Le géant argentin Jorge Gonzalez fut une attraction dans son pays, se retrouva drafté par les Atlanta Hawks, se convertit au catch, mais fut victime de son excès de poids et mourut dans la misère.
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Jorguito avait déjà 17 ans, mesurait 2,16 m et pesait 160 kilos, lorsqu’il fut repéré dans son petit village de cinq milliers d’habitants, Formose, situé à 150 km de la capitale Buenos Aires. Le scout s’appelait Oscar Rozanovich et il lui demanda s’il jouait au basket, et comme la réponse fut négative, il s’enquit de savoir s’il était disposé à en faire. Le géant compris l’intérêt d’une telle proposition, qui lui permettait de changer sa vie à 180° et c’est ainsi que Jorge Gonzalez se retrouva dans le club du Chaco.
Si le colosse ne pratiqua pas tout de suite le basket avec sa nouvelle équipe, c’est qu’il n’y avait pas de chaussures disponibles de sa pointure (56 et demi). Il portait des sandales, et c’est ainsi équipé qu’on lui dispensa le BA-BA du jeu avant de lui faire faire des baskets sur mesure. « Ici, on l’a adopté tout de suite. C’était un garçon très sain, bien, obéissant. Sa famille lui manquait un peu, son village aussi, mais il s’est adapté et il a laissé un super souvenir. Il n’avait aucune idée de ce qu’était le basket, mais petit à petit on lui a enseigné. Au début, il n’avait même pas de chaussures, mais nous l’avons envoyé à Buenos Aires pour en fabriquer. J’ai pu jouer avec lui, il était remarquable et quand nous avons lancé le ballon près du panneau, il a failli toucher la cercle les bras levés … », s’est souvenu son ancien entraîneur Alejandro Pirota sollicité par Infobae.
Un an plus tard, Jorge évoluait au LP Gymnastics et en 1985, il faisait ses débuts dans l’équipe nationale argentine. « Son jeu progressait de jour en jour. Il passait bien le ballon, comprenait les systèmes et avait une très bonne mécanique de tir. Son gros combat était déjà avec son physique, avec ses genoux, avec le poids… », commente son ancien équipier Angel Cerisola. Lors de la première saison complète, González a brillé et a terminé avec un double-double, aux points (22,3) et aux rebonds (10,9), en plus d’un épatant 68% de réussite aux tirs.
Une fois à Santa Fe, González a dû s’adapter à une ville plus petite et ses habitants à sa stature. On lui a fait un lit sur mesure, et dans le seul cinéma de la ville, on lui a construit une estrade spéciale pour qu’il puisse aller regarder des films sans gêner les spectateurs derrière lui, puisqu’il mesurait 1,17m assis.
Un boulimique
Quelle taille faisait réellement Jorge González ? Entre 2,24 m et 2,32 m suivant les sources. Ce qui est certain, c’est qu’il a toujours eu des problèmes de poids et de genoux. Il mangeait tout ce qui se présentait à lui, et au fils du temps, il a développé du diabète et de l’acromégalie. Angel Cerisola raconte une anecdote qui résume le drame qu’a vécu le géant boulimique. « Tout tournait autour de son poids. Je me souviens que lorsque nous avons fait une tournée d’une semaine, nous avons vu qu’il respectait bien son régime alimentaire. Mais ce qui était étrange, c’est qu’il n’avait pas perdu de poids. Le jour où nous avons quitté l’hôtel, à notre départ, le concierge nous a dit « qu’allez-vous faire de ce que le géant a mangé ? A ce moment-là, il nous a dit que Jorge se levait à l’aube et commandait des hamburgers. Ensuite, il retournait se coucher et quand il se levait, bien sûr, il prenait son petit-déjeuner sans problème avec les cinq toasts au café qu’il avait commandés. »
