Après des années de souffrance et deux dans l’anonymat rouennais, l’ex-international est tout heureux à 33 ans de porter le prestigieux maillot vert et blanc de l’Elan Béarnais. Ses 21 points, 8 rebonds et 3 interceptions samedi face à son ancien club du Mans attestent de sa santé retrouvée.
Il y a le Alain Koffi d’avant. Celui qui est champion de France avec Le Mans, qui est dans le collimateur du Dynamo Moscou, qui participe cinq fois au All-Star Game, qui est élu MVP français de la saison régulière 2008-2009, et qui comptabilise 36 sélections en équipe de France, comme naturalisé puisque d’origine ivoirienne.
Ce CV lui vaut après sept saisons professionnelles au Mans un contrat à la Joventut Badalone. Ce n’est pas le jackpot. Le jeu est davantage au profit des extérieurs et Alain se contente de 18 minutes en moyenne pour une évaluation de 7,4. De plus, il ne touche pas la totalité de la première année de son contrat de la part de dirigeants espagnols qui s’avèrent être de mauvais payeurs pour ne pas dire de fieffés tricheurs.
« Badalone est un club qui est en difficulté financière depuis pas mal d’années et je crois qu’en Espagne, ils n’ont pas les mêmes règles qu’en France sur la gestion et finalement pour eux, chaque année ça passe. »
Une grave blessure
Alors, après une seule année de son bail initial de deux ans, le fils de famille revient dans son cocon manceau. Son début de saison est canon et Alain Koffi apparaît à même de s’offrir en fin d’exercice un deuxième trophée de MVP. Et puis, patatras ! Il ressent des douleurs au genou, et commence à avoir des épanchements. Des tendinites ? C’est en fait bien plus sérieux. A Göttingen, lors d’un match d’Eurocup juste après la trêve de Noël, sur la première action de jeu, le Manceau monte au panier, marque, mais ressent une vive douleur en redescendant. L’IRM détecte une rupture partielle d’un ligament. En fait les cartilages s’effritent et la gravité de la blessure prend forme au fil des semaines. Première arthroscopie. Pas de guérison en vue car un cartilage continue de se détériorer et un autre se décolle. Deuxième arthroscopie au démarrage de la saison suivante. Alain en profite pour muscler son corps mais voilà qu’il s’avère que le ménisque est touché. Alors même que le club l’a re-signé, il passe sur le billard pour la troisième fois. Le chirurgien lui dit alors que chaque opération a entraîné une fonte musculaire et c’est pour ça qu’il a perdu la tonicité qui en faisait sa spécificité pour un intérieur de 2,05m.
D’international Alain Koffi est passé au statut de joueur du banc et il est pris d’un terrible doute : et si sa vie de sportif de haut niveau était définitivement fichue ? Ce qui est évident, c’est que ces déficiences physiques ont brisé une trajectoire qui était à son Zénith.
« Quand la blessure est arrivée, j’y pensais constamment. J’étais sur mes meilleures années, je dominais. La blessure est arrivée pile à ce moment là et ça m’a coupé dans ma lancée. J’ai eu pas de regrets mais maintenant c’est du passé. Je profite de mon renouveau, je suis beaucoup mieux. »
Plus le même gaz
La blessure d’Alain Koffi est survenue quasiment en même temps que l’hernie discale d’un autre Manceau de l’époque, Antoine Diot, qui a également eu peur pour son avenir. Seulement si le meneur international a retrouvé toute sa tonicité, son compère est toujours victime de séquelles. Surtout que ses fondamentaux sont beaucoup plus sommaires.
« Je n’ai plus autant de gaz pour sauter, pour courir, pour défendre. C’est perdu définitivement. Avant je me reposais beaucoup sur mes capacités athlétiques et ça cachait mes lacunes. Les premières années c’était compliqué car j’essayais de jouer sur mes capacités que je n’avais plus, ce qui fait que j’étais complètement en décalage. J’ai perdu beaucoup confiance car tu essayes de faire des choses et tu n’y arrives pas, le coach le voit, t’utilise moins. J’ai orienté mon jeu par rapport à ce que je peux faire maintenant. Je pense que je suis beaucoup plus complet aujourd’hui. J’ai fait beaucoup de travail individuel, sur le shoot. J’ai une meilleure lecture du jeu, un meilleur tir, un meilleur dribble. »
Ses quatre saisons supplémentaires au Mans Sarthe Basket où il a son maillot suspendu au plafond furent parfois douloureuses et son passage au Rouen Métropole Basket dans davantage d’anonymat lui a permis de prendre un nouveau départ.
