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[ACCES LIBRE] Frédéric Forte : C’est quoi CSP 3.0 ?

Décédé dimanche -dernier jour de l’année 2017- d’une crise cardiaque à son domicile, Frédéric Forte nous avait accordé en début de saison une longue interview en trois parties. Le président du Limoges CSP aux idées novatrices et à la langue bien pendue laisse derrière lui un projet CSP 3,0 et tout u

Décédé dimanche -dernier jour de l’année 2017- d’une crise cardiaque à son domicile, Frédéric Forte nous avait accordé en début de saison une longue interview en trois parties. Le président du Limoges CSP aux idées novatrices et à la langue bien pendue laisse derrière lui un projet CSP 3,0 et tout un club qui se retrouve orphelin. Voici en accès libre la première partie cette interview.

Depuis 2004, Frédéric Forte, 47 ans, est le président du Limoges CSP dont il porta le maillot et avec qui il fut champion d’Europe, et aussi un moment le coach. Le Normand a pris du recul avec le sportif pour se consacrer plus complètement au projet CSP 3.0. Dans cette longue interview en trois parties, il dessine les contours de ce qui doit projeter le plus prestigieux des clubs français dans le XXIe siècle.

Avec l’arrivée d’Olivier Bourgain comme directeur sportif, vous êtes dorénavant à 100% sur le projet CSP 3.0 ou jetez-vous encore un œil sur le sportif ?

Une fois par semaine, je vais à la salle, je discute avec Olivier, je regarde la fin de l’entraînement. Evidemment ça m’intéresse et je ne suis pas écarté mais ce n’est pas la priorité de mon activité aujourd’hui. J’ai quasiment découvert les joueurs à mon premier entraînement même si cet été Olivier plusieurs fois par jour m’a tenu au courant des négociations pour le recrutement, des discussions avec Kyle (Milling, le coach). Il passe suffisamment de temps avec les joueurs, les agents français et américains, Kyle, les assistants. Je ne sais pas faire les choses à moitié, aussi à partir du moment où la décision a été prise, il y a plus de deux ans, de m’éloigner de l’activité pure du terrain, il fallait que je trouve la bonne personne (NDLR : dans un premier temps Stéphane Ostrowski, le responsable du marketing, avait été sollicité), que tout se mette en place. C’était incompatible avec le projet CSP 3.0. Je n’ai pas l’impression d’être déprimé, au contraire. J’ai la chance de pouvoir vivre plusieurs vies dans une même vie. Comme les joueurs sont de plus en plus spécifiques, je pense que dans l’administratif il faut aussi que les gens soient de plus en plus spécifiques.

Le projet CSP 3.0 a donc été mis au point en collaboration avec Marshall Glickman, PDG de G2 Strategic et Antony Thiodet de Time For Biz?

Avec les dirigeants, en 2014, 2015, on est parti du constat que l’on était capable d’être de nouveau champion de France, de susciter de l’intérêt, de mettre 5 500 personnes dans la salle et presque 15 000 personnes dans le stade de rugby à côté qui était en construction, avec des écrans géants, de remplir la rue Haute-Vienne où il y a le siège du club. J’adore ces photos où l’on voit 10 à 15 000 personnes qui font la queue alors qu’on avait dit qu’il y avait moins de 1 000 places à vendre. On s’est dit, c’est bien mais anticipons un peu ce qui va se passer. Etre de nouveau champion de France, aller en Euroleague, pouvoir aller dans les compétitions européennes, attirer de grands joueurs comme Adrien Moerman, Léo Westermann, c’est très bien, mais est-ce que demain ça ne risque pas d’être beaucoup plus sombre ? J’ai été très marqué par la période fin des années quatre-vingt-dix jusqu’en 2004. J’avais même vécu auparavant des choses que l’on perçoit un peu moins bien quand on est joueur surtout qu’à l’époque tout n’était pas rendu public, certains éléments qui te font douter de la force d’un club aussi haut soit-il sportivement. Quand tu mélanges tout ça avec ton expérience, de joueur en France, en Italie, en Grèce, tu te dis en 2014, 2015, ne faut-il pas réfléchir différemment ? Surtout que la baisse des subventions des collectivités commençait à poindre le bout de son nez. Aujourd’hui c’est un fait. On commençait à parler des nouvelles grandes régions et si on était un enjeu majeur dans le Limousin et on l’est forcément beaucoup moins dans la Nouvelle Aquitaine. Plein de rendez-vous ont été ratés ici. On a longtemps parlé du TGV qui n’est jamais arrivé, de la LGV (Ligne à Grande Vitesse) qui n’est plus d’actualité. Tu te dis que tu es dans un territoire pas facile, même si je l’adore et que je vais le défendre jusqu’au bout. C’est juste un pôle économique moins développé, un mouvement de population moins important, une accessibilité difficile. En mettant tout ça bout à bout, on s’est dit, nous dirigeants, qu’il ne fallait pas répéter à l’infini un modèle, qui certes a fait ses preuves, mais qui n’a peut-être plus raison d’être dans un monde qui est en train de muter. On s’est dit, n’est-ce pas à nous d’accompagner cette mutation structurelle qui est en train de se passer aujourd’hui en France ? De développer un nouveau modèle économique tout en renforçant notre ancrage sur le territoire ?

