Ancien journaliste et responsable aujourd’hui du bureau médias France de la Fédération Internationale, Thomas Berjoan est l’auteur de l’édition 2019 du traditionnel Livre d’Or du Basket, qui est toujours un cadeau de fin d’année apprécié. Pour en savoir davantage sur les acteurs de l’année écoulée, nous lui avons posé quelques questions.
–Quels sont pour vous les personnages marquants de l’année 2019 ?
Je vais donner mon Top 3. Le premier, c’est évidemment Tony Parker. Retraite du plus grand basketteur français de tous les temps, trois ans après sa retraite internationale à la suite des Jeux de Rio, c’est un événement évidemment en soi incontournable. D’ailleurs je recommande son autobiographie qui vient de sortir chez Solar Editions, écrite avec David Loriot interlocuteur privilégié pendant deux décennies pour le groupe L’Equipe. Son palmarès, son jeu, son impact sur toute une génération, il y a tant de choses à dire sur sa carrière de joueur. Mais il est aussi l’homme de l’année pour sa saison de dirigeant. Champion à nouveau avec l’Asvel après 2016, le doublé avec la coupe de France, le doublé filles-garçons aussi avec le titre des dames de l’Asvel. Bref, difficile de ne pas faire – vu de France – de 2019 l’année de TP. Si on rajoute à ça l’ouverture de son académie, le partenariat signé avec Aulas et l’OL, le recrutement des stars françaises chez les filles comme chez les garçons et ce début de saison canon en Euroleague, c’est incroyable. Et sans doute pas fini. En juin, et je finis avec ça pour son année 2019, il a pris la tête de la division sports, artistes et divertissements de NorthRock Partners. Une agence de management spécialisé dans la gestion de patrimoine en Amérique du Nord. Pour ceux que ça intéresse je conseille l’excellente série Ballers sur HBO avec The Rock dans le rôle principal – c’est très instructif, très drôle, très masculin aussi. NorthRock compte 45 sportifs pro et des propriétaires de franchises NBA. Yohann Sangaré, l’ancien meneur des Bleus en 2007 et ancien de GM de l’Asvel est parti pour être le bras-droit de TP sur le dossier. Je ne serai pas surpris qu’ils tentent de monter un tour de table suffisant pour devenir actionnaire d’une franchise NBA. Vu la prise de valeur des franchises sur les dix dernières années, difficile d’imaginer un meilleur investissement. A titre personnel, je mets une pièce sur Milwaukee qui est encore abordable – 1,4 milliard quand même en 2019 – mais dont la valeur a triplé depuis 2014 et qui a un futur prometteur grâce à la loyauté affichée par Giannis Antetokounmpo. Bref, je prends tous les rêves de Parker très au sérieux désormais.
A la deuxième place, Marc Gasol. Parce que le doublé Coupe du Monde FIBA – titre NBA, ils ne sont que deux dans l’histoire à l’avoir réussi. Lamar Odom en 2010 et lui. Evidemment il n’est pas le personnage central du titre des Raptors mais il est essentiel. J’ai été frappé de voir à quel point son transfert à été sous-commenté et sous-estimé dans l’ensemble des analyses du titre. Gasol était quand même le franchise player de Memphis depuis des années, All-Star, meilleur défenseur de l’année. Et surtout, quand il débarque, il accepte sans rechigner un rôle en dessous de ses capacités pour le bien de l’équipe. Il se met au service. C’est tellement rare. Et quel totem dans la raquette des deux côtés du terrain ! Et avec l’Espagne, Ricky Rubio mérite son trophée de MVP de la Coupe du Monde mais en demi-finale, alors que la Roja est dominée vraiment contre l’Australie, c’est lui qui gagne ce match en deuxième mi-temps, avec 29 points en deuxième mi-temps plus prolongation je crois. Il force vraiment son jeu et sa nature au moment où son équipe ne peut plus s’en sortir s’il continue à dérouler tranquillement. Et puis, sur ces deux événements, il a clairement été le MVP des célébrations post-victoire ! Très attachant, même pour nous Français je crois. Bref, un mec bien et un joueur fantastique.
Sur la troisième marche, celle sur laquelle il est monté cet été avec les Bleus à la Coupe du Monde, Vincent Collet. Après des années difficiles avec ses défaites en finale avec la SIG, des campagnes frustrantes avec l’équipe de France sur 2015, 2016 et surtout 2017, des années douloureuses aussi pour lui sur le plan personnel, on a beaucoup entendu qu’il était fini, que la fédération aurait dû le débarquer. Je n’ai jamais fait partie de ceux-là. Une carrière de coach est forcément faite de hauts et de bas, mais son éthique de travail et sa connaissance du jeu est telle qu’avec lui, on sait ce qu’on a. On est assuré d’un niveau plancher et il a remporté sa 5 médailles depuis 2009. 2018, tout au long des fenêtres qualificatives à la coupe du monde, il a pris énormément de plaisir avec un groupe très à l’écoute et il a su enchainer en 2019 avec une formidable réussite collective. Evidemment, il y a le trou noir contre l’Argentine en demi. L’excès de confiance, le K.-O. debout après le premier quart et l’incapacité de cette équipe et de ses leaders à réagir. Mais quand même. On a retrouvé une défense, un véritable équilibre des forces en attaque, une belle volonté de jouer ensemble, de se passer le ballon, un collectif, de la solidarité, de la maîtrise technique de l’adversaire et des stratégies globales. Beaucoup de choses sont à mettre à son crédit.
