Plus jeune internationale de l’histoire tous sports confondus à seulement 13 ans, la prodige lituanienne Juste Jocyte (1,87 m), 16 ans dans quelques jours, va affronter l’équipe de France A pour la première fois de sa carrière ce dimanche (à 16h30) à Villeneuve d’Ascq. Loin d’être anecdotique pour celle qui est arrivée à Lyon, à l’académie Tony Parker, en novembre 2019, et qui s’affirme cette année sous les ordres de Pierre Vincent dans le groupe pro de l’ASVEL, entre Ligue Féminine et Eurocup.
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Le 19 novembre prochain, la plus grande espoir de l’histoire du basket lituanien fêtera son 16e anniversaire en France, avec ses copines de l’académie Tony Parker à Lyon. Avant cela, Juste Veronika Jocyte – son patronyme complet – a coché une autre date importante sur son calendrier, et pas n’importe laquelle : le 14 novembre. Le point de départ d’un record de précocité déjà presque inégalable : sa date de naissance internationale. Le 14 novembre 2019, la Lituanienne devenait, à 13 ans, la plus jeune internationale A de l’histoire… tous sports collectifs confondus en affrontant l’Albanie dans le cadre des qualifications pour l’EuroBasket 2021. Deux ans plus tard, jour pour jour, la Lyonnaise va affronter pour la première fois de sa carrière l’équipe de France, les Bleues dans les yeux, pour tenter de qualifier la Lituanie au championnat d’Europe 2023. Forcément un clin d’oeil à sa terre d’accueil pour la première opposition d’une probable très longue série.
À Villeneuve d’Ascq, elle a rendez-vous avec trois de ses coéquipières à l’ASVEL, toutes internationales françaises : Alexia Chartereau, Helena Ciak mais aussi son idole devenue amie Marine Johannès. « Je suis super excitée à l’idée de jouer contre trois de mes partenaires à Lyon, nous confie l’intéressée. Évidemment, on ne sera pas favorites, on sera les outsiders. Mais sur un match, tout est possible. » La Lituanie, 25e au ranking FIBA et absente des compétitions internationales majeures depuis l’EuroBasket 2015, ne fait pas ou plus partie du gratin européen (championnes d’Europe 1997). Ce qui ne veut pas dire que l’adolescente ne prend pas les choses à cœur : « Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas qualifiées pour l’EuroBasket. Nous prenons cette qualification très au sérieux. On va tout faire pour la décrocher. » Pour cela, il faudra terminer en tête ou parmi les quatre meilleurs deuxièmes des dix poules, dans un groupe composé de la France, considérée comme la puissance continentale numéro 1, mais aussi l’Ukraine (21e) et la Finlande (29e), un adversaire battu ce jeudi en ouverture à Nevesis (69-59). Pas évident mais loin d’être impossible.
De plus en plus d’attentes et de moins en moins de pression
Née à Washington aux Etats-Unis, où elle a passé les premiers mois de sa vie, et où son père, ancien joueur de l’université du Nebraska, était diplomate pour l’ambassade de Lituanie, Juste Jocyte n’a pas hésité à laisser de côté son passeport US pour « la fierté de revêtir le maillot de la sélection nationale lituanienne ». « Je veux jouer pour la Lituanie autant que possible, peu importe si je joue tous les étés. Je suis vraiment déterminée à ramener le plus de médailles possibles à mon pays », avait-elle lancé en début de saison. Avant son 16e anniversaire, « JJ » compte déjà cinq sélections chez les A, qui plus est dans une période de pandémie où les matches se comptent sur les doigts des mains. Contre la Finlande, la coéquipière de Laura Juskaite (Saint-Amand) a eu un rôle important en première mi-temps (4 points à 1/4 aux tirs, 5 rebonds, 1 interception pour 3 pertes de balles en 12 minutes) avant de quitter ses partenaires au milieu du troisième quart après une torsion à la cheville gauche (update : qui lui fera finalement louper le duel face aux Bleues). Ce qui en fait sans doute la seule joueuse de son âge à déjà avoir un rôle en sélection, et naturellement le plus grand potentiel de la génération 2005 à l’international.
C’est loin d’être le seul record de précocité en sa possession. Elle en a battu dans toutes les catégories d’âge, même en première division lituanienne, qu’elle a quitté à 13 ans. A l’été 2019, elle a mené la Lituanie à la médaille d’argent au championnat d’Europe U16. En juillet dernier, elle a participé à l’Euro Challengers U18 en compilant 20,4 points, 10,0 rebonds, 6,2 passes et 2,6 interceptions pour 26,0 d’évaluation en 32 minutes. Autant dire que, même déjà surclassée à de multiples reprises tout au long de sa jeune carrière, « Baby Face » n’a plus rien à faire en sélection jeune. Son avenir se situe en équipe nationale, où elle est déjà la star, la fédération locale n’hésitant pas à multiplier les campagnes de communication autour de sa pépite.
