, mais à la suite d’un accident de voiture, il a subi un déplacement de l’os au bras gauche. Il a fallu qu’il apprenne un shoot différent de celui qu’il avait. C’est vrai néanmoins qu’ils n’ont pas eu la chance, jeunes, d’être pris en charge par une structure comme il en existe désormais.

Photo: Musée du Basket
« Ca me rassure sur l’avenir de l’humanité: on arrivera toujours à faire mieux »

Est-ce vous qui a souhaité devenir le délégué fédéral permanent auprès de l’équipe de France?

Non. Je suis membre du comité directeur de la FFBB. J’ai été joueur, dirigeant, et coach. J’ai des sensations. Je ne comprenais pas, par exemple, que l’on dise: on va au championnat d’Europe pour faire 7ème,et on essayera d’être 4ème. Il faut fixer des objectifs, des contrats de progrès comme dans une entreprise. L’objectif à atteindre, c’est ça. Les passages obligés, c’est ça. On devait aller à Zagreb avec l’envie formelle, viscérale de finir 4ème… A la suite de ce championnat d’Europe, j’ai été amené à avoir un certain nombre de conversations avec les joueurs, les gens de l’encadrement. Je me suis rendu compte que si tout le monde à Zagreb était entré sur le terrain avec une hyper-motivation, on aurait pu réaliser quelque chose de grand. J’ai parlé de ça au président lors d’un comité directeur. On m’a trouvé sévère. Quelque temps après, le président a annoncé sa nouvelle politique, et il avait prévu de me confier des responsabilités. Pour amener au groupe ce que j’appelle: les moyens nécessaires à l’augmentation de sa productivité. Il faut identifier toutes les pollutions, les nuisances. Après les matches qualificatifs en novembre, j’ai noté une trentaine de points qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur le rendement du groupe. Il va falloir y remédier. Je prends comme exemple ce télex qui n’est pas parvenu à la fédération israélienne, et qui nous a privés d’une salle d’entraînement à Tel Aviv.

On a toujours tendance à dire: de mon temps, c’était mieux. Est-ce que tout était au beau fixe à l’époque de l’âge d’or de l’équipe de France, dans les années 50?

Rien à voir. Il y a autant de différence entre l’organisation mise à la disposition de l’équipe de France de mon époque et celle d’aujourd’hui qu’entre la musique militaire et la musique classique. J’évoquais ça avec Jean Degros ce matin. On parlait des joueurs qui ne voulaient pas jouer avec telle ou telle chaussure. Et c’est vrai que sur le plan physiologique certains peuvent être confrontés à des problèmes de ce genre. C’est d’ailleurs mon rôle d’effectuer une procédure de contrôle. Mais Degros me disait: tu te rappelles quand on jouait avec des Hungaria… Des godasses noires qui ressemblaient davantage à des sabots qu’à des baskets. On faisait avec… On avait des sacs si petits que moi qui chausse du 49, je n’arrivais même pas à les mettre dedans. On ne nous remboursait pas nos taxis, etc. Un jour, par mesure d’économie, on avait effectué un déplacement pour Budapest via Prague. On avait pris une compagnie normale pour Paris-Prague, et un petit avion hongrois pour rallier Budapest. 15 places. On est monté en l’air. Très vite, un rivet a commencé à vibrer. Un jet d’huile s’est échappé. Il a grossi. Henri Grange et moi, on a prévenu les pilotes. Un mec chargé de resserrer les boulons est venu. Il a blanchi… On a atterri dans un champ. Ils ont réparé. Deux heures après, on est reparti. C’était ça l’organisation du basket dans les années 50. A chaque déplacement, deux ou trois joueurs faisaient des entérites. On s’en accomodait. On a vécu une période dans les nuisances, mais on ne savait pas que c’était des nuisances. C’est aujourd’hui que l’on s’en rend compte. On avait une grande équipe, parce que nous n’avions pas d’autres raisons d’être heureux que de faire du basket. C’est moins vrai pour les générations qui ont suivi. Les jeunes sont toujours à la quête d’autre chose. Et je me plais beaucoup parmi eux. J’ai assisté à un renversement fantastique dans le domaine de la technologie, des rapports sociaux, de la communication, et de la conception de l’existence. Ca me rassure sur l’avenir de l’humanité: on arrivera toujours à faire mieux.

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Il participa à trois Jeux Olympiques (1952, 56 et 60), un record national partagé avec Robert Monclar. Jean-Paul Beugnot fut aussi le leader de Charleville, deux fois champion de France, qui élimina en 1959 le Real Madrid de la Coupe des Champions (C1). Un exploit monumental.

Beugnot fut ensuite coach à Châlons-sur-Marne, tout en œuvrant à la Fédération. Il fut vice-président de la FFBB et délégué fédéral permanent auprès de l’équipe de France.

Jean-Paul Beugnot est décédé en 2001 à l’âge de 69 ans. Cette interview date de 1989.

Ceci est le 2e chapitre d’une rétrospective sur les évènements, équipes et joueurs qui ont marqué l’Histoire des JO. A lire aussi :

JO Berlin’36 : Le régisseur, l’inventeur et le dictateur.

Vous m’aviez fait part de votre surprise d’être élu «deuxième meilleur joueur français de tous les temps». Pourquoi?

Quand tu es quelque chose, tu ne le sais que par rapport à toi-même. Les gens autour de toi ont beau dire ce qu’ils veulent, tu ne peux pas te comparer aux autres. J’ai joué face à des pivots tels les Soviétiques Zubkov, Krouminch, l’Italien (Giuseppe) Stefanini, ou les Américains Clyde Lovelette et Bob Kurland. Dans la mesure où tu es moins performant que ceux- là, tu t’étonnes que 25 ans après on puisse faire de toi le 2ème meilleur Français de tous les temps. J’ai eu la chance de bénéficier d’un contexte européen dans lequel on assista à la prolifération de pivots de grande taille. Aussi, j’ai eu en face de moi beaucoup d’interlocuteurs valables qui m’ont forcé à progresser. La productivité du pivot dépend également de la façon dont on joue avec lui. Actuellement, pour beaucoup d’équipes, le pivot, c’est la solution ultime quand on ne sait plus quoi faire. Même si il y a des exceptions, comme l’URSS avec (Arvidas) Sabonis. A mon époque, le pivot faisait partie intégrante des systèmes. On l’appelait d’ailleurs pivot car c’était la plaque tournante de l’équipe. Si l’on reconnaît a posteriori la valeur d’un joueur quelqu’il soit, on se doit, dans un sport collectif, de ne pas oublier ceux qui furent les-faire valoir.

L’arrivée d’un grand en équipe de France a dû révolutionner les conceptions tactiques?

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Photos: Musée du Basket

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