Depuis 2004, Frédéric Forte, 47 ans, est le président du Limoges CSP dont il porta le maillot et avec qui il fut champion d’Europe, et aussi un moment le coach. Le Normand a pris du recul avec le sportif pour se consacrer plus complètement au projet CSP 3.0. Dans cette longue interview en trois parties, il dessine les contours de ce qui doit projeter le plus prestigieux des clubs français dans le XXIe siècle.
Suite de l’interview.
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Vous avez envisagé aussi de proposer le service « Inside CSP » avec un micro posé sur un membre du staff et des casques fournis à des spectateurs pour savoir ce qui se passe durant les temps-morts, de leur permettre de visiter les vestiaires avant le match, ce qui se fait déjà à Pau ?
On a déjà fait cette partie avec des partenaires Intermarché qui sont entrés dans le vestiaire avant le match de Chalon. Ils ont assisté au briefing. Ils vivent ça comme des supporters et aussi comme des chefs d’entreprise. On fait souvent des parallèles entre les managers du sport et les chefs d’entreprise. Ils touchent le Graal en étant dans le vestiaire qui est un espace privilégié mais ça les intéresse aussi professionnellement en voyant les outils de motivation avec des moments formels, d’autres davantage de motivation. Les responsables d’Intermarché ne vont pas prendre mot pour mot le discours mais ils ont peut-être vu des leviers, des réactions, qui peuvent leur servir. Olivier Bourgain m’a dit que c’était un moment beau à voir. Tout le monde est gagnant.
« Il faut arrêter de dire « tant mieux si le basket ne se développe pas car pendant ce temps-là, j’ai toujours ma part de gâteau, mon club n’est pas dépassé par la concurrence »
Ça ressemble au Tour de France lorsque les coureurs avant le départ se rendent au carré VIP ?
Sauf que là, c’est carrément pendant la course ! Je ne vais pas refaire le constat du basket mais il est évident que si l’on répète les mêmes méthodes durant les trente prochaines années comme on l’a fait durant les trente dernières, il n’y a aucune raison que les choses changent. Il faut arrêter de dire « tant mieux si le basket ne se développe pas car pendant ce temps-là, j’ai toujours ma part de gâteau, mon club n’est pas dépassé par la concurrence. » On a toujours ce sentiment d’être pris dans ce manque d’ambition générale, où on se dit « il y a pire que moi, tant mieux. » Il faut regarder ce qui se passe en France dans d’autres sports ou dans le basket en Europe ou dans le monde et prendre des idées partout. On n’a pas l’intention de dire que l’on est des précurseurs. Quand on voit aujourd’hui que les centres-villes s’appauvrissent et que les gens sont sur leur téléphone pour acheter… J’ai trois filles majeures et aucune ne veut la télé alors que moi j’ai connu le passage du noir et blanc à la couleur lors d’un Roland-Garros avec Bjorn Borg. Il y a cinq ans je ne pouvais pas imaginer ça. Le monde change. Je crois d’ailleurs que c’est la première fois cette année où la baisse de vente des téléviseurs est effective.
Seulement avec un vieil édifice comme Beaublanc, vous vous heurtez, par exemple, à avoir du 100% wifi comme c’est le cas dans les arénas en NBA ?
C’est ce que je disais, si on avait une salle moderne de 10 000 places, on réfléchirait sur les places, les abonnements, les accessibilités, les évacuations, la position des bars et des brasseries, des prestations, des services à la personne, avec le wifi, des informations avec des vidéos pendant le match, sauf qu’aujourd’hui on est à Beaublanc. On essaye de l’améliorer, de prendre la totalité des espaces, à changer des places, des tarifs, pour la rendre la plus moderne possible.
Actuellement vos VIP se retrouvent après les matches dans une tente à quatre-vingt mètres de la salle. Votre souhait est de construire à côté de la salle un restaurant ouvert toute l’année qui servirait d’espace VIP après les matches ?
On a deux projets de construction. Le premier concerne un terrain juste à côté de la salle qui appartient en grande partie à la ville et le reste à l’agglomération. Ça serait y édifier un nouveau VIP avec 50% de surface supplémentaire sachant que dans la tente actuelle, il n’y a pas de vestiaires ni de toilettes et on ne peut pas faire de service à table chaud. Il y a des partenaires qui nous accompagnent depuis des années car le CSP c’est une marque, ils ont envie de s’y identifier, mais au bout d’un moment, ils ont aussi envie que ça monte de gamme. On les a entendus dans les focus groupes. On y mettra des cuisines pour servir les VIP et aussi un restaurant style brasserie parisienne alors qu’à l’intérieur de la salle c’est plutôt une brasserie de sport. On a travaillé dessus avec un de nos partenaires, Eiffage. Le projet est prêt, les banques nous accompagnent sur le financement, il faut juste qu’on trouve le fonctionnement avec les deux collectivités. La balle n’est plus dans notre camp. On a un deuxième projet. Il y a une ancienne station-service qui est à 150 m à vol d’oiseau de Beaublanc, que l’on a racheté cet été et où l’on veut édifier un bâtiment de six étages où là on mettra le centre de formation, le bureau du club, des logements, etc. C’est un autre partenaire que l’on a fait travailler dessus. C’est comme pour le premier projet et la brasserie, on investit de l’argent sur le territoire avec des entreprises qui sont partenaires du club et avec qui on a la certitude que l’argent va rester sur le territoire.