« Il y a toujours eu beaucoup de pression autour de moi. Mais j’ai appris à faire avec, je ne ressens plus vraiment de pression sur le parquet, j’ai appris à me conditionner pour ne plus ressentir cette pression. J’essaie juste de donner le maximum à chaque fois que je rentre sur le terrain » – Juste Jocyte
« Il y a beaucoup d’attentes autour de Juste, détaillait Donatas Urbonas, spécialiste basket en Lituanie, à RMC Sport il y a quelques mois. C’est le plus grand jeune talent féminin que notre pays ait connu, c’est certain. Nous n’avons eu qu’une seule joueuse en WNBA : Jurgita Streimikyte. Mais c’était il y a très longtemps (entre 2000 et 2005). Je ne sais pas exactement à quel point elle était bonne en comparaison car c’était une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas et où l’exposition était très différente. A mes yeux, elle est la plus jeune licorne de l’histoire de notre basket féminin. Notre équipe nationale féminine a touché le fond et elle est sans doute notre dernier espoir. Même les vétérans de l’équipe nationale le disent. »
Sa capacité à maîtriser ses émotions lui a déjà valu la comparaison avec le « diamant » par son sélectionneur national, elle qui, aussi surnommée « l’assassin au visage de bébé », est déjà mesurée à 1,87 m et capable de jouer sur les postes 3, 2 et 1. Une « fausse lente », qui change de rythme très facilement grâce à un bagage technique et QI basket bien au-dessus de la moyenne. « Elle fait tout sur le terrain. Ce qui est exceptionnel pour son âge, c’est son incroyable lecture du jeu. Elle a aussi beaucoup de sang-froid, elle prend toujours les bonnes décisions même sous pression. Et sa technique est vraiment superbe. Elle sait prendre des tirs en step-back et peut finir les actions de très nombreuses manières. C’est une gamine géniale qui a tous les outils pour devenir une joueuse exceptionnelle », appuie Donatas Urbonas.
Si Juste Jocyte est très attendue, l’une de ses forces est de garder les pieds sur terre. « Il y a toujours eu beaucoup de pression autour de moi. Mais j’ai appris à faire avec, je ne ressens plus vraiment de pression sur le parquet, j’ai appris à me conditionner pour ne plus ressentir cette pression. J’essaie juste de donner le maximum à chaque fois que je rentre sur le terrain », lance-t-elle depuis Mado-Bonnet, où nous l’avons rencontrée, sans pression ni trop plein d’assurance. Sa recette ? La confiance en soi. « Ma confiance vient peut-être du fait que j’ai toujours joué avec des personnes plus âgées, et ce depuis toute petite. Quand j’étais plus jeune, je jouais beaucoup contre des garçons, notamment mon grand frère. »
« La difficulté de Juste, c’est que c’est déjà une star dans son pays. Elle a intégré l’équipe nationale de Lituanie à 13 ans. Quand on a été autant exposé, c’est compliqué de se confronter à la dureté du monde professionnel au sens physique mais aussi mental. Parfois, on oublie qu’il faut payer un prix » – Pierre Vincent, son nouveau coach à l’ASVEL
Juste Jocyte est une gamine très mature, et cela se ressent dans sa façon de parler avec les médias, ses relations avec ses partenaires. Elle le doit peut-être à son départ, très jeune, de Lituanie, loin son cocon familial, pour rejoindre Lyon en novembre 2019. Même s’il lui reste encore bien des étapes à franchir. Son nouveau coach et mentor, Pierre Vincent, arrivé à l’intersaison, qui sait comment façonner des jeunes talents, lui qui a notamment forgé Tony Parker et bien d’autres avant elle, le sait. « La difficulté de Juste, c’est que c’est déjà une star dans son pays. Elle a intégré l’équipe nationale de Lituanie à 13 ans. Quand on a été autant exposé, c’est compliqué de se confronter à la dureté du monde professionnel au sens physique mais aussi mental. Quand on est doué, on peut croire que tout est facile. Parfois, on oublie qu’il faut payer un prix. Dans le championnat français, on a beaucoup d’athlètes, c’est très dur, accordait-il au moment de la reprise du championnat. Le talent est une chose, c’en est une autre de développer sa qualité athlétique pour franchir les étapes et montrer son talent. Gérer ça sera sa problématique. Parce qu’elle a tout ce qu’il faut pour faire une excellente joueuse de basket. Ce qui fait la différence chez les jeunes talentueux, et j’ai eu la chance d’en croiser beaucoup, c’est la capacité à franchir ce cap. Il ne suffit pas d’être talentueux pour performer, il faut travailler dur. »
Pierre Vincent, nouveau mentor
Quelques semaines plus tard, l’ancien technicien de Schio l’a complètement intégrée à l’effectif, que ce soit en Ligue Féminine (3,2 points, 2,3 passes et 1,5 rebond en 12 minutes) ou en Eurocup (5,8 points, 2,8 rebonds en 15 minutes). Elle commence très sérieusement à trouver sa place dans la rotation lyonnaise et vient d’être responsabilisée contre Madrid pour la troisième fois consécutive à plus de 15 minutes en Coupe d’Europe, elle qui avait battu le record de précocité en Euroleague moderne la saison dernière ou celui de Ligue Féminine la saison d’avant. La raison de cette progression selon l’intéressée ? « Tout part du coach. Il nous demande beaucoup à l’entraînement, notamment en défense, et ça paie. Nous défendons vraiment en équipe, pas seulement en tant qu’individualités. Du moment qu’on défend ensemble, nous sommes trop fortes pour nos adversaires. Et tout devient plus simple en attaque », nous expliquait la jeune internationale lituanienne après son match contre l’Estudiantes (6 points à 3/4 aux tirs, 2 rebonds en 16 minutes).