Evidemment, la stature de Jorge González ne laissait pas indifférente la population. Un jour, il est entré dans les cuisines d’un restaurant et les cuisiniers se sont mis à hurler. Il ressemblait au Yéti de l’Himalaya. Le regard des autres était un problème insoluble pour lui. Un magazine s’intéressa à son histoire et le journaliste lui posa des questions sur sa vie sexuelle. « Les femmes pensent que mon pénis est proportionnel à ma taille et elles ont peur. Mais c’est normal », devait-il répondre avec une une ingénue franchise. Lorsque le magazine est sorti, le titre et la majorité de l’article concernait essentiellement tout ce qui tournait autour du sexe, et rien sur l’aspect sportif. A partir de ce jour, Jorge est demeuré sur la défensive vis-à-vis des médias. « Attention, ce n’était pas un crétin, » assure Angel Cerisola. « C’était un gars très cool, avec une bonne tête. Il était intelligent et il savait ce qu’il voulait. »
Jorge avait cependant deux visages. Il pouvait être sympathique ou à l’inverse haineux. Il était aussi égoïste surtout quand il s’agissait de rassasier son ventre. Il se jetait sans vergogne sur la nourriture même si elle était destinée à d’autres. La légende veut qu’il lui était habituel de dévorer six empanadas – un petit chausson en pâte feuilletée- au comptoir d’une pizzeria puis d’en commander une autre douzaine. Il pouvait avaler deux douzaines de croissants au petit-déjeuner, consommait trois kilos de fruit par jour, buvait trois canettes de soda au déjeuner et encore engloutissait quatre steaks de chorizo au dîner. C’est ainsi qu’il culmina jusqu’à 200 kilos et ne descendit jamais sous la barre des 165, en suivant un régime spécial… pour draguer la fille du médecin qui avait fait la prescription.
Drafté par les Hawks, sans jamais y jouer
C’est l’agent Richard Kaner, qui servait aussi de recruteurs, en Europe, aux Atlanta Hawks, qui a recommandé Jorge González à l’entraîneur Mike Fratello. Le déclic se produisit lors du tournoi pré-olympiques de Montevideo en 1988. El Gigante marqua 27 points contre Porto Rico et ses deux big men, Piculin Ortiz et Ramon Rivas. C’est ainsi qu’il fut drafté en 54e position lors de la draft NBA suivante. Le plus enthousiaste était le general manager Stan Kasten. « Imaginez que lorsque je suis entré dans son bureau, dans la boîte derrière son bureau, il y avait des photos de Dominique Wilkins, Larry Bird, Michael Jordan, Magic et Jorge. Stan pensait avoir découvert quelque chose de spécial. À cette époque, ils cherchaient des tours pour pouvoir changer le jeu, quelque chose comme ce qui plus tard est arrivé avec Yao Ming à Houston », explique Fernando Bastide, l’agent de Jorge Gonzalez.
« Évidemment, Jorge était un spécimen physique. Mais nous étions aussi fascinés par son tir. Il avait un bon toucher, il pouvait sortir pour tirer. Aujourd’hui, il s’adapterait si bien à cette NBA dans laquelle les grands sortent pour tirer de loin… On a vu aussi qu’il avait des problèmes de transition, de course à pied, à cause de sa taille et de son poids. Nous savions qu’il devait travailler là-dessus, se mettre en meilleure forme pour avoir ses minutes. Nous l’avons vu comme un projet qui peut-être dans un ou deux ans pourrait nous aider », confie aujourd’hui Mike Fratello.
L’Argentin n’a pas bénéficié d’un contrat garanti. Les Hawks pouvaient le couper à tout moment. Ils avaient mis une condition indispensable pour qu’il soit conservé dans le roster : il devait maigrir et descendre sous les 140 kilos. Une mission presque impossible puisqu’à ce moment-là, le géant devait en peser 40 de plus. Il ne devait jamais jouer un seul match de NBA.