« Le CSP pèse aujourd’hui grosso-modo 70 emplois direct ou indirect. Et demain avec nos investissements, ça sera aux alentours de 120 voire même un peu plus »
Cela correspond à l’étude que vous avez diligenté qui démontre que le club rapporte davantage à l’économie de la ville qu’elle coûte en subventions ?
Quand on parle du club, on parle toujours d’un impact sportif, dans le meilleur des cas d’un impact médiatique et jamais de l’impact économique. Le CSP, c’est une marque. On a tous connu à un moment donné quand on est Limougeaud, alors qu’on se retrouve en Europe ou n’importe où dans le monde, quelqu’un qui nous demande « d’où venez-vous ? » « Limoges. Ah ! La ville du basket. » Avant, on n’était pas capable de le quantifier, de savoir ce que ça représentait. Je voulais mettre des chiffres réels, indiscutables. On ne voulait surtout pas que ça soit gonflé de façon imaginaire de façon à survendre le club. J’ai besoin de savoir de quoi on parle quand je vais voir des partenaires pour leur présenter nos projets. Le titre de champion d’Europe, les titres de champion de France, tout le monde connaît. On avait fait faire une étude il y a deux ans sur l’impact médiatique par l’intermédiaire de Kantar Sport, une société parisienne, indépendante, sans connexion avec le club. Avec la participation à l’Euroleague en 2015, on avait eu un impact de 9M€. S’ils avaient voulu se payer l’ensemble des épreuves, le club et ses partenaires privés et publics auraient dû payer 9M€, ce qui n’est pas rien. Je ne pense pas qu’un club de basket ait fait cette étude économique. On s’est rendu compte de deux ou trois éléments majeurs. Le CSP pèse aujourd’hui grosso-modo 70 emplois direct ou indirect. Et demain avec nos investissements, ça sera aux alentours de 120 voire même un peu plus. Ça veut dire que l’on pèse sur le marché économique local. Le plus important, c’est qu’il y a un apport économique exogène de 3 à 5M€. On sait très bien que si demain le club disparaît, au lieu de payer son abonnement, la personne irait peut-être plus au cinéma, au restaurant, d’autres sorties. Ça on ne le prend pas en compte dans l’étude. Par contre, quand je parle d’apport exogène, c’est de l’argent qui ne provient pas du territoire et de gens qui viennent spécifiquement parce que c’est le CSP. Trois millions si on prend les critères les plus bas possible et cinq millions si on prend les plus haut.
L’étude est disponible ici.
Ce sont donc des gens extérieurs à la ville, au département ?
A l’agglo et je crois au département. C’est de l’argent qui ne viendrait pas sur le territoire s’il n’y avait pas le CSP. Je suis tombé des nues quand j’ai vu le chiffre. On ne parle plus de subventions pour les collectivités mais d’investissements.
« On parle d’un investissement lourd, 4 à 6 M€ qui vont être portés par le club »
Vous avez par exemple 2 150 abonnés. Combien d’entre eux sont hors agglomération ?
Dans l’étude de 2014, c’est 40%. Ça veut dire qu’ils font partie du département ou de la région et même hors région. On a des abonnés de Paris, de Lyon, de Nantes, qui font la route tous les week-ends. C’est ça qui est complètement délirant. Je ne parle pas de ceux qui sont à Brive, Tulle ou Guéret et qui sont à une heure et demie. On considère généralement qu’une vraie zone de chalandise c’est une heure. C’est le cas à Paris quand tu es dans le 92 et que tu veux aller à Bercy, il faut une heure. Et je ne parle pas des finales. Des gens de Bordeaux, de Lille sont venus. Quand on parle de fan expérience, Beaublanc c’est un endroit unique. On est peut-être chauvin, mais on considère que la meilleure ambiance, elle est à Limoges. D’autres peuvent le considérer autrement mais nous, on peut le quantifier car des gens nous ont appelé de partout pour les finales. Des partenaires nous disaient « j’ai des copains qui sont à Lille, Dieppe ou Grenoble et qui ne sont pas basketteurs. Tu es partenaire au club, mets-nous des places de côté. » On est bien d’accord, on ne remplit pas la moitié de la salle avec ça mais ça veut dire que c’est une force, que le CSP est une marque et j’avais besoin pour monter le projet dans sa globalité de savoir ce que le club pesait économiquement. J’avais dit au CCI que je voulais une étude, des chiffres inattaquables. On leur a donné les grands livres pour la faire. Quand je vais voir les banques, j’avais besoin d’un outil économique. On parle d’un investissement lourd, 4 à 6 M€ qui vont être portés par le club.
