« Je suis le premier Français à jouer en Espagne, en Italie, et pour un club anglais. »
Ce constat, c’est Ahmadou Keita qui nous le faisait en mars 1997.
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Depuis l’arrêt Bosman, rendu à la fin 1995, les sportifs de l’Union Européenne peuvent librement circuler en son sein sans qu’il soit possible de limiter leur nombre dans une équipe professionnelle. C’est donc suite à une bonne saison au SLUC Nancy que le combo guard formé à Cholet génération Antoine Rigaudeau fit des passages à Murcie, à Cantu et de façon plus anecdotique aux London Towers devenant ainsi un pionnier. Tout comme Tony Parker, premier joueur de Pro A (Paris Basket Racing) à se lancer à 19 ans en NBA sachant que Tariq Abdul-Wahad et Jérome Moiso avaient effectué un cursus universitaire aux Etats-Unis.
Jusqu’à cette époque-là, 100% des internationaux évoluaient dans la première division française. Pas un seul n’avait convaincu un club italien ou espagnol de les prendre comme étranger -il n’y en avait que deux par équipe-. Ni Alain Gilles, ni Hervé Dubuisson, ni même Maxime Dorigo qui aurait pu jouer en Italie comme oriundi*. D’ailleurs à part de très rares exceptions (quelques-uns dans les facs américaines dans la deuxième moitié des années 80, des doubles nationalités ailleurs), tous les basketteurs français jouaient pour un club français.
Tout a été bouleversé en une vingtaine d’années, à cause de ce fameux arrêt Bosman, de l’ouverture au monde de la NBA, et de la montée en puissance de la formation française qui trop longtemps avait été à la remorque de celle des nations européennes de pointe. Si tout n’est pas encore complètement affiné, on peut remarquer qu’à ce jour, 26 des 44 membres du Team France vont jouer à l’étranger cette année. La proportion est encore un peu plus forte quand on sait que Youssoupha Fall n’est toujours pas qualifié pour représenter la France et que l’on attend d’un jour à l’autre l’annonce de la retraite sportive de Boris Diaw. Et puis, schématiquement, ce sont les meilleurs qui sont hors de nos frontières. Autre chiffre marquant, le site Eurobasket recense 138 Français portant un maillot d’une équipe étrangère. Il y en a de tous les acabits, à commencer par des double nationalités, des stars et des inconnus, et dans tous les pays, de la Suisse au Canada en passant par Taiwan. C’est ce que l’on appelle la mondialisation.
On est désormais habitué : les meilleurs joueurs de Pro A/Jeep Elite s’exporte chaque intersaison. Cette fois, au sein du Team France, ce sont Louis Labeyrie (Valence) et Elie Okobo (Phoenix Suns) qui ont quitté la place. Et si Youssoupha Fall est encore présent en Jeep Elite, c’est que Vitoria a jugé plus utile de le prêter une saison à Strasbourg plutôt que de le lancer tout de suite dans les grands bains de l’ACB et de l’Euroleague. Cette saignée touche maintenant les plus jeunes puisque Adam Mokoka, qui a fêté ses 20 ans cet été, élu meilleur Jeune de Jeep Elite en 2018, a rejoint le club serbe de Mega Bemax. Un chemin suivi avant lui par l’Antibois Timothé Luwawu-Cabarrot et le Palois Alpha Kaba.
Rien n’est étanche et surtout pas du côté américain. Il est loin le temps où un Henry Fields, un Lloyd King, un Ed Murphy, un Don Collins, un Michael Brooks, nos MVP US de Pro A (on l’appelait Nationale 1) effectuaient tout ou l’essentiel de leur carrière en France. Samuel Mejia, Blake Schilb et Devin Booker n’ont pas fait de vieux os une fois couronnés MVP. Considéré comme le meilleur meneur de Jeep Elite 2018, Justin Cobbs est parti monnayer son talent au Cedevita Zagreb et son compatriote au Mans Romeo Travis, MVP de la finale, aux Philippines. Et c’est en étant prévoyant et en lui faisant signer au préalable un contrat de deux ans que la JL Bourg a pu conserver son MVP Zachery Peacock, dont la cote a aussi baissé à cause de ses ennuis de santé en fin de championnat.
Un énorme retard culturel
Il n’y a qu’une seule raison à cette exode : l’argent. Ce sont les euros et les dollars qui permettent d’attirer les meilleurs joueurs et de constituer les meilleures équipes. Le reste n’est que littérature. De tout temps, l’Europe n’a pu lutter avec la NBA mais ce qui est nouveau et désolant, c’est que certains joueurs préfèrent jouer en G-League désormais plus rémunératrice afin de continuer à rêver d’un contrat dans la Grande Ligue (c’est ainsi qu’elle s’autoproclame). Ce qui est nouveau aussi, c’est le nombre de plus en plus croissant de joueurs français dans les meilleurs clubs d’Europe, principalement en Euroleague et Eurocup.
Il y a quand même un paradoxe que les clubs d’un pays de 68 millions d’habitants, 6e PIB mondial avec une fédération riche de 680 000 licenciés, soient incapables de rivaliser avec leurs rivaux. Qu’ils se fassent piller. Il y a beaucoup à écrire sur les règles fiscales différentes d’un pays à l’autre et aussi sur la superficialité économique de nombre de clubs d’élite du continent, les uns bénéficiant du concours financier de la section football, les autres de magnats prêts à dépenser sans compter leur argent ou plutôt celui de leurs sociétés avec des circuits financiers qui feraient le bonheur des limiers de Mediapart, les autres encore étant des « club-nation. » Et quand l’économie commence à battre de l’aile, c’est tout le château de carte qui risque de s’écrouler comme on le voit actuellement en Turquie qui, il y a quelques mois nous faisait « rêver » avec sa deuxième division capable de débaucher NOTRE Moustapha Fall.
