Classer par ordre préférentiel les meilleurs joueurs français et joueuses françaises de tous les temps afin d’avoir une vue d’ensemble d’un siècle de basket national. Voici la tâche que nous nous sommes imposés. Un pari plutôt.
Il n’était pas concevable que seule la rédaction de Basket Europe se lance à l’eau. C’est pour cela que nous avons voulu nous entourer d’un large panel d’experts composé de joueurs/joueuses qui ne sont plus en activité : coachs, dirigeants, journalistes, et personnalités. On a cherché à mixer les générations. Certains ont accepté, d’autres décliné l’invitation par manque de temps, pour des problèmes de santé, ne s’estimant pas assez compétents, ne voulant pas être juge ou partie ou tout autre motif. On a réuni finalement un jury, disons-le prestigieux, de 45 personnes, répartis entre les deux sexes. On estime que le nombre important de jurés venus d’horizons différents réduit au maximum les injustices et propose un classement crédible.
Pratiquement tout ce beau monde nous a fait remarquer que c’est extrêmement complexe de classer des joueurs et des joueuses de générations différentes, avec des palmarès, des impacts différents dans des collectifs forcément disparates. Les contextes ont été bouleversées d’une décennie à l’autre. Ainsi dans les années 30, 40, et 50, il n’y avait pas de coupes d’Europe, la NBA (et encore moins la WNBA) n’existait pas puis elle est devenue durant plusieurs décennies imperméable aux étrangers, les matches se sont longtemps joués à l’air libre, les tactiques étaient rudimentaires, les séances d’entraînement réduites, et il n’y a pas de films ou si peu qui relatent les performances de nos aîné(es). D’ailleurs beaucoup de jurés ont avoué ne jamais avoir entendu parler de certains joueurs ou certaines joueuses présent(e)s dans la liste non exhaustive qu’on leur proposait.
Et puis certaines individualités ont souffert de se retrouver au milieu de la longue traversée du basket français, absent notamment des Jeux Olympiques de 1960 à 1984 pour les hommes et jusqu’en 2000 pour les femmes ; c’était moins propice à l’épanouissement sportif et au développement de la notoriété. Il n’échappe à personne que c’est depuis le début de ce siècle que le basket français des deux sexes vit son âge d’or en moissonnant les médailles. D’ailleurs, plusieurs joueurs et joueuses qui figurent dans nos top 50 ont une carrière qui est toujours en cours et cela ne favorise pas leur évaluation.
Chaque jour, jusqu’au 31 décembre, nous allons dévoiler dix noms de joueuses puis de joueurs par ordre croissant du classement et avec un chaque fois un petit commentaire de la rédaction pour rappeler les faits d’armes, les profils, avec - si possible - des déclarations. En attendant, voici des extraits de commentaires que les membres du jury nous ont envoyé et que nous publions anonymement.
Les commentaires des jurés
« J’ai tenté, car c’est très difficile, de classer les meilleures joueuses, » résume l’une des jurées. C’est un « exercice très compliqué », confirme une autre. « Le sujet est très chronophage si on veut le faire bien », estime un journaliste. « Quelle difficile épreuve que d'avoir à hiérarchiser des joueurs de sport collectif... même si nous savons tous que certains joueurs "font plus gagner" des matches et surtout des titres... que d'autres », rappelle un juré.
« C'était un véritable honneur et une tâche à la fois passionnante et complexe. Ce qui est difficile avec ce type de classement, c'est de faire cohabiter les critères objectifs (nombre de sélections, titres, statistiques) et les critères subjectifs (impact sur le jeu, leadership, influence sur le panier féminin) », analyse une membre du jury, qui poursuit : « Dans les années 70 ou 80, par exemple, les joueuses participaient à un nombre bien plus restreint de championnats internationaux, avec peu ou pas de fenêtres internationales durant la saison. Comparativement, les joueuses d'aujourd'hui bénéficient de rassemblements réguliers avec l'équipe de France et d'un calendrier riche en compétitions, leur permettant d'accumuler des sélections et des palmarès impressionnants. Cela rend très difficile une comparaison "chiffres contre chiffres" entre des joueuses ayant évolué dans des contextes aussi différents. »
« Je me suis laissée aller à beaucoup plus de subjectivité avec la certitude que le formidable accroissement de la concurrence internationale valorise encore plus l'élévation du niveau de performance des équipes de France. J'ai seulement essayé de ne pas être trop injuste avec les générations précédentes, voire quelques grands anciens », révèle une ancienne joueuse. « Vraiment pas simple comme exercice... il y a certaines joueuses que je ne connaissais pas. Je suis un peu en difficulté sur les joueurs des années 40-50 », reconnaît une autre.