González est rentré au pays avec un plan d’entraînement et de diététique auquel il a dû se conformer.« Il lui fallait une meilleure condition physique pour supporter l’aller-retour qu’exige un match NBA », explique Fratello. « À Atlanta, ils ont mené une étude où ils ont découvert que, malgré son poids, Jorge était faible parce que son corps, en grande partie, est composé de graisse. Il avait peu de muscles. C’est pourquoi ils lui ont demandé de changer son alimentation et de peser moins pour pouvoir le mettre sur le terrain », complète Bazzi. « Nous savions qu’il ne serait pas facile pour lui d’accomplir ce que nous lui demandions. Mais c’était nécessaire », ajoute Fratello, qui estime que le contexte ne lui était pas non plus favorable. « C’était une autre époque qu’aujourd’hui. Vous n’aviez qu’un roster de 12 joueurs. Aujourd’hui, il y a 15 places, avec deux joueurs qui peuvent aller et revenir de la G-League. Surtout, on avait une super équipe à cette époque, ce n’était pas facile d’y prendre pied. Il n’y avait pas non plus d’autres choses qui auraient pu aider : les analyses et le grand nombre de collaborateurs que nous voyons aujourd’hui. Cela semble être un détail, mais cela a aussi conspiré contre Jorge. »
Au bout de six mois, il était évident que Jorge Gonzalez ne réussirait pas son pari. « Un jour où j’étais là-bas, nous étions dans les bureaux et Kevin Willis est entré. Ils l’ont pesé et comme il était en surpoids, ils l’ont renvoyé à la maison et lui ont dit qu’ils allaient déduire de son salaire la journée d’entraînement. C’est pourquoi la décision qu’ils ont prise avec Jorge n’a pas attiré mon attention. La condition physique a été et continue d’être déterminante en NBA aujourd’hui. Je ne doute pas que s’il en avait eu une meilleure, Jorge aurait joué », assène Bastide. Fratello se souvient avoir apprécié la chaleur humaine qui se dégageait du géant. « C’était une personne formidable, on pouvait le dire simplement en lui parlant. Et même s’il n’est pas resté avec nous, j’ai toujours voulu qu’il aille bien. Je sais qu’il n’a pas continué avec le basket, je l’ai suivi dans son nouveau métier. Parfois, j’ai allumé la télé pour le voir, car ici il devenait une personnalité. J’ai aimé qu’il puisse avoir la persévérance de vouloir réussir dans une activité après n’avoir pas pu avec la NBA. »
Star éphémère du catch
Jorge Gonzalez s’est reconverti comme catcheur. C’est Rich Kaner qui a eu l’idée de cette nouvelle vie. C’est ainsi que le big man abandonna la ligue de basket argentine pour faire un essai au catch avec un bon salaire de 30 000 dollars sur trois mois. « Il était surpris, ravi, il se sentait comme une star… Il est passé de raconter aux gens en Argentine comment il faisait pour aller aux toilettes à être félicité d’être grand à Atlanta. Cela l’a fait bien s’adapter. Jorge était un gars sans éducation, mais d’une grande intelligence. Il a tout demandé, comment continuer, et il s’est préparé à cette nouvelle opportunité », raconte son ancien agent. Gonzalez a compris que la vie lui offrait une nouvelle grande opportunité, et il en a profité en signant un contrat avec la World Championship Wrestling (WCW) : 90 000 $ pour la première année, 150 000 pour la seconde et 350 000 pour le troisième. Il fait ses débuts le 19 mai 1990, après six mois d’entraînement spécialisé, à Washington DC, sous le nom d’El Gigante et au sein de la troupe des « bons combattants ». Le système Pay Per View a fait de lui une figure médiatique aux États-Unis. Il a même combattu dans d’autres pays, notamment au Japon.
Sa popularité a tellement augmenté qu’il a joué dans des jeux vidéo, des poupées ont été créées avec sa silhouette et il a été appelé à participer à des épisodes de séries télévisées, comme les célèbres Baywatch en Californie (1993), Hercules en Australie (1994) et Thunder in Paradise (1993 et 1994). « J’ai même pris un café avec Pamela Anderson. C’était à l’arrêt de l’enregistrement de Baywatch. Elle est passée, m’a vu, m’a dit qu’elle avait entendu parler de moi et nous avons pris un café. C’était bien », se souviendra-t-il des années plus tard. Jorge a admis avoir eu une petite amie à l’époque et a affirmé avoir « eu toutes les filles que je voulais ».
En chaise roulante
La fin est triste. Lors de la seconde année de son contrat, sa mère est décédée, il est tombé malade, il avait des problèmes de diabète. Il a demandé l’autorisation de retourner dans son pays, et il n’a pas voulu ensuite revenir aux Etats-Unis malgré les sommes d’argent qui l’attendaient. « D’autres choses se sont également produites, selon ce qu’on m’a dit d’Atlanta. Ils m’ont avoué que Jorge ne s’était pas assez entraîné lors de la deuxième année, peut-être à cause du confort économique dont il jouissait… Jorge n’aimait pas ça. Il est également vrai que des problèmes de santé sont réapparus. Plusieurs choses se sont enchaînées et il a fini par perdre cet incroyable contrat qu’il avait signé », raconte son agent.
