Le week-end dernier, les U18 ont obtenu au championnat d’Europe en Lettonie une médaille de bronze. Ce n’était pas écrit dans le marc de café car la génération 2000 n’est pas la plus talentueuse et elle était privée de son joyau, Sekou Doumbouya. Son coach Frédéric Crapez nous explique comment elle a réussi ce qui est un exploit et il revient sur la raison qui fait que depuis un quart de siècle la France moissonne des médailles en jeune alors qu’auparavant c’était le néant. Demain, il nous brossera le portrait de chacun des médaillés.
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Pourquoi Sekou Doumbouya n’a t-il pas participé à ce championnat d’Europe ?
Il était prévu pour les U20. Il a été blessé, en rééducation fin juin, début juillet. On a su qu’il ne ferait pas les U20 alors on s’est dit pourquoi pas les U18 ? Mais en fait je n’ai jamais fait les camps avec Doumbouya. Ce que l’on a du mal à accepter c’est que pour un garçon comme ça, la fédération a fait beaucoup par rapport à sa naturalisation, ses papiers, etc, et que pendant que nous étions au championnat d’Europe, il faisait des dunks à Dallas. Qu’il ne veuille pas faire deux campagnes pour l’équipe de France chaque été, je peux le comprendre, mais en faire zéro par rapport aux efforts consentis par la fédé, c’est un peu cavalier. Les mecs sont dans leur plan de carrière individuel et je trouve dommage qu’ils ne montrent pas trop d’attachement au maillot tricolore. On sait très bien que le gamin est conseillé et qu’on lui dit de faire ci et de faire ça.
L’Euro U18, c’est pourtant un super test au niveau européen et beaucoup de scouts NBA y sont présents ?
Ils sont tous là ! Le truc c’est que Sekou fait l’Euro U18 en décembre 2016 alors qu’il avait seize ans avec Tahar (Assed-Liegon) où ils sont champions d’Europe et il est élu dans le 5 du tournoi. Ses conseillers pensent peut-être qu’il n’a pu rien à faire dans cette catégorie. C’est uniquement ça.
Y avait-il d’autres absents ?
Babacar Niasse devait faire partie de l’équipe et il s’est blessé. Il n’y a pas trop de profondeur dans la génération 2000. A l’Euro cadet U16, ils ont fait 6e, en tombant la Grèce en huitièmes comme cette année, un hasard des compétitions. Et cette année-là, la Grèce était descendue. Le meilleur marqueur, c’était Joël Ayayi avec 11,3 points suivi de Babacar Niasse (10,4) de Théo Malédon (8,4) et de Mathis Dossou Dovo (7,6). Après, il y avait un fossé avec les autres. On savait que Malédon ne souhaitait pas doubler (NDLR : le Villeurbannais a été cet été vice-champion du monde U17) et que sans Niasse qui s’est blessé en Serbie le 12 ou 13 juillet, ça allait être compliqué. Il fallait que d’autres joueurs qui n’étaient pas connus se révèlent, montrent leurs progrès. Si on en est là, c’est que ça s’est passé comme ça mais au départ, tu ne le sais pas. La deuxième chose, c’est que moi qui avais fait l’Euro U18 l’an dernier, je n’avais pas été impressionné par le niveau européen de la génération 99. Et nous, sans Jaylen Hoard, Yves Pons, Joël Ayayi, et Timothé Basile qui est venu et qui était blessé, on n’en menait pas large. Finalement on perd d’un point contre les Espagnols qui font la finale. Avec une équipe de bric et de broc, on a failli faire un truc. Et cette année, quand on a fait le Tournoi de Mannheim et que j’ai vu les équipes, je me suis dit bop, bop, bop. En fait, à cet Euro, il y avait davantage d’équipes qui pouvaient se battre les unes contre les autres. C’était très dense. Il y avait une équipe que je ne voulais pas croiser, c’est la Lettonie et ça s’est vérifié en huitième car les Turcs se font voler. Sur un rebond offensif à la fin, il y a vraiment une faute marquée d’un Letton sur un Turc et l’arbitre ne siffle pas. Les Lettons avaient certes une bonne équipe mais s’il y a deux lancers et que la Turquie les met, elle passe à la trappe. On savait qu’à chaque match ce serait la guerre et qu’il ne fallait surtout pas se tromper d’objectif, le match le plus important c’était le quatrième. Qui prendre ? Mis à part la Lettonie, ça nous était égal. Le hasard a fait que l’on a rencontré la Grèce et pas la Lettonie et on est passé. On a soufflé ! Avec le meilleur joueur de la génération qui est absent, tout comme un des bons joueurs de l’Euro U16 que j’avais emmené l’année dernière avec les 99 -j’avais trois 2000 l’année dernière Dossou-Dovo, Choupas et Niasse-, on se demandait ce qui allait nous arriver !