« On avait trois catégories de prix sur l’ensemble de Beaublanc et on est passé à plus de seize »

Le fait de ne pas avoir de nouvelle aréna comme espéré a-t-il accéléré ce processus ?

Oui et non. A l’époque des dernières Municipales, il y avait le projet de construire une salle de 10 000 places. On s’est dit que si on n’avait pas cette nouvelle salle, ça serait difficile de faire mieux avec Beaublanc qui va bientôt fêter ses 40 ans (NDLR : la construction date de 1981). Et si on l’avait, il fallait que l’on soit prêt à monter en température avec différents services. On ne passe pas de 5 500 à 10 000 en claquant des doigts. Il fallait réfléchir à de nouvelles idées, développer les forces de vente, mettre en place de nouvelles techniques, au niveau du marketing, de la billetterie, des abonnements. Une nouvelle salle ou pas il fallait anticiper les modifications structurelles à l’avenir. On a fait un tour de table, on a commencé à élaborer un plan et il paraissait plutôt cohérent. On a cherché à joindre des compétences externes de grands professionnels. On avait eu la chance de croiser Marshall Glickman, PDG de G2 Strategic pendant les deux années d’Euroleague. Pour nous ce fut un énorme coup de pied aux fesses quand on s’est assis à la table de l’Euroleague avec tous les grands clubs européens, le Real, le Barça, le CSKA, les clubs turcs. Ils n’ont pas les mêmes problématiques que nous en terme de budget, de ressources, mais on a été impressionné par la manière dont ils vont chercher des offres sur la billetterie, de l’abonnement, du marketing. Ils s’obligent à réfléchir de façon intelligente, moderne, en s’appuyant sur des structures complètement déconnectées de celles que l’on a en France. Je me suis dit, « si eux font ça, Fred tu as intérêt à bouger ton cul car sinon on va être complètement dépassé ! » Marshall Glickman a une approche professionnelle, extrêmement pertinente des problématiques. Il n’a pas du tout une vision NBA. Il est capable de s’adapter. Il est venu à Limoges et il a voulu comprendre l’environnement local, économique, structurel. Evidemment, Antony Thiodet est son parfait relai. Il connaît en plus le côté français du système, la partie subvention, mission d’intérêt général. On avait une vision macroéconomique avec G2 Strategic et plus micro avec Antony. Ce ne sont pas eu qui ont fait notre développement et notre plan mais ils l’ont accompagné, à éviter certaines erreurs même si on en fera certainement. C’est comme ça que ce projet est né il y a presque trois ans.

Dans ce projet CSP 3.0, il y a notamment le repositionnement des places à l’intérieur ?

Je ne sais pas par quel bout commencer (sourire). On a commencé par réajuster les travées et les prix. On avait trois catégories de prix sur l’ensemble de Beaublanc et on est passé à plus de seize pour essayer d’être le plus juste en fonction de l’emplacement, de la hauteur, de l’accessibilité et des avantages. On a étoffé la gamme des prix, certains ont été baissés d’autres augmentés pour aligner notre tarification billetterie et abonnement. Ils sont capables en NBA sur une salle de 20 000 d’avoir pratiquement 20 000 tarifs différents. Forcément, quand on est en bas et au centre c’est plus cher qu’en haut. Le grand public était notre priorité. On a réfléchi aussi sur une offre partenaires avec des modifications de prestation. On a fait un mailing là-dessus. Les partenaires étaient prudents vis-à-vis de ce nouveau produit. « Je vais vous en prendre dans cet espace-là mais je ne sais pas trop. » A la fin du match (NDLR : contre Chalon), j’ai quinze partenaires qui sont venus me voir pour savoir s’il restait de la place ! Aujourd’hui les modes de consommation ont changé, même pour le sport, même pour le CSP et même s’il n’y a pas une concurrence folle. On ne peut plus « forcer » les gens à acheter des produits. Ils veulent acheter des produits qui leur rassemble. On a fait l’année dernière un long process avec des focus groups, que ce soit au niveau des supporters, des abonnés et des partenaires en leur demandant tout simplement ce dont ils avaient envie, qu’elles étaient les améliorations qu’ils voulaient voir en priorité dans le Palais des Sports. Ça nous a pris trois mois pour faire tous ces rendez-vous, analyser et hiérarchiser les réponses et peaufiner la démarche commerciale pour apporter du service supplémentaire.

