[REDIFF] La Chine organise la Coupe du monde – Un Eldorado ?

Tout est XXXL en Chine, qui va recevoir la Coupe du monde. Le nombre de pratiquants, les contrats avec la NBA, le nombre de téléspectateurs, la taille des salles et de Yao Ming… Un dossier en deux parties sur le pays qui depuis longtemps s’est éveillé au basket.

Voici la 2^e partie.

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Yao Ming, 38 ans d’âge, 2,29m de haut, habite avec son épouse Ye Li et leur fille Amy un modeste appartement à Pékin et passe une partie de son temps dans un bâtiment dans le centre-sud de la capitale où la fédération de basket occupe un étage et dont il est le président. Yao est le premier à avoir obtenu ce poste sans être membre du Parti Communiste. Que ne permettrait-on pas à une icône ? « Les gens peuvent penser que je suis Adam Silver ici (NDLR : le Commissioner de la NBA), mais ce n’est pas vraiment le cas. Je dois me rapporter à mon supérieur », avouait-il récemment à l’hebdomadaire américain Sports Illustrated. Il passe une autre partie de ses heures de travail dans un autre bâtiment, situé dans un quartier différent de Pékin, comme président de la CBA, la ligue professionnelle. Yao Ming occupe à lui seul les fonctions de Jean-Pierre Siutat, président de la FFBB, et Alain Béral, président de la LNB, et pour un pays de 1,4 milliard d’habitants. C’est ce qui s’appelle avoir du coffre. Il gère les clubs pros masculins, la ligue professionnelle féminine, et aussi les équipes nationales, le basket des jeunes, tout en étant le représentant de la Chine à la fédération internationale.

Depuis qu’il a pris retraite après réellement seulement sept saisons aux Houston Rockets, à 28 ans, miné par les blessures, le géant chinois n’a pas chômé. Il a mené des opérations caritatives, incité ses compatriotes à interdire les ventes d’ivoire d’éléphants, descendu en rappel le long d’une falaise rocheuse pour les besoins d’un téléfilm, mené la vie d’un propriétaire d’une franchise de la CBA, les Shanghai Skarks, son ancien club, qu’il avait sauvé de la faillite en le rachetant trois millions de dollars en 2009, et repris des études… Yao n’a pas voulu prendre des cours particuliers mais préféré mener une vie d’étudiant -presque- anonyme dans une université de Shanghai, imaginant même un temps dormir au dortoir. Ce n’est qu’après sept années d’études studieuses qu’il a obtenu son diplôme.

Au niveau de la fédération, le président cherche à développer des structures dignes des quelques 300 millions de pratiquants et améliorer la compétitivité des équipes nationales. Au niveau de la ligue CBA, il a augmenté sa visibilité en faisant passer la saison régulière de 36 à 46 matches et élargi les playoffs à 12 des 20 équipes de la ligue. Il a vendu les droits de diffusion à une douzaine de chaînes de télévision et à deux services de diffusion en continu. Une finale de CBA, c’est l’assurance d’atteindre les 200 millions de téléspectateurs en cumulé sur l’ensemble des matches. Yao a aussi négocié un contrat de sponsoring avec China Life Insurance pour un montant d’un milliard de yuans soit environ 130 millions d’euros. Sports Illustrated rapporte qu’il a fait redessiner les trophées décernés aux joueurs alors qu’auparavant c’était des objets ordinaires achetés en ligne.

Si l’économie chinoise a connu au cours de ce siècle une croissance économique effrénée, la rigidité du système limite l’expansion de la ligue CBA mais celle-ci peut compter sur le savoir-faire de la NBA qui la soutient fermement. Que ce soit sur un plan logistique et aussi de ses joueurs qui y ont découvert en Chine une sorte d’Eldorado.

De gros contrats, mais…

De plus en plus de joueurs chinois gagnent très bien leur vie. Basketballbuddha révélait que Yi Jianlian (Guangdong) émergeait à 1 607 717 dollars la saison, ce qui le classait numéro un devant Sun Yue (Canards de Pékin, 1 125 401$) et Zhou Qi (Tigres Volants du Xinjiang, 643 086$). Et ces émoluments remontent déjà à quatre ans. Ce sont surtout l’arrivée d’anciennes étoiles de la NBA qui ont défrayé la chronique, de Stephon Marbury à Tracy McGrady en passant par Steve Francis et Metta World Peace. Des joueurs moins réputés comme Donald Sloan et l’Américano-philippin Andray Blatche toucheraient annuellement des petites fortunes, 2,7M$ pour l’un, 2,5M$ pour l’autre. Norris Cole aurait été lui payer 5M$ par les Etoiles d’or du Shandong. L’offre des Taureaux d’or du Zheijiang à Dwyane Wade avait fait sursauter les fans comme les experts : 25 millions de dollars sur trois ans. Le triple champion NBA n’a pas craqué.