« Et après, en U18, tu reviens à un pauvre petit championnat d’Europe et c’est plus compliqué car les bons sont aspirés par les agents, les scouts, rêvent de NBA et on est malheureusement plus dans des projets individuels, on commence à gérer des plans de carrière… »
Ce n’est pas l’équipe la plus talentueuse de ces dernières années mais par contre, elle est courageuse ?
Tout à fait. Les gamins forment un bon groupe avec un bon état d’esprit et ils n’ont jamais rien lâché. Ils croyaient en eux. On leur a dit, « à part vous et vos proches, personne ne croit en vous. Il faut que l’on croit en nous et que l’on joue ensemble. » Leur identité, c’était celle du basket masculin tricolore. Il faut que l’on défende dur, que l’on agresse nos adversaires, et derrière que l’on ait un jeu de relance, que l’on puisse courir. On essaye d’avoir un fonds de jeu commun mais après on doit s’adapter en fonction des joueurs pour les mettre plus ou moins en valeur. Et surtout on partage le ballon et on est présent au rebond ! C’est sûr que l’on a souffert au rebond sur cette campagne car c’était plus compliqué au niveau du deuxième intérieur. On n’a pas trop de profondeur et on est bien content que Essomé Miyem et Timothé Crusol (NDLR : deux 2001) soient venus compléter l’effectif.
C’est cette agressivité qui vous permet de renverser des situations totalement compromises comme lors du match pour la 3e place quand vous êtes menés de 14 points ?
Tout à fait. Quand on est coach, on n’a pas le droit d’abandonner et on n’a pas abandonné. Le message du départ, c’était de leur dire de jouer sur nos points forts, avec enthousiasme et mettons-nous minables en défense face aux adversaires et on verra ce qui se passera. Je leur ai dit qu’on ne pourra jamais leur en vouloir d’avoir mouillé le maillot. Après au basket, le ballon tourne autour du cercle, il y a celui qui ressort et celui qui rentre. Ça, ce sont des choses qui ne se contrôlent pas. Par contre, être dur sur le gars d’en face, défendre à cinq et pas chacun de son côté, c’est ce qui va faire la force de l’équipe. Le message est passé puisqu’on a réussi à gagner des matches. Ils se sont investis et on ne peut que les féliciter.
Pour revenir au forfait de Sekou Doumbouya, est-ce un cas isolé ou un problème de fond qui menace les équipes de France jeune ?
C’est un problème de fond ! Si j’analyse le phénomène, je me dis qu’en U16, ils ne sont pas connus. Ils font tous le championnat U16. Avec tout ce que l’on a mis en place au niveau fédéral dans les pôles espoirs, dans nos équipes nationales de jeune, dans notre système de détection, on aura régulièrement de bons résultats dans cette catégorie. La preuve en est, depuis quelques années, ça s’est accéléré alors qu’il fut un temps en cadet c’était difficile pour la France. Maintenant ce n’est plus le cas en filles et en garçons, on est dur à jouer. Après évidemment, il y a des générations avec plus ou moins de talents mais il y a un fond, une masse qui sont là et on arrive à tirer des bons joueurs. Je pense qu’on se qualifiera souvent pour le Mondial U17 puisque les cinq premiers européens y sont. Les gamins sont donc tous là en U16, en U17, ils sont sur la lancée et ils veulent faire un championnat du monde, c’est normal. Et après, en U18, tu reviens à un pauvre petit championnat d’Europe et c’est plus compliqué car les bons sont aspirés par les agents, les scouts, rêvent de NBA et on est malheureusement plus dans des projets individuels, on commence à gérer des plans de carrière, ce que l’on peut comprendre, mais ça devient difficile pour les équipes nationales. On a quand même un réservoir, plus de trente centres de formation de clubs professionnels qui travaillent. Prenons un Jacques Eyoum. C’est un soldat, un guerrier, qui a apporté des choses extraordinaires à l’équipe de France U18. Le boulot de l’ombre qui permet à l’équipe de se bonifier. Je ne sais pas si Jacques Eyoum aura la même réussite en senior.