« On a mis plus de 200 000€ dans la brasserie en faisant travailler exclusivement des partenaires du club et locaux »

Vous avez entrepris cet été un certain nombre de travaux dans Beaublanc, notamment en investissant 200 000 euros dans une brasserie et aussi en créant trois autres bars. Vous aviez aussi à réaménager le hall d’entrée et les coursives avec un musée ?

Le bar avait toujours été confié à un indépendant. Cette année c’était la fin de l’appel d’offre. On a postulé pour éventuellement gérer le bar. On rentre aujourd’hui sur d’autres activités, un club ce n’est plus que du basket. Au début, ça nous a fait un peu peur. On ouvre tous les midis mais c’est surtout l’activité soir de match qui nous intéressait pour décupler l’offre. Effectivement, on a mis plus de 200 000€ dans la brasserie en faisant travailler exclusivement des partenaires du club et locaux. C’est aussi une idée forte de notre projet : 100% des investissements seront investis sur notre territoire. On a tout changé : le sol, le plafond, la peinture, l’organisation et on a demandé à la mairie, qui a accepté, d’ouvrir les fenêtres. Ce qui veut dire que les soirs de matches, non seulement tu pourras consommer mais en plus tu auras le bruit, la chaleur, les coups de sifflet. Tu pourras manger et regarder le match en direct. On pourra y mettre 20, 30, 50 personnes, je ne sais pas exactement. Peut-être 60, 70 au total. C’est vivre le sport différemment, c’est l’idée d’augmenter la fan expérience. Ceux qui veulent être dans la salle avec le maillot vert, debout, hurler, siffler, pourront toujours le faire. Dans le hall d’entrée on avait historiquement un point boutique, on l’a transformé car il y a 5 500 spectateurs qui rentrent dans le hall et on ne peut pas en mettre autant dans la brasserie. Aussi on a créé un deuxième point dans le hall avec sandwiches, brasserie, bières, Coca, etc, et on va créer d’ici un mois deux autres bars directement dans la salle qui seront ouverts une heure avant le match et une demi-heure après et les gens pourront consommer durant le match. Quand on est allé à Berlin en Euroleague, dans la Mercedes Benz Arena, il y a un restaurant panoramique où tu manges et bois pendant le match sans perdre une miette du match. Ça ne correspond pas à tous les publics mais ceux qui veulent vivre le match comme ça peuvent le faire. A nous de mettre en place les outils pour que chaque spectateur, un homme ou une femme, un jeune ou un vieux, en famille ou un ultra, pour que l’on puisse proposer des services différents à différents supporters. Je ne pense pas qu’il y ait un endroit comme ça en France mais au Real Madrid foot, ils ont déjà mis ça en place.

Ça rejoint un peu le concept de Charleroi avec un restaurant permanent, des loges, des bars ?

A Charleroi, à Berlin, au Real Madrid foot, donc il n’y a pas de raison qu’on le fasse pas en France. Et dans le même esprit qu’à Berlin, on créé un bar réservé à nos partenaires juste derrière le panneau. Pendant le match, les partenaires sont debout, juste derrière les panneaux, ils le vivent comme de vrais supporters. Une centaine de partenaires ont pris la prestation. On peut aller se servir à manger et à boire et en même temps on échange avec tout le monde. Je n’ai jamais vu autant de partenaires échangés entre eux. C’est moderne, c’est frais, ça ne ressemble à rien d’autre. On a vu que les Atlanta Hawks allaient être la première équipe à le faire en NBA ! Un bar ouvert juste derrière le terrain pour les partenaires.

Photos: Philippe Pécher (CSP) et LNB

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