François Chevalier et Jérémy Le Bescont ont accompli une œuvre titanesque pour raconter l’histoire du Limoges CSP version 2000, du triomphe (Coupe Korac, championnat, coupe de France) à la chute en raison de dérives et de magouilles financières. Cela se traduit par le livre « Bonnes vacances ! » dont voici la genèse par François Chevalier et qui se place par sa qualité en haut de la pile des ouvrages consacrés au basket français.
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LES AUTEURS
« Jérémy habite à Limoges, il y vit depuis plus de vingt ans. C’est un journaliste basket qui a pigé pendant longtemps pour notamment BasketUSA, il a également signé des portraits pour Le Monde et son lien avec le CSP de 2000 est très fort car il avait 12-13 ans et il a vécu cette épopée dans l’esprit d’un adolescent, c’est quelque chose qui vous marque généralement à vie. Dans mon cas, c’était plus l’épopée de 1993 car j’avais 13 ans à cette époque. Je pense que Jérémy avait gardé ça dans un coin de sa tête, écrire sur cette équipe-là ce n’était pas anodin pour lui. Quant à moi, mon père m’a amené pour la première fois à Beaublanc au Trophée Legrand en 92. Une saison historique puisqu’elle a débouché sur le titre de champion d’Europe des clubs champions. Je suis tombé dans le basket par le biais de la Dream Team à l’été 92 comme beaucoup de jeunes de ma génération. Je suis né à Limoges, toute une partie de ma famille du côté de ma mère est originaire du coin, mon grand-père était gendarme à Limoges, ma grand-mère a été prof de maths dans un lycée limougeaud et elle a eu Didier Rose (NDLR : ancien joueur du CSP, puis agent de joueurs et au cœur du scandale de 2000) comme élève ! J’ai une anecdote : comme on parlait beaucoup basket à la maison, elle m’avait dit que Didier Rose était fâché avec les chiffres, il n’était pas très doué en maths. Elle était étonnée qu’il ait travaillé au Crédit Agricole et qu’il soit agent de joueurs. Quand on a su par la suite ses déboires financiers, les magouilles qu’il avait provoquées, j’avais toujours dans un coin de ma tête la phrase de ma grand-mère.
Pour revenir à mon cas, lorsque l’on va à Beaublanc jeune, ça marque. Il y a une telle ambiance, une telle caisse de résonnance, que lorsqu’on est marqué toute sa vie, il y a une sorte de virus qui s’installe. J’habite à Paris depuis 15 ans, je suis journaliste à Télérama depuis 10 ans, je ne suis pas un journaliste sportif mais plutôt culturel, mais j’ai toujours eu la chance de pouvoir écrire quelques papiers sport pour garder un peu la main et j’ai toujours suivi les affaires limougeaudes. L’année 2000, c’est la chute du CSP mais pas uniquement c’est aussi la chute du basket français à travers sa vitrine. C’est une saison crépusculaire et c’est en cela aussi qu’elle est assez fascinante. Il y a un alignement des planètes mais en défaveur du basket français. Les meilleurs joueurs français, qui durant des années jouaient dans le championnat de France, commencent à quitter le territoire, une conséquence directe de l’arrêt Bosman, il y a l’avènement de Tony Parker qui en 2001 est drafté en NBA et logiquement les regards vont progressivement se tourner vers le continent nord-américain davantage encore. Tout cela va se faire au détriment du championnat de France. Le grand public va se désintéresser du basket français des clubs. C’est ça aussi qui nous intéressait dans cette histoire car c’est un peu une mise en scène théâtralisée du meilleur et du pire du basket français à travers l’épopée sportive du CSP et en même temps sa chute économique.