Evidemment, plus personne n’a vu jouer les joueurs et joueuses des années 30, 40 et peu ceux et celles des années 50, 60 et même 70. Certains noms sont tombés aux oubliettes, d’autres ont nourri des légendes plus ou moins en phase avec la réalité du terrain de l’époque. « La tâche est difficile, quand il s'agit de comparer les talents sur une période de 100 ans, alors que le jeu lui-même a bien changé et que l'évolution vers le professionnalisme et l'Amérique ont modifié les potentiels et leur exposition », fait remarquer un membre du jury. « Je vous avoue que j’ai demandé à mes parents de faire une partie car je ne connaissais pas certaines générations », nous a glissé une ancienne internationale.
« Etablir ce classement est donc une épreuve surréaliste », écrit un ancien coach. « Les joueuses du XXe siècle sont méconnues du grand public. Elles ne peuvent rivaliser de célébrité avec leurs successeurs. Odile Santaniello ou Marine Johannes ? La cadette est plus connue, elle est le jouet des réseaux sociaux, au centre de polémiques peu constructives. Odile S. soutient de très loin la comparaison avec Marine J. sur le plan de la virtuosité... avec plus de qualités athlétiques. Peu ont vu jouer la première, chacun est informé des moindres états d'âme de la seconde. Comment comparer des joueuses à plus de 200 sélections avec des prospects fussent-ils exceptionnels à ce jour ; des carrières de plus de quinze ans avec la venue récente d'une joueuse, jusqu'alors anonyme aux yeux des non initiés, au tout premier plan de l'exposition planétaire ? Comment prêter la même considération à une compétitrice qui s'est bâtie un palmarès jusqu'à l'âge de 37 ans par rapport à celle qui a stoppé sa carrière internationale au sommet de son art à l'âge de 29 ans après un titre continental ? Je trouve néanmoins l'initiative plaisante mais au verdict bien aléatoire et trop subjectif. » Voici qui est bien résumé.
Certains ou certaines ont planché sérieusement mais ont calé à un moment donné. « Je vous fais une liste de 25 joueurs... les meilleurs ? Mais je ne suis pas content de cette liste qui est plus que subjective... enfin, j'ai promis, je vous l'envoie les 25 autres seront 26e ex-aequo ! »
Enfin, plusieurs n’ont pas voulu s’inclure dans ces top 50, au risque de… perdre des points et c’est tout à leur honneur : « Je suis partie du principe classique que nous ne votons pas pour soi (ce qui me semble logique). »
La composition du jury rend le résultat final fiable. Il n’empêche pas des oublis, des injustices, des joueurs et joueuses surcotés ou l’inverse. Mais il ne faut pas perdre de vue que notre enquête n’a réellement qu’un seul objectif : faire remonter à la surface des gloires passées en les associant avec des stars contemporaines, et le tout pour que nos lecteurs y prennent plaisir.
Notre jury (ordre alphabétique) :
Philippe Ausseur (président LNB), Claude Bergeaud (coach équipe de France), Eric Beugnot (international), Jim Bilba (international), Stephen Brun (international, consultant TV), Laurent Buffard (coach), Frank Cambus (commission patrimoine FFBB), Clément Carton (journaliste), Daniel Champsaur (commission patrimoine FFBB), Jean-Denys Choulet (coach), David Cozette (journaliste), Pierre Dao (coach de l’équipe de France), Carole Delauné (arbitre), Didier Dobbels (international), Maxime Dorigo (international), Céline Dumerc (internationale), Arnaud Dunikowski (responsable media La Boulangère Wonderligue), Paoline Ekambi (internationale), Bruno Ferret (journaliste), Pierre Fosset (dirigeant), Isabelle Fijalkowski (internationale), Michel Gomez (coach de l’équipe de France), Vincent Janssen (commission patrimoine FFBB), Alain Jardel (coach de l’équipe de France féminine), Edwige Lawson-Wade (internationale), Arnaud Lecomte (journaliste), Pascal Legendre (journaliste), Cathy Malfois (internationale), Cathy Melain (internationale), Sarah Michel-Boury (internationale), Jacques Monclar (international, consultant TV), Jean-Luc Monschau (coach), Lukas Nicot (journaliste), Nicole Pierre-Sanchez (internationale), Michel Rat (international), Laurent Ruiller (Basket Rétro), Odile Santaniello (internationale), Jean-Michel Sénégal (international), Arnaud Sevaux (responsable média LNB), Yannick Souvré (internationale), Jean-Luc Thomas (journaliste), Liliane Trévisan (journaliste), Angelo Tsagarakis (international 3x3, consultant TV), Eddie Viator (arbitre), Pierre Vincent (coach de l’équipe de France féminine) et deux contributeurs anonymes.
Enquête réalisée par Clément CARTON, Bruno FERRET et Pascal LEGENDRE.
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