Il reste que la France et sa Jeep Elite ne seront fortes que lorsque ses clubs principaux seront forts. Ce qui est arrivé à Chalon et au Mans, les deux derniers champions qui ont vu leurs meilleurs joueurs changer de crèmerie une fois les bouteilles de champagne vidées, est inéluctable. Comme tous les autres pays, la France a besoin qu’émergent des clubs dans ses principaux marchés. Et qu’on le veuille ou non, cela concerne d’abord Paris puis Lyon sachant que Marseille et le basket, ce n’est jusqu’à preuve du contraire qu’un fantasme.
On s’apprêtait à se réjouir de voir Moustapha Fall signer à l’ASVEL mais l’offre irrésistible de Krasnodar nous a rappelé à la dure réalité du marché. Il est devenu trop bon, le géant. Donc trop cher. Mais l’ASVEL si elle a encore beaucoup, beaucoup à faire, au niveau du management notamment en attendant l’édification de son aréna a déjà posé quelques jalons avec la perspective concrète de l’Académie Tony Parker, le rassemblement de quelques très bons joueurs français, et la quasi assurance de jouer en Euroleague en 2019-20. Tout ceci est du moyen terme.
Nous avons écrit tant de fois que le développement du basket en France passe inévitablement par la présence permanente d’un club parisien compétitif en Euroleague que nous avons poussé comme un ouf de soulagement lorsque le projet de l’Américain David Kahn est devenu concret, qu’il ait ou non des casseroles sportives aux fesses aux Etats-Unis. Que la mairie de Paris soit avec lui, tant mieux ! Que les droits sportifs du Hyères-Toulon Var Basket lui ait été cédés et que le Paris basketball puisse démarrer directement par la Pro B, tant mieux ! J’ai d’ailleurs du mal à comprendre comment on peut être contre ce type de process et être fan de la NBA et de l’Euroleague qui sont fondés sur ce système. Soit on se satisfait de la Champions League et de l’Eurocup et on accepte d’être le pourvoyeur en viande fraîche des grandes nations du basket européen, soit il faut ce type de projet. J’aime bien aussi le discours « on y va pierre par pierre » entendu lors de la présentation de l’équipe, il y a quelques semaines. La patience n’a pas été jusqu’ici la vertu principale des investisseurs parisiens depuis que je les observe, c’est-à-dire quarante ans.
Le Paris Basketball, c’est du long, long terme. C’est un projet qui part d’une feuille blanche. Le retard ne serait-ce que culturel que la France a pris sur les meilleures nations d’Europe est abyssal. Lorsque l’Euroleague avait fait élire les 50 plus grands contributeurs (joueurs, coaches, personnalités), le seul Français inclus était Yvan Mainini… Un arbitre. Et lorsque eurohoops dresse la liste des plus grands coaches, douze pays sont concernés. Pas la France.
Il faut que cela change. Impossible ? Qui pouvait croire il y a un quart-de-siècle, juste avant l’arrêt Bosman, que nous aurons autant de joueurs en NBA et en Euroleague, autant de médailles en A comme en jeune en 2018 ?
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Depuis l’arrêt Bosman, rendu à la fin 1995, les sportifs de l’Union Européenne peuvent librement circuler en son sein sans qu’il soit possible de limiter leur nombre dans une équipe professionnelle. C’est donc suite à une bonne saison au SLUC Nancy que le combo guard formé à Cholet génération Antoine Rigaudeau fit des passages à Murcie, à Cantu et de façon plus anecdotique aux London Towers devenant ainsi un pionnier. Tout comme Tony Parker, premier joueur de Pro A (Paris Basket Racing) à se lancer à 19 ans en NBA sachant que Tariq Abdul-Wahad et Jérome Moiso avaient effectué un cursus universitaire aux Etats-Unis.
Jusqu’à cette époque-là, 100% des internationaux évoluaient dans la première division française. Pas un seul n’avait convaincu un club italien ou espagnol de les prendre comme étranger -il n’y en avait que deux par équipe-. Ni Alain Gilles, ni Hervé Dubuisson, ni même Maxime Dorigo qui aurait pu jouer en Italie comme oriundi*. D’ailleurs à part de très rares exceptions (quelques-uns dans les facs américaines dans la deuxième moitié des années 80, des doubles nationalités ailleurs), tous les basketteurs français jouaient pour un club français.
Tout a été bouleversé en une vingtaine d’années, à cause de ce fameux arrêt Bosman, de l’ouverture au monde de la NBA, et de la montée en puissance de la formation française qui trop longtemps avait été à la remorque de celle des nations de pointe européenne. Si tout n’est pas encore complètement affiné, on peut remarquer qu’à ce jour, 26 des 44 membres du Team France vont jouer à l’étranger cette année. La proportion est encore un peu plus forte quand on sait que Youssoupha Fall n’est toujours pas qualifié pour représenter la France et que l’on attend d’un jour à l’autre l’annonce de la retraite sportive de Boris Diaw. Et puis, schématiquement, ce sont les meilleurs qui sont hors de nos frontières. Autre chiffre marquant, le site Eurobasket recense 138 Français portant un maillot d’une équipe étrangère.
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* Un immigré d’origine italienne et vivant hors d’Italie.
Photos: Louis Labeyrie et Adam Mokoka (FIBA)