« Ce que je voudrais, c’est pouvoir faire rentrer Juste dans les moments chauds et avoir confiance offensivement et défensivement. Pour le moment, je ne suis pas entièrement satisfait. Le vrai chantier pour elle, c’est élever son niveau d’engagement sur l’aspect défensif » – Pierre Vincent
La défense et la stratégie, voici ses axes de travail principaux depuis l’arrivée de Pierre Vincent à Lyon, outre sa progression physique et musculaire. « Mettre des paniers, elle sait faire. Maintenant, il y a d’autres choses qu’elle fait moins bien. Il y a des joueuses qui ne voient pas les situations. Elle les voit, elle. Mais elle les joue mal. C’est comme aux échecs, elle joue son coup mais elle ne voit pas celui d’après. C’est un peu ce qu’elle fait en attaque. Il faut qu’elle arrive à être un peu plus stratégique dans sa perception. Mais la stratégie, ça s’apprend, elle est jeune », analyse son entraîneur Pierre Vincent. « Ce que je voudrais, c’est pouvoir la faire rentrer dans les moments chauds et avoir confiance offensivement et défensivement. Pour le moment, je ne suis pas entièrement satisfait. Le vrai chantier pour elle, c’est élever son niveau d’engagement sur l’aspect défensif. Contre Madrid, Sotiriou lui a mis deux paniers sur le nez en deux attaques. Ce n’était pas mal défendu, mais ça manque un peu de consistance, de dureté, et d’impact. Le problème avec les joueurs talentueux, c’est qu’il ne défendent pas trop. Pour l’instant, elle est comme Dominique (NDLR : Malonga, l’autre grand prospect de 15 ans de l’ASVEL), elle s’occupe que sa joueuse ne mette pas de panier et puis ça lui va bien. Mais ça ne marche pas comme ça. Il faut qu’elle l’apprenne, et ça viendra. Mais elle a déjà fait beaucoup de progrès en peu de temps. »
Arrivée au moment où son entraineur parlait d’elle en interview, la jeune internationale ne pouvait qu’acquiescer : « Je suis 100% d’accord avec ce que le coach vient de dire. Je suis jeune mais ce n’est pas une excuse. J’ai encore beaucoup de choses à travailler, notamment en défense, dans la lecture des situations. Je vois les choses, mais pas encore assez bien. J’ai besoin de travailler sur ça. Je n’ai qu’une envie, c’est travailler dur chaque jour, et tout ça viendra avec la confiance. » Et elle en accumule, de la confiance, elle qui se sent désormais comme à la maison à Lyon, sa ville d’adoption, là où elle a pris, encore, une nouvelle dimension. « C’est ma troisième année ici. L’atmosphère est incroyable. Je me sens vraiment bien dans l’équipe. Même si je suis jeune, les filles m’acceptent vraiment. Elles m’aident, je les aide, on s’entend bien les unes avec les autres. Chaque année, je me sens de mieux en mieux dans le groupe. On se construit en tant qu’équipe. »
Pas de surprotection à l’entraînement ni à l’académie Tony Parker
Quand on lui demande si ses partenaires la protège, du fait de son statut quelque peu particulier, elle répond… « Elles ne me protègent pas du tout, au contraire. Elles ne regardent pas la différence d’âge, notamment Aleksandra (Crvendakic). On s’entretue à chaque entraînement, c’est normal pour une joueuse qui vient de Serbie, c’est comme ça qu’ils jouent (rires). C’est vraiment une très bonne chose pour moi. Aleksandra m’aide énormément à progresser, elle défend très dur même à l’entraînement. Et après, c’est beaucoup plus simple pour moi en match donc je lui suis vraiment reconnaissante. » Son rôle risque de grandir encore ponctuellement dans les prochaines semaines car l’ASVEL va devoir se passer de son intérieure Nayo Raincock-Ekunwe jusqu’à fin février, et tant qu’une joker médical n’est pas arrivée, Pierre Vincent n’aura que d’autre choix que de décaler Aleksandra Crvendakic sur le poste 4. Et ainsi laisser à Juste Jocyte des possibilités de s’exprimer pleinement à l’aile, même dans un effectif composé quasi à 100 % d’internationales.