Y compris aussi le centre de formation ?
J’étais justement cet après-midi avec les dirigeants et les entraîneurs du centre de formation pour savoir comment on va présenter le projet car autant un des terrains appartient aux collectivités, donc à eux de décider, autant l’autre ça ne dépend que de nous. On va avancer sr ce projet-là. C’est excitant et c’est pourquoi je cherchais un directeur sportif. On nous a souvent reproché depuis deux ans que ce ne soit qu’un développement économique. Bien sûr je ne le nie pas parce que le développement économique va être mis au service du sportif. Le fait d’en parler, ça prend déjà une heure (NDLR : une heure trente d’interview au final) mais quand on met les mains dans le cambouis, rencontrer les architectes, les constructeurs, le BTP, les banques, les assureurs, les partenaires, les collectivités, ça prend du temps. Je n’ai plus le temps de m’occuper du sportif.
« Au-delà des résultats, on a manqué de jeu, de passion et chez nous on a besoin de ça »
Sur une échelle de 10, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Au niveau de la brasserie, on a ouvert, même s’il y a des modifications à faire, on est à 9/10. Au niveau des bars dans la salle à 7/10. Il y a aussi des aménagements dans le hall d’entrée que l’on fait avec un partenaire local, des vidéos, de la fan expérience pour jouer à NBA 2K, etc, on est à 5/10. Sur le projet du VIP et du restaurant, nous, on est prêt, on est à 10/10. On a le projet et le financement. Maintenant pour le terrain, on ne peut pas forcer la main aux collectivités. On attend le feu vert pour déposer le permis. Et sur l’autre bâtiment avec le centre de formation et les bureaux du club, on est à 2/10. Mais sur les six à huit prochains mois, c’est la priorité absolue. Sur le sportif, l’élément central c’était de trouver la bonne personne. Aujourd’hui Olivier a les clés du camion. Il a structuré à sa sauce en prenant un coach, un assistant et un préparateur physique, en recrutant, avec une équipe plutôt sympa sur une année 1 de reconstruction. La reconstruction générale a aussi été demandée au niveau du sportif. On n’a pas pris beaucoup de plaisir sur les deux dernières saisons. Au-delà des résultats, on a manqué de jeu, de passion et chez nous on a besoin de ça. Le palais des sports est trop bouillant, brûlant, rempli de passionnés pour qu’en plus des mauvais résultats –qui font partie du parcours d’un club-, on n’ait pas de passion. Il a été demandé à Olivier de gagner des matches, c’est la priorité mais si on peut avoir une équipe assez joueuse capable d’enflammer Beaublanc ce n’est pas plus mal.
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Vous avez envisagé aussi de proposer le service « Inside CSP » avec un micro posé sur un membre du staff et des casques fournis à des spectateurs pour savoir ce qui se passe durant les temps-morts, de leur permettre de visiter les vestiaires avant le match, ce qui se fait déjà à Pau ?
On a déjà fait cette partie avec des partenaires Intermarché qui sont entrés dans le vestiaire avant le match de Chalon. Ils ont assisté au briefing. Ils vivent ça comme des supporters et aussi comme des chefs d’entreprise. On fait souvent des parallèles entre les managers du sport et les chefs d’entreprise. Ils touchent le Graal en étant dans le vestiaire qui est un espace privilégié mais ça les intéresse aussi professionnellement en voyant les outils de motivation avec des moments formels, d’autres davantage de motivation. Le chef d’entreprise d’Intermarché ne va pas prendre mot pour mot le discours mais ils ont peut-être vu des leviers, des réactions, qui peuvent leur servir. Olivier Bourgain m’a dit que c’était un moment beau à voir. Tout le monde est gagnant.
« Il faut arrêter de dire « tant mieux si le basket ne se développe pas car pendant ce temps-là, j’ai toujours ma part de gâteau, mon club n’est pas dépassé par la concurrence »
Ça ressemble au Tour de France lorsque les coureurs avant le départ se rendent au carré VIP ?
Sauf que là, c’est carrément pendant la course ! Je ne vais pas refaire le constat du basket mais il est évident que si l’on répète les mêmes méthodes durant les trente prochaines années comme on l’a fait durant les trente dernières, il n’y a aucune raison que les choses changent. Il faut arrêter de dire « tant mieux si le basket ne se développe pas car pendant ce temps-là, j’ai toujours ma part de gâteau, mon club n’est pas dépassé par la concurrence. »
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Demain la suite et la fin de l’interview.
Photos: Philippe Pécher (CSP) et LNB