(Jean-Paul de Peretti) « On s’est donc rendu compte qu’il n’avait pas changé. Il s’exprime comme dans un film de Michel Audiard avec des phrases et des raisonnements d’un autre temps mais ça donne aussi du sel à l’histoire »
LE CASTING
On a voulu un casting extrêmement exhaustif pour relater au plus près cette histoire qui était absolument palpitante. On a eu ainsi plus de 60 témoignages. En tout, on a contacté une centaine de personnes car il y avait énormément d’informations à vérifier car ce qui fait aussi l’attrait de cette histoire c’est que la plupart des ressources ne sont pas disponibles sur internet. On a donc travaillé dans les conditions d’un journaliste des années 90, qui allait puiser ses informations dans les vieux grimoires, dans la presse écrite. On a beaucoup fait appel aux revues de presse de l’époque. On a ouvert nos vieux Maxi-Basket nos vieux Basket Hebdo, L’Equipe, L’Equipe Magazine, Le Populaire, les journaux télévisés de l’époque, TF1, France 2, France 3. On a passé plusieurs journées à l’Inathèque, qui est un service de recherche de l’INA qui se situe à la BNF François-Mitterrand. On a fait une demande de recherche pour pouvoir visionner des journaux de l’époque, de Claire Chazal, de PPDA, de Claude Sérillon, qui faisaient un suivi très précis de l’affaire du CSP car elle a eu un retentissement assez impressionnant. Le JT de TF1 de l’époque, c’était plus de 10 millions de téléspectateurs et le CSP faisait les gros titres. L’onde de choc est sans précédent. On a aussi travaillé avec BB Channel, qui possède aussi énormément de matches de l’époque et ça nous a permis de visionner beaucoup de rencontres du CSP 2000. On a fait un travail de fourmis, un travail de recherche vraiment très précis en presse écrite, en recherche de matches et tout ce qui concerne les données télévisées. On a même retrouvé des sons radio de l’époque grâce à l’Inathèque. C’est ça qui est passionnant : tout ce qui est dans le livre ne se trouve pas sur internet.
Si on voulait un casting exhaustif c’est que c’est une histoire en plusieurs dimensions. L’épopée sportive qui est vraiment exceptionnelle et c’était une évidence pour nous qu’il nous fallait tous les joueurs, et aussi le staff et les dirigeants. On a commencé par Frédéric Weis et Yann Bonato qui sont de bons clients et on s’est rendu compte assez rapidement que l’histoire était tellement complexe et originale qu’il nous fallait creuser. Dans un second temps, nous sommes allés chercher des adversaires, des journalistes et des observateurs. Comme il y avait un volet judiciaire important, une banqueroute économique, c’était intéressant d’aller sonder le comptable du CSP de l’époque, le maire de Limoges, Alain Rodet, qui était très près de l’affaire. Alain Rodet nous a permis de rentrer en contact avec le commandant du SRPJ qui a piloté les gardes à vue. Il a eu Bozidar Maljkovic, Xavier Popelier, Didier Rose, Jean-Paul De Peretti en garde à vue. Alain Rodet connaît très bien le basket, c’est quelqu’un de très bavard, et qui fait bien fonctionner sa mémoire et je l’ai rencontré au restaurant du Palais Bourbon, qui est situé juste derrière l’Assemblée Nationale. J’ai fait l’interview en janvier et je lui ai demandé s’il croyait aux chances du candidat socialiste aux Municipales. Il m’a répondu que le candidat de gauche n’avait aucune chance aux élections mais en revanche il m’a dit « je vais vous donner une information : le candidat en question était au SRPJ à l’époque et il a piloté certaines gardes à vue ». On a contacté cette personne et il nous a donnés le contact du commandant Dubois qui est le commandant du SRPJ qui a piloté toutes les gardes à vue. C’était extrêmement intéressant car on basculait dans une affaire judiciaire et ça nous a permis d’avoir un autre regard. Ce volet judiciaire est particulièrement croustillant.