Il n’a pas la taille…
On le sait bien ! Mais grâce à des gens comme ça, on arrive encore à exister. Mais j’ai envie de dire : attention ! A force de ne pas avoir untel, untel, untel… Les autres nations travaillent aussi et un jour ça peut être compliqué. Et nous on ne voulait pas être les premiers à faire descendre une équipe de France U18 dans le groupe B ! Il faut avoir conscience que si on refaisait l’Euro avec les mêmes gars dans deux mois, en changeant les poules, on ne peut pas savoir comment ça se passerait. Là, on n’avait aucune marge.
Quel classement faut-il avoir pour descendre dans le groupe B ?
Les 14, 15 et 16e descendent. Ça n’est jamais arrivé mais on a eu une alerte avec, je crois, la génération 94 quand il y avait beaucoup d’absents. Aimé (Toupane) en U20, il y a deux ans, pareil. Il fait 13e. Pour l’instant on s’en est sorti mais quand tu es coach et que tu joues ces matchs-là, c’est horrible. Tu sais que tu peux avoir une équipe bien meilleure que ça si tous les garçons sont là et là les absences pénalisent.
Les autres pays subissent-ils le même type de forfaits ?
Prenons l’exemple de (Marko) Pecarski, qui joue au Partizan de Belgrade en senior. Il a douze minutes de temps de jeu en moyenne en Eurocup, c’est un vrai joueur. Mehdy Mary (NDLR : son assistant qui l’est aussi au Limoges CSP) m’a dit qu’ils l’ont joué en Eurocup et qu’il était dans le cinq de départ contre eux. Et il fait l’Euro U18. Nous, on a des profils pour être les plus sollicités par rapport à la NBA. On a des profils athlétiques. Les autres nations ont plus des profils Euroleague. Les Serbes, les Monténégrins, ce sont les rois du pick n’roll en protection. On a vu de futurs grands joueurs d’Euroleague. Pour Pecarski ça sera certainement compliqué pour lui d’aller en NBA à cause de ses qualités physiques. Par contre, en Euroleague, je pense qu’il va faire une grande carrière.
« Pourquoi on a ces résultats-là ? Parce qu’en 1987, Pierre Dao, DTN de l’époque, a dit : « je veux que mes joueurs à partir de 13 ans s’entraînent quotidiennement »
L’Espagne a terminé neuvième, ce qui est un classement singulier pour elle. C’est un accident industriel ?
Je pense que c’est accidentel. L’Espagne a été, est et restera une grande nation de basket. Ce que l’on remarque tout de même avec le CFBB quand on fait des tournois d’Euroleague c’est qu’ils ont beaucoup d’étrangers dans les clubs. Au Barça ou au Real, sur douze joueurs la moitié ne sont pas Espagnols. Ils naturalisent aussi pas mal d’Africains pour continuer à exister. Sur cette compétition, ils étaient dans la poule la plus faible et ils ont laminé les trois équipes qu’ils ont joué mais ils ont croisé avec une poule qui était très forte, à savoir la Lituanie, la Serbie, le Monténégro et aussi la Grande-Bretagne qui a été surprenante avec des athlètes, des joueurs de couleur un peu comme nous. Lituanie-Monténégro, il y a eu deux points d’écart. Monténégro-Serbie, il y a eu une victoire de la Serbie de deux points après prolongation. L’Espagne tombe sur le Monténégro en huitième qui s’était fait surprendre par la Grande-Bretagne lors du premier match car ils n’étaient pas prêts. Je pense que le coach a du prévenir ses joueurs. Ils débutent bien le match ce qui les conforte dans leur confiance et les autres ne lâchent rien, ils reviennent petit à petit et ils passent devant. Jusqu’à la fin l’Espagne est derrière et ils n’ont pas le temps de revenir. Donc, manque de matches difficiles avant, pas prêts, et le premier match dur, ils perdent. Après, ils se sont bien vengés en terminant neuvièmes. Je pense que c’est accidentel, pas un problème de fond pour eux.
(L’interview reprend après avoir passé les joueurs en revue, à découvrir demain).
J’ai eu un super staff. Mehdi Mary et Romain Chenaud (Elan Chalon), ça n’a été que du bonheur avec un échange de compétence toute la campagne. Je les remercie chaleureusement du travail effectué. Ce sont deux excellents techniciens de nos centres de formation. A la vidéo, on avait Romain Zwicky qui travaille avec Fred Fauthoux au Paris-Levallois. C’était un staff technique de grande qualité avec le préparateur physique et le staff médical qui ont fait aussi leur taf. C’est une aventure humaine avant tout et de ce côté-là, tout a vraiment bien fonctionné avec des personnes de qualité.
