L’ancienne internationale Johanne Gomis, 37 ans, est désormais responsable du centre de formation de l’ASVEL. Elle a donné une interview en profondeur à Oyaba360 dont voici trois temps-forts.
A propos de sa « différence »
« Je suis née dans le Val-De-Marne, mais nous avons très vite déménagé en Picardie. À notre arrivée, je me retrouve dans une école où je suis la seule noire. C’est un fait anecdotique, qui a quand même son importance, car en réalité, je suis réellement différente, différente de tous les autres enfants. Je ne dirais pas que je n’ai pas d’amis, mais je ne m’y sens pas à ma place. Et il faut visualiser le contexte, nous sommes au début des années 90. »
A propos de l’équipe de France :
« Je fais ma première sélection en Équipe de France quand Pierre Vincent me convoque. Je suis à la fois surprise, contente, stressée et très timide. Je ne m’y sens pas légitime. La sélection est toujours difficile pour moi, peu importe les saisons que je fais en club. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. La première fois que j’entends l’hymne national en Équipe de France, j’en pleure tellement je suis émue. C’est incroyable, et en même temps, j’ai toujours ce sentiment d’illégitimité. Je pense que c’est pour moi un plafond de verre pendant très longtemps. Et puis j’appartiens à une génération entre-deux. Au-dessus de moi, c’est très fort. C’est-à-dire les 83, les Dumerc and co. Ensuite la génération en dessous, 89, 90, elle aussi est très forte (…) J’ai l’anecdote d’une sélection où je ne suis pas dans la liste. Je ne comprends pas. Je suis hyper triste. Je me remets en question sur les points à améliorer ou les choses que je n’ai pas faites. Je fais partie de ses joueuses qui demandent toujours des explications à leur sélectionneur afin de comprendre le pourquoi du comment. Et l’équipe de France, c’est aussi comme cela. Tu es réunie après le lunch. Il y a toute l’équipe. Le sélectionneur annonce les 12 filles qui partent jouer la compétition. Il énonce les différents noms des filles sélectionnées devant tout le monde. Lorsqu’il n’y a pas ton nom, tu te dis : “Peut-être que je ne l’ai pas entendu”. Tu n’es pas sûre. Ensuite, il explique que le départ se fera le lendemain et que sa porte reste ouverte pour les joueuses non sélectionnées voulant des explications. De mon côté, je reste hagarde et les autres filles viennent me réconforter. Tu penses avoir mal entendu puis tu réalises que tu n’es réellement pas dans la liste. Il y a des fois où tu as conscience que tu n’es pas à la hauteur et d’autres où tu souhaites comprendre, car tu penses avoir fait tout ce qu’il faut. J’ai, par exemple, eu un coach au moins autant ému que moi, après l’annonce de sa liste pour les Jeux. »
A propos de l’après-basket :
« Lorsque tu arrêtes ta carrière sportive, il y a une partie de toi qui n’est plus là. C’est même la plus grosse partie de toi, ton essence. J’ai dit toute ma vie que j’étais basketteuse. Et je ne le suis plus maintenant. Dans mon titre et la personne que je suis, ça n’existe plus. J’ai tout de suite une activité, c’est ce qui m’empêche de réfléchir trop longtemps. Je pense que j’étais une athlète solide mentalement qui tombe et se relève. Mais dans ma nouvelle vie, tout me parait compliqué. Au début, je suis très à fleur de peau et même un peu fragile. À l’inverse de ce que j’étais en tant qu’athlète, finalement. La moindre chose peut me faire pleurer. J’ai du mal à définir les raisons de ce qui me rend aussi fragile, puisque j’ai envie d’assumer mon nouveau rôle. Mes proches et ceux qui m’entourent, eux, voient le changement. Je suis une nouvelle personne. “Jo l’athlète” est-elle morte ? J’ai aussi la chance aujourd’hui d’être entouré de personnes qui ont aussi arrêté leur carrière dans ma nouvelle activité. Ils sont passés par l’étape par laquelle je suis passé et m’ont donné un peu les clés. Ça m’a permis de dédramatiser les choses. »
Photo : FIBA