« Les équipes de CBA recherchent presque exclusivement des joueurs ayant une expérience de la NBA », a déclaré un agent à Hoopshype qui a effectué sur le sujet une enquête complète. « Ils pensent: ‘Si ce gars a joué en NBA, il doit être bon. » Ils comprennent également que les fans s’intéresseront davantage à un joueur s’ils peuvent utiliser le mot «NBA» pour le commercialiser. Cela les aide à vendre des billets et des choses comme ça. Je dis toujours aux joueurs que s’ils veulent signer en Chine, ils ont besoin d’une expérience en NBA ou d’une domination absolue partout où ils jouent actuellement. «

Un paradis sur terre ? Pas toujours. Pour un occidental, la Chine est une sorte de labyrinthe et les basketteurs américains y sont facilement déboussolés.

« Je voudrais juste dire à chaque joueur de savoir à l’avance à quoi vous vous engagez », conseille un autre agent. « Regardez le club et son histoire et interrogez les gens. À quelle fréquence changent-ils les joueurs étrangers ? Si vous avez une blessure, comment vont-ils s’en occuper ? Si vous avez deux ou trois matchs défaillants, cette équipe va-t-elle vous couper ou a-t-elle tendance à être plus sympathique ? Qui est l’entraîneur ? Qui gère l’équipe ? Quels joueurs étrangers ont-ils eu dans le passé ? Faites vos devoirs, car il est important de savoir ces choses. »

Dans les contrats des joueurs étrangers, il existe beaucoup de bonus. Mais si certaines équipes exigent qu’ils marquent un maximum de points, d’autres ne souhaitent pas qu’ils tirent exagérément la couverture à eux et s’ils marquent 50 points lors d’une défaite, pas question de toucher une prime. Les Américains vivent généralement dans des hôtels cinq étoiles avec des chambres payées par le club qui leur met aussi à disposition des chauffeurs qui font également office de traducteur. C’est en fait une sorte d’assistant personnel du joueur. Le club leur fournit aussi à gogo des billets d’avion afin que leur famille puisse leur rendre visite à tout moment. L’équipe met à disposition un chef cuisinier qui prépare gratuitement les trois repas de la journée. De plus certaines équipes accordent un dédommagement de 1 500$ pour les repas pris au restaurant.

« Si vous parlez à des joueurs qui ne sont pas en NBA, pour tous leur premier choix est la Chine », certifie un agent. « Il y a beaucoup de joueurs qui font sept chiffres en Chine (NDLR : au moins 1 million de dollars). « Même les plus petites transactions sont solides, payant au moins 300 000 $ après impôts. C’est aussi une saison relativement courte par rapport aux autres ligues. La saison de l’Euroleague dure de neuf à dix mois, mais la saison de CBA est plus proche de six ou sept mois. À la fin de la saison de CBA, les joueurs peuvent essayer de rejoindre une équipe de la NBA pour le reste de la saison. C’est attrayant pour plusieurs raisons. »

Deux exemples français

Après avoir porté les maillots de Barcelone, Malaga et Estudiantes Madrid, Edwin Jackson s’est laissé tenter par la Chine en 2017. Direction les Tigres du Sud de Guangdown. Dans une interview à BasketEurope, il ne s’est pas fait prier pour expliquer les raisons de son choix :

« J’ai quelques offres de clubs d’Eurocup, il y a quelques clubs d’Euroleague qui ont dit qu’ils étaient très intéressés et qu’ils formuleraient une offre, mais après j’ai reçu l’offre de la Chine et j’ai tout de suite accepté. Ça représentait trop d’argent pour un court laps de temps et personne n’aurait été capable de me donner ça en Europe, c’est aussi simple que ça. J’y suis allé un peu tête baissée et j’ai trouvé que c’était aussi une super opportunité pour moi de connaître un autre pays, de voyager, de faire d’autres trucs et surtout de jouer parce que cette année en Europe j’ai fait 30 matchs en 10 mois et je peux vous dire que la saison est longue. »

A peine sorti de Rouen et drafté en 16^e position par les Boston Celtics, qui était en surnombre, Guershon Yabusele n’a pas résisté aux yeux doux des Requins de Shanghai. Selon le Boston Globe, le Français aurait paraphé un contrat d’un an à hauteur d’1,5M$, primes comprises. Beaucoup plus que ce qu’on pouvait lui proposer en Europe, lui qui gagnait 4 000 euros par mois en Normandie selon Basket Hebdo.

Mais les clubs chinois aiment la chair fraîche et si vous ne répondez pas à leurs exigences, le couperet tranche les têtes. Edwin Jackson a eu beau marquer 15,8 points en moyenne avec une évaluation à 16, il n’a tenu bon que 24 matches. La puissance de Guerschon Yabusele pouvait incommoder les joueurs autochtones et il a été plus prolifique avec 21,5 points et 9,5 rebonds en 38 matches. Jackson est revenu depuis à l’ASVEL pour un contrat longue durée. Bouté hors de NBA pour performances insuffisantes, Yabusele va retourner en Chine à la rentrée. Leur séjour en Chine demeurera pour eux un souvenir pour la vie et leur a permis de bénéficier de la plus haute considération de leur banquier. C’est ce qu’a aussi compris Kevin Séraphin qui va découvrir à son tour l’exotisme chinois.

Photo d’ouverture: Edwin Jackson

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