Avant le titre de champion d’Europe de 1992 dû à la génération Laurent Sciarra, il n’y avait jamais de résultats en jeune sinon une médaille d’argent en 1967. Depuis chaque année il y a des médailles. On a l’impression qu’une fois que la machine est lancée, on récolte des fruits chaque année…
J’ai connu la période d’avant et je vis pleinement celle-là. Pourquoi on a ces résultats-là ? Parce qu’en 1987, Pierre Dao, DTN de l’époque, a dit : « je veux que mes joueurs à partir de 13 ans s’entraînent quotidiennement. » Il a créé les Centres d’Entraînement de Haut Niveau qui sont devenus les Pôles Espoirs. Et en même temps, il a obligé les clubs professionnels à avoir des centres de formation en Pro A. A partir de là les joueurs de 13 à 21 ans ont pu s’entraîner quotidiennement. Ils ne le faisaient pas avant ! J’avais été voir le championnat d’Europe cadets en Grèce en 1991 et j’avais écrit à la main un rapport. J’avais demandé comment les autres faisaient. Déjà en terme de détection, ils les prenaient quatre ans avant alors que je sortais d’un stage à Caen avec Lucien Legrand où on était juste deux ans avant l’Euro. La deuxième question, c’était « combien de fois par semaine s’entrainent vos joueurs ? » Chaque jour ! Et nous à partir de 87, on a fait ça. On s’est mis à travailler et tout naturellement, comme on n’est pas plus bêtes que les autres, que l’on a des joueurs athlétiques, etc, c’est normal que l’on ait des résultats. Après, il ne faut pas s’endormir ! Quand j’entends dire que l’on peut remettre en question ceci et cela et même le championnat espoirs, je réponds : nous a-t-il empêché ce championnat espoirs d’avoir de bons résultats ? A-t-il empêché Frank Ntilikina d’être drafté numéro 8 en NBA ? Non. Avant de tout remettre en question comme le souhaitent certains, attention ! Oui, peut-être faut-il en diminuer un peu, on sait que ça forme beaucoup de joueurs de N1 et de N2 mais, comme ils le disent en judo, on a besoin de partenaires d’entraînement. Pour en faire émerger un ou deux, on a besoin en basket d’être dix dans une équipe. La fédération met aussi des moyens. Toutes les nations n’ont pas les moyens que nous avons. Il y a des pays qui ciblent certaines générations et qui de temps en temps mettent moins de moyens sur d’autres. Nous, on met des moyens partout. J’ai envie de dire que l’on est fidèle aux valeurs de la République : donner sa chance à tout le monde. Il faut avoir aussi conscience qu’on a les moyens pour travailler.
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Pourquoi Sekou Doumbouya n’a t-il pas participé à ce championnat d’Europe ?
Il était prévu pour les U20. Il a été blessé, en rééducation fin juin, début juillet. On a su qu’il ne ferait pas les U20 alors on s’est dit pourquoi pas les U18 ? Mais en fait je n’ai jamais fait les camps avec Doumbouya. Ce que l’on a du mal à accepter c’est que pour un garçon comme ça, la fédération a fait beaucoup par rapport à sa naturalisation, ses papiers, etc, et que pendant que nous étions au championnat d’Europe, il faisait des dunks à Dallas. Qu’il ne veuille pas faire deux campagnes pour l’équipe de France chaque été, je peux le comprendre, mais en faire zéro par rapport aux efforts consentis par la fédé, c’est un peu cavalier. Les mecs sont dans leur plan de carrière individuel et je trouve dommage qu’ils ne montrent pas trop d’attachement au maillot tricolore. On sait très bien que le gamin est conseillé et qu’on lui dit de faire ci et de faire ça.
L’Euro U18, c’est pourtant un super test au niveau européen et beaucoup de scouts NBA y sont présents ?
Ils sont tous là ! Le truc c’est que Sekou fait l’Euro U18 en décembre 2016 alors qu’il avait seize ans avec Tahar (Assed-Liegon) où ils sont champions d’Europe et il est élu dans le 5 du tournoi. Ses conseillers pensent peut-être qu’il n’a pu rien à faire dans cette catégorie. C’est uniquement ça.
Y avait-il d’autres absents ?
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Demain: Les 12 médaillés de l’Euro U18 vus par leur coach
Photos: FIBA. En ouverture: Mathis Dossou Dovo. En haut: Frédéric Crapez. Au milieu: Kenny Baptiste.