A la fin 1996, Jorge a souhaité rejouer au basket, mais des tests médicaux ont démontré que sa glande hypophysaire fonctionnait mal, et que non seulement il ne pouvait plus pratiquer un sport, mais qu’il lui fallait être opéré en urgence s’il voulait avoir une espérance de vie. Seulement, Gonzalez n’a pas subi d’intervention chirurgicale sur la glande, s’est peu occupé de son diabète et n’a jamais traité l’acromégalie. Au bout de quelques années, comme l’avait prévu le corps médical, il ne pouvait plus marcher et devait se déplacer en fauteuil roulant. « Tout le monde y voyait un phénomène potentiel pour le basket-ball et presque personne ne se souciait de la personne, de sa santé », tonne Bazzi. « Les dernières années ont été très pénibles, clouées au lit, inondé de tristesse et cherchant de l’aide et de l’argent, où qu’il soit. » Le milieu du basket a tenté de l’aider, la Confédération argentine a mené une campagne de solidarité et le gouvernement de Formose lui a donné un coup de main, mais le combat était déjà inégal. A ce moment-là, il était déjà perdu. « L’espérance de vie moyenne de ceux qui souffrent de ma maladie est de 45 ans et celui qui a vécu le plus longtemps a atteint 50 ans. Que puis-je attendre de mon avenir alors ? Rien », a admis González lui-même.
Le Géant est décédé le 22 septembre 2010, à l’âge de 44 ans, oublié des siens, dans une solitude absolue. « C’est comme ça, quand tu réussis et que tu as de l’argent, tu es plein d’amis. Mais quand c’est fini tu te retrouves seul, personne ne se souvient de toi », avait-il déclaré, lucide, quelque temps avant sa mort.
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Jorguito avait déjà 17 ans, mesurait 2,16m et pesait 160 kilos, lorsqu’il fut repéré dans son petit village de cinq milliers d’habitants, Formose, situé à 150km de la capitale Buenos Aires. Le scout s’appelait Oscar Rozanovich et il lui demanda s’il jouait au basket, et comme la réponse fut négative, il s’enquit de savoir s’il était disposé à en faire. Le géant compris l’intérêt d’une telle proposition, qui lui permettait de changer sa vie à 180° et c’est ainsi que Jorge Gonzalez se retrouva dans le club du Chaco.
Si le colosse ne pratiqua pas tout de suite le basket avec sa nouvelle équipe, c’est qu’il n’y avait pas de chaussures disponibles de sa pointure (56 et demi). Il portait des sandales, et c’est ainsi équipé qu’on lui dispensa le BA-BA du jeu avant de lui faire faire des baskets sur mesure. « Ici, on l’a adopté tout de suite. C’était un garçon très sain, bien, obéissant. Sa famille lui manquait un peu, son village aussi, mais il s’est adapté et il a laissé un super souvenir. Il n’avait aucune idée de ce qu’était le basket, mais petit à petit on lui a enseigné. Au début, il n’avait même pas de chaussures, mais nous l’avons envoyé à Buenos Aires pour en fabriquer. J’ai pu jouer avec lui, il était remarquable et quand nous avons lancé le ballon près du panneau, il a failli toucher la cercle les bras levés … », s’est souvenu son ancien entraîneur Alejandro Pirota sollicité par Infobae.
Un an plus tard, Jorge évoluait au LP Gymnastics et en 1985, il faisait ses débuts dans l’équipe nationale argentine. « Son jeu progressait de jour en jour. Il passait bien le ballon, comprenait les systèmes et avait une très bonne mécanique de tir. Son gros combat était déjà avec son physique, avec ses genoux, avec le poids… », commente son ancien équipier Angel Cerisola. Lors de la première saison complète, González a brillé et a…
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Photo d’ouverture : Jorge Gonzalez et le président argentin Carlos Menem