« Ces soucis physiques sont vraiment derrière moi. A Rouen, je n’ai pas eu de blessures. Je sens que je suis bien, que je peux enchaîner les matches. Si j’avais eu le moindre doute sur le fait de pouvoir continuer en Pro A, je serais resté à Rouen. Mais j’en n’ai aucun ! »
Déjà l’année dernière l’Elan Béarnais l’avait sollicité. Les Palois sont revenus à la charge cet été. Alain souhaitait demeurer en Pro A et le Rouen Métropole Basket à qui il devait encore deux années de contrat a pu se libérer du salaire numéro un pour le club (9 600€ mensuels d’après Basket Hebdo). Forcément, porter le maillot vert et blanc est ressenti comme un privilège pour quelqu’un qui connaît la Pro A comme sa poche.
« Ça m’a fait bizarre lors des premiers entraînements dans le couloir du palais des sports de voir tous les rosters des années passées contre qui tu as joué. Tu te dis Whoua !, maintenant je fais partie de ça. Je suis tombé récemment sur une photo avec Roger Esteller et l’équipe à l’époque dominait tout. Je me suis dit que si on pouvait ramener Pau à ce niveau et que je fasse partie de l’équipe, ça ne serait pas mal. »
Une histoire, une culture
L’Elan Béarnais n’est plus ce club souffreteux qui avait subi une sacrée purge après trois décennies de vaches grasses.
« Les mecs ont commencé à faire le travail l’année dernière en se qualifiant pour les playoffs et il faut poursuivre le job, retourner en playoffs et voir plus s’il y a la possibilité. L’équipe a été remaniée car Pau ne fait plus partie des plus gros budgets de Pro A et après la saison qu’ils ont fait, c’est normal que les mecs aient été sollicités. C’était compliqué de conserver des gars comme Mike Thompson et Will Yeguete mais je pense que le recrutement est assez cohérent en faisant revenir par exemple Antwayne Robinson, Ron Lewis qui malgré la descente de Rouen a fait un très bon championnat l’année dernière, Jean-Michel (Mipoka) et moi qui connaissont le championnat depuis pas mal de temps, D.J. Cooper qui était à Monaco, un très bon meneur. »
De plus, Alain Koffi a complètement changé d’atmosphère. Le palais de Pau était l’année dernière the place to be, réalisant la deuxième meilleure affluence (5 414 spectateurs) de toute la Pro A derrière Villeurbanne.
« Les différentes soirées que l’on a fait avec les abonnés, les partenaires, les bénévoles, ont montré qu’ils étaient vraiment présents. Ça va faire une rupture vis à vis de Rouen où c’était un peu triste de jouer à domicile. Tu es devant 500, 1 000 personnes au grand max dans une salle de 6 000 places (Ndlr : officiellement 2 028 spectateurs, 34% de taux de remplissage). Personne ne sait qui tu es dans la ville, personne ne sait qu’il y a une équipe de basket à Rouen. Je pense que le club avec l’arrivée de Michel Veyronnet pour superviser tout ça va faire des efforts de ce côté là et va aller de mieux en mieux. A Pau c’est complètement à l’opposé. Les gens sont à fond, et tu pouvais déjà voir des pancartes en ville avant la saison. Déjà dans les centre commerciaux les gens me regardent, s’arrêtent, m’interpellent. Ça faisait deux ans que je n’avais pas connu ça (rires). Et ils sont plus chauds qu’au Mans grâce à toute cette culture. Ils veulent que Pau retrouve sa grandeur d’antan. Quand ils nous voient, ils nous en parlent, ils nous motivent et c’est encourageant. »
Un BTS à distance
Toutes ces épreuves ont muri, durci le gamin un peu insouciant qui devenait champion de France, il y a dix ans, avec le MSB et ses potes Yannick Bokolo et Pape Philippe Amagou. Lui l’ancien étudiant au Lycée Sud –le même établissement qui a vu grandir Nicolas Batum-, qui avait obtenu un BEP mais qui avait interrompu ses études à la signature de son premier contrat pro, les a repris par correspondance au Mans puis à Rouen pour décrocher un bac ES. Et ce n’est pas fini.
« Cette année je pars sur un BTS Gestion des Unités Commerciales à distance. C’est de la prise en charge individuelle, c’est dur mais le basket ça ne dure pas toute la vie. Je vais avoir 33 ans et j’ai encore maximum trois ou quatre ans devant moi. De nos jours il y a des jeunes diplômés qui n’ont pas de travail alors si tu ne l’es pas c’est encore plus compliqué. Après si j’ai ce BTS, je pense que j’essaierai de passer une licence pour avoir un bac +3. Là où il y a le plus de travail. En fait tout ça est venu d’une réflexion au moment de ma blessure. Si je n’ai plus le basket, qu’est-ce que je fais ? »