L’effectif de l’ASVEL féminin version 2021-2022 :
Julie Allemand, Ingrid Tanqueray, Sara Chevaugeon, Marine Johannès, Juste Jocyte, Alexsandra Crvendakic, Marième Badiane, Alexia Chartereau, Dominique Malonga, Nayo Raincock-Ekunwe, Helena Ciak.
Il ne faut toutefois pas oublier qu’à 15 ans, Juste Jocyte n’en a pas fini avec l’école. Elle est dans sa troisième année entre Rhône et Saône, l’année de la maturité. « J’ai beaucoup d’amis à l’académie Tony Parker. Il y a vraiment des gens sympas. Tout ne tourne pas qu’autour du basket, il y a aussi l’école (NDLR : à distance). C’est très bien que je puisse faire les deux. » Son avenir à moyen terme se situe-t-il en France ? Avant la WNBA, l’un de ses rêves, la Ligue Féminine peut être le théâtre de son éclosion. Il y a quelques mois, nous lui avions posé la question « dans quel club rêvez-vous de jouer ? » Elle avait répondu : « En Europe ? A vrai dire, j’ai déjà réalisé mon rêve en venant à l’ASVEL. Je suis bien ici, c’est l’un des meilleurs clubs européens ». A l’issue de l’exercice 2021-2022, elle aura notamment la possibilité de prolonger son contrat de trois saisons.
D’ici là, le staff du club professionnel la pousse à progresser au quotidien, et pas que sur le terrain, notamment dans son apprentissage du français. On l’avait notamment aperçue avec Tony Parker, en train d’esquisser quelques mots dans la langue de Molière avec un léger accent, dans une vidéo devenue virale en Lituanie. « Je peux parler français, je parle un peu avec mes copines, mais je ne me sens pas encore assez à l’aise pour faire des interviews en français. Je peux dire que je suis bilingue pour le langage basket, mais pas encore dans la vie de tous les jours », concède la phénomène, qui a encore tant à apprendre. Alors, français ou pas, son avenir s’écrit lui à l’international. Rien d’étonnant, donc, à ce que TP en personne ne la prenne sous son aile et ne cesse d’affirmer, à chaque fois qu’il en a l’occasion, qu’il « se retrouve en elle ».
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Le 19 novembre prochain, la plus grande espoir de l’histoire du basket lituanien fêtera son 16e anniversaire en France, avec ses copines de l’académie Tony Parker à Lyon. Avant cela, Juste Veronika Jocyte – son patronyme complet – a coché une autre date importante sur son calendrier, et pas n’importe laquelle : le 14 novembre. Le point de départ d’un record de précocité déjà presque inégalable : sa date de naissance internationale. Le 14 novembre 2019, la Lituanienne devenait, à 13 ans, la plus jeune internationale A de l’histoire… tous sports collectifs confondus en affrontant l’Albanie dans le cadre des qualifications pour l’EuroBasket 2021. Deux ans plus tard, jour pour jour, la Lyonnaise va affronter pour la première fois de sa carrière l’équipe de France pour tenter de qualifier la Lituanie au championnat d’Europe 2023. Forcément un clin d’oeil à sa terre d’accueil pour la première opposition d’une probable très longue série.
À Villeneuve d’Ascq, elle a rendez-vous avec trois de ses coéquipières à l’ASVEL, toutes internationales françaises : Alexia Chartereau, Helena Ciak mais aussi son idole devenue amie Marine Johannès. « Je suis super excitée à l’idée de jouer contre trois de mes partenaires à Lyon, nous confie l’intéressée. Évidemment, on ne sera pas favorites, on sera les outsiders. Mais sur un match, tout est possible. » La Lituanie, 25e au ranking FIBA et absente des compétitions internationales majeures depuis l’EuroBasket 2015…
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Photo : Juste Jocyte (FIBA)