-Et les équipes ?
J’ai été très long sur les hommes, je vais tenter de faire court. La fin tragique de la dynastie invincibles de Warriors, c’était quand même quelque chose. Quelle intensité dramatique aux Finals avec la succession de blessures, retours, espoirs, déceptions. Quelle drama fou ! Après, j’ai été très impressionné par les Raptors version 2019 qu’on ne reverra plus. Le sang-froid de cette équipe, sa capacité à attaquer et défendre ensemble, à trouver des joueurs capables de faire la différence autour de la superstar Kawhi, c’était magnifique. Pascal Siakam, Fred Van Fleet, Serge Ibaka. J’ai adoré. Pour revenir à la Coupe du Monde, comment ne pas respecter ce qu’a réussi l’Argentine, l’optimisation totale de ses moyens relatifs, l’état d’esprit parfait, l’agressivité et le mental tellement au-dessus des autres. On en a fait les frais, je ne le soupçonnais pas à ce point et ils ont mon respect éternel. Au niveau français, l’Asvel et Monaco nous ont offert une très belle finale. C’étaient deux belles équipes, très bien coachées, physiques et intense. La continuité choisie depuis quelques années payent. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour ce que Laurent Legname le coach, Jean-Louis Borg le GM et le club sont en train de faire à Dijon. Leurs résultats en Jeep Elite et en Champions League, vu le budget et la masse salariale sont un bel hommage à leur compétence. Même chose pour la construction et la progression de « mon » club de la JL Bourg. Je n’aurai pas soupçonné une telle trajectoire il y a dix-quinze ans. Et j’en suis ravi.
-Pourquoi avoir choisi Kevin Mayer pour la préface ?
C’est un recordman du monde d’une discipline extraordinaire de l’athlétisme, le décathlon. C’est un personnage charismatique, bien dans sa tête, humble, sympa, à la pensée structurée. Et il a découvert assez récemment le basket et est tombé complètement dedans. Depuis, il regarde la NBA, il va voir des matches de basket féminin près de chez lui, il pratique pour se détendre. Il a une réflexion forcément intéressante sur notre discipline vu son quotidien. Bref, ça aurait été vraiment dommage de s’en priver non ?
-Depuis quand existe le Livre d’Or ?
Alors, il s’agit de la plus vieille collection de livres annuels sportifs en France. Je n’ai pas en tête les dates exactes, mais le plus vieux que j’ai vu passer pour l’édition basket, remonte à 1978. 2019 serait donc la 42e édition, à voir s’il y a eu des interruptions mais je ne crois pas. C’est une véritable institution et je suis ravi que Solar me fasse confiance. J’ai commencé en 2010 avec mes collègues Fabien Friconnet et Pierre Matigot, on l’a écrit à six puis à quatre mains et à partir de 2014 je navigue seul.
– Quels sont les ouvrages sur le basket que vous avez déjà écrit ?
En plus des Livre d’or, j’ai publié en 2016 American Dream, format beau livre, sur l’histoire des Français en NBA. De la draft de Jean-Claude Lefebvre jusqu’au moment du bouclage du bouquin et la draft de Petr Cornelie au deuxième tour en 2016. Et toutes les histoires plus connues entre évidemment, Hervé Dubuisson, Tariq Abdul-Wahad, Jérôme Moïso, Parker, Diaw, etc… Ceux qui ont réussi, échoué, pourquoi la France plaît autant à la NBA, des analyses, des interviewes, des portraits. En 2018, j’ai publié, chez Marabout, une biographie de Stephen Curry. Sa vie, son œuvre et la révolution qu’il a imprimé sur le jeu en NBA. En mars 2019, dans la même collection, j’ai sorti une biographie de LeBron James. J’essaye de répondre à toutes les questions qu’on peut se poser à son sujet, d’éclairer par le récit de sa vie ses choix, ses comportements. Evidemment, je parle aussi de ses accomplissements, sa longévité incroyable, son impact sur et en dehors du terrain. LeBron est vraiment une star qui va au-delà de ce qui se joue sur un parquet. Un destin bigger than life !
Le Livre d’Or du Basket 2019 par Thomas BERJOAN, préface de Kevin MAYER. 136 pages. Format 22x28cm. 29,99 euros. Solar Editions.