Yann Ohnona est grand reporter basket pour L'Equipe depuis 2010 alors que Yann Casseville est rédacteur en chef de Basket Le Mag depuis 2016 après avoir été journaliste à Maxi-Basket, Basket News et Basket Hebdo.
Comment vous répartissez-vous les sujets à deux ? Et quel est le principe du Livre d’Or ? Beaucoup de textes courts ?
Le principe et l’ambition du Livre d’Or sont de retracer les principaux événements basket de l’année -l’événement (Wemby), les champions, les records, comme celui de LeBron James, devenu meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, les accomplissements (TP au Hall of Fame), et aussi les sujets qui ont marqué l’année comme l’arrivée de Skweek dans le paysage, le crash des Bleus au Mondial, la polémique Marine Johannès... La répartition est simple : nous privilégions les reportages, donc chacun s’occupe de traiter en priorité les événements qu’il a pu couvrir en personne, sur place, pour être à même de les nourrir d’interviews, anecdotes, recueillies sur le terrain, avec les acteurs du jeu. Yann Ohnona ayant notamment suivi pour L’Équipe l’épopée de Monaco de ses débuts jusqu’au Final Four, a passé plusieurs semaines à Monaco sur la saison, et a suivi l’équipe à Tel-Aviv et Kaunas. Ayant été au plus près de Victor Wembanyama durant la draft à New York puis son arrivée à San Antonio, il était logique qu’il gère ces sujets, sans que cela soit exclusif. De mon côté, j’ai vécu pour Basket Le Mag l’intégralité de la Coupe du monde à Djakarta puis Manille. Les textes ne sont pas nécessairement courts, nous faisons des choix, sans jamais oublier la place dévolue à la photo, important dans un « beau livre », et pour exploiter au mieux la base de donnée de L’Equipe en la matière.
Hormis l’avènement de Victor Wembanyama, quel a été pour vous l’événement majeur ?
L’épopée européenne de Monaco jusqu’au Final Four. Aucun représentant du Championnat n’avait atteint ce stade depuis 1997. Vingt-six ans, c’est une éternité dans le sport. Cette montée en puissance de la Roca Team a contribué à replacer la Betclic Élite sur la carte du basket européen, car il faut se rappeler qu’il y a quelques années seulement, aucun club français ne disputait l’Euroleague. Le chemin pour rallier le Final Four fut marquant, avec ce quart inoubliable face au Maccabi, soutenu par une ferveur exceptionnelle à Tel-Aviv… Cette épopée, c’est aussi l’histoire de Mike James, talent inouï, l’un des meilleurs joueurs vus dans l’histoire de la LNB, un temps suspendu par l’équipe avant d’en redevenir l’un des leaders.
Victor Wembanyama donne-t-il un coup de booster à la NBA en France comme Michael Jordan au début des années 90 ? Est-ce profitable au basket français ?
Les époques sont incomparables. La NBA est aujourd’hui diffusée quotidiennement sur beIN Sports depuis 2012, plus de 40 Français en ont foulé les parquets. Son audience croissait déjà en France avant Wembanyama, alors qu’elle était encore méconnue au début des années 1990. Mais la Wembamania permet à la fois d’amplifier et d’accélérer le processus « d’implantation » dans la culture sportive française. Il y a déjà eu des articles dans Le Monde, des sujets aux JT de TF1 et France TV… Regarder les matches NBA en pleine nuit reste une affaire de passionnés, mais tous les matins, avec la profusion de highlights et de contenus sur les réseaux, n’importe qui peut avoir sa dose quotidienne de « Wemby ». Et comme il va disputer les Jeux Olympiques de Paris 2024, il y a un vrai lien entre sa saison et le basket français. Le public est intéressé par sa première année aux États-Unis, mais salive aussi à l’idée de le voir bientôt rejoindre l’équipe de France, de le voir associé à Rudy Gobert, etc. Parler de Victor Wembanyama, c’est parler de sa formation à Nanterre, de son titre de champion avec l’ASVEL, de son incroyable année à Boulogne-Levallois. C’est forcément positif pour le basket français.
Raisonnablement, que peuvent espérer les deux équipes de France de 5x5 aux Jeux Olympiques de Paris ?
Deux podiums ! Ambitieux mais cohérent eu égard à leur statut : à Tokyo, les hommes ont remporté l’argent, les femmes le bronze. Depuis, même si bien sûr il y a eu un certain renouvellement, des bases sont présentes. Les Bleu(e)s ne sont pas favoris – cela reste le statut des États-Unis –, ni même pour une médaille, mais ils font partie des (nombreux) candidats légitimes. Et il faut garder en tête le format des JO. Au contraire de celui de la Coupe du monde masculine, piégeux, celui des Jeux, avec 12 équipes (32 au Mondial) est plus direct : après le premier tour, rendez-vous directement en quarts. Plus de 2e tour, de 8e de finale, etc. Autrement dit, si une équipe sort du premier tour, elle n’a qu’un match couperet à gagner pour être en position de jouer une médaille. C’est une compétition où, pour grossir le trait, tout se joue en quart.
Avec la montée en puissance de tous les jeunes, ces équipes de France ne seront-elles pas encore plus compétitives… aux JO de Los Angeles en 2028 ?
Que les équipes de France soient compétitives en 2028, oui, mais… 1- on sait à quel point se révéler en pro et confirmer en club/en équipe de France sont deux choses différentes ; 2- d’autres nations comme l’Espagne, le Canada, pourraient aussi être plus redoutables encore d’ici-là ; 3- puisque les deux équipes de France sont déjà médaillées olympiques et candidates à un nouveau podium en 2024, il est difficile de demander plus. L’un des sujets majeurs pour l’avenir du basket français est la transformation de ces potentiels en des éléments à même d’évoluer au plus haut niveau en club. Le talent est là, beaucoup de pays étrangers envient la quantité et la qualité des prospects garçons. Désormais, l’objectif doit être de que ces jeunes, qui suivent des chemins différents – ici en France, là en Australie, ici en G-League, etc. –, trouvent des terrains d’expression.
Et l’équipe de France de 3x3 féminine en attendant une éventuelle qualification des garçons ?
Là encore, une médaille peut être envisagée. C’est l’objectif des joueuses, qui se nourrissent de l’expérience des Jeux de Tokyo, de la frustration de leur 4e place, qu’elles ont utilisée depuis comme moteur afin de se préparer pour Paris 2024. Le groupe France a atteint une certaine maturité, et le fait que les joueuses aient, cette saison, stoppé temporairement leur carrière dans le 5x5 pour se consacrer au 3x3 est un atout majeur. Elles vont venir à Paris pour une médaille, après avoir eu cet objectif en tête quatre ans tous les jours ou presque. Mais là encore, l’ambition, nécessaire, ne garantit rien – surtout au 3x3 avec ses matches très courts ! Quoi qu’il en soit, il y aura bien des choses à raconter dans le Livre d’Or du Basket 2024…
Le Livre d'Or Basket 2023. Par Yann Ohnona et Yann Casseville. Editions Solar et L'Equipe. 128 pages. 22cm x 25,5cm. 29,99 euros.