Modestement, on a essayé de faire en sorte d’être le plus complet possible et que, même si on n’est pas amateur de basket, que l’on puisse trouver un intérêt dans ce livre. Il y a tout un chapitre qui est consacré au traitement journalistique. Quand on est un journal spécialisé basket, comment traite-t-on ce genre de cas ? On a des témoignages qui se télescopent : le vôtre (NDLR : l’auteur de l’interview était alors rédacteur en chef de Maxi-Basket), celui de Didier Le Corre (rédacteur en chef de Basket Hebdo), Vincent Duluc (journaliste à L’Equipe), Jean-François Maison (journaliste à Radio France), Fabien Friconnet (journaliste à Basket Hebdo), David Loriot (journaliste à L’Equipe).Tous ont été marqués au fer rouge par cette saison et ils nous ont dit qu’ils n’avaient pas revécu une saison aussi apocalyptique et passionnante. Tous les jours il y avait de nouvelles révélations, un article à faire. C’était palpitant et en même temps extrêmement dur à traiter. Carlos Paredes était un journaliste d’investigation pour Libération qui ne s’est intéressé qu’au volet judiciaire et il a été particulièrement malmené par les journalistes sportifs purs notamment de PQR. Il sentait bien qu’il était le mouton noir, c’était comme s’il était pour la mort du CSP. Vingt ans après, il dit « pas du tout, je faisais mon travail de journaliste de la manière la plus déontologique possible. J’ai des informations, je les sors. »
Pour avoir Jean-Paul De Peretti (le président du CSP de l’époque), c’était rocambolesque. Il est encore actif à 75 ans et dirigeant d’un certain nombre d’entreprises. Pour l’avoir, on a téléphoné aux sièges de ses différentes boîtes. On nous a bien fait comprendre via des secrétaires qu’il ne voulait pas parler et il a fini par changer d’avis. On a pas mal insisté car il faisait partie des gens dont on ne pouvait pas se passer. C’est un personnage assez fascinant, de roman, complètement en roue libre, qui parle des heures et des heures. Il a fini par dire oui mais en gros c’était : « je fais les questions et les réponses. » Comme il faisait à l’époque. On s’est donc rendu compte qu’il n’avait pas changé. Il s’exprime comme dans un film de Michel Audiard avec des phrases et des raisonnements d’un autre temps mais ça donne aussi du sel à l’histoire.
Pour avoir Didier Rose, on est passé par son fils (Anthony) qui est agent de joueurs. Ça n’a pas été trop compliqué. Didier Rose n’est pas épargné dans le livre et pour nous c’était très important d’être le plus objectif possible et de ne pas être à sens unique. On n’élude absolument pas les zones d’ombre, pourquoi le club dégringole en 2000. C’est parce qu’il y a eu des malversations, des magouilles, des dirigeants qui ont déraillé, et c’est quelque chose que l’on voulait largement expliquer. Pour bien comprendre ce qui se passe en 2000, il faut expliquer ce qui s’est passé avant et il y a tout un chapitre flashback qui remonte jusqu’en 93 et qui parle de ces fameuses primes qui mettent déjà le club dans le rouge. Le CSP va traîner ça comme un boulet jusqu’en 2000 et c’est là que tout explose. Evidemment, Didier Rose était au cœur de cette histoire en sa qualité d’agent de joueurs tout puissant du basket français, qui avait dans son portefeuille les plus grands internationaux et Américains du championnat, négociateur de droits TV, il était éminemment important dans le club sauf que selon la loi française, il n’avait pas le droit d’être dirigeant et agent de joueurs. C’est ce que lui a reproché la justice. Vingt ans après, Didier Rose est toujours dans le déni. C’était déjà sa position au procès. Malgré la très longue procédure judiciaire et la prison, il n’a pas changé d’avis, il s’estime toujours innocent aujourd’hui. C’est son droit le plus strict de penser ça mais ça pose question.
Si on fait exception de Marcus Brown qui a fait une très longue carrière européenne par la suite, pour tous ces joueurs c’est leur plus grande saison car il y a un ascenseur émotionnel exceptionnel, c’est une saison en montagnes russes, où les joueurs ont fait des sacrifices financiers en acceptant de baisser leurs salaires. Il y a un chapitre qui est évidemment consacré à l’affaire des salaires. On bascule dans la quatrième dimension à ce moment-là, on n’est plus dans le basket mais dans une histoire à la Mark Twain. Il y a les premières perquisitions des bureaux du club en octobre et à partir de là, Jean-Paul De Peretti va dire aux joueurs que chaque match est potentiellement le dernier. Les joueurs sont en mode survie et ils acceptent de baisser leurs salaires en janvier car il n’y a pas d’autres solutions. Le club est au bord de la banqueroute. Ses dirigeants ont été placés en garde à vue à partir du 10 janvier. Didier Rose est incarcéré. Ce qui est très marquant c’est que tous les joueurs en parlent avec beaucoup d’émotion, les Stéphane Dumas, Jean-Philippe Méthélie, Frédéric Weis qui se retrouvaient dans le rond central en train de pleurer à la fin des matches. Il y avait une charge émotionnelle extrêmement forte et ces joueurs-là ne peuvent pas oublier ce qui s’est passé. Ils sont vus comme des héros à Limoges encore aujourd’hui. Yann Bonato a été leur porte-parole, l’homme qui a convaincu tout le monde de baisser les salaires sauf dans le cas des joueurs qui étaient les moins bien payés, ils ont juste consenti à faire une croix sur leur droit à l’image. Yann Bonato a tout de suite dit que pour les Américains, on ne pourra rien faire car ils avaient signé des contrats pour une saison. Marcus Brown est arrivé en cours de saison. Harper Williams a fait une grève d’une semaine et il a tout de suite cherché un autre club, il avait des contacts en Belgique. Les Américains n’ont pas baissé leurs salaires mais ils ont accepté de poursuivre la saison car ils sentaient que quelque chose d’exceptionnel était en train de naître dans le groupe. C’est très rare de la part des mercenaires américains. Ça rajoute encore plus de piment à cette histoire. »
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« Jérémy habite à Limoges, il y vit depuis plus de vingt ans. C’est un journaliste basket qui a pigé pendant longtemps pour notamment BasketUSA, il a également signé des portraits pour Le Monde et son lien avec le CSP de 2000 est très fort car il avait 12-13 ans et il a vécu cette épopée dans l’esprit d’un adolescent, c’est quelque chose qui vous marque généralement à vie. Dans mon cas, c’était plus l’épopée de 1993 car j’avais 13 ans à cette époque. Je pense que Jérémy avait gardé ça dans un coin de sa tête, écrire sur cette équipe-là ce n’était pas anodin pour lui. Quant à moi, mon père m’a amené pour la première fois à Beaublanc au Trophée Legrand en 92. Une saison historique puisqu’elle a débouché sur le titre de champion d’Europe des clubs champions. Je suis tombé dans le basket par le biais de la Dream Team à l’été 92 comme beaucoup de jeunes de ma génération. Je suis né à Limoges, toute une partie de ma famille du côté de ma mère est originaire du coin, mon grand-père était gendarme à Limoges, ma grand-mère a été prof de maths dans un lycée limougeaud et elle a eu Didier Rose (NDLR : ancien joueur du CSP, puis agent de joueurs et au cœur du scandale de 2000) comme élève ! J’ai une anecdote : comme on parlait beaucoup basket à la maison, elle m’avait dit que Didier Rose était fâché avec les chiffres, il n’était pas très doué en maths. Elle était étonnée qu’il ait travaillé au Crédit Agricole et qu’il soit agent de joueurs. Quand on a su par la suite ses déboires financiers, les magouilles qu’il avait provoquées, j’avais toujours dans un coin de ma tête la phrase de ma grand-mère.
Pour revenir à mon cas, lorsque l’on va à Beaublanc jeune, ça marque. Il y a une telle ambiance, une telle caisse de résonnance, que lorsqu’on est marqué toute sa vie, il y a une sorte de virus qui s’installe. J’habite à Paris depuis 15 ans, je suis journaliste à Télérama depuis 10 ans, je ne suis pas un journaliste sportif mais plutôt culturel, mais j’ai toujours eu la chance de pouvoir écrire quelques papiers sport pour garder un peu la main et j’ai toujours suivi les affaires limougeaudes. L’année 2000, c’est la chute du CSP mais pas uniquement c’est aussi la chute du basket français à travers sa vitrine. C’est une saison crépusculaire et c’est en cela aussi qu’elle est assez fascinante. Il y a un alignement des planètes mais en défaveur du basket français. Les meilleurs joueurs français, qui durant des années jouaient dans le championnat de France, commencent à quitter le territoire, une conséquence directe de l’arrêt Bosman, il y a l’avènement de Tony Parker qui en 2001 est drafté en NBA et logiquement les regards vont progressivement se tourner